• * La quatrième période

    La quatrième période : la période opératoire formelle

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    1. Le passage aux opérations formelles

    Le développement de l'intelligence a parcouru deux étapes principales : l'installation de la fonction sémiotique et la période des opérations concrètes.

    En intériorisant les schèmes sensorimoteurs, la fonction sémiotique a permis l'élaboration des images mentales. Elle a ouvert le champ au langage verbal et a condensé des actions successives en représentations simultanées.

    Grâce à la coordination des anticipations et des rétroactions, la période des opérations concrètes a introduit la réversibilité dans la pensée enfantine. De plus, des notions comme l'espace et le temps sont progressivement maîtrisées.

    L'intelligence étant conçue comme une forme d'adaptation, deux paliers principaux d'équilibre se sont donc constitués :

    • l'intelligence sensorimotrice
    • l'intelligence opératoire concrète.

    Les opérations de la période précédente étaient concrètes en ce sens qu'elles  ne pouvaient s'appliquer qu'à des objets actuels ou immédiatement représentés.

    Ordonner, classer ou compter des objets sont des actions exercées sur des objets. ces actions s'accompagnent, chez les jeunes enfants, presque toujours d'une manipulation d'objets physiques.

    A un niveau plus élevé, l'enfant peut ordonner, classer ou compter ces mêmes objets physiques en se contentant de les regarder, sans les manipuler.

    Plus tard, l'enfant devient capable d'imaginer ces objets. L'action porte alors sur des signifiants que sont les signes graphiques ou les images mentales.

    Avec l’apparition des opérations formelles, le rapport au monde change complètement.

    Au cours de cette nouvelle étape de son développement, l'enfant parvient à se libérer de plus en plus des limitations imposées par le réel qui lui avait pourtant justement permis, par les actions exercées sur les objets et ensembles d'objets, de construire un système opératoire complexe et flexible.

    La pensée du préadolescent se détache de plus en plus des contraintes du réel, des liaisons spatio-temporelles, pour devenir formelle et extemporanée. Le réel n'est plus qu'un secteur réalisé du possible et le réel actuel est situé parmi toutes les réalités que ses transformations pourraient engendrer.

    Les opérations intellectuelles du préadolescent dépassent le niveau pragmatique centré sur le réel pour insérer la connaissance dans le possible et pour relier directement le possible au nécessaire sans la médiation indispensable du support concret.

    Piaget considère cette évolution comme une dernière "décentration". Vers l'âge de 12 ans, le raisonnement du jeune adolescent commence à s'appliquer à des données symbolisées ou formalisées : énoncés verbaux, hypothèses, signes logiques ou mathématiques, représentations intériorisées (images mentales).

    Les structures opératoires se développent, deviennent plus mobiles, plus extensibles, rééquilibrables de multiples façons.

    Le jeune adolescent réalise maintenant que les classes sont non seulement des groupes d'objets concrets mais peuvent être conçues et/ou imaginées comme des abstractions ou des entités formelles.

    C'est alors que s'acquièrent la combinatoire, la logique des propositions, le "groupe des deux réversibilités" (coordination des réversibilités par inversion et par réciprocité).

    La pensée hypothético-déductive, l'esprit expérimental accélèrent la conquête du réel : notions de proportions, de vitesse, de probabilité, de causalité, etc.

    2. Les opérations formelles

    Cette dernière grande période du développement de l'intelligence s'étend en principe de 11 - 12 ans à 14 - 15 ans.

    En fait, des différences interindividuelles considérables existent là aussi, et l'on ne trouve pas chez tous les adultes les acquisitions caractérisant cette période.

    L'intelligence accède à un niveau tel qu'elle se situe au plan des relations entre le possible et le réel mais dans une inversion de sens tout à fait remarquable : le réel se subordonne au possible.

    L'adolescent devient capable de raisonner de façon formellement correcte sur des hypothèses, c'est-à-dire sur des propositions dont il ne sait encore si elles sont vraies ou fausses. ceci suppose une différenciation entre forme et contenu, caractéristique de cette étape du développement.

    Il devient possible à l'adolescent d'examiner les conséquences découlant nécessairement de ses hypothèses : la pensée formelle est aussi une pensée hypothético-déductive.

    3. Caractéristiques de la pensée formelle

    En étudiant les structures d'ensemble de la pensée formelle, Piaget se situe à deux points de vue : celui de l'équilibre d'une part, celui des structures d'autre part.

    A. Piaget affirme que ce qui caractérise le plus nettement la pensée formelle du  point de vue de l'équilibre, c'est le rôle qu'elle fait jouer au possible par rapport au réel.

    Une telle inversion de sens entre le possible et le réel a donc bien pour conséquence une inversion corrélative dans le rapport au monde ou au réel. Elle effectue dès le départ la synthèse du possible et du nécessaire, en déduisant les conclusions des prémisses dont la vérité n'est admise d'abord que par hypothèse et relève ainsi du possible avant de rejoindre le réel.

    En d'autres termes, le champ de l'équilibre est infiniment plus étendu qu'aux deux grands stades précédents et les instruments de coordination sont devenus plus souples.

    Piaget a décrit de multiples manifestations de ces progrès de la pensée du jeune adolescent. Il a proposé de les expliquer par des intégrations et des reconstructions plus larges et plus mobiles de structures antérieurement acquises.

    Si la subordination du réel au possible constitue le caractère essentiel de la pensée formelle, trois autres caractères en permettent l'explication.

    La pensée formelle porte sur des énoncés verbaux. Elle peut raisonner sur des propositions. Pour comprendre l'évolution qui se produit à ce stade, citons un exemple de raisonnement : "Pierre est plus petit que Paul et en même temps plus grand que Philippe. lequel des trois est le plus grand ?" un tel problème de sériation de trois éléments, présenté sous la forme de propositions verbales uniquement, caractérise le stade des opérations formelles, à partir de 11 ans environ.

    La substitution des énoncés verbaux aux objets correspond à l'intervention d'une logique nouvelle, la logique des propositions. Cette logique propositionnelle, régie par une combinatoire, permet un nombre infiniment plus grand d'opérations.

    La pensée formelle agit à un niveau supérieur à celui des opérations concrètes. les opérations formelles sont donc des opérations à la seconde puissance.

    Dire que la pensée opératoire formelle subordonne le possible au réel suppose une définition exacte du mot "possible". Du point de vue physique, un état d'équilibre est caractérisé par la compensation entre toutes les modifications virtuelles compatibles avec les liaisons du système en jeu (ex. une balance dans une situation d'équilibre). Le possible joue un rôle dans la physique expérimentale. C'est pourquoi Piaget estime que la notion du possible doit en jouer u en psychologie.

    La subordination du réel au possible signifie donc en premier lieu que le sujet ne se contente pas d'enregistrer simplement les relations qui s'imposent à lui mais qu'au contraire il les insère dans l'ensemble de celles qui sont possibles.

    Du point de vue logique, le possible apparaît comme le corrélatif du nécessaire. En effet, toute affirmation portée sur le réel est vraie ou fausse ; elle n'est pas nécessaire. Au contraire, une déduction opérée à partir d'une hypothèse est, du point de vue formel, nécessairement vraie si elle est correcte. Est donc possible tout ce qui n'est pas contradictoire.

    Du point de vue de l'adolescent, le possible concerne les opérations et les relations conçues comme possibles par lui et qu'il sait pouvoir effectuer sans qu'il soit nécessaire qu'il les effectue réellement. on parle alors du "matériellement possible".

    Du point de vue de l'observateur, i l y a par contre un ensemble d'opérations que l'adolescent pourrait effectuer, dont il ne prend pas conscience ou dont il ne pense pas à se servir. on parle alors du "structuralement possible".

    B. Après avoir appréhendé les formes d'équilibre caractérisant les opérations formelles, Piaget effectue une comparaison des structures correspondantes.

    Rappelons que ce qui caractérise une forme d'équilibre, c'est la réversibilité ou possibilité permanente de retour au point de départ. Ce retour est possible :

    • en annulant l'opération effectuée (inversion ou négation) ;
    • en annulant une différence (réciprocité).

    Aux structures de classes correspond la réversibilité par inversion ; aux structures de relations correspond la réversibilité par réciprocité.

    Au niveau formel, les emboîtements et enchaînements simples ou multiples (classifications additives ou classifications multiplicatives) s'intègrent dans un ensemble vaste où l'adolescent, considérant l'ensemble des parties, relie les éléments n à n dans une combinatoire.

    4. Le développement des structures opératoires

    Libérées de leur contenu, les classifications et les sériations vont se généraliser et aboutir à l'acquisition de ce que Piaget appelle la combinatoire. Cette acquisition donne au jeune adolescent la possibilité de construire et d'utiliser selon une méthode systématique toutes les manières différentes de grouper les objets d'une collection.

    Grouper signifiant constituer des classes, la combinatoire résulte donc d'une généralisation des opérations de classification acquises au stade précédent.

    La combinatoire s'applique aussi aux propositions, énoncés d'un jugement susceptibles d'être vrais ou faux. On assiste alors à l'apparition d'opérations portant sur des propositions. C'est la logique des propositions.

    La combinatoire comporte 16 combinaisons obtenues par la combinaison initiale de 2 propositions a et b en logique bivalente. Ces 16 combinaisons constituent des opérations nouvelles toutes distinctes ou opérations propositionnelles consistant à combiner les propositions du seul point de vue de leur vérité ou de leur fausseté. Si l'on regroupe ces opérations 2 à 2, on remarque qu'elles s'opposent. Chaque opération a une complémentaire ou inverse qui la nie. 

    5. Les opérations combinatoires

    Piaget pense que les opérations combinatoires constituent un schème opératoire général, c'est-à-dire une manière de procéder en présence de problèmes dont la solution exige un tableau systématique de combinaisons.

    Il semble que les opérations combinatoires constituent la condition de l'élaboration des opérateurs propositionnels (les 16 opérations)et qu'elles peuvent être généralisées à toute situation où elles servent à l'élaboration de ces opérateurs.

    A force d'opérer concrètement sur des données de plus en plus complexes dont il ne peut venir à bout par les méthodes dont il use, l'adolescent construit insensiblement cette nouvelle structure opératoire qui permet l'intégration de ce qui est dans ce qui pourrait être, par le jeu de toutes les combinaisons possibles.

    L'adolescent peut envisager les 16 associations possibles et en arriver à une généralisation de la classification. la permutation, généralisation des sériations, se construit un peu plus tard. la combinatoire est le prolongement de la logique des opérations concrètes en même temps que sa généralisation. C'est une classification de classifications ! Elle comporte aussi un système de réversibilité qui combine inversion et réciprocité, les deux réversibilités observées au niveau concret.

    Ce système de double réversibilité constitue un groupe de quaternité ou groupe de Klein, groupe commutatif à quatre transformations incluant la réversibilité par inversion (N) et la réversibilité par réciprocité (R) en une totalité composable :

    • une opération directe, identique ou transformation nulle (I)
    • son inverse ou négation (N)
    • l'opération directe et l'inverse de l'autre système qui constitue la réciproque du premier (R)
    • la négation ou inverse de cette réciproque ou corrélative (C)

    C'est bien entendu sans connaître aucune formule de logique que l'adolescent manipule les propositions selon ces quatre possibilités-hypothèses !

    A partir de ce stade, chaque opération a une inverse et une réciproque. C'est seulement alors que l'adolescent parvient à résoudre des problèmes faisant intervenir deux systèmes de références, des problèmes logico-mathématiques, des problèmes de proportions.

    Lorsque l'adolescent aura compris que chaque opération est à la fois l'inverse d'une autre et la réciproque d'une troisième, les transformations pourront se grouper en un système équilibré :

    N C = C       C R = N       C N = R       N R C = I

    C'est à partir de ce double système de références que se construit le schème de la proportionnalité numérique ou métrique.

    Les 16 combinaisons binaires en logique bivalente

    La combinatoire, en logique bivalente, comporte 16 combinaisons que l'on obtient par la combinaison initiale de 2 propositions, par exemple a et b. 

    Pourquoi 16 combinaisons ?

    Chacune de ces deux propositions peut être vraie ou fausse, indépendamment l'une de l'autre.  

    • a et b peuvent être vraies :             1 1
    • a peut être vraie et b fausse :         1 0
    • a peut être fausse et b vraie :         0 1
    • a comme b peuvent être fausses :  0 0

    Si l'on prend 0, 1 à 1,  2 à 2,  3 à 3 ou les quatre à la fois, on obtient 24 = 16 combinaisons qui constituent des opérations nouvelles, toutes distinctes ou opérations propositionnelles. Elles consistent à combiner les propositions du point de vue de leur vérité ou de leur fausseté.

    Piaget a montré qu'on peut regrouper ces opérations deux à deux, en sorte qu'elles s'opposent de façon complémentaire. Chaque opération a donc une opération inverse qui la nie.

    Illustrons ce propos en choisissant comme propositions  initiales    a = je me promène   ;   b = il pleut.

    a     b

    1     1    je me promène             et il pleut                  1    1    0    0    0    1    1    1

    1     0    je me promène             et il ne pleut pas      1    0    1    0    0    1    0    0

    0     1    je ne me promène pas et il pleut                  1    0    0    1    0    0    1    0

    0     0    je ne me promène pas et il ne pleut pas      1    0    0    0    1    0    0    1

                                                                                      1    2    3    4    5    6    7    8

    a     b

    1     1    je me promène             et il pleut                  0    0    1    1    1    0    0    0

    1     0    je me promène             et il ne pleut pas      0    1    0    1    1    0    1    1

    0     1    je ne me promène pas et il pleut                  0    1    1    0    1    1    0    1

    0     0    je ne me promène pas et il ne pleut pas      0    1    1    1    0    1    1    0

                                                                                      16  15  14  13  12  11  10   9

    1   c'est l'affirmation complète                                                      16    c'est la négation absolue

    2   c'est la conjonction (a et b sont vraies)                                   15    c'est l'incompatibilité

    3   c'est la non-implication (b inhibe a)                                         14    c'est l'implication (a implique b)

    4   c'est la non-implication réciproque                                          13    c'est l'implication réciproque (b implique a)

    Selon certains auteurs, cette fonction porte le nom d'inhibition ou contre-implication (a inhibe b)

    5   c'est la négation conjointe                                                       12    c'est la disjonction ( OU )

    6   c'est l'affirmation de a                                                              11    c'est la négation de a  ( NON )

    7   c'est l'affirmation de b                                                              10    c'est la négation de b  ( NON )

    8   c'est l'équivalence                                                                      9    c'est l'exclusion réciproque ou dilemme 

    6. Les proportions

    Selon Piaget, le schème des proportions fait la transition entre les schèmes issus du réseau (combinatoire propositionnelle) et ceux qui relèvent de la structure de groupe. Il se présente sous les aspects logique et mathématique.

    Piaget pense que la notion de proportion logique est inhérente à la structure d'ensemble qui domine les acquisitions du niveauformel. C'est pourquoi il y a lieu d'admettre que la notion de proportion s'explique, tant dans sa forme logique que dans sa forme mathématique, par sa connexion avec ces structures.

    Pour Piaget, l'acquisition du schème opératoire des proportions numériques ou métriques suppose des anticipations qualitatives sous forme de compensations par équivalences et de proportions logiques. 

    7. Les opérations spatiales et les compensations multiplicatives

    L'adolescent devient apte à construire une métrique euclidienne des surfaces et des volumes. La surface n'est plus une portion d'espace enfermée par une ligne. Elle se conserve même si la longueur de ses frontières varie. C'est seulement à ce stade que sa métrique peut être conçue comme un produit à le deuxième puissance. Il en va de même pour le volume qui est mesuré par un produit de troisième ordre. Le progrès conceptuel se traduit par la possibilité de coordonner le système de références et de coordonnées.

    On rencontre la notion de compensation multiplicative au niveau de la conservation du volume. Elle se rattache à la notion de proportion. Lorsque le volume spatial change de forme, l'adolescent doit comprendre que ce qu'il perd ou gagne selon l'une des dimensions est compensé par ce qu'il perd ou gagne selon les deux autres.

    Cette découverte est contemporaine de celle des proportions et s'effectue sans calcul métrique.

    Le sujet découvre simultanément les notions de proportions, d'équilibre, de corrélations, de compensations multiplicatives sans soupçonner qu'elles présentent un fonds opératoire commun et en ignorant la nature de groupe (groupe I N R C) dont elles dérivent. 

    8.  Les pouvoirs de l'adolescent

    Ayant décrit la pensée opératoire formelle selon le point de vue de l'équilibre et le point de vue des structures, Piaget a mis en évidence l'existence de la double réversibilité dans une structure d'ensemble de groupe, le groupe I N R C, et de la combinatoire propositionnelle, la logique bivalente, en montrant que la pensée formelle subordonne le réel au possible.

    Nous avons vu que le possible devait être compris selon deux perspectives : le structuralement possible et le matériellement possible.

    Raisonnant donc sur des hypothèses, l'adolescent découvre son nouveau pouvoir ; il se met à élaborer des théories religieuses, philosophiques, esthétiques, morales... comme s'il était impatient d'user de ce nouveau pouvoir et comme s'il croyait que les idées suffisent à elles seules pour penser le réel.

    Découvrant le pouvoir déductif que lui donnent ses nouvelles structures, l'adolescent est pris au piège de ce pouvoir croyant que le réel se plie aux décisions de la seule raison.

    L'adolescent est apte à la combinatoire composable et réversible. Il a conscience des grands nombres. Il intègre les transformations réelles dans l'ensemble des transformations virtuelles (possibles ou fictives). Il construit un système de probabilités.

    C'est à cause de ce pouvoir étonnant qu'a l'esprit de se prendre au jeu de ses propres possibilités que l'on parle d'âge métaphysique pour caractériser la pensée adolescente.

    Cette nouvelle structure mentale qui se forme absorbe à tel point le jeune adolescent qu'il a tendance à tout assimiler à travers elle.Cela concourt à donner une nouvelle forme d'égocentrisme, de nature métaphysique, qui attribue à la pensée une sorte de toute puissance.

    Quelle que soit la tentation à l'idéalisme à laquelle cède la pensé adolescente, il lui reste à faire l'expérience de la confrontation avec le réel sans quoi il n'y a pas seulement de connaissance possible, mais pas de vie du tout.

    Ainsi le sens et la destination de la pensée apparaissent comme la forme supérieure qu'a prise l'adaptation.

    Les notions dont l'enfant disposait, les méthodes dont il pouvait déjà faire usage au cours de la période précédente pour expliquer la réalité sont profondément modifiées et élargies par l'accès à la pensée formelle.

    Parmi ces notions que Piaget appelle schèmes opératoires formels, plusieurs se rattachent au maniement des proportions, qui procède du groupe INRC. Cette possibilité de manier les proportions permet l'achèvement de notions telles que la comparaison de vitesses et de probabilités.

    L'usage de plusieurs systèmes de référence est également une acquisition découlant directement du groupe I N R C.

    La notion de causalité est profondément restructurée par la possibilité d'utiliser les combinatoires et la logique des propositions.

    C'est aussi à cette époque qu'on assiste à la formation spontanée d'un esprit expérimental qui constitue un outil universel d'explication du réel.

    La pensée de l'adolescent est essentiellement caractérisée par le fait que le succès immédiat ou unique d'une action passe au second plan. L'adolescent ne semble pas tellement préoccupé de réussir ici ou là. Il semble bien plus préoccupé de gagner l'intelligence générale (au sens de la compréhension) de l'ensemble des propriétés qui caractérisent un phénomène, de l'ensemble des façons dont on peut classifier un ensemble d'objets, de tous les facteurs qui participent à un phénomène physique.

    L'utilisation généralement implicite de la logique des propositions (conjonction "et", disjonction "ou", implication "si ... alors") dans le raisonnement appliqué à la résolution de problèmes et, au plan plus général, l'apparition des schèmes opératoires de la logique formelle (combinatoire, permutations, inversion et réciprocité, corrélations et proportions) caractérisent donc cette période.

    Bärbel Inhelder, collaboratrice de Piaget, a mené une série d'expériences qui ont mis clairement en évidence le changement de comportement qui se manifeste chez l'adolescent et qui se caractérise d'une part par l'extraordinaire rigueur du raisonnement à partir de prémisses (hypothétiques ou conventionnellement acceptées comme vraies) et par les conduites scientifiques qui dépassent kle résultat concret par l'analyse des facteurs en jeu (isolement et mise en relation des facteurs pertinents) et qui conduisent à la formulation de lois et à des tentatives d'explication.

    La vie affective et la vie intellectuelle évoluent de pair. L'adolescent se construit une échelle de valeurs en hiérarchisant ses idéaux entre valeurs permanentes et moyens de les atteindre. Il tente de s'adapter au maximum en socialisant sa réflexion, en la confortant par des conduites verbales ou autres avec celle d'autrui. Le dépassement du formalisme, pour atteindre l'objectivité adaptée de l'adulte, est une manifestation de l'équilibration progressive.

    On comprend aisément que cette perspective piagétienne de la maturité équilibrée fasse de la personnalité une construction organisée assez tardive.

    Au cours de l'adolescence, l'intelligence formelle se développe selon cinq directions essentielles :

    • l'imagination de plusieurs explications alternatives pour un même phénomène (imaginer les causes d'un accident) ;
    • l'invention de propositions contraires aux faits, de déductions, de suppositions, d'hypothèses ;
    • l'utilisation de symboles qui ne représentent rien dans l'expérience personnelle de l'individu mais qui ont une définition abstraite, comme les métaphores ;
    • la manipulation de symboles de symboles : c'est l'époque où débute l'apprentissage de l'algèbre ;
    • la vérification expérimentale et l'induction.

     

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