Préface 1

Que faire lorsque l'enfant ne parvient pas à réaliser ce qui nous paraît évident, à nous adultes ? Qui ne s'est un jour trouvé dans cette pénible situation où l'enfant ne tire pas parti de nos explications, même réitérées sous des formes différentes plus motivantes les unes que les autres ?

Mécontents de nous-mêmes, nous nous résignons alors à lui apprendre un "truc", un moyen "mnémotechnique" pour contourner une difficulté qui ne demandera qu'à reparaître au premier cas d'exception... nous rappelant par là que cette apparente évidence n'est qu'un vernis destiné à cacher l'insuffisance de notre conceptualisation.

En effet, nous avons oublié (refoulé diront certains) notre propre démarche d'apprentissage qui, très ancienne, fait partie désormais de notre "inconscient cognitif".

C'est à une exploration de cet inconscient cognitif que nous convie André Beauclercq. Il nous permet ainsi de nous remémorer nos propres errances et hésitations dans la lente et complexe construction de nos connaissances les plus élémentaires... qui cessent, après analyse, de nous apparaître comme telles.

Ce travail devrait nous permettre de nous rendre plus sensibles à la perception du monde de l'enfant que nous avons été et qui ressemble étrangement à celui que nous encourageons à grandir, quel que soit son milieu et son origine.

Car PIAGET nous enseigne qu'il n'existe pas de perception "fausse" du monde chez l'enfant, mais plutôt des états successifs de conscience, se perfectionnant sans cesse au contact de la réalité. Laquelle est toujours prête à infirmer ses hypothèques, dans la mesure où l'enfant se met en position de la percevoir et d'en accepter les implications.

Après tout, dans l'histoire de la science des adultes, la chimie ne s'est-elle pas, pendant des décennies, fondée avec succès sur l'insuffisant principe d'identité évoqué par LAVOISIER ? (Rien ne se crée, ni se perd).

Ces apparentes "erreurs" de l'enfant sont, pour PIAGET, infiniment respectables, car elles nous aident à comprendre le raisonnement de l'enfant dans son incomplétude. Par exemple, quand aurons-nous la conviction logique qu'il est vain et épuisant d'éprouver le calcul lacunaire chez les enfants à un âge où ils ne disposent normalement pas de la réversibilité ?

Car telle est la proposition de PIAGET : inciter l'enfant, par le dialogue et l'expérience, à se construire sa propre conviction logique, sans le sous-estimer ni surtout le surestimer quant à ses aptitudes. dans le premier cas, en effet, nous gaspillons son temps et son énergie ; dans le second, les outils logiques appris et non construits, seront inutilisables parce que mal intégrés et donc non généralisables.

L'auteur réussit à nous donner envie d'explorer les processus d'apprentissage pour un grand nombre de concepts tous nécessaires pour le cursus scolaire : les structures logiques et infralogiques, leur interaction avec la logique propositionnelle, les grands mécanismes générateurs d'apprentissage.

PIAGET est ici expliqué par un pédagogue dans une forme très propice à la réflexion pédagogique et à son utilisation dans ce sens, emboîtant ainsi le pas aux plus récentes tentatives en ce domaine. A coup sûr, cet ouvrage motivera plus d'un lecteur à s'approprier l'immense patrimoine légué par PIAGET, aux prix d'une lecture exigeante.

Michel PETIT

Directeur de l'Institut médico-pédagogique Dr. P. Borremans à Rixensart