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    Les quatre périodes du développement intellectuel

    Jean Piaget découpe le développement intellectuel de l'enfant et de l'adolescent en quatre grandes périodes ou niveaux.

    Piaget divise le développement psychologique de l'enfant en plusieurs périodes, chacune elle-même divisée en stades, conditionnant le suivant.

    Les différents moments du développement sont :

    1. La période de l'intelligence sensorimotrice (de la naissance à 2 ans), divisée en 6 stades.
    2. La période de l'intelligence préopératoire (de 2 à 6 ans), divisée en 2 stades.
    3. La période des opérations concrètes ou de l'intelligence opératoire (de 6 à 10 ans).
    4. La période des opérations formelles (de 10 à 16 ans).

    Le fonctionnement cognitif est le même pour tous les enfants appartenant à la même période.

    Les notions de périodes impliquent que :

    • l'ordre de chaque période soit toujours la même chez tous les enfants ;
    • pour toutes les périodes, une organisation cognitive existe (c'est-à-dire qu'on y trouve des pensées et des comportements) ;
    • lors du passage à une autre période plus avancée, les structures cognitives et les connaissances déjà acquises sont intégrées (ce qui est nommé l'emboîtement hiérarchique).

    Lorsqu'il y a passage d'un stade à un autre, l'intelligence des enfants change radicalement.

    I. La période de l'intelligence sensorimotrice

    Au début, l'intelligence est essentiellement pratique. Elle se construit en fonction des sens et de la motricité de l'enfant. Elle lui permet d'organiser le réel selon un ensemble de structures spatio-temporelles et causales.

    La période sensorimotrice inclut des comportements et des connaissances de type sensoriel ou moteur.

    À cette période, l'enfant ne possédant ni langage ni fonction symbolique, ces constructions s'effectuent en s'appuyant exclusivement sur des perceptions et des mouvements, autrement dit, par une coordination sensorimotrice des actions sans intervention de la représentation ou de la pensée.

    Au cours de cette période, les principales acquisitions cognitives sont la causalité, la permanence de l'objet et la représentation symbolique. Ce que Piaget entend par permanence de l'objet est le fait qu’une personne accorde une existence aux choses « extérieures au moi, persévérant dans l'être lorsqu’elles n'affectent pas directement la perception » (cf. Piaget, 1937).

    Pour les détails : Lien URL

     

    II. La période de l'intelligence préopératoire

    Piaget divise la période préopératoire en 2 stades : le stade de la pensée symbolique (ou préconceptuelle) et le stade de la pensée intuitive. Le stade de la pensée symbolique concerne l'enfant de 2 à 4 ans environ, tandis que celui de la pensée intuitive concerne celui de 4 à 6 ans environ.

    Pour les détails : Lien URL

     

    III. La période des opérations concrètes ou de l'intelligence opératoire

    Pendant cette période, cette intelligence, dite opératoire, reste dépendante de la présence dans le champ de la perception des éléments sur lesquels porte la réflexion, marquée par la réversibilité de toute opération. La période des opérations concrètes correspond au stade des conduites opératoires.

    Cette période est marquée par l'acquisition de certaines notions (les âges sont donnés à titre indicatifs) :

    • Les conservations physiques :
      • Conservation de la quantité de la matière (7-8 ans) : un morceau de pâte à modeler contient la même quantité de pâte qu'il soit présenté en boule ou en galette.
      • Conservation de la quantité de poids (8-9 ans) : un kilogramme de plume est aussi lourd qu'il soit présenté dans un sac ou dans plusieurs.
      • Conservation de la quantité de volume (11-12 ans) : le volume d'un litre d'eau reste inchangé, qu'on le présente dans une bouteille, ou dans un récipient plus évasé.
    • Les conservations spatiales :
      • Conservation des quantités numériques (7 ans) : quand on place une rangée de jetons peu espacés et qu'on demande à l'enfant de prendre autant de jetons que l'exemple, il réalisera correctement l'exercice.
      • Classification (8 ans).
      • Sériation (8 ans).
      • Groupements multiplicatifs : c'est la capacité à combiner la classification et la sériation.

     

    Pour les détails : Lien URL

     

    IV. La période des opérations formelles

    Cette période est caractérisée par 5 éléments : le passage du concret à l'abstrait, le passage du réel au possible, la prévision des conséquences à long terme, la logique déductive et la résolution systématique des problèmes.

    Cette période est celle de l'adolescence. Vers 11-12 ans et jusqu'à 16 ans l'individu va mettre en place les schèmes définitifs qu'il utilisera tout au long de sa vie. Alors que l’enfant, jusqu’alors, ne pouvait raisonner que sur du concret, l'adolescent peut maintenant établir des hypothèses détachées du monde sensible. Dans la théorie piagétienne, l’accès à la logique formelle est la dernière étape d’un processus qui débute dès la naissance. Comme toute étape elle est le fruit d’une succession d’adaptations au réel. Vers l’âge de 11 ans l’enfant ne peut plus se contenter d’une logique concrète, il commence à ressentir le besoin d’établir des hypothèses, des raisonnements hypothético-déductifs (du type si…alors) pour mieux appréhender le monde. Durant les cinq ans que dure ce stade les schèmes logiques vont se mettre en place et s’affirmer jusqu’à ce qu’ils soient totalement opérationnels vers l’âge de 16 ans. Jusqu'à l'adolescence, le possible est une forme du réel. À la période de l'intelligence formelle, c'est le réel qui est une forme du possible. Cela signifie que pour l'enfant la base est le réel et qu'il échafaude des hypothèses à partir de celui-ci, mais par la suite il est capable d'imaginer des théories décontextualisées pour ensuite les appliquer au monde sensible.

    Pour les détails : Lien URL

      

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    Les stades du développement intellectuel de l'enfant et de l'adolescent

    La description des stades du développement intellectuel va permettre de préciser davantage les principes généraux cités dans le chapitre précédent.

    Pour effectuer cette description et expliquer les faits observés, Piaget et ses collaborateurs ont employé une méthode qu'ils qualifient de "clinique". Elle diffère assez largement de la méthode expérimentale.

    A. La méthode "clinique"

    1. Cette expression - "méthode clinique" - peut avoir, en psychologie, des significations très différentes.

    Elle évoque le plus souvent la méthode des psychologues procédant à l'examen approfondi d'individus particuliers dans une perspective proche de la psychanalyse. La méthode de Jean Piaget est très différente.

    2. La méthode clinique de Piaget consiste en une conversation avec l'enfant à propos d'une tâche qu'il lui demande d'effectuer comme un jeu.

    L'observateur va, par exemple, demander à l'enfant de partager une boule de plasticine en deux boules qui doivent contenir "la même chose de pâte". L'observateur fait ensuite rouler l'une des deux boules sous la forme d'un long saucisson. Il demande ensuite à l'enfant s'il y a toujours "la même chose de pâte" des deux côtés.

    Bien entendu, ce matériel et sa manipulation ne sont pas quelconques. Ils ont été choisis de façon à permettre un constat relatif à une question que le psychologue pose dans le cadre d'une certaine problématique. Le "jeu" est présenté en général à des enfants d'âges successifs constituant le principe même de la méthode génétique. 

    3. L'âge joue ici le rôle qui serait celui d'une "variable indépendante" dans les paradigmes expérimentaux. C'est une variable globale, dont les effets pourront apparaître comme la résultante d'un grand nombre de variations plus élémentaires, alors que l'expérimentateur emploie autant qu'il le peut des variables définies à une échelle plus fine.

    4. Ce matériel et sa présentation sont en principe identiques pour tous les enfants. Mais le psychologue est prêt ici à s'adapter aux réactions de chacun. Le but n'est pas d'enregistrer avec précision un résultat obtenu dans des conditions rigoureusement définies. Il est surtout de suivre la démarche de l'enfant, son raisonnement, la structure de sa logique, qu'il réussisse ou qu'il échoue, que ses réponses soient exactes ou erronées. L'expérimentateur lui demande de justifier ses réponses. Pour l'amener à le faire, l'expérimentateur pourra contester ou critiquer ce que l'enfant fait, invoquer les avis contraires prétendument fournis par un camarade...

    Il facilitera ainsi autant que possible la verbalisation de la démarche. Mais l'observation de l'activité elle-même de l'enfant au cours des manipulations est également soigneusement pratiquée. Les modifications suscitées dans ces manipulations et dans les jugements auxquels elles conduisent, par certains changements introduits dans la tâche proposée, sont aussi utilisées.

    5. Cette méthode a fourni des résultats d'une grande richesse qui constituent le fondement empirique de l'oeuvre psychologique de Piaget. Un contrôle moins rigide du déroulement de l'expérience, le recueil et l'interprétation de tout ce que dit le sujet, les interventions de l'expérimentateur expliquent cette fécondité.

    Ces conditions exposent en contrepartie le psychologue à certains dangers : ses interventions peuvent, à son insu, suggérer certaines réponses au sujet. A cet égard, Piaget a affirmé que c'était la stricte standardisation des tests qui présente des risques ! Les variations acceptées dans les conditions de l'expérience rendent plus ambiguës les comparaisons de résultats, et même l'emploi de la statistique. Les réponses recueillies, par leur richesse même, laissent parfois l'impression qu'elles seraient susceptibles de plusieurs interprétations différentes.

    6. De nombreuses vérifications des résultats obtenus à Genève ont été faites dans d'autres laboratoires. Certaines de ces vérifications ont utilisé des groupes de sujets importants et des procédures expérimentales définies de façon plus stricte. Les résultats concordants ont été beaucoup plus nombreux que les résultats contradictoires.

    B. Le concept de stade

    1. STADE, UNE CONCEPTION COMMUNE DES PSYCHOLOGUES DE L'ENFANCE

    Les psychologues de l'enfance admettent en général que le développement ne s'effectue pas de façon continue. Il paraît s'organiser en périodes successives qui sont dénommées "stades".

    On peut décrire, à chaque stade, les situations auxquelles l'enfant est capable de répondre par une adaptation efficace et celles qui dépassent ses possibilités du moment.

    Ce bilan des performances normalement possibles à chaque âge présente un intérêt lorsqu'on cherche à savoir si un enfant déterminé est "en retard", "en avance" ou "normal" par rapport à la moyenne des enfants de son âge.

    Mais ce point de vue différentiel ne constitue pas le centre d'intérêt des psychologues qui cherchent à décrire le mécanisme général du développement. Ces psychologues constatent en effet que des conduites adaptatives de nature différente se succèdent au cours du développement, même dans les cas où ces modifications qualitatives se traduisent par un accroissement plus ou moins continu des performances observées. Le problème est alors de décrire, pour différentes catégories de conduites, chacune de ces procédures successives.

    Pendant une période donnée, elles s'organisent en une structure relativement cohérente et caractéristique. Le problème est surtout d'expliquer le passage de chacune de ces périodes à la suivante. Ce problème constitue "le problème des stades" en psychologie de l'enfant.

    2. DE NOMBREUSES DISCORDANCES

     Les solutions proposées sont très différentes d'un psychologue à l'autre. Sur le plan descriptif, le développement de l'enfant peut être envisagé sous tant d'aspects différents, à l'aide d'épreuves si diverses, et les différences d'un enfant  à l'autre sont si grandes  que l'on a pu proposer des découpages en stades qui ne présentent guère de concordance entre eux.

    Cette diversité dans la lecture des observations est favorisée ou même suscitée par la diversité des théories et des attitudes philosophiques adoptées par des observateurs différents.

    certains psychologues de l'enfance en sont venus à mettre en doute la réalité et l'utilité de cette notion de stade. 

    3. LE POINT DE VUE DE PIAGET

    Jean Piaget définit sa conception du stade par un certain nombre de caractères. Pour qu'il y ait stades, il faut d'abord que l'ordre de succession des acquisitions soit constant.

    Les structures construites à un âge donné deviennent partie intégrante des structures de l'âge suivant. C'est le caractère intégratif d'un stade. Ainsi, par exemple, les opérations concrètes constituent une partie intégrante des opérations formelles.

    Piaget ne se prononce pas sur la valeur des âges moyens des stades qu'il a déterminés en ce qui concerne les populations quelconques. Les âges qu'il attribue aux stades sont relatifs aux populations sur lesquelles il a travaillé.

    Piaget a toujours cherché à caractériser un stade par une structure d'ensemble. une structure, ce sera, par exemple au niveau des opérations concrètes, un groupement, avec ses caractères logiques (Cf. classification, sériation). Plus tard, la structure au niveau des opérations formelles, sera le groupe des quatre transformations (opération directe, son inverse, la réciproque et la négation de cette réciproque : I N R C) ou réseau.

    Chaque stade se caractérise non par un ensemble plus ou moins disparate d'acquisitions, mais par une structure d'ensemble régie par des lois de totalité suffisamment précises pour que l'on puisse prévoir, certaines acquisitions ayant été constatées, que certaines autres doivent l'être aussi.

    Chaque stade comporte un sous-stade préparatoire pendant lequel on assiste à des différenciations qui aboutissent, une fois atteint le niveau ultérieur d'achèvement, aux structures équilibrées dont il vient d'être question.

    Piaget parle de "périodes" ou de "niveaux" pour désigner les grandes unités du développement, de "stades" puis de "sous-stades" pour leurs subdivisions.

    Il est nécessaire de distinguer en toute suite de stades les processus de formation ou de genèse et les formes d'équilibre finales.

    Les décalages caractérisent la répétition ou la reproduction du même processus formateur à des âges différents.

    Piaget parle de décalages horizontaux quand une même opération s'applique à des contenus différents.

    Un décalage vertical est au contraire la reconstruction d'une structure au moyen d'autres opérations.

    C. Les quatre périodes

    Jean Piaget découpe le développement intellectuel de l'enfant et de l'adolescent en quatre grandes périodes ou niveaux.

    I. L'intelligence sensorimotrice

    Pour les détails : lien URL

    II. La période pré-opératoire

    Pour les détails : lien URL

    III. La période opératoire concrète

    Pour les détails :  lien URL

    IV. La période opératoire formelle

    Pour les détails : lien URL

    D. Les aspects opératifs et figuratifs de la connaissance

       1. La genèse des structures logiques de la pensée

     Trois grands niveaux ou périodes ont été distingués par Piaget :

    • le niveau sensorimoteur
    • le niveau des opérations concrètes
    • le niveau des opérations formelles

    Ces trois grandes périodes, avec leurs stades particuliers, constituent des processus d'équilibration successifs, des démarches vers l'équilibre.

    Ce sont essentiellement les aspects opératifs de la connaissance qui ont fait l'objet de ces recherches, sans doute parce que l'opératif domine et règle le figuratif dans les processus cognitifs.

    Bien connaitre les aspects opératifs de la connaissance permet en tout cas une appréhension plus aisée des aspects figuratifs.

    La relation de la genèse des structures logiques de la pensée doit donner au lecteur la possibilité de structurer le champ de la genèse des processus cognitifs à partir de leurs structures fondamentales.

    Nous avons vu que les structures du niveau sensorimoteur se réélaborent à des niveaux supérieurs pour réaliser des paliers d'équilibre toujours plus larges et plus mobiles.

    Ce passage s'effectue par intégration et dépassement de l'ensemble des structures antérieures. Mais celles-ci ne sont ni détruites ni niées : ce qui est acquis l'est pour toute la vie. S'il se conserve, il est néanmoins réélaboré au palier d'équilibre supérieur.

    Dès que l'équilibre est atteint sur un point, la structure est intégrée dans un nouveau système en formation, jusqu'à un nouvel équilibre toujours plus stable et de champ toujours plus étendu.

    Piaget a défini l'équilibre par la réversibilité. Dire qu'il y a marche vers l'équilibre signifie que le développement intellectuel se caractérise par une réversibilité croissante.

    La réversibilité est le caractère le plus apparent de l'acte d'intelligence, capable de détours et de retours.

    Cette réversibilité augmente régulièrement, palier par palier, au cours des stades.

    Elle se présente sous deux formes : 

    • l'inversion ou la négation  (elle apparaît dans la logique des classes, l'arithmétique...)
    • la réciprocité  (elle apparaît dans les opérations de relations)

    L'inversion et la réciprocité sont deux processus qui cheminent côte à côte, parallèlement.

    Par contre, le groupe des 4 transformations ( I N R C ) offre l'inversion, la réciproque, la négation de la réciproque et la transformation identique, synthèse de ces deux formes de réversibilité en un seul système.

       2. Perception, images mentales, imagination, mémoire

    Dans les aspects figuratifs de la connaissance interviennent la perception, l'imitation et l'image mentale.

    La perception fonctionne en présence de l'objet.

    L’imitation peut se passer de l'objet.

    L'image mentale est l'imitation intériorisée.

    L'objet réel est donc absent mais reproduit sous forme de représentation imagée. Il est donc intériorisé.

    La parution de l'ouvrage "Les mécanismes perceptifs" marque l'aboutissement d'un vaste ensemble d'expériences conduites par Piaget et ses collaborateurs du laboratoire de Psychologie expérimentale sur le développement et les mécanismes de la perception.

    Les recherches ont permis d'affirmer que le sujet devient de plus en plus actif dans sa perception et ce, non seulement au niveau des mouvements oculaires, mais surtout au niveau des mises en relations, des comparaisons, des confrontations, des identifications entre le perçu immédiat et l'ensemble des représentations, schèmes sensorimoteurs et opératoires du sujet.

    La connaissance apparaît en conséquence comme un facteur qui influence au moins autant la perception qu'inversement : la connaissance n'est nullement une copie - image du réel obtenue par la perception mais une construction progressive, où il y a interaction continuelle entre la perception, les activités du sujet et ses connaissances antérieures.

    La perception n'est donc pas un simple enregistrement du monde extérieur. A plus forte raison, l'image mentale (les représentations imagées) et les schémas de la mémoire ne sont pas des simples copies du réel emmagasinées dans le cerveau du sujet, mais des constructions représentatives auxquelles participent les schèmes intériorisés et l'imitation différée.

    Imiter, c'est reproduire un modèle. L'imitation constitue à la fois la préfiguration sensorimotrice de la représentation et par conséquent le terme de passage entre le sensorimoteur et celui des conduites proprement représentatives.

    L'étude des images mentales et de la mémoire est difficile parce que ces deux fonctions reposent sur des conduites intériorisées.

    Pour obtenir quelque information sur les représentations internes du sujet, il est nécessaire de faire intervenir des conduites appropriées qui permettent d'extérioriser ces représentations d'une façon concrète.

    Piaget s'est servi à cet effet d'un ensemble de conduites de reproduction : gestes, dessins, explications verbales, reconstitution d'une situation avec des matériels hétérogènes ad hoc mis à la disposition du sujet, devant permettre de connaître les représentations du sujet et leur articulation par des conduites directes et effectivement "agies".

    Le concept de mémoire concerne les relations fonctionnelles existant entre deux groupes de conduites observables séparées par un intervalle temporel de durée variable.

    • Les premières conduites appartiennent à la phase d'acquisition.
    • Les conduites ultérieures appartiennent à la phase d'actualisation (conduites de reconnaissance, de reconstruction, de rappel, de réapprentissage).

    Mais cette conception ancienne a considérablement évolué. Jean Piaget et ses collaborateurs de Genève ont soutenu l'idée que le codage et l'organisation mnésiques étaient réalisés par les schèmes qui sont les structures d'actions déterminées.

    Ces schèmes, dont la construction se réalise au cours du développement de l'intelligence, jouent, dès leur édification, un rôle essentiel dans la mémoire.

    La différenciation et l'articulation des schèmes, au cours de l'activité de l'enfant, constituent le développement de l'intelligence. Le souvenir mémorisé n'est pas dans cette théorie une image statique et immuable du réel.

    Les schèmes organisent la perception. Ils organisent de même la mémorisation et s'exercent sur le matériel mémorisé lui-même. Le souvenir dont le sujet dispose à un moment donné apparaît bien comme une image, une "figure". Mais cet aspect figuratif du schème résulte seulement de son application à un donné spécifique, singulier. mémoire et intelligence sont ainsi étroitement intriquées. La mémoire est un cas particulier de connaissance. Elle entre dans l'ensemble des mécanismes cognitifs interdépendants que l'on peut qualifier globalement d'intelligence.

    E. Le langage et la pensée, du point de vue génétique

       1. Le langage

    Le rôle joué par le langage dans le développement intellectuel est une question importante qui a suscité de la part de plusieurs psychologues, dont ceux de l'Ecole de Genève, un grand nombre de publications et de polémiques. Cette question illustre bien les limites de la méthode génétique.

    En ce qui concerne le développement de l'intelligence, Piaget confère au langage un rôle analogue à celui qu'il accorde aux autres manifestations de la fonction sémiotique.

    Le langage apporte à ce développement une contribution très importante et nécessaire. Cependant le langage ne suffit pas à expliquer l'intelligence. Il ne constitue pas l'origine de la pensée opératoire. Piaget soutient ce point de vue en utilisant trois arguments :

    • l'enfant peut acquérir le langage sans acquérir pour autant la logique ;
    • la logique peut se constituer sans le concours du langage ;
    • pour être assimilé, le langage suppose l'existence antérieure de structures logiques rendant l'assimilation possible.

    Comment se situe le rôle propre du langage dans la représentation assurée par la fonction sémiotique piagétienne ?

    Pour Piaget, l'acquisition du langage est subordonné à l'exercice de la fonction sémiotique et se fait essentiellement par imitation.

    Le langage reste insuffisant pour assurer la représentation. Il doit être complété, pour deux raisons, par un système de symboles imagés :

    • les signes linguistiques sont toujours sociaux ;
    • les signifiés du langage étant des concepts, il reste à représenter tout ce qui est perçu actuellement et tout ce qui a été perçu.

    L'image constitue l'instrument sémiotique nécessaire pour évoquer et penser le perçu.

    Le langage est cependant appelé à devenir un instrument d'acquisition de signifiants collectifs formateurs d'un très grand nombre de représentations socialisées et ce type de représentations dépassera largement les possibilités de la représentation imitative.

    Pour Piaget, l'acquisition du langage ne peut être isolée du reste du développement intellectuel. Elle utilise en effet les structures opératoires générales de l'intelligence. Ces structures, y compris le langage, sont construites par le sujet dans le cours de son activité.

       2. La pensée et la fonction symbolique

    Grâce au langage, l'enfant de 2 - 3 ans est devenu capable d'évoquer des situations non actuelles et de se libérer des frontières de l'espace proche et du présent, c'est-à-dire des limites du champ perceptif, tandis que l'intelligence sensorimotrice est presque entièrement confinée à l'intérieur de telles frontières.

    Grâce au langage, les objets et les évènements ne sont plus seulement atteints en leur immédiateté perceptive mais insérés dans un cadre conceptuel et rationnel.

    On est tenté de conclure que le langage est la source de la pensée mais si l'on examine de plus près les changements de l'intelligence qui se produisent au moment de l'acquisition du langage, on s'aperçoit que celui-ci n'est pas seul responsable de telles transformations.

    D'autres sources que le langage sont susceptibles d'expliquer certaines représentations et une certaine schématisation représentative. Le langage est nécessairement interindividuel et il est constitué par un système de signes. Mais, à côté du langage, le petit enfant a besoin d'un autre système de significations : tels sont les symboles dont les formes les plus courantes chez l'enfant se trouvent dans le jeu symbolique ou jeu d'imagination qui apparaît à peu près en même temps que le langage, mais indépendamment de lui, à titre de source de représentations individuelles, à la fois cognitives et affectives, et de schématisation représentative également individuelle (Exemple : faire semblant de dormir).

    Débutant également à la même époque et jouant un rôle important dans la genèse de la représentation, l' "imitation différée" ou imitation se produisant pour la première fois en l'absence du modèle correspondant, est une autre forme du symbolisme individuel.

    En troisième lieu,on peut aller jusqu'à classer dans les symboles individuels toute l'énergie mentale. L'image peut être conçue comme une imitation intériorisée.

    Ainsi, les trois types de symboles individuels sont des dérivés de l'imitation. Celle-ci est donc l'un des termes de passage possibles entre les conduites sensorimotrices et les conduites représentatives et elle est naturellement indépendante du langage bien qu'elle serve précisément à l'acquisition de celui-ci.

    Piaget admet qu'il existe une fonction symbolique plus large que le langage et englobant, outre le système des signes verbaux, celui des symboles au sens strict.

    La source de la pensée est donc à chercher dans la fonction symbolique.

    Mais la fonction symbolique elle-même s'explique par la formation des représentations. En effet, le propre de la fonction symbolique consiste en une différenciation des signifiants (signes et symboles) et des signifiés (objets ou évènements schématisés, conceptualisés). Sur le terrain sensorimoteur, il existe déjà des systèmes de significations car toute perception et toute adaptation cognitive consistent à conférer des significations (formes, buts, moyens).

    Mais seul le signifiant que connaissent les conduites sensorimotrices est l'indice ou le signal. Or, l'indice et le signal sont des signifiants relativement indifférenciés de leurs signifiés. ce ne sont, en effet, que des parties ou aspects du signifié et non pas des représentations permettant l'évocation. Ils conduisent au signifié comme la partie conduit au tout ou les moyens aux buts, et non pas comme un signe ou un symbole permet d'évoquer par la pensée un objet ou un évènement en leur absence même.

    La constitution de la fonction symbolique consiste au contraire à différencier les signifiants des signifiés de manière à ce que les premiers puissent permettre l'évocation de la représentation des seconds.

    Comme le langage n'est qu'une forme particulière de la fonction symbolique, et comme le symbole individuel est certainement plus simple que le signe collectif, il est permis de conclure que la pensée précède le langage, et que celui-ci se borne à la transformer profondément en l'aidant à atteindre ses formes d'équilibre par une schématisation plus poussée et une abstraction plus mobile.

       3. Le langage et les opérations "concrètes" de la logique

    Le premier enseignement des études sur la formation des opérations logiques chez l'enfant est que celles-ci ne se constituent pas en bloc, mais s'élaborent en deux étapes successives.

    Si les opérations propositionnelles n'apparaissent que vers 11 - 12 ans et ne s'organisent systématiquement qu'entre 12 et 15 ans, on voit, par contre, se constituer dès 7 - 8 ans des systèmes d'opérations logiques ne portant pas sur les propositions mais sur les objets eux-mêmes, leurs classes et leurs relations, en ne s'organisant qu'à propos de manipulations réelles ou imaginées de ces objets. ce premier ensemble d'opérations, les opérations concrètes, ne consiste qu'en opérations additives et multiplicatives de classes et de relations : classifications, sériations, correspondances.

    Le problème des relations entre le langage et la pensée peut alors être posé à propos de ces opérations concrètes dans les termes suivants : le langage est-il la seule source des classifications, des sériations... qui caractérisent la forme de pensée liée à ces opérations, ou bien, au contraire, ces dernières sont-elles relativement indépendantes du langage ?

    L'étude du développement des opérations chez l'enfant permet de faire une constatation très instructive : c'est que les opérations permettant de réunir (+) ou de dissocier (-) des classes ou des relations sont des actions proprement dites avant d'être des opérations de la pensée.

    Les opérations +, -, etc... sont des coordinations entre actions avant de pouvoir être transposées sous forme verbale et ce n'est donc pas le langage qui est cause de leur formation : le langage étend indéfiniment leur pouvoir et leur confère une mobilité et une généralité qu'elles n'auraient pas sans lui, mais il n'est point à la source de telles coordinations.

       4. Le langage et la logique des propositions

    S'il est compréhensible que les opérations concrètes de classes et de relations tirent leur origine des actions proprement dites de réunir et de dissocier, on répondra que les opérations propositionnelles, celles qui caractérisent la "logique des propositions" au sens de la logique contemporaine, constituent par contre un produit authentique du langage lui-même.

    Les implications, disjonctions, incompatibilités... qui caractérisent cette logique, n'apparaissent que vers 11 - 12 ans, à un niveau où le raisonnement devient hypothético-déductif et se libère de ses attaches concrètes pour se situer sur un plan général et abstrait dont la seule pensée verbale semble fournir les conditions génératrices nécessaires.

    Le langage constitue une condition nécessaire. Cette condition est-elle en même temps suffisante ? Le langage ou la pensée verbale parvenus à un niveau suffisant de développement font-ils surgir ces opérations ex nihilo, ou, au contraire, se bornent-ils à permettre l'achèvement d'une structuration qui tire ses origines des systèmes d'opérations concrètes et, par conséquent, à travers ces dernières, des structures de l'action elle-même ?

    La réalité psychologique fondamentale qui caractérise psychologiquement de telles opérations, c'est la structure d'ensemble qui les réunit en un même système et qui caractérise leur utilisation algébrique.

    Si cette structure d'ensemble est complexe, elle se rattache cependant de façon nécessaire aux structures opératoires concrètes, propres au niveau de 7 à 11 ans. Cette structure consiste d'abord en un "réseau". Le problème psychologique de la formation des opérations propositionnelles consiste à déterminer comment le sujet passe des structures concrètes élémentaires à la structure de réseau.

    Ce qui distingue un réseau d'une classification simple, c'est l'intervention d'opérations combinatoires. La nouveauté propre aux opérations propositionnelles est que quatre associations de base donnent lieu à 16 combinaisons.

    La question est de savoir si c'est le langage qui rend possible de telles opérations combinatoires ou si ces opérations se constituent indépendamment du langage.

    La réponse des faits génétiques ne saurait laisser aucun doute à cet égard : les expériences de Barbël Inhelder et de Jean Piaget sur le développement des opérations combinatoires montrent que ces opérations se constituent vers 11 - 12 ans dans tous les domaines à la fois et pas seulement sur le plan verbal.

    Dès 11 - 12 ans, le sujet parvient à construire un système complet et méthodique. C'est l'achèvement des opérations combinatoires qui permet au sujet de compléter ses classifications verbales et de leur faire correspondre ce système de liaisons générales que constituent les opérations propositionnelles.

    L'examen des faits génétiques fournit une réponse qui s'oriente bien davantage dans le sens d'une interaction entre les mécanismes linguistiques et les mécanismes opératoires sous-jacents que dans le sens d'une prépondérance du fait linguistique.

    L'inversion et la réciprocité plongent, en effet, leurs racines dans les couches bien antérieures à leur fonction symbolique et qui sont de nature proprement sensorimotrice. Mais la coordination des diverses formes d'inversion et de réciprocité est l'oeuvre du langage seul : elle est due à la construction de la structure d'ensemble participant à la fois du "réseau" et du "groupe", qui engendre les opérations propositionnelles, et non pas à l'expression verbale de ces opérations ; en d'autres termes, elle est à la source de ces opérations et ne constitue pas leur résultat.

        5. Conclusion

    Le langage ne suffit pas à expliquer la pensée car les structures qui caractérisent la pensée plongent leurs racines dans l'action et dans des mécanismes  sensorimoteurs plus profonds que le fait linguistique.

    En retour, plus les structures de la pensée sont raffinées, et plus le langage est nécessaire à l'achèvement de leur élaboration.

    le langage est donc une condition nécessaire mais non suffisante de la construction des opérations logiques.

    Elle est nécessaire car sans le système d'expression symbolique que constitue le langage, les opérations demeureraient à l'état d'actions successives sans jamais s'intégrer en des systèmes simultanés ou embrassant simultanément un ensemble de transformations solidaires.

    Dans le langage, d'autre part, les opérations resteraient individuelles et ignoreraient par conséquent ce réglage qui résulte de l'échange interindividuel et de la coopération.

    C'est en ce double sens de la condensation symbolique et du réglage social que le langage est donc indispensable à l'élaboration de la pensée.

    Entre le langage et la pensée il existe ainsi un cercle génétique tel que l'un des deux termes s'appuie nécessairement sur l'autre en une formation solidaire et en une perpétuelle action réciproque. Mais tous deux dépendent, en fin de compte, de l'intelligence elle-même qui, elle, est antérieure au langage et indépendante de lui.

    F. Le problème de l'accélération des stades

    A lire les résultats des recherches de Jean Piaget et de ses collaborateurs, on pourrait se demander si, connaissant les processus normaux du développement des structures cognitives, il n'y aurait pas lieu d'intervenir pour en accélérer le cours et permettre ainsi une maturation plus précoce par une action pédagogique adéquate.

    Répondre par l'affirmative reviendrait à bouleverser tous les systèmes éducatifs sur des bases scientifiques.

    Cette question revient périodiquement sous diverses formes.

    Certains pédagogues pensent que l'introduction de la mathématique moderne à l'école primaire, voire maternelle, devrait contribuer à hâter les processus cognitifs, dans la mesure où les exercices proposés aux enfants correspondent aux structures qu'ils développent naturellement.

    D'autres pédagogues prétendent qu'une éducation appropriée devrait permettre d'abaisser les âges moyens donnés par les recherches de Piaget.

    Le problème de l'accélération des stades renvoie au problème plus fondamental de l'apprentissage opératoire.

    Le Centre d'Épistémologie génétique de Genève s'est livré à un ensemble de recherches systématiques dans cette voie.

    Les chercheurs se sont demandé s'il est possible d'apprendre les structures logiques et si tout apprentissage comporte une logique.

    Piaget a été ainsi conduit à des reformulations qui tiennent compte des développements opératoires.

    Dans son rapport au monde, l'enfant effectue deux types d'expériences :

    • l'expérience physique, qui consiste à agir sur les objets pour en découvrir les propriétés ;
    • l'expérience logico-mathématique, qui consiste à agir sur les objets pour en découvrir les propriétés abstraites des actions du sujet.

    Il est tentant de dire que s'il y a deux types d'expériences, elles correspondent par conséquent à deux types d'apprentissages possibles. mais ce serait compter sans les processus d'équilibration !

    Pour Piaget et ses collaborateurs, l'apprentissage vise, par des renforcements internes, à provoquer une différenciation des réponses par l'élimination des contradictions et à assurer leur cohésion logique qui tend vers une structuration plus équilibrée.

    Dans cette forme d'apprentissage, le processus d'acquisition prime le résultat de l'acquisition.

    En d'autres termes, la situation d'apprentissage où l'on peut placer les enfants révèle les structures qu'ils sont en train d'acquérir.

    Une situation d'apprentissage permet donc de repérer les structures déjà acquises, de mettre en évidence les structures en cours d'acquisition et de révéler le plafond auquel parvient l'enfant. Un affinement de la pratique de l'examen psychologique est donc possible.

    Si l'enfant acquiert les structures logiques de la pensée par l'effet de sa propre action sur le milieu, la pédagogie se doit de favoriser cette construction progressive.

     

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    Les principes d'explication du développement intellectuel

    Jean Piaget et ses collaborateurs ont mis en évidence un grand nombre de régularités, de lois empiriques portant sur les faits qu'ils ont recueillis au cours d'un ensemble considérable de travaux réalisés sur des enfants de différents âges.

    La méthode qu"ils ont suivie et les grandes lignes des résultats qu'ils ont obtenus ne suffisent cependant pas à fournir une explication du développement intellectuel s'ils ne peuvent être rapportés à un modèle propre à en rendre compte.

    A. Intelligence et adaptation

    Pour Piaget, le développement de l'intelligence constitue un prolongement des mécanismes biologiques d'adaptation. Ceux-ci permettent aux organismes de d'adapter à leur milieu matériel, physico-chimique, par exemple en assimilant les substances nutritives qu'ils y trouvent ou en s'accommodant aux différences de température. le développement de l'intelligence généralise ces possibilités d'adaptation.

    Cette généralisation s'observe en ce qui concerne les situations dans lesquelles jouaient seuls les mécanismes biologiques, situations pour lesquelles l'adaptation cognitive met en oeuvre des moyens beaucoup plus indirects, beaucoup mieux adaptables à la variété des circonstances. mais surtout elle élargit le champ d'action des procédures adaptatives à un "milieu" infiniment plus étendu que le milieu physico-chimique.

    Les mécanismes biologiques d'adaptation sont d'abord des régulations qui utilisent telles quelles les propriétés innées des organes, sans intervention d'un organe spécialisé dans l'adaptation.

    Puis apparaissent des organes régulateurs qui interviennent en modifiant le fonctionnement des autres organes (système hormonal, système nerveux). Ils sont chargés de régulations "fonctionnelles", non seulement à l'intérieur de l'organisme mais encore en ce qui concerne les échanges de l'organisme mais encore en ce qui concerne les échanges de l'organisme avec l'extérieur. C'est dans le prolongement de ce  dernier type de régulation qu'apparaissent les mécanismes cognitifs liés au comportement.

    On voit que, dans cette perspective, ces mécanismes cognitifs constituent à la fois un aboutissement des régulations organiques et un "organe" spécialisé de régulation dans les échanges fonctionnels avec le milieu. L'activité du sujet, condition de ces échanges, va constituer l'instrument et la matière d'oeuvre du développement cognitif.

    B. Les facteurs du développement intellectuel

    L'origine et la signification générale de l'intelligence étant ainsi définies, Jean Piaget explique son développement chez l'enfant, c'est-à-dire sa construction par chaque enfant, en faisant intervenir quatre facteurs. 

        a. La maturation du système nerveux

    A la naissance, le système nerveux de l'homme n'a pas encore acquis toutes ses capacités. La différenciation fonctionnelle et l'interconnexion de ses éléments (neurones, voies) ne sont pas physiologiquement achevées. Elles se poursuivent pendant l'enfance. cette maturation ne dépend pas des contenus particuliers de l'expérience de l'enfant avec son milieu. il est évident que cette maturation délimite les possibilités de l'enfant au niveau de ses conduites.

    Exemple : La coordination de la vision et de la préhension n'est possible qu'à partir du moment où les voies nerveuses qu'elle met en jeu sont physiologiquement en état de fonctionner (+ ou - 4 mois 1/2).

    Mais le rôle de la maturation se limite à réaliser les conditions nécessaires aux acquisitions cognitives. Rien, dans nos connaissances actuelles sur le système nerveux, ne permet de penser que les structures de l'intelligence s'y trouvent préformées et qu'elles émergent dans des conduites le moment venu, sous le seul effet de la maturation. Les variations observées d'un milieu social ou culturel à l'autre dans la rapidité du développement intellectuel conduisent à attribuer un rôle à ce milieu.

        b. L'action sur les objets

    L'expérience acquise au cours de l'action sur les objets présente pour Piaget deux composantes. L'expérience physique consiste à agir sur les objets pour découvrir leurs propriétés.

    Exemple : L'enfant découvrira que les objets ont un poids, propriété qu'il convient de distinguer de leur volume, de leur forme, de leur couleur.

    Il s'agit ici d'une abstraction "simple" que l'on pourrait rapprocher de la discrimination d'une dimension. L'expérience logico-mathématique porte non plus sur les objets, mais sur les propriétés des actions coordonnées.

    Exemple : L'enfant de 5 - 6 ans découvre qu'en comptant de gauche à droite des cailloux alignés, on obtient la même somme qu'en les comptant de droite à gauche. Il ne s'agit plus là d'une propriété propre aux cailloux. Elle appartient à la coordination de deux dénombrements effectués en sens inverse.

    Piaget parle à ce propos d'abstraction "réfléchissante".

        c. Les facteurs sociaux

    Ces facteurs comprennent d'abord le LANGAGE dont on sait qu'il paraît jouer un rôle important dans tous les mécanismes de généralisation des conduites adaptatives.

    Ils comprennent également les EXPÉRIENCES D'INTERACTION et de COOPÉRATION au sein des groupes dans lesquels l'enfant se trouve inclus.

    Ils comprennent enfin l'ÉDUCATION formellement délivrée par la famille et l'école.

    Pour Piaget, ces facteurs sont nécessaires à l'achèvement des structures de l'intelligence, mais ils n'en constituent pas la source, pas plus que ce n'était le cas pour l'expérience physique. 

    Pour assimiler les apports de l'expérience sociale ou physique, l'enfant doit déjà disposer des structures mentales rendant cette assimilation possible.

    Exemple : L'enfant peut connaître les mots "tous" et "quelques" sans être capable de les utiliser de façon adéquate aussi longtemps que la relation d'inclusion n'a pas été acquise, c'est-à-dire construite au cours de son activité. 

    De même, les relations de coopération entre membres d'un groupe ne suffisent pas  à susciter la coordination des différentes actions accomplies par l'individu ; les apprentissages de type scolaire sont sans effet s'ils ne provoquent pas une activité assimilatrice de l'enfant, et cette activité ne lui est possible qu'au moment où il dispose des instruments nécessaires.

        d. L'équilibration

    Piaget qualifie cependant de "disparates" les trois facteurs précédents (maturation, action sur les objets, facteurs sociaux) en ce sens que leur énumération ne suffit pas à expliquer le fait que l'évolution intellectuelle soit une évolution dirigée. Il faut entendre seulement par là qu'elle suit une certaine direction, ce qui ne suppose pas qu'elle respecte un plan préétabli. Si les étapes du développement se succèdent dans le même ordre chez tous les enfants, ce n'est pas sous l'effet d'un tel plan. 

    Chaque enfant reconstruit pour son propre compte et avec les moyens dont il dispose, les nouveaux instruments dont l'acquisition marque le franchissement d'une étape nouvelle. Mais cette construction obéit chez tous les enfants aux mêmes nécessités, et s'opère pour cette raison par le même mécanisme interne. Ce mécanisme, pour Piaget, se ramène à un processus d'équilibration.

    La notion d'équilibre peut recevoir des contenus extrêmement variés, et on la retrouve pour cette raison dans plusieurs domaines. Piaget définit l'équilibration comme une autorégulation : le sujet répond par des compensations actives aux perturbations extérieures, à ces déséquilibres que constituent les problèmes, les lacunes, les conflits. Les structures qui s'équilibrent ainsi à un stade déterminé du développement n'entraînent cependant pas une immobilisation du processus. Elles sont intégrées au stade suivant dans des structures plus mobiles et plus étendues, c'est-à-dire susceptibles de s'applique à un ensemble plus large d'objets ou de propriétés d'objets.

     

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    Les études génétiques de Jean Piaget

    La psychologie génétique de l'intelligence se propose non seulement de décrire les acquisitions successives de l'enfant, mais aussi d'expliquer l'intelligence par la façon dont elle se construit.

    Pour Piaget, le développement de l'intelligence constitue un prolongement des mécanismes biologiques d'adaptation.

    Le développement de l'intelligence résulte de l'interaction de QUATRE FACTEURS :

    1. la MATURATION du SYSTÈME NERVEUX lié à la croissance organique ;

    2. l'ACTION SUR LES OBJETS qui permet de DÉCOUVRIR leurs PROPRIÉTÉS mais surtout les PROPRIÉTÉS DES ACTIONS COORDONNÉES s'exerçant sur eux ;

    3. les FACTEURS SOCIAUX (la famille, l'école...) ;

    4. l’ÉQUILIBRATION, mécanisme d'autorégulation qui permet à l'enfant de répondre par des compensations actives aux perturbations, aux déséquilibres extérieurs.

    (voir détails dans le chapitre intitulé "Les principes d'explication du développement intellectuel").


     

    MÉCANISMES BIOLOGIQUES d'ADAPTATION

     

    DÉVELOPPEMENT DE L’INTELLIGENCE

     

                           Maturation                               action                                                         équilibration

                                 du                                        sur                        facteurs                              ou

                             système                                   les                        sociaux                        mécanisme

                                    nerveux                                 objets                                                       d’autorégulation 

     


     

    La théorie de Piaget a été édifiée et vérifiée en utilisant des données d'observation recueillies sur des enfants d'âges différents par une méthode d'interrogation assez libre conduite à l'occasion de petites tâches réalisées par ces enfants (méthode "clinique" au sens de Piaget).

    Sur ces bases théoriques et empiriques (observées), Piaget a décrit le développement de l'intelligence en trois grandes périodes ou niveaux se subdivisant en stades et sous-stades.

     

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    L'étude des activités intellectuelles

    L'étude des activités intellectuelles peut s'effectuer selon trois perspectives :

    • le point de vue de la psychologie expérimentale
    • le point de vue de la psychologie génétique ou psychologie du développement (Les études génétiques de Jean Piaget et les travaux empiriques de l'Ecole de Genève)
    • le point de vue de la psychologie différentielle de l'intelligence

    Situation de l'oeuvre de Jean Piaget dans l'étude des activités intellectuelles

    Etudier les activités intellectuelles, l'intelligence, c'est étudier l'acquisition et le fonctionnement des conduites adaptatives permettant de donner une réponse appropriée à une certaine situation-problème.

    La psychologie génétique a pour objectif l'explication du fonctionnement des procédures d'adaptation les plus généralisables, en d'autres termes, l'explication du fonctionnement de l'intelligence, par l'étude de son développement chez l'enfant.

    Les auteurs de langue anglaise qualifient généralement ce courant de "psychologie du développement".

    La perspective de travail propre à la psychologie génétique est ancienne. Elle a été illustrée en France, à une date relativement récente, notamment par H. Wallon (1942, 1945).

    A l'heure actuelle, la psychologie génétique est incontestablement dominée par les travaux de Jean Piaget et de ses collaborateurs de l'Ecole de Genève.

     

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