• * Titre VI - L'éducation au 17ème siècle

    Titre VI - L'éducation au 17ème siècle

    Chapitre I : Idées et théories pédagogiques nouvelles

    I. Introduction : le 17ème siècle

    1. Nous avons vu que le seizième siècle avait occupé une place considérable dans le domaine de l'éducation. Il peut être considéré comme l'un des plus importants de l'histoire de la pédagogie. Grâce à la renaissance italienne et à l'imprimerie, il s'était produit dans les esprits un mouvement dont les lettres et l'école tirèrent un grand profit, rompant enfin avec les traditions.

    Les écoles s'étaient mises en état de satisfaire aux exigences de toute une population désireuse de s'instruire. C'est pourquoi la réforme des études succéda à la Renaissance des lettres. Aux idées justes émises par les écrivains humanistes, le 17ème siècle apporta les modifications que le progrès général des idées et des connaissances, l'expérience et une plus juste appréciation du but de l'école avaient rendues nécessaires. Les programmes et les méthodes furent transformés. On conserva une part du temps très importante pour l'étude des langues anciennes, but principal de l'école, mais le latin cessa d'être le moyen de l'atteindre et on le remplaça par la langue maternelle, le français ou l'allemand, selon les régions.

    3. On rendit donc à la langue maternelle la place qui lui revenait. De même, l'histoire et la géographie furent étudiées pour elles-mêmes. On comprit également que les autres sciences étaient nécessaires pour l'éducation en raison de leur influence sur la culture générale et des services qu'elles pouvaient rendre à l'homme en maintes circonstances de la vie et au progrès social. Les mathématiques et les sciences naturelles progressaient, mais, alors que le courant emportait encore tous les esprits vers les études littéraires, quelques voix s'élevèrent contre la science des mots ou des idées abstraites pour réclamer la science des choses et une place pour l'étude des connaissances réelles, données par les sciences naturelles. Cet effort fut le point de départ du réalisme, mouvement dont les effets se firent sentir au 18ème siècle.

    4. Dans les études littéraires comme dans les études scientifiques, les méthodes se transformèrent, devenant plus rationnelles et visant à l'acquisition de connaissances. Aux procédés moyenâgeux, les philosophes opposèrent des systèmes raisonnés sur le développement de l'esprit et tracèrent la voie de la vraie pédagogie en lui donnant une base psychologique. Les études littéraires s'efforcèrent de former le jugement et la raison, facultés considérées comme les plus nobles car elles guident l'homme dans ses actes.

    5. L'introduction de la méthode inductive dans l'enseignement eut des résultats aussi féconds que multipliés. C'est au 17ème siècle que l'on comprit que l'enfant qui doit assimiler des notions est dans une situation presque semblable à celle de tout inventeur qui recherche les vérités scientifiques, et que tous deux doivent utiliser des méthodes identiques pour atteindre leur but.

    6. l'influence de la logique de Descartes modifia la nature de l'école. L'école dut surtout cultiver la raison et insister sur la liaison des idées. L'étude de la forme dut faire place à l'étude du fond parce que ce qui était considéré comme vrai, c'était ce que l'on pouvait prouver.

    7. Il convient cependant de préciser que ces diverses modifications furent plus lentes dans les écoles que dans les esprits malgré les efforts intelligents de certaines corporations, les sages conseils de maints écrivains et la stabilité politique de la France.

    8. Le 17ème siècle a également mieux compris quels étaient les besoins des divers degrés de l'instruction publique aux époques précédentes. Pour la première fois, l'enseignement élémentaire a un programme défini, incomplet mais qui satisfait aux besoins des classes populaires. L'enseignement moyen en profite à son tour.

    9. En dehors des jugements que les pédagogues contemporains sont en droit de porter sur la position confessionnelle des Jansénistes ou des Frères des écoles chrétiennes, il faut apprécier les efforts que ces lointains prédécesseurs ont produits pour améliorer les techniques scolaires, pour abandonner la lecture du latin, pour généraliser l'apprentissage de l'écriture et comprendre mieux la psychologie de l'enfant.

    10. Ainsi, Jean-Baptiste de La Salle eut le grand mérite d'améliorer la technique de l'enseignement de la lecture en abandonnant le latin que les Jésuites qualifiaient de langue théologique. Charles Démia, qui créa une sorte de séminaire pédagogique, préfiguration de nos écoles normales d'instituteurs, avait aussi découvert l'enseignement simultané dans les classes à plusieurs divisions. Jean-Baptiste de La Salle mit ce procédé au point, préconisa également la pratique de l'interrogation individuelle et l'usage du tableau dans l'enseignement raisonné de l’arithmétique.

    11. Les Jansénistes pensaient que la qualité de l'enseignement dépendait de celle des maîtres. En dehors d'une formation spécifique, ils estimaient que les maîtres devaient se rappeler sans cesse un certain nombre de règles sans lesquelles leurs efforts étaient voués à l'échec. Les Jansénistes étaient aussi profondément convaincus de la nécessité d'adapter la pédagogie aux aptitudes des enfants. Ce sont eux qui pressentirent la valeur de l'enseignement vraiment individuel que nous préconisons tant aujourd'hui, mais il faut bien remarquer qu'ils n'ont jamais accepté un effectif supérieur à six ou sept élèves par classe !

    12. Grâce à leur finesse psychologique, les Jansénistes, théologiens de Port-Royal, furent de remarquables praticiens, fondant l'art de lire et de parler sur l'usage de la langue maternelle, et l'art d'écrire sur un dressage des muscles de la main.

    13. Mais l'expérience des Jansénistes, qui ne porta que sur un bon millier d'enfants, aurait pu être un chef-d'oeuvre de psychologie et de pédagogie si, pour des raisons théologiques, elle n'avait été souvent compromise par leur discipline ombrageuse tempérée par un amour incomparable des enfants.

    14. Si c'est bien au niveau de l'enseignement primaire que les Jansénistes furent les plus actifs, ils s'intéressèrent aussi au développement complet de l'esprit. La richesse de leurs méthodes de pédagogie élémentaire découlait de conceptions plus élevées et, comme les Oratoriens, ils avaient adopté l'essentiel du cartésianisme.

    15. L'Eglise, qui suivait les aspirations de ce siècle essentiellement religieux, conserva la direction des études, en nommant les maîtres, en inspectant les écoles et en choisissant les livres. La religion demeurait la partie importante du programme qui comprenait aussi les éléments de la langue et du calcul. Il ne s'agissait pas de développer l'instruction en soi, mais de munir les esprits du minimum de connaissances, sans lesquelles les dogmes du catholicisme, religion savante, ne pouvaient être compris par les fidèles. Voilà pourquoi l'apprentissage de la lecture des textes latins persista.

    Créées par les ministres du culte, animées par eux, les écoles presbytérales étaient rigoureusement confessionnelles, dans leurs fins comme dans leur organisation interne. Dans les grandes villes, comme Paris, existaient aussi de petites écoles payantes, tenues par des laïques mais qui dépendaient du chantre dont l'autorité s'étendait à tous les établissements d'enseignement élémentaire.

    16. Les écoles élémentaires prirent une forme municipale dès que le roi de France se préoccupa enfin de l'enseignement primaire pour des raisons de politique religieuse. Il leur affecta les biens des consistoires protestants. les fondations se sont dè slors multipliées grâce à la générosité de mécènes. de nombreuses municipalités suivirent cette voie.

    17. Le développement des institutions éducatives n'est possible qu'en période de paix sociale, ce qui était vrai pour la France au 17ème siècle. Par contre, en Angleterre, ce siècle est celui de la révolte d'Ecosse (1638) et de la révolution de 1688. Dans ce contexte, les pédagogues médiocres qui dirigeaient les écoles perdirent tout crédit dans l'opinion publique. D'autre part, l'Allemagne était le théâtre de la Guerre de Trente Ans et les écoles y furent saccagées. Cependant, en Angleterre comme en Allemagne, des penseurs d'inspiration protestante ont écrit des traités pédagogiques et ont exercé par la suite une influence prépondérante : Ratichius (1571 - 1635) et Jean Amos Komensky dit Comenius (1592 - 1671) pour l'Allemagne ; Francis Bacon (1561 - 1626) et John Locke (1632 - 1704) pour l'Angleterre ; René Descartes (1596 - 1650), les pédagogues de Port-Royal, Charles Démia (1637 - 1689), Jean-Baptiste de La Salle (1651 - 1719) et Fénelon (1651 - 1715) pour la France.

    II. Francis Bacon

     * Titre VI - L'éducation au 17ème siècle1. Grâce à son jugement précoce, à son travail soutenu, à l'intelligente direction que lui donna sa mère, Francis Bacon, baron de Vérulam (1561 - 1626), n'avait pas seize ans qu'il entrait déjà à l'Université de Cambridge. Il étudia le droit, devint homme politique et chancelier d'Angleterre sous Jacques 1er. En composant ses divers ouvrages, Francis Bacon, surnommé le "père du réalisme moderne", n'a pas eu en vue l'école mais une étude plus rationnelle de la nature.

    2. Dans son ouvrage "La Restauration des sciences", Bacon proclama la valeur du réel et de l'étude de la nature. Il critiqua les conceptions de l'humanisme qui enseigne les mots au lieu des choses et qui ne forme que des écrivains ou des orateurs.

    Il pressentit le parti que l'on pouvait tirer pour la formation de l'esprit par l'observation directe des choses, de l'expérience rationnellement dirigée et de la méthode inductive que se forgent les sciences de la nature.

    Contre la méthode déductive, il prôna donc la méthode inductive, celle qui part de l'observation des faits pour bâtir le réel. Cette substitution de méthode eut sur la pédagogie une influence indirecte considérable. Aristote avait aussi appliqué une méthode d'induction mais elle ne reposait pas comme celle de Bacon sur l'expérimentation. Aristote induisait par raisonnement tandis que Bacon expérimentait. Pour lui, les expériences mêmes établissent la théorie.

    3. "Novum Organum", la seconde partie de son plus grand ouvrage, à la fois une encyclopédie et un traité de philosophie, renferme l'exposé de sa nouvelle méthode pour étudier l'histoire naturelle. Il refuse d'accepter comme vrai, sans preuve, tout ce que les anciens ont dit et écrit. Bacon voulait que l'on interroge la nature, qu'on lui arrache ses secrets par une observation patiente et persévérante et que, par une expérimentation bien ordonnée, on vérifie ses découvertes : procéder par ordre, aller du connu à l'inconnu, du facile au difficile, éviter la précipitation quand on généralise...

    4. Francis bacon ne s'occupa que très peu de l'éducation et n'en parle, dans ses ouvrages, qu'incidemment ou d'une manière générale. Convaincu que l'enfant doit fournir des efforts, garantie de succès, le philosophe, qui se situe à l'origine des courants de pensées empiristes et positivistes, souhaitait que des leçons de choses fournissent d'abord des connaissances positives, réelles, servant d'éléments au langage, tout en développant l'intelligence.

    5. Francis bacon accentua le mouvement appelé aujourd'hui "positivisme" qui éloigne la philosophie anglaise des spéculations métaphysiques et la rapproche de l'expérience.

    III. John Locke, à l'origine de la philosophie sensualiste

     * Titre VI - L'éducation au 17ème siècle1. Né à Bristol, John Locke (1632 - 1704) étudia la théologie puis la médecine à Oxford et à Montpellier. professeur lui-même à Oxford, il devint secrétaire particulier, médecin et précepteur dans une famille noble. Il voyagea en France et aux Pays-Bas. Ses "Pensées sur l'éducation" (1693) sont le résultat d'une réflexion de son expérience de précepteur. Son ouvrage principal s'intitule "Essai sur l'entendement humain" (1690).

    L'époque de John Locke est dominée par deux faits importants : les révolutions anglaises de 1648 et 1688 qui opposent les classes moyennes à l'aristocratie ; la querelle entre les cartésiens et les newtoniens.

    2. Au moment où la science expérimentale se fondait, John Locke imagina un système de philosophie fondé sur l'expérience, l'observation de l'homme et sur les apports des sciences. Dans son "Essai sur l'entendement humain", il exposa une psychologie empiriste. Il estimait que les idées ne sont pas innées : leurs origines sont la perception et la sensation. La réflexion est l'expérience interne qui nous fournit les idées pour agir sur le psyché, c'est-à-dire ce qui nous permet de percevoir, de penser, de douter, et qu'on appellera plus tard l'introspection.

    3. Bien qu'il soit considéré comme un disciple de Francis Bacon, John Locke a cependant produit une oeuvre essentiellement personnelle. Il est considéré comme le fondateur de la psychologie empirique ou d'observation. Il est aussi sensualiste puisqu'il considère que les sensations sont les éléments les plus importants du psychisme. L'éducation, telle qu'il la concevait, devait être sérieuse et solide. S'il y avait des lacunes - car il ne voyait pas tout - il n'y avait guère d'erreurs, car il voyait souvent juste.

    Son ouvrage "Pensées sur l'éducation" présenté sous forme de lettres, est un condensé de ses propres expériences en tant que précepteur. Il ne s'agit donc pas d'un traité systématique.

    4. Il envisageait les études sous un aspect utilitaire dans leur attrait et dans leur but, comme une préparation de l'enfant à la vie. Il s'agissait donc de n'enseigner que ce qui serait utile et de renoncer à l'érudition : le savoir est ce qui vient en dernier lieu dans l'éducation.

    John Locke accordait de l'importance à Dieu, à la vertu, à la civilité et à la politesse. Il conseillait de dresser les enfants comme des animaux raisonnables, de leur donner de bonnes habitudes, plus par des exemples que par des règles. Comme il avait fait des études de médecin, il pensait en médecin et se montra partisan de l'endurcissement.

    La grande importance que John Locke attachait à l'éducation physique s'explique par le but qu'il donna à l'éducation générale : une âme saine dans un corps sain, et par les ennuis de santé qu'il connut toute sa vie.

    5. Dans l'oeuvre de Locke, l'idée philosophique de base attribue un rôle passif à l'esprit puisque tout s'y imprime. Mais Locke accorde une importance très grande au raisonnement et insiste sur la nécessité d'observer les choses. L'observation et l'expérience sont le point de départ de toute étude et doivent s'adresser aux sens de l'enfant autant qu'à sa réflexion.

    6. John Locke voulait que l'on tienne compte de l'intérêt des élèves, que l'on  veille à garder l'attention des enfants, à s'appuyer sur leur curiosité.

    7. Les pensées de John Locke concernent finalement la formation du gentleman éduqué par un précepteur. Cette éducation, très anglaise, veut apprendre à l'enfant à tenir sa place dans la société. Elle est aristocratique et utilitaire.

    Empreintes de bon sens, les idées de John Locke influencèrent grandement la pensée du 18ème siècle et en particulier les Encyclopédistes, Rousseau et Spencer. Le 19ème siècle y puisa nombre de ses conseils. 

    IV. Radtke ou Ratichius

    1. Wolfgang Radtke, plus connu sous son nom latinisé de Ratichius (1571 - 1625) s'efforça d'imprimer aux écoles une direction nouvelle. Il voulait centraliser les tendances vers un enseignement national, concentrer les efforts des élèves sur un seul objet à la fois. Le jour de l'élection de l'empereur d'Allemagne (7 mai 1612), Ratichius proposa aux seigneurs assemblés de fonder des écoles où l'on apprendrait les langues très rapidement, par une méthode nouvelle, d'établir une école supérieure enseignant tous les arts et toutes les facultés en allemand et dans les autres langues ; d'introduire dans l'empire entier une seule langue, un seul gouvernement et une seule religion, dans le but de consolider la paix.

    2. Il parvint à fonder une école de six classes. Dans les trois inférieures, on apprenait l'allemand ; dans les deux suivantes, le latin, et dans la sixième, le grec. Ratichius faisait commencer l'étude de la langue aussitôt après la connaissance des lettres et des syllabes.

    3. Pour Ratichius, tout devait être enseigné d'après l'ordre et le cours de la nature. Il ne fallait apprendre qu'une chose à la fois ; faire d'abord tout étudier dans la langue maternelle, souvent répéter la même chose mais sans contrainte. Rien ne devait être appris de mémoire. En tout, il fallait procéder par l'induction et l'expérience, étudier la chose en elle-même puis ses détails et ses modifications. Ratichius estimait que de nombreuses récréations étaient nécessaires après chaque heure de leçon pour laisser reposer l'esprit des enfants.  

    4. Ratichius avait des idées très saines sur certaines parties de l'éducation, mais il demandait trop peu de travail à l'élève. Il plaçait la langue maternelle au premier plan. L'oubli des sciences naturelles dans son programme était d'autant plus grave que ce maître allemand procédait en tout par induction et expérience. 

    V. Jean Amos Komensky, alias Comenius

     * Titre VI - L'éducation au 17ème siècle1. Jean Amos Komensky, de son nom latinisé "Comenius", naquit en 1592 en Moravie, l'une des quatre provinces du royaume de Bohême (Tchéquie et Slovaquie actuelles) et mourut à Amsterdam en 1670 après avoir été l'un des promoteurs de la liberté de pensée, le précurseur de la pédagogie moderne et le plus grand pédagogue du 17ème siècle.

    Il était le fils de Martin Komensky qui appartenait à l'Union des Frères moraves, une communauté protestante, secte austère et paisible, presque calviniste, issue de Jean Huss, réformateur tchèque du 15ème siècle.

    2. Orphelin très jeune, son éducation fut négligée. Il avait seize ans lorsqu'il commença à étudier le latin. Avide de s'instruire, il regagna le temps perdu. Ayant vécu au cours de longues années de misère qui caractérisent le début du 17ème siècle, il fut véritablement l'instituteur du peuple. Les méthodes pédagogiques utilisées par les Frères moraves l'avaient déçu.

    3. Les universités luthériennes d'Allemagne ne convenant pas aux Frères de l'Unité, Comenius poursuivit ses études à Herborn en Nassau où la douce influence calviniste lui ouvrit le cœur et l’esprit. La Renaissance, l'humanisme, les œuvres de Platon, Sénèque et Cicéron l'émerveillèrent et lui servirent de guides.

    4. L'effort qu'il dut fournir pour rattraper le temps perdu et le mauvais souvenir que lui avaient laissé les écoles mal organisées l'inclinèrent vers une pédagogie meilleure, vers un enseignement accessible à tous.

    5. A l'âge de 24 ans, le jeune maître fut ordonné pasteur. Sa vie fut, malgré lui, un voyage perpétuel parce que la Guerre de Trente Ans dévastait l'Europe centrale. Il se cacha en Bohême, en Pologne, émigra en Angleterre où il organisa l'enseignement ; il s'embarqua pour la Suède dans le même but, y resta six ans, protégé par un commerçant hollandais d'origine wallonne, Louis de Geer. Ses voyages perpétuels lui ont permis de répandre ses principes pédagogiques dans toute l'Europe centrale et nordique. Ceux-ci découlent de ses convictions métaphysiques : pour Comenius, l'homme est infiniment perfectible et l'éducation peut contribuer à son développement. Une seule méthode peut apporter le succès : l'observation de la nature et le respect des lois. Comenius blâme les châtiments corporels et considère comme une nécessité le respect de la spontanéité et de la dignité de l'enfant.

    6. Comenius a publié beaucoup d'ouvrages philosophiques, religieux et pédagogiques en tchèque et en latin. Trois œuvres doivent retenir notre attention : "Didactica magna" (1657), "Janua linguarum reserata" (1631) et "Orbis sensualium" (1654).

    7. La "Didactica magna" est un remarquable traité pédagogique qui énonce un ensemble de principes généraux de l'éducation dont beaucoup restent actuels. L'éducation doit être foncièrement chrétienne, précoce, commune, universelle, développant toutes les facultés, et améliorée en qualité et en méthode.

    Comenius y précise également des principes d'ordre. Il faut graduer les difficultés, assurer la continuité, commencer l'éducation de bonne heure, employer un langage simple et progresser lentement. Il convient de concentrer les diverses notions, de faire répéter sous des formes variées, d'établir de nombreuses connexions entre plusieurs disciplines.

    Comenius y développe enfin des principes d'économie de temps. Par l'enseignement simultané et mutuel, un seul instituteur, aidé de moniteurs pris parmi ses meilleurs élèves, peut instruire un grand nombre d'élèves. Un programme et un horaire doivent éviter les pertes de temps. L'enseignement groupé de branches qui se tiennent, comme l'écriture et la lecture, doit profiter à ces disciplines et être plus favorable aux élèves.

    8. Comenius se préoccupe longuement de méthodologies spéciales et dénomme quatre degrés dans l'enseignement : l'école du giron maternel (éducation dirigée par la mère jusqu'à six ans), l'école primaire en langue maternelle (de six à douze ans), l'école latine ou gymnase (de douze à dix-huit ans), l'Académie ou l'université (de dix-huit à vingt-quatre ans) consacrée à l'étude des sciences supérieures. Chaque famille doit être une école maternelle ; chaque village doit posséder une école élémentaire ; chaque ville un gymnase ; chaque pays ou région, une université.

    9. Comenius accordait une place considérable à la formation scientifique. C'est en effet un disciple fervent de Bacon. Il recommande de rendre l'enseignement intuitif. L'enseignement doit être basé sur une étude concrète de la réalité, sur l'observation vivante et féconde de la nature. Il doit être solide, prompt, succinct et parler aux sens. L'enseignement doit préparer à la vie. L'école doit être un lieu de joie et de bonheur. Toutes les connaissances s’enchaînent. Il faut donc progresser dans la difficulté selon le principe des cercles concentriques. 

    10. Ses deux autres ouvrages, "Janua linguarum" et "Orbis pictus" concernent essentiellement l'enseignement des langues. Celles-ci n'occupent pas une place prépondérante. Elles ne sont qu'un moyen d'acquérir les sciences et de les communiquer. L'apprentissage de la langue maternelle comme celui des langues vivantes doit précéder celui des langues mortes. Ici aussi, c'est la méthode inductive qui est préconisée : les règles doivent être dégagées de plusieurs exemples.

    11. L' "Orbis pictus" est la "Janua linguarum" illustrée et l'on peut dire que ce livre est à l'origine des manuels illustrés en vogue au 20ème siècle. Jusqu'au 18ème siècle, il fut le principal ouvrage scolaire en Europe centrale.

    12. Comenius a été un admirable précurseur qui eut le mérite de mettre en lumière de grands principes pédagogiques : un enseignement intuitif et donné dans la langue maternelle ; une éducation morale par l'exemple et la pratique ; la recherche d'une meilleure méthode d'enseignement afin que les maîtres enseignent moins et que les élèves apprennent davantage.

    Comenius a donné une définition de l'enseignement mutuel et du travail en équipes qui en dérive. Il a voulu baser l'enseignement collectif sur l'émulation et l'esprit d'équipe simultanément.

    13. L'influence de Comenius a été considérable. Il rappelle d'abord ses grands prédécesseurs :

    • par la vivacité de ses critiques contre l'école de son temps, fait naturel et fréquent chez les novateurs, il nous fait penser à Érasme;
    • par les sages principes et les conseils excellents qu'il a prodigués, c'est à Vivès que nous pensons ;
    • pour le grand rôle attribué à l’intuition et à l'expérience, c'est le nom de Francis Bacon qui vient à l'esprit ;
    • et pour l'importance qu'il attache à la langue maternelle, c'est Ratichius qu'il rappelle.

    14. Comenius a influencé un grand nombre de ses successeurs : John Locke, Jean-Jacques Rousseau, Basedow, Pestalozzi et Froebel se sont inspirés de ses principes. A bien des égards, Comenius peut être considéré comme un pédagogue moderne. C'est lui qui a classé l'enseignement public en ses divisions actuelles ; c'est lui qui introduit le système des cours concentriques.

    Il voulut une école primaire, mixte au besoin, accessible à tous, à formation intégrale. Il proposa un enseignement psychologique : d'abord le sens, puis la mémoire, enfin l'intelligence et le jugement.

    Coménius prôna un enseignement naturel, facile, efficace, économique et intuitif, laissant une belle part à la formation scientifique et à la connaissance méthodique du monde concret. Il ne concevait de pédagogie efficace que dans l'union intime et permanente de l'enseignement des mots avec l'observation des choses.

    15. Cette doctrine fut aussi celle de Francke (1663 - 1727). Celui-ci fonda les écoles allemandes, par opposition aux écoles latines, le "pedagogium" où les élèves recevaient les cours en rapport avec la profession à laquelle ils se destinaient, et un séminaire, sorte d'école normale où les élèves s'exeraient à la pratique dans les classes inférieures et s'initiaient à l'administration de l'école.

    VI.René Descartes

     * Titre VI - L'éducation au 17ème siècle1. Il convient, à présent, d'évoquer celui qui a posé le problème de la réforme de l'éducation, ce maître à penser du 17ème siècle, René Descartes, qui ne fut pas à proprement parler un pédagogue, qui n'a pas construit de système pédagogique ni jamais parlé directement des sciences qui touchent l'éducation.

    2. Descartes naquit en Touraine en 1596 et fit ses études au collège des Jésuites de La Flèche. Il embrassa la carrière des armes puis se consacra à la philosophie. Pendant près de dix ans, Descartes parcourut l'Europe en observateur et s'installa en Hollande en 1629 où il composa ses principaux ouvrages.

     

    Il élabora son système philosophique à partir de deux intuitions :

    • les lois de la nature sont d'essence mathématique ;
    • la connaissance de cette science doit ouvrir à l'homme l'univers et lui en assurer la maîtrise.

    En basant ce système philosophique sur le doute méthodique et la recherche de la vérité scientifique, Descartes a jeté les bases d'une pédagogie centrée sur la formation objective de la pensée et sur la construction de connaissances utiles à la vie.

    3. Descartes, père du rationalisme moderne, eut une influence immédiate et considérable. Il fut persécuté à la fois par les catholiques et les protestants. Ses pensées, révolutionnaires pour l'époque, furent admises par les Oratoriens et les écoles de Port-Royal, mais condamnées par les Jésuites, l'Université de Louvain et par la Sorbonne.

    Durant sa vie, Descartes prit connaissance des découvertes de son époque et notamment de celles de Galilée. En 1635, Descartes écrivit le "Traité de la lumière" dans lequel il tenta de rendre compte, par la méthode mathématique, de l'ensemble des phénomènes naturels. Mais ce traité ne fut pas publié car Galilée avait été condamné pour avoir défendu les mêmes thèses.

    4. En 1637, il publia à Leyde le "Discours sur la méthode" dans lequel il posa les bases de la philosophie moderne. Cet ouvrage, écrit en français, était en fait une introduction à trois livres séparés : "Dioptrique", lois d'optique, "Météores", explication de certains phénomènes naturels, et "Géométrie"base de notre géométrie analytique. Descartes y critique ses études, dénonce leur inutilité et l'insuffisance de l'enseignement.

    Le résultat final de ses études chez les Jésuites, c'est le doute et l'incertitude de ses connaissances. Ce qu'il faut, c'est la certitude des connaissances acquises et, pour l'obtenir, Descartes remplaça l'obligation de croire par le libre examen, soumettant toutes les notions à l'évidence que donne la raison.

    5. Pour découvrir toutes les vérités, il suffit, selon Descartes, de respecter quatre règles :

    • ne jamais prendre pour vrai ce qu'on ne connaît pas ;
    • analyser les difficultés en les divisant en éléments plus simples ; 
    • déduire des éléments les plus simples une règle ;
    • rattacher les cas particuliers à une loi générale.

    Cette exigence devait avoir de grandes conséquences pour l'école dont elle modifiait la direction des études. Plaçant dans la raison le contrôle de toutes les vérités, de tous les faits, elle lui imposait évidemment le devoir de cultiver cette faculté.

    6. L'influence du cartésianisme vient du fait qu'il introduisit en philosophie le souci de la rigueur, de l'unité et qu'il redonna à la raison une valeur réelle. En réagissant contre le verbiage et les croyances aveugles fondées sur l'autorité de la scolastique, Descartes ouvrit donc les voies du libre examen et de la pensée moderne. C'est donc avec Francis Bacon et René Descartes qu'une opposition à la scolastique et à l'enseignement religieux est née. C'est à eux que l'on doit la naissance d'un esprit laïc ainsi que le laïcisme progressif dans l'enseignement.

    7. Rares sont les ouvrages de pédagogie qui citent Descartes. Si nous avons voulu l'évoquer, bien qu'il ne traita pas de l'éducation, c'est parce qu'il est possible, à la lumière de sa philosophie, de tirer des arguments pouvant servir la pédagogie.

    Ainsi, pour Descartes, l'homme doit se former au contact de la société, entrer en relation avec d'autres milieux que le sien, observer et analyser les coutumes, discuter avec des personnes de toutes conditions, rechercher causes et effets. L'homme doit ensuite synthétiser toutes les connaissances de façon objective et tolérante afin de se créer une ligne de conduite qui lui permette de mener sa vie raisonnablement et de remettre en cause les opinions, préjugés et croyances dans le sens d'une reconstruction. Il devra se remettre perpétuellement en question et ne jamais rien accepter comme définitif.

    8. En ce qui concerne les mathématiques et les sciences, Descartes proposa un enseignement basé sur l'observation et l'expérimentation, et rattaché directement à la vie. L'étude de l'histoire doit permettre à l'homme de comprendre son époque et de se situer dans son temps. Il faut donc que cet enseignement soit mené avec circonspection et mesure.

    9. Descartes considérait l'acquisition des connaissances comme partant de sensations réfléchies, s'appuyant sur des expérimentations et la collaboration. En recherchant la vérité, Descartes a posé les bases d'une éducation dont le but est de former ses individus capables d'agir en fonction de leur personnalité et de leur connaissance.

    VII. Jean-Baptiste de La Salle

     * Titre VI - L'éducation au 17ème siècle1. Issu d'une ancienne famille noble, Jean-Baptiste de La Salle (1651 - 1719) naquit à Reims et fit ses études au séminaire Saint-Sulpice à Paris. Devenu docteur en théologie, la voie des plus hautes fonctions ecclésiastiques lui était ouverte, mais il préféra se consacrer à l'éducation des humbles. En 1679, il ouvrit dans sa ville natale quelques écoles gratuites populaires. Très attaché au développement de l'éducation du peuple, jusque-là inexistante en France, et très attentif à la formation des frères en tant que maîtres d'écoles, de La Salle ouvrit à Reims un séminaire pour la formation des maîtres. Il fit de même à Paris où il adjoignit même une école d'application. A Rouen, il organisa un enseignement professionnel. En 1684, il jeta les bases de la Congrégation des Frères des Ecoles Chrétiennes dans le but de créer des écoles pour enfants des classes laborieuses.

    2. Jean-Baptiste de La Salle rencontra d'énormes difficultés. En effet, les maîtres des petites écoles ne voyaient pas d'un bon œil ces nouveaux maîtres qui enseignaient avec succès. On lui fit des procès, mais son oeuvre tint bon. A sa mort, en 1719, vingt-sept écoles existaient en France avec neuf mille huit cents élèves. En 1789, il y avait cent seize écoles en France et six à l'étranger, avec trente-six mille élèves.

    3. Jean-Baptiste de La Salle nous a laissé de nombreux écrits pédagogiques, tant théoriques que pratiques. Le principal est intitulé "La Conduite des Ecoles Chrétiennes" dont l'édition définitive date de 1720. Il y développe l'essentiel de ses idées pédagogiques.

    4. Jean-Baptiste de La Salle préconisa une pédagogie basée sur la connaissance approfondie de la psychologie de l'enfant et la culture des sens. L'éducation physique et l'hygiène sous toutes ses formes y jouent un rôle essentiel. L'école doit être active : les élèves doivent chercher, apprendre par eux-mêmes. Le questionnaire et le raisonnement inductif sont à l'honneur. Le mode simultané d'enseignement supplante le mode individuel : le maître s'adresse à toute la classe à la fois. Le frère pouvait aussi se faire aider par des élèves pour répéter les leçons, recourir aux plus avancés pour stimuler les plus faibles qu'il avait soin de placer à côté d'eux. Il y avait donc une combinaison du mode simultané avec le mode mutuel.

    5. Le programme des études proposé par de La salle comprenait la lecture de textes écrits dans la langue maternelle, l'écriture dont l'enseignement a été simplifié, la  grammaire, l'orthographe pratique, l'arithmétique concrète et l'instruction religieuse, car le but de l'éducation restait toujours religieux.

    6. La discipline restait stricte mais avec le souci de réduire les punitions et les châtiments au minimum. L'emploi de la férule était maintenu pour les cas graves. La dénonciation et l'espionnage mutuel était autorisé, comme chez les Jésuites. Le silence devait être strict. Il était essentiel pour maintenir l'ordre. Pour que les frères parlent peu, il existait tout un code de signes pour exprimer ordres et réponses à l'aide d'un claquoir en bois nommé "le signal".

    7. Malgré le caractère sommaire de ce programme d'école élémentaire, celui-ci apparaissait comme révolutionnaire pour son temps, s'adressant pour la première fois aux pauvres, sur une grande échelle. Les nombreuses innovations pédagogiques qu'il contenait expliquent le succès de cet enseignement.

    8. L'oeuvre de de La Salle fut immense et se répandit dans les deux continents. Il créa l'école primaire, lui donnant un programme, des méthodes et des ressources. Il recruta un personnel à qui il sut communiquer son zèle. Rien ne lui resta indifférent dans la vie physique, intellectuelle et morale de l'enfant.

    Malgré la réglementation exagérée qui pouvait entraver le progrès individuel, malgré la discipline parfois humiliante, il faut reconnaître qu'au point de vue pratique, aucun pédagogue, jusqu'au 18ème siècle, n'avait apporté de modifications aussi fécondes en faveur de l'enseignement du premier âge.

    Chapitre II : Répercussions des idées et théories nouvelles sur l'organisation scolaire

    I. Synthèse des idées nouvelles 

    1. Selon son étymologie, le terme "humanisme" embrasse, en réalité, tout ce qui est de l'homme et tout ce qui peut révéler l'esprit de l'homme. Mais s'il s'en est tenu, pendant plusieurs siècles, aux seules humanités classiques et à une conception purement littéraire de la formation. Cet étriquement de la culture s'est aggravé tandis que se développaient les littératures nationales et les sciences modernes.

    2. Le 17ème siècle est le grand siècle de la littérature française mais il fut plus encore le siècle de la science. Sous l'influence de Kepler, Newton et Descartes, il apporta les transformations les plus profondes à la pensée et à ses méthodes. Si l'on commença à élaborer la méthode expérimentale qui allait changer notre capacité de comprendre le monde et d'agir sur lui, l'éducation, malheureusement, s'en tint obstinément à l'horizon latin et à l'esprit antique.

    3. Ce retard du contenu de l'éducation sur les ressources offertes par l'évolution de la pensée, des arts et de la science peut s'expliquer par la prudence qu'adopte l'école dans l'accueil des valeurs nouvelles et par le conservatisme inné de l'éducation et la puissance de la tradition. En fait l'enseignement des sciences resta exclu de l'éducation générale parce qu'il n'y répondait à aucune nécessité.

    4. Dès le 17ème siècle, la pédagogie théorique amorça la révolution qui allait la libérer de tous les formalismes et des contraintes intellectuelles. Les idées de Ratichius mais surtout celles de Comenius inspirées de Bacon aboutirent au réalisme pédagogique par lequel on rejetait les principes abstraits imposés d'autorité, pour les remplacer par des faits observés objectivement et vérifiés par l'expérience. On substituait la méthode inductive à la méthode déductive ; on plaçait la connaissance des choses avant celle des mots et des idées qu'ils expriment ; on substituait l'étude directe de la réalité concrète au travail abstrait de la dialectique.

    5. La plupart des pédagogues ont prévu avec précision un système complet d'enseignement dont tous les degrés, ainsi que l'esprit, les programmes et les méthodes répondaient aux exigences d'un développement intégral et rationnel de l'homme.

    6. Avec le développement des idées humanistes naquit un intérêt effectif pour l'éducation des filles et, sous l'influence du courant protestant essentiellement, la langue maternelle prit sa place dans l'enseignement élémentaire pour lequel se manifesta également un regain d'intérêt, à tel point que Comenius prôna un enseignement gratuit et obligatoire.

    7. C'est ainsi que le brassage des idées nées de la Renaissance, de la Réforme et de la Contre-Réforme ouvrit la voie aux philosophes du 18ème siècle, que le déclin de la noblesse, la puissance grandissante de la bourgeoisie et le principe de l'autorité royale mis en cause préparèrent la révolution française de 1789, et que le développement des ressources industrielles et des manufactures annonçaient déjà quant à lui l'essor industriel qui marqua le 19ème siècle.

    II. L'enseignement primaire

    1. Au 17ème siècle, l'éducation élémentaire resta aristocratique, limitée à un petit nombre de bénéficiaires. le peuple ne recevait qu'une formation extrêmement limitée. L'enseignement primaire, assez médiocre dans l'ensemble, était limité dans ses objectifs tant dans les pays protestants que dans les pays catholiques.

    2. Cette formation élémentaire, qui comprenait le chant d'église, la lecture, l'écriture et quelques éléments de calcul, était donné dans des écoles de différents types. Les plus nombreuses, les "écoles mercenaires" étaient des écoles payantes. les parents devaient un écolage au maître.Les écoles municipales étaient peu nombreuses. Les écoles de fondation étaient gratuites et dépendaient d'une oeuvre de bienfaisance ou d'une rente faite par un donateur. Quant aux écoles de charité, écoles gratuites, elles dépendaient des paroisses. C'étaient les anciennes écoles paroissiales, le plus souvent tenues par le prêtre. Toutes ces écoles étaient soumises à l'autorité ecclésiastique, par l'intermédiaire de l'écolâtre qui choisissait les maîtres, contrôlait leur enseignement et leur assignait une responsabilité spirituelle. Le but catéchétique dominait et l'analphabétisme restait largement répandu.

    3. Fort heureusement, l'idée d'une nécessaire formation des maîtres fait son chemin et les premières ébauches d'écoles normales apparaissent car les maîtres sont souvent médiocrement instruits eux-mêmes. Les bâtiments scolaires sont souvent constitués de bâtisses de fortune : grange ou écurie quand ce n'est pas la maison du maître elle-même qui sert d'école.

    4. Il faut attendre la fin du 17ème siècle pour voir donner une impulsion à l'enseignement élémentaire populaire ; partout, on s'occupa de l'éducation et des systèmes qui en favorisaient la propagation. Ce fut l'oeuvre d'entreprises privées, de caractère religieux, notamment la Congrégation des Frères des Ecoles Chrétiennes. l'éducation élémentaire resta encore considérée comme une oeuvre de charité et non comme un droit. Cette situation s'observait dans toute l'Europe.

    5. En Allemagne, nous l'avons vu, un pasteur protestant, Francke (1663 - 1727), joua un rôle comparable à celui de Jean-Baptiste de La Salle en fondant des écoles piétistes, écoles de charité pour enfants pauvres, et plusieurs institutions enseignantes. La fin du 17ème siècle vit appliquer en Allemagne les principes de Ratichius et de Comenius dans l'enseignement des langues mais partout on réclamait pour les classes inférieures une instruction répondant aux besoins du peuple.

    6. En Allemagne encore, Ernest le Pieux établit l'enseignement obligatoire et gratuit et lui donna pour base un programme de lecture, écriture, calcul et religion.

    7. En Espagne, le prêtre J. Bonet régularisa l'enseignement des sourds-muets que le bénédictin Pedro de Ponce avait créé au siècle précédent, et le prêtre aragonais Calazans ouvrit des écoles pour enfants pauvres.

    8. En Italie, Calazans exilé, fonda l'ordre des Claristes qui se voua également à l'instruction des classes abandonnées.

    III. L'enseignement secondaire

    1. L'éducation secondaire restait aussi, au 17ème siècle, limitée à un petit nombre de privilégiés. Si le 17ème siècle était le grand siècle de la littérature française, ainsi que le grand siècle de la science, marqué par Kepler, Newton, Descartes, Galilée, Vésale, Pascal et Toricelli, l'enseignement secondaire oubliait cependant ces éléments et s'en tenait à l'horizon latin.

    2. L'enseignement secondaire se maintenait dans une attitude anachronique : humanités classiques et formation purement littéraire. La limitation de la culture s'aggravait au fur et à mesure que se développaient les littératures nationales et les sciences modernes.

    3. La primauté du latin dans les collèges était telle qu'elle accaparait tout l'horaire. C'était un phénomène propre à l'action éducative, marquée par la prudence pour accueillir des valeurs nouvelles.

    4. L'enseignement secondaire se donnait dans diverses catégories de collèges. il y avait, d'une part, les collèges des facultés des arts comme Louvain. L'enseignement y était figé, médiocre et obscur. D'autre part, on distinguait les collèges des congrégations : Augustins, Récollets. Les collèges des Jésuites et des Oratoriens attiraient le plus d'élèves. Enfin, certains collèges, comme les collèges épiscopaux , dépendaient des autorités ecclésiastiques ; d'autres des autorités communales.    

    5. Les collèges des Jésuites et ceux des Oratoriens ont connu depuis leur création un succès remarquable. devant le prestige grandissant du système pédagogique plus humain et plus libéral des Oratoriens, les Jésuites entamèrent une lutte sourde contre la Congrégation de l'Oratoire.

    IV. L'enseignement supérieur

    1. l'université a subi les contre-coups des transformations extérieures et elle leur a résisté. persistant à ignorer la langue française, l'université a conservé ses vieilles méthodes inchangées, n'ayant pas su remédier aux vieux vices scolastiques. Elle s'en tenait obstinément à Aristote, condamnant les idées cartésiennes. Les universités ont donc végété alors que les collèges des Jésuites et des Oratoriens ont prospéré.

    2. Toute l'activité intellectuelle et scientifique de cette époque s'est déroulée en dehors de l'université. Si les universités n'ont pas participé aux progrès scientifiques, la haute culture s'est réfugiée dans d'autres foyers. Des institutions ont été créées un peu partout en Europe. Elles dispensèrent un savoir nettement plus réaliste et adapté. il existait de hautes écoles, parallèles aux universités, tel le Collège de France (1530) qui devint le Collège des lecteurs royaux puis Collège royal. D'autres institutions ne s'adressaient qu'à une clientèle restreinte. ce furent les Académies, comme l'Académie royale en Angleterre, l'Académie de Berlin, l'Académie des Sciences à paris créée en 1666 sous le patronage de Colbert.

    3. Rollin (1661 - 1741), dont nous reparlerons à propos de l'éducation des filles, après avoir fait de fortes études et suivi un brillant enseignement des humanités au Collège du Plessis puis au Collège Royal, devint recteur de l'Université de Paris en octobre 1694. Il s'efforça de réformer la vieille administration dont la direction lui avait été confiée. Il lutta pour rajeunir les méthodes d'enseignement et améliorer la qualité des professeurs. Son "Traité des Etudes" qu'il publia vers la fin de sa vie, joua un rôle considérable sur la suite de l'histoire dela pédagogie car c'est en s'inspirant de lui que l'université française tenta de se rénover.

    Rollin basait l'enseignement secondaire sur les humanités tout en accordant une part aux sciences et à la philosophie, mais l'enseignement religieux conservait malgré tout une place très importante. Les instructions qu'il prodigua à propos de l'enseignement du latin firent longtemps autorité. Elles étaient aussi remarquables que celles qu'il formula à propos de l'étude des textes fançais et dont l'essentiel reste encore valable de nos jours. Rollin fut un des rares pédagogues catholiques du 17ème siècle à préconiser l'éducation publique et à vanter la valeur de l'instruction pour elle-même.

    V. Conclusion

    A la lecture de ce second chapitre, on se rend bien compte que les idées et théories nouvelles n'ont pas encore eu de répercussions importantes sur l'organisation scolaire. En fait,il faudra attendre le 18ème siècle, celui des philosophes éducateurs et de la Révolution française pour que les doctrines éducatives subissent de profondes modifications en Europe.

    Chapitre III : Aperçu de l'éducation physique au 17ème siècle

    I. Introduction

    1. En France, pendant tout le 17ème siècle, pratiquement rien n'est fait en matière d'éducation physique. C'est le siècle de Louis XIV ; on pratique bien l'escrime ; on joue encore à la paume, mais plus avec le même entrain.

    La chevalerie et tous les exercices ont disparu avec l'intervention de la poudre. D'autre part, les nobles suivent l'exemple de Versailles. On ne sait plus que saluer et danser. Jouer à la paume devient fatigant ; on préfère le billard. Chevaucher est pénible ; il est plus confortable de monter en carrosse. Les gens du peuple continuent cependant à jouer au mail, ancêtre du criquet.

    2. C'est pendant cette période que John Locke reprit et essaya de rendre populaire les idées de Montaigne. Il préconisait que, pour réussir convenablement l'éducation intellectuelle des individus, il fallait avant tout leur donner un corps sain, donner une éducation corporelle conforme aux lois de la raison et songer ensuite à la perfection de l'esprit.

    3. Si 17ème siècle fut stérile en éducation physique, à partir de ce moment, apparaissent dans l'histoire de la gymnastique des savants, médecins et philosophes qui font des recherches, qui étudient les exercices et les sports dans leurs rapports avec le corps.

    II. Importance de la santé du corps  

    1. Pour John Locke, il importait surtout de laisser à la nature le soin de former le corps comme elle croyait devoir le faire, et d'aider la nature dans sa tâche en inculquant de bonnes habitudes.

    2. La pédagogie de John Locke recommande l'école de la vie où une bonne éducation doit assurer un esprit bien réglé, capable de raisonner, et où le corps doit être en bonnes dispositions. C'est ainsi qu'il a été attribué à John Locke le privilège d'être l'innovateur de l'éducation physique mais il ne faut pas oublier que les Anglais ont toujours fait beaucoup de cas des bienfaits de l'éducation physique et que, déjà avant Locke, des écrivains en chantaient les louanges.

    3. John Locke était médecin et il se rendit compte que pas mal de familles négligeaient l'hygiène. D'où il en résultait incontestablement un grand nombre d'enfants chétifs, maladifs voire morts. Dans de tels milieux, l'endurcissement du corps devint une condition primordiale de santé et il fallut habituer l'enfant, dès sa naissance, à résister aux causes extérieures et à pratiquer des exercices physiques.

    III. L'éducation physique et les sports

    1. De tous temps, il a toujours été conseillé d'établir un équilibre entre le travail intellectuel et les exercices physiques. C'est ce que John Locke voulut introduire en faisant comprendre que le programme intellectuel devait se compléter par des exercices physiques et esthétiques comme la danse, les armes et l'équitation par exemple.

    2. La danse est l'accomplissement le plus important, et l'on ne peut pas s'y donner trop fort. Pourtant, il faut choisir un bon professeur de danse, un professeur qui connaît à fond son art et qui voit plus loin que ce qu'exigent les politesses de la haute société. En un mot, le professeur de danse connaît son anatomie et exerce judicieusement toutes les parties du corps de son jeune élève pour qu'il soit souple et rythmique dans tous ses mouvements.

    3. La musique est un divertissement, un délassement nécessaire. Quant à l'escrime et à l'équitation, ce sont des exercices physiques surtout salutaires pour ceux qui habitent les grandes villes. Il faut aussi préciser que John Locke ne s'intéressait guère qu'à l'éducation des enfants de la bourgeoisie aisée, ce qui aide à comprendre que les sports pratiqués par les jeunes garçons ne sont accessibles qu'à une minorité de gens.

    IV. Généralités sur la gymnastique

    1. La gymnastique du début du 17ème siècle était plutôt une gymnastique médicale inspirée du traité de Mercurialis "De Arte Gymnasticae", mais il n'est pas possible de fixer une date correspondant au commencement réel de la gymnastique médicale.

    2. L'art de la gymnastique, autrefois estimé, devint obscur et presque anéanti au 17ème siècle. On voulut rendre à la gymnastique son lustre, lui apporter des justifications médicales et préciser les conditions d'exercice. Ceci évoque naturellement les théories de Galien qui se voyaient uniquement médicales. Galien, né à Pergame en Asie mineure en 129 et mort vers 216, était un médecin grec de l'Antiquité qui avait exercé la médecine à Pergame et à Rome où il avait soigné plusieurs empereurs.

    3. La vision de Galien a été rectifiée : la gymnastique est une science. Elle est un art qui concerne une façon de faire, une pratique. La gymnastique médicale est une gymnastique savante qui sait les effets des exercices sur le corps. Mais on n'ose pas toujours affirmer qu'il existe une gymnastique naturelle qui pourrait peut-être être l'agent d'une adaptation du naturalisme galénique en un naturalisme qui infléchira en une direction nouvelle.

    4. Les modifications des conceptions anatomiques et le rôle de la découverte physiologique de Harvey sont les causes principales de la détérioration progressive du galénisme. 

    Tout exercice devient un mouvement entrepris pour sauvegarder sa santé. La distinction entre des exercices actifs et des exercices passifs, qui semblait intéressante, est rejetée. D'autre part, les exercices gymniques sont des bienfaits pour la guérison des différentes maladies. On essaye de détacher de Galien la gymnastique et à en donner une estampille médicale à des exercices nouveaux, modernes, dont la valeur n'avait pu être entrevue ni de Galien ni des Grecs. 

    Les exercices physiques sont représentés par la lutte, la course, le pugilat, la danse, le jet de pierres, disques et javelots. La gymnastique galénique s'est donc trouvée détruite sous sa forme pratique et concrète.

    5. On a découvert que la gymnastique agissait sur la circulation du sang. L'expérience fournit le moyen de contrôler son action et une théorie de la santé permet de comprendre l'importance du mouvement pour la santé. Ceci constituera une gymnastique nouvelle que sera la dissociation de la gymnastique et du galénisme et deviendra ainsi l'iatromécanisme (Doctrine médicale du 17ème siècle qui a eu pour principal représentant François de Le Boë (Sylvius) et qui consistait à expliquer tous les actes vitaux, en santé ou en maladie, par des opérations chimiques : fermentation, distillation, volatilisation, alcalinités, effervescences) qui est essentiellement une façon de considérer le corps humain en le comparant aux machines et par suite d'expliquer son fonctionnement par les lois de la mécanique et de l'hydraulique.

    6. Le mouvement humain, volontaire ou involontaire, est considéré comme un fait dont les médecins qui s'occupent de la gymnastique ne se croient pas tenus de rechercher les causes dont ils n'envisagent que les effets. C'est ainsi que la gymnastique recouvre les deux domaines de l'hygiène et de la thérapeutique.

    V. Conclusion 

    Au 17ème siècle, la gymnastique n'est plus seulement médicale : elle redresse l'ancienne médecine, montre à la médecine des voies nouvelles. Le peu de gymnastique et de sports pratiqués au 17ème siècle en Angleterre sont surtout axés sur la gymnastique médicale. Chaque exercice gymnique a un but médical en ce sens qu'il apprend à maîtriser le corps humain. On insiste beaucoup sur l'hygiène et sur le mouvement.

    Chapitre IV : L'éducation des filles

    I. Généralités

    1. Dans l'Antiquité, Platon, Xénophon et Plutarque s'étaient préoccupés de l'éducation des filles.

    Saint Jérôme avait tracé des règles d'éducation à appliquer dans les couvents. Dans les châteaux, l'éducation féminine était l'objet de beaucoup de soins. Les jeunes filles recevaient une formation littéraire et musicale supérieure à celle des jeunes gens.

    Alors que le Moyen Age ne s'était pour ainsi dire jamais soucié du développement de l'instruction chez les filles, probablement parce que l'Eglise voulait surtout les préserver des tentations du monde, voici qu'au 17ème siècle, et pour la première fois depuis l'Antiquité, l'éducation des filles préoccupe vraiment les théoriciens et les praticiens.

    2. En effet, le 17ème siècle présente cette particularité d'être une époque brillante pour les femmes. Plusieurs femmes se rendirent célèbres comme auteurs et comme institutrices mais elles attirèrent l'attention, prouvant ainsi que l’infériorité intellectuelle dont on les avait accusées n'était nullement fondée.

    Certaines femmes qui fréquentaient les salons et la cour y avaient acquis une instruction suffisamment étendue que pour pouvoir discuter et critiquer les "Pensées" de Pascal et la philosophie de Descartes.

    Mais à côté de ces connaissances qui témoignaient du goût, des lectures et des conversations, l'instruction élémentaire et moyenne dispensée par l'école, faisait défaut. L'orthographe était nulle et la pratique des quatre règles était un luxe.

    3. Les productions littéraires des femmes eurent pour conséquence que même les hommes demandèrent pour elles cette culture jusque-là réservée aux fortes intelligences.

    Ainsi, Poullain de la Barre (1647 - 1723) publia deux ouvrages dans lesquels il montra l'égalité des aptitudes aux sciences et réclama pour les femmes le droit d'exercer les fonctions même les plus élevées dans la magistrature, l'armée et l'enseignement. D'autre part, l'abbé Fleury (1640 - 1723) ne se borna pas à demander de beaux livres et un maître souriant pour que l'étude fût agréable et à préférer le français aux langues anciennes. Dans son "Traité du choix et de la méthode des études", il voulait que les femmes reçoivent une instruction séparée. Il fonda même un "séminaire des sœurs-maîtresses".

    4. L'appel des écrivains profanes et religieux fut entendu. De nombreux ordres de femmes, Sœurs de Notre-dame, Ursulines, ... furent fondés. Leur but principal était l'enseignement. C'est pourquoi des écoles ordinaires pour enfants pauvres et des pensionnats pour jeunes filles riches furent créés et peuplés par la foi profonde qui caractérisait le 17ème siècle.

    5. Situation identique à celle du Moyen Age : seules les écoles religieuses existaient. Les résultats furent cependant peu sensibles étant donné l'insuffisance des maîtresses. Les couvents qui se voyaient confier exclusivement les filles de la noblesse et de la bourgeoisie avaient pour but principal de donner une éducation chrétienne par des pratiques religieuses. En fait ils ne préparaient pas suffisamment la femme à sa mission.

    6. Les classes ouvrières n'avaient pas encore partout la protection ni l'autorité nécessaires à leurs progrès. 

    En Allemagne, seuls les nombreux petits états, souvent rivaux, ont publié des règlements organisant les écoles de filles, mais l'exécution fut incomplète.

    7. Il faut signaler l'existence de deux établissements remarquables : Port-Royal et Saint-Cyr.

    Le premier avait bien compris et réalisé le but que l'école doit se  proposer, mais son règlement fut si sévère qu'il rendit l'éducation trop sombre. Saint-Cyr, c'était l'école laïque créée par Madame de Maintenon. Cette école dépassa toutes les autres par l'étendue de son programme et la supériorité de ses méthodes.

    II. Fénelon

     * Titre VI - L'éducation au 17ème siècle1. François de Salignac de la Mothe Fénelon naquit en Dordogne en 1651. Issu d'une famille de la haute noblesse du Périgord, il fit ses études chez les Jésuites, entra dans les ordres et devint archevêque de cambrai en 1695 à la demande du duc et de la duchesse de Cambrai. C'est en 1687 qu'il révéla ses qualités de pédagogue dans son "Traité de l'Education des Filles". Il était le précepteur des huit filles de la duchesse de Beauvilliers. Il devint aussi précepteur du duc de Bourgogne dont il parvint à amadouer le caractère emporté. C'est pour ce dernier qu'il écrivit les "Fables", les "Dialogues des Morts et des Vivants" et son "Télémaque".

    2. Il subit l'influence du quiétisme, doctrine selon laquelle l'âme arrivée à la contemplation complète de Dieu est dans un état de calme et de quiétude absolue. venue d'Espagne et introduite en France par Madame de Guyon, cette doctrine fut condamnée par Rome. Fénelon tenta de la défendre habilement dans ses œuvres mais se brouilla avec Bossuet et finit par être lui-même condamné par Rome. il mourut en exil à Cambrai en 1715. 

    3. Les idées de Fénelon sont toutes marquées de bon sens et d'esprit de finesse.

    Il faut prendre l'enfant tel qu'il est, avec ses bons et ses mauvais penchants. cette idée s'oppose à celles de Rabelais et des Jansénistes. Fénelon accorde une grande importance aux soins physiques et à la nourriture des enfants. L'éducation doit donc commencer dès le premier âge, suivre et non devancer le développement naturel.

    Il faut lutter contre les mauvais penchants avec discernement et avec des moyens naturels : l'amour-propre, les éloges et l'émulation. Fénelon veut que l'on rende l'éducation attrayante et que l'instruction ait recours à la curiosité, au jeu et à la raison. De nos jours on dirait qu'il faut répondre aux questions des enfants et se préoccuper de leurs intérêts.

    4. Le "Traité de l'Education des Filles" comprend treize chapitres. L'auteur y montre que l'éducation des femmes doit être en rapport avec leurs fonctions. La femme doit apprendre à lire et à écrire. L'histoire est utile comme l'arithmétique. Il rejette l'initiation à la peinture et à la musique car ces disciplines ne contribuent pas à l'endurcissement.

    5. Le programme de Fénelon était audacieux pour l'époque.

    En ce qui concerne l'éducation des filles, il faisait figure de novateur. Fénelon fut le premier à avoir donné des directives aussi précises pour éduquer les filles en tenant compte de la psychologie de l'enfant. Fénelon attribuait aux femmes une fonction domestique. Il estimait en effet que la femme a un ménage à tenir, un mari à rendre heureux et des enfants à élever. Malgré cela, il considérait cependant la jeune fille dans sa personne et sa valeur humaine, se préoccupa de son instruction et d sa culture intellectuelle.

    6. Malgré ses largeurs de vue, Fénelon nourrit encore bien des préjugés en ce qui concerne l'instruction des femmes. Son plan d'études est insuffisant : lecture, écriture, grammaire, histoire et puériculture mais les sciences sont proscrites. Il n'en reste que Fénelon a défendu la cause des femmes et a su proposer une pédagogie aimable et souriante.

    III. Madame de Maintenon

     * Titre VI - L'éducation au 17ème siècle1. Née demoiselle d'Aubigné, elle épousa le poète Scarron. Devenue veuve à vingt-cinq ans, elle fut chargée de l'éducation des enfants de Louis XIV et de Madame de Montespan. Elle possédait de naissance les qualités qui assurent le succès d'une bonne institutrice et  avait tout ce qui attire l'élève et l'attache.

    Le grand mérite de Madame de Maintenon (1635 - 1719) est d'avoir été le premier chef d'établissement pour jeunes filles. En effet, elle fonda en 1686 un pensionnat pour 250 jeunes filles nobles mais pauvres à Saint-Cyr. C'est par la direction qu'elle sut y imprimer que lui revint le titre de "première institutrice laïque de France".

    2. Madame de Maintenon, qui épousa secrètement Louis XIV, n'a pas écrit d’œuvres marquantes. On la connaît surtout par la correspondance qu'elle a laissée : des "Lettres" adressées aux élèves et aux professeurs de Saint-Cyr, des "Entretiens" recueillis par des élèves ou ses collaborateurs, des "Conseils" aux "Demoiselles qui entrent dans le monde".

    3. Son rôle pédagogique apparaît donc dans la direction de l'institution de Saint-Cyr, premier grand établissement séculier pour l'éducation laïque des jeunes filles. On y élevait gratuitement jusqu'à vingt ans les jeunes filles pauvres de la noblesse. Ce n'est donc pas un couvent. Madame de Maintenon voulut y faire passer les idées de l'Abbé Fleury et celle de Fénelon dans la réalité.

    4. Au moment de  sa publication, le livre de Fénelon parut très libéral. Et, puisque à Saint-Cyr les idées de Fénelon furent mises en pratique, l'esprit de la maison fut, jusqu'en 1692, très libéral également et tolérant. Les élèves étaient les actrices de pièces telles que Andromaque et Esther. On s'efforçait de rendre leurs études attrayantes.

    5. Madame de Maintenon avait trop de jugement pour ne pas apercevoir les défauts de cette brillante éducation, inconciliable avec  l'existence modeste qui attendait les jeunes filles sans fortune.

    Les idées et les habitudes ne les préparaient pas à devenir des mères de famille ni des femmes chrétiennes. Le monde ne tarda pas à décevoir la directrice. Les jeunes filles songeaient davantage aux plaisirs du monde qu'à ceux du ciel. Madame de Maintenon fit alors une réforme complète. L'école fut transformée en couvent. La vie facile fit place à un internat sévère.

    6. Tandis que l'éducation réelle, auparavant faible, devenait le but principal, l'instruction eut par contre un rôle plus modeste. On initia les pensionnaires aux travaux manuels, aux soins domestiques. La vie y devint simple et bien réglée : lectures édifiantes, écriture, comptage et jeux d'esprit formaient le jugement et la réflexion. On y forma de modestes bourgeoises et non de grandes intellectuelles mondaines. 

    7. Ainsi, au cours de cette seconde période, cette institution donna une éducation perspicace, évitant des excès, une formation trop poussée, une dévotion exagérée. On y apprenait surtout à tenir une maison et à se former l'esprit convenablement. mais le programme ainsi réduit restait cependant supérieur à celui de tous les couvents du 17ème siècle. En 1692, l'institution de Saint-Cyr devint un monastère régulier. Les dames séculières durent prendre le voile. L'oeuvre subsista jusqu'à la révolution de 1789. 

    8. Se soldant finalement par un bilan relativement modeste, l'oeuvre de Madame de Maintenon a influencé la conception qu'on s'est faite sur l'éducation des filles en France. Beaucoup de ses idées furent reprises par la révolution et l'Empire.

    Cette union de la formation morale et de la formation ménagère, orientées vers la fondation d'un foyer, vers la vie de famille, reste encore actuellement l'idéal pédagogique de toute une classe sociale. 

    IV. Rollin

     * Titre VI - L'éducation au 17ème siècle1. Comme l'avait fait Fénelon, Rollin (1661 - 1741) accorda une extrême importance à l'éducation des femmes. 

    Bon pédagogue, quoique très libéral, homme d'église, Rollin ne concevait pas de programme éducatif sans instruction religieuse. Rollin est l'un des rares auteurs du 17ème siècle partisans de l'éducation publique. Déclarant l'éducation particulière chimérique, Rollin fut l'un des premiers pédagogues ecclésiastiques à vanter la valeur de l'instruction pour elle-même. Il souhaitait que tous en profitent car il était convaincu qu'elle facilite la recherche de la vérité. 

    2. Auteur du "Traité des études", Rollin confie, comme Fénelon, l'éducation des filles à la mère dont la prudence peut éviter la rigueur qui excite les désirs et la faiblesse qui les favorise. Il prévoyait les mêmes soins pour les garçons et pour les filles jusqu'à l'âge de sept ans. Passé cet âge, les études devaient différer car il considérait que la condition de la femme était simplement autre. 

    3. Rollin estimait suffisante la connaissance des soins domestiques, insistait particulièrement sur la science du ménage, les achats, la préparation des repas et la tenue de la maison. Rollin insistait aussi beaucoup sur les travaux manuels qui s'adressent à la fois à l'esprit et au corps. Ces études utilitaires devaient être complétées par l'acquisition de connaissances géographiques et historiques (histoire sainte, histoire ancienne et histoire nationale). Rollin condamnait la poésie, la musique et la danse ne voyant dans ces arts que les dangers résultant de l'excès. 

    Chapitre V : La Belgique au 17ème siècle

    Le 17ème siècle fut une époque de troubles continuels. Alors que nos pays voisins renouvelaient leurs écoles et que les esprits s'adonnaient aux sciences avec toujours plus d'ardeur, la Belgique, qui était loin de participer à ce mouvement, perdait le peu qui avait été réalisé ou, tout au moins, restait stationnaire. Cette situation lamentable était en fait la conséquence des évènements politiques.

    Le début du 17ème siècle avait cependant été plein de promesses : en effet, grâce à la "trêve de douze ans", les arts et les sciences avaient refleuri ; les Belges s'étaient rendus célèbres dans toutes les branches de l'activité humaine. Mais cet éclat fut passager. Examinons la situation de l'enseignement à cette époque.

    I. L'enseignement supérieur

    1. L'Université de Louvain profitait de la gloire de ses anciens professeurs, même disparus. Le nombre d'élèves était si important qu'il fallut créer de nouveaux collèges. L'apparition du "Traité de la méthode" de Descartes et d'autres œuvres de ce même philosophe suscita, dans l'université et dans les cloîtres, une vie intellectuelle très active bien qu'elle fut restreinte aux privilégiés. 

    2. De nombreux écrits pour ou contre les nouvelles théories furent publiés. Descartes lui-même soutint la lutte par les nombreuses lettres qu'il adressa à ses principaux adversaires. Grâce à ses prérogatives, l'université discutait avec une plus grande liberté que les collèges de France. Partisans et adversaires des doctrines d'Aristote et de Descartes s'y livraient à de multiples discussions. 

    II. L'enseignement moyen

    1. Les Jésuites étaient arrivés en Belgique au siècle dernier et avaient été attirés à Louvain par l'importance des écoles. Ils y avaient fondé un collège puis s'étaient établis dans différentes villes du pays. 

    2. La renommée de leurs internats attirait une foule d'élèves au point que l'université, jalouse de leur succès, invoqua ses anciens privilèges qui lui conféraient l'enseignement exclusif de la théologie. 

    3. En 1624, Philippe IV interdit aux Jésuites d'inclure cette branche dans leur programme mais cette interdiction n'arrêta pas leurs progrès. Les pères Jésuites éclipsaient complètement les Oratoriens qui avaient créé quelques rares établissements.

    III. L'enseignement primaire

    1. Par rapport aux deux degrés précédents, l'enseignement primaire connaissait une situation beaucoup moins favorable.

    2. L'autorité spirituelle avait prié les magistrats et les autorités locales de veiller à l'exécution de ses ordres. Mais les décrets n'étaient pas observés. Ceux-ci ne répondaient déjà plus aux efforts et aux progrès des pays voisins.

    3. Les Conciles de Malines et de Namur (1607 et 1626) avaient renouvelé l'obligation d'instituer partout des écoles dominicales. Ils ordonnaient aux parents, riches comme pauvres, d'y envoyer leurs enfants et leurs domestiques. Ils avaient prescrit la séparation des sexes. L'éducation des garçons était confiée à des hommes et celle des filles à des femmes. Dans la plupart de ces écoles, les maîtres ignorants apprenaient à lire, à écrire, à prier et à servir la messe. Seules quelques institutions privées dépassaient le programme imposé. Loin de dispenser une instruction primaire sérieuse, elles débordaient sur le programme des collèges en enseignant déjà le latin, des éléments de grec et le chant grégorien. 

    4. Il est impossible de rendre populaire et fécond un enseignement aussi imparfait. Aux côtés de la classe élevée, brillante par l'éducation qu'elle avait reçue dans les collèges des Jésuites, le peuple qui était rempli de qualités mais impuissant à en tirer quelque profit, vivait superstitieux et ignorant.

     Lien URL avec le Titre VII : "L'éducation au 18ème siècle"

     

    Bibliographie partielle du Titre VI

    Bovet P. - Jean Amos Comenius, un patriote cosmopolite - Genève, Rosello, 1943

    Compayré G. - Histoire critique des doctrines de l'éducation - Tome I (5ème édition) - Paris, Hachette, 1885

    De Hovre - Le catholicisme, ses pédagogues, sa pédagogie - Bruxelles, Standaard Boekhandel, 1930

    Descartes R. -  Discours de la méthode - Paris, Garnier-Flammarion, 1966

    Locke J. - Pensées sur l'éducation - Paris, Librairie philosophique, J. Vrin, 1966

    Mallinson V. - John Locke - in "Les grands pédagogues" (Jean Duchâteau) - Paris, P.U.F., 1969

    Meyberger A. - Jean Amos Comenius, sa vie et son oeuvre d'éducateur - Paris, Honoré Champion, 1928

    Mousnier R. - Les 16ème et 17ème siècles - Tome IV de l'histoire générale des civilisations - Paris, P.U.F., 1967

    Pire G. - Regards sur la vie et l'oeuvre de Jean Amos Comenius - Paedagogica Historica, Tome X, pages 566 - 588

    Renault J. - Les idées pédagogiques de Fénelon - Paris, Lethielleux, 1922

    Rodis-Lewis Geneviève - Descartes et le rationalisme - Paris, P.U.F., Que sais-je ?, 1970

    Snyders G. - La pédagogie en France aux 17ème et 18ème siècles - Paris, P.U.F., 1965

     


  • Commentaires

    1
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