• * La troisième période

    La troisième période ou période de l'intelligence opératoire concrète

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    6. Qu'est-ce qu'une opération ?

    Pour Piaget, une opération est une action intériorisée, une transformation d'un état A à un état B.

    L'apparition d'opérations nécessairement et strictement réversibles s'observe d'abord au niveau concret. les opérations concrètes sont abstraites des coordinations les plus générales d'actions comme réunir, dissocier, ordonner, qui peuvent se dérouler dans les deux sens. Les opérations sont donc réversibles de façon rigoureuse et nécessaire.

    De cette réversibilité découle le second caractère fondamental des opérations : être toujours structurées en systèmes d'ensemble.

    Ainsi réunir n'est une opération que si cette action est considérée solidairement avec celle de dissocier (réunion et dissociation de deux boulettes d'argile, de deux séries de perles, etc.)

    La réversibilité rigoureuse et nécessaire de chacune de ces deux opérations n'apparaît qu'au sein de la structure qu'elles forment ensemble. il en résulte qu'on ne peut évoquer d'opérations élémentaires sans évoquer les systèmes opératoires qui leur confèrent leurs propriétés. C'est l'aspect structuraliste de la théorie de Piaget.

    Réaliser des opérations élémentaires concrètes, comme les sériations et les classifications, c'est être capable de créer des transformations réversibles sur des objets et en rendre compte verbalement.

    L'étape des opérations concrètes est caractérisée par une série de structures en voie d'achèvement.

    Les opérations permettent à l'enfant d'avoir accès aux structures logico-mathématiques et à leurs groupements.

    Sur le plan logique, elles se ramènent toutes à des "groupements" : classifications, sériations, correspondances terme à terme, correspondances simples ou sériales, opérations multiplicatives.

    Sur le plan arithmétique : groupes additifs et multiplicatifs des nombres entiers et fractionnaires.

    L'enfant peut raisonner (concrètement) sur des classes, ds relations sériations), des nombres. Il structure conjointement la réalité : notions d'espace, de temps, de hasard, de causalité.

    7. Les niveaux du stade opératoire concret

    7.1. Vers l'âge de 7 - 8 ans, on observe chez l'enfant une série de progrès qui s'étendent à un grand nombre de conduites. C'est le premier niveau de la période des opérations concrètes.

    • L'enfant devient capable de classer des objets selon des critères explicités, de sérier les objets d'un ensemble par rapport à une relation clairement définie ; il comprend l'indépendance du nombre des éléments d'un ensemble par rapport à la disposition spatiale de ces éléments.
    • L'enfant peut aussi faire correspondre à chaque élément d'un ensemble un élément d'un autre ensemble. mathématiquement, il s'agit d'une application bijective (ou bijection).
    • L'enfant comprend que l'égalité du nombre d'éléments de chaque ensemble est indépendant de leur arrangement spatial, etc. Il commence également à comprendre que les actions exercées sur les objets (déformations, déplacements) n'en modifient pas toutes les propriétés, mais que certaines demeurent invariantes.
    • Toutes ces articulations opératoires du réel n'apparaissent pas simultanément. Des structures opératoires identiques s'appliquant à des situations ou des "contenus" différents sont soumises à des décalages assez importants. Piaget les appelle des décalages horizontaux. Piaget distingue entre décalages horizontaux (application d'une même structure opératoire à des contenus différents à des périodes différentes mais à l'intérieur du même stade) et décalages verticaux (reconstruction d'une structure à un stade donné au moyen d'autres opérations à un stade ultérieur). L'enfant qui s'est construit au niveau sensorimoteur un système articulé de déplacements dans l'espace (avec des retours et détours) au niveau de l'action directe, reconstruira  plus tard en passant des étapes analogues de formation ce système au niveau de la représentation.
    • L'époque où l'enfant parvient à maîtriser une situation particulière ne dépend pas seulement de son développement opératoire, mais aussi des particularités de la situation ou de l'objet auxquelles le sujet est confronté.

    7.2. Au deuxième niveau de la période des opérations concrètes, où le sujet atteint "l'équilibre général des opérations concrètes", on observe également la mise en place définitive des opérations "infralogiques".

    C'est par ce terme que Piaget dénomme les opérations

    • portant sur l'espace, le temps, la vitesse...
    • constitutives des notions relatives à l'espace, au temps, à la vitesse...

    Il s'agit des opérations en relation avec la physique du réel.

    Le terme "infra" signifie que ces opérations sont formatrices de la notion d'objet comme tel et des différentes procédures servant à le connaître :

    • analyse des voisinages ;
    • comparaison des parties entre elles et au tout ;
    • mesure.

    C'est donc au deuxième niveau des opérations concrètes que s'achèvent les opérations relatives à l'espace (mesure, coordination des perspectives possibles, notions d'horizontalité, de verticalité...), la vitesse, le temps et le mouvement (sériation d'évènements temporels, emboîtement des intervalles entre évènements, métrique temporelle) (voir ci-dessous au § 16 et suivants).

    D'autre part, on constate un premier achèvement des opérations concernant le hasard et les phénomènes aléatoires.

    La période des opérations concrètes, préparée depuis 18 mois - 2 ans,  s'étend donc de 6 - 8 ans à 11 - 12 ans environ. Les conservations en sont l'indice (voir ci-dessous au § 9).

    8. Les opérations concrètes

    Les premières opérations que l'on peut observer chez l'enfant portent d'abord directement sur des objets présents ou immédiatement représentés. C'est ainsi que Piaget appelle "opérations concrètes" celles qui portent sur des objets manipulables (manipulations effectives ou immédiatement imaginables), par opposition aux opérations portant sur des hypothèses ou des énoncés simplement verbaux (logique des propositions). Elles n'apparaissent que vers 7 ans.

    Une longue période s'écoule donc entre le moment où l'enfant commence à intérioriser ses schèmes d'action et à disposer du langage (vers 2 ans) et le moment où sa pensée devient opératoire.

    Cette période est essentiellement occupée par une restructuration, au niveau opératoire, celui des actions intériorisées, d'acquisitions réalisées antérieurement au niveau sensorimoteur, celui des actions effectives : la décentration grâce à laquelle l'enfant est parvenu à agir en considérant son corps comme un objet parmi d'autres, la construction de l'objet permanent qui conduit l'enfant à chercher un objet disparu, le groupe pratique des déplacements. On retrouve donc ici l'idée d'un progrès se réalisant par une suite de reconstructions de plus en plus larges et mobiles, qui pouvait déjà s'illustrer, au niveau sensorimoteur, dans le passage des réflexes aux schèmes d'action.

    La période allant de 2 - 3 ans jusqu'à 7 - 8 ans peut donc être considérée comme une période d'organisation et de préparation des opérations concrètes (cf. § 2). Celles-ci se développent ensuite et ne s'achèvent que vers 11 - 12 ans, époque vers laquelle une nouvelle reconstruction interviendra. Les expériences qui mettent le plus clairement en évidence la présence ou l'absence d'opérations chez un enfant portent sur les conservations.

    Les épreuves de conservation ne sont que des expériences permettant une mise en évidence commode des structures opératoires. la construction et la mise en oeuvre de ces structures se manifestent dans toutes les conduites de l'enfant de cet âge.

    Ces structures lui donnent accès aux concepts logico-mathématiques tels que ceux de classes, de relations, de nombres. De plus, elles organisent, en s'organisant, les différents secteurs de son expérience (notions d'espace, de temps, de hasard, de causalité physique).

    Ces deux catégories d'acquisitions sont complémentaires : l'organisation de l'intelligence et l'organisation de la réalité s'effectuent solidairement et l'une par l'autre. cette complémentarité résulte de celle qui réunit l'assimilation à l'accommodation.

    9. Les conservations ou invariants

    Si toute opération est une transformation d'un état A à un état B, elle suppose au moins une propriété invariante dans le cours de la transformation : quelque chose qui se conserve.

    Les conservations ne sont pas innées : elles s'acquièrent. ce fut déjà le cas pour le schème de l'objet permanent au niveau sensorimoteur.

    Au niveau des opérations concrètes se constitue donc un ensemble de schèmes ou notions de conservation, encadrés et soutenus par une structuration logico-mathématique due aux activités de l'enfant.

    Les notions de conservation ne sont pas toutes élaborées en même temps : il y a en effet des décalages horizontaux entre certaines conservations.

    On distingue : les conservations physiques, les conservations spatiales et les conservations numériques.

    10. Les conservations physiques de substance, poids, volume

    Les plus classiques de ces expériences ont déjà été évoquées.

    Pour la conservation de la substance, on demande au sujet de réaliser deux boules de pâte à modeler dont il pense qu'elles contiennent "la même chose de pâte". On déforme ensuite l'une d'elles (saucisses, galettes, morceaux) et on demande à l'enfant s'il y a toujours "la même chose de pâte" puis on fait justifier la réponse.

    L'expérience de la boulette d'argile cherche à mettre en évidence la conservation de la quantité de substance, quelles que soient les modifications de forme données à la matière. Toute transformation de la forme laisse donc invariante la quantité de matière ou de substance. L'opération réversible se révèlera à cette propriété.

    On passe ensuite à la conservation du poids (avec usage d'une balance à deux plateaux), puis à la conservation du volume (immersion dans un bocal).

    Pour chacune de ces notions, on observe trois niveaux de réponse : 

    • aucune conservation ;
    • réactions intermédiaires (conservation affirmée ou non selon les circonstances) ;
    • conservation affirmée comme évidente dans tous les cas.

    Ces expériences ont été utilisées comme épreuves de diagnostic (test) d'"opérativité". On dit d'un enfant qu'il est "non conservant", "intermédiaire" ou "conservant". Des décalages existent entre les acquisitions de ces trois notions qui paraissent se faire toujours dans l'ordre : substance (vers 8 ans) ; poids (vers 9 - 10 ans) ; volume (vers 11 - 12 ans). D'un milieu culturel à un autre, les âges peuvent changer, mais l'ordre est constant.

    C'est vers 7 - 8 ans que les enfants affirment que la quantité de matière reste identique malgré les déformations en se fondant sur les transformations. Mais pour arriver à ce stade, ils ont dû passer par 3 étapes de la réversibilité :

    • l'identité : "C'est la même chose. On n'a rien enlevé ni ajouté" ;
    • la compensation : "C'est plus long, mais c'est plus mince" ;
    • l'inversion : "Si on reforme la boule, on aura la même chose qu'avant. On aura les deux  mêmes boules, donc c'est la même chose de pâte".

    Les mêmes étapes sont donc observées en ce qui concerne la conservation du poids

    • non-conservation ;
    • conservation on assurée ;
    • conservation affirmée comme une évidence.

    Ce dernier stade est généralement atteint vers 8 - 9 ans.

    La conservation du volume est de loin la plus tardive. en effet, elle n'est acquise qu'entre 10 et 12 ans. Piaget estime que cette conservation relève davantage des opérations formelles parce qu'elle comporte la notion de proportions qui n'est acquise qu'au niveau formel.

    Par conséquent, l'enfant "conserve" d'abord la substance sans conserver le poids ni le volume. Ensuite il conserve la substance et le poids sans le volume. Enfin, il conserve la substance, le poids, le volume avec des décalages de deux années environ entre chaque conservation.

    Avec la constitution des invariants, les opérations se coordonnent en une structure d'ensemble. Pour Piaget, c'est une évidence car si l'enfant fait intervenir la réversibilité, c'est qu'un système est déjà organisé et qui comprend nécessairement :

    • l'opération directe, c'est-à-dire la transformation
    • l'opération inverse, c'est-à-dire le retour au départ
    • l'opération identique, c'est-à-dire la transformation nulle.

    Les épreuves de conservation ne sont que des expériences permettant une mise en évidence commode des structures opératoires. Elles témoignent donc du caractère opératoire de la pensée de l'enfant : les opérations se caractérisent par le fait qu'elles sont rigoureusement et nécessairement réversibles, toujours organisées en structures (cf. § 13).

    L'acquisition des conservations ou invariants constitue une nouvelle forme de décentration. la pensée de l'enfant n'est plus centrée sur les actions qu'il accomplit, ni sur les apparences figuratives du réel.

    La prise en considération de ces transformations, de ces coordinations des actions entraîne une libération à l'égard de l'agi et du perçu.

    11. les conservations spatiales

    Les conservations physiques ne sont pas les seules à se constituer dans le courant de la période opératoire concrète.

    En ce qui concerne l'espace, un certain nombre d'invariants corrélatifs d'opérations logiques s'élaborent.

    Les expériences effectuées à l'aide de baguettes déplacées puis à l'aide de baguette sectionnées mettent en évidence que la conservation opératoire des longueurs est généralement effective vers 7 ans. Mais elle suppose d'abord que la notion de distance soit acquise, mais aussi le recours à un système de références. En d'autres termes, la conservation des longueurs suppose la constitution de l'espace comme cadre contenant les objets où se conservent les distances.

    C'est également vers 7 ans que la conservation des surfaces est généralement affirmée comme nécessaire.

    Vers 7 et jusqu'à 8 - 9 ans, les enfants mettent en relation les trois dimensions : d'abord en mettant en relation deux dimensions, ensuite en ajustant la troisième peu à peu mais sans mesure ni compensations fondées sur un système d'unités. A ce stade, la forme différente des volumes construits n'occupe pas la même quantité de volume d'espace.

    Vers 8 - 9 ans, on assiste à un début de mesure par décomposition et recomposition au moyen de cubes-unités sans qu'intervienne de multiplication mathématique mettant longueur et surfaces en relations numériques avec le volume comme tel.

    Enfin, à partir de 11 - 12 ans, les enfants découvrent la relation mathématique entre les surfaces et le volume. Ils découvrent également la conservation du volume en tant que volume occupé par l'ensemble de l'objet.

    Si la conservation du volume spatial n'est acquise qu'après 11 - 12 ans, c'est parce que la constance des verticales et des horizontales ne l'est qu'à 9 ans dans la mesure où celles-ci constituent un système d'ensemble de coordonnées.

    12. Les conservations numériques :

    La mise en évidence des conservations numériques repose sur la mise en correspondance terme à terme.

    On distingue deux types de correspondance terme à terme : l'une spontanée ; l'autre provoquée.

    On rencontre la correspondance spontanée lorsqu'on demande à l'enfant d’évaluer une quantité d'objets donnés au moyen d'objets de même nature qu'il leur fait correspondre.

    La correspondance provoquée consiste à mettre en correspondance des objets hétérogènes : des œufs et des coquetiers, par exemple. On peut distinguer trois stades dans le comportement des enfants :

    • 1er stade : la comparaison est qualitative et globale, sans correspondance terme à terme ni équivalence durable.
    • 2ème stade : la correspondance terme à terme s'effectue mais elle est intuitive et sans équivalence durable.
    • 3ème stade : la correspondance est opératoire, qualitative ou numérique et les équivalences des ensembles obtenus sont durables.

    Les conservations numériques ne signifient pas que l'enfant possède la notion de nombre ! Elles expriment le fait qu'il s'agit de conservation de correspondance ou d'équivalence de deux ensembles quant à leur quantité globale.

    13. Les structures de groupement caractéristiques des opérations

    Piaget appelle "groupement" un système d'opérations qui s'impliquent les unes les autres.

    Comprendre ce qu'est une addition implique que l'on comprend également ce qu'est une soustraction, de même une multiplication et une division. Ce système est tel qu'il comporte cinq conditions simultanées : la transitivité, l'inversion, l'opération identique, l'associativité et la tautologie ou l'itération.

    • Deux actions successives peuvent se coordonner en une seule : c'est la transitivité propre aux inclusions qui correspond au plan psychologique, à la coordination des opérations. Ex. : réunir deux relations en une troisième qui les contient.
    • L'opération transitive peut être inversée : c'est la réversibilité de l'opération. Ex. : séparer, rassembler, serrer, disperser.
    • Le produit de l'opération et de son inverse est l'opération identique. L'opération identique, par composition d'une opération avec son inverse, c'est psychologiquement l'absence d'une opération. Ex. : réunir puis dissocier c'est comme si rien n'avait changé.
    • L'associativité ne s'applique qu'aux quantités numériques. Ex. : (3 + 1 ) + 4 = 3 + (1 + 4). On peut additionner n'importe quel nombre à n'importe quel autre. par contre, on ne peut réunir n'importe quelle classe à n'importe quelle autre.
    • La tautologie et l'itération : il s'agit de l'application d'une même opération à un ensemble ou à un objet, deux fois de suite. Dans les structures logiques (ex. la classe), la répétition de la même opération n'ajoute rien. C'est la tautologie. Ex. : tous les carrés rouges + tous les carrés rouges nous donne le même ensemble de carrés rouges. Dans les structures mathématiques (ex. le nombre), la répétition de la même opération modifie le résultat. C'est l'itération. Ex. : le nombre + 1 + 1 = le nombre + 2.

    Parmi les groupements qui se constituent au cours de la période des opérations concrètes, le groupement multiplicatif des classes et des sériations constitue une sorte de synthèse qui prépare les opérations formelles ultérieures.

    S'il apparaît vers 7 ans, ce n'est que vers 8 - 9 ans qu'il est à peu près achevé parce qu'il repose alors entièrement sur des mécanismes opératoires.

    Les groupements opératoires aboutissent ainsi aux structures suivantes :

    • emboîtement des classes (Ex.: classer des quantités équivalentes) ;
    • sériation des relations asymétriques (Ex.: ordonner des grandeurs différentes) ;
    • correspondance des groupements multiplicatifs (Ex.: faire correspondre une suite de cannes et une suite de sacs) ;
    • apparition du système des nombres (équivalence et différence) ;
    • groupements spatiaux et temporels, compositions diverses qui, avant de se conceptualiser, font l'objet de déductions hypothético-déductives.

    Grâce à la pensée opératoire, l'enfant sait désormais où est l'école par rapport à sa maison et inversement. De plus, il devient mentalement capable de structurer l'espace entre les deux : il peut détailler ce qu'il rencontre (édifices publics, maisons, magasins ...)

    Les notions de temps et de durée se précisent également. vers 8 ans, les notions "avant" et "après" se coordonent avec "plus ou moins longtemps".

    Les groupements sont toujours relatifs à un contenu physique précis.

    14. Le développement des opérations logico-mathématiques

    Les activités logico-mathématiques dont Piaget a décrit la genèse dans les conduites enfantines concernent, en premier lieu, les classifications, les ordonnancements et les dénombrements. 

    Vers l'âge de 2 - 3 ans et jusque vers 4 - 5 ans, les enfants deviennent capables de premières formes de "classifications" lorsqu'ils sont confrontés avec un matériel plus ou moins hétérogène. les conduites que l'on peut observer consistent à rassembler les objets selon des critères de "convenance" de type fonctionnel.  Ex.: l'enfant préfère poser un arbre à côté d'une maison au lieu de le poser avec d'autres arbres ou poser un triangle sur un carré parce que cela fait une maison.

    L'articulation finale de ce rassemblement d'objets devient souvent ce que Piaget appelle une collection figurale, c'est-à-dire une structure empirique. L'enfant compose un tableau où la consigne de "mettre ensemble ce qui va ensemble" est interprétée en fonction d'un système de critères multiples et hétérogènes qui se mêlent assez librement.

    Dans la classification, le sujet réunit des objets selon leurs ressemblances, leur "égalité" à un ou plusieurs points de vue. il établit des systèmes de classes emboîtés ou hiérarchisés en considérant les ressemblances de plus en plus générales entre objets. Ex.: la classe des chevaux est contenue dans la classe des mammifères qui est dans la classe des vertébrés ; la classe des vertébrés est incluse dans la classe des animaux qui est contenue dans celle des êtres vivants...

    Par ailleurs, le sujet commence à aligner des objets, selon leurs ressemblances, mais souvent sans critère unique ou invariable et en changeant de temps en temps de stratégie, etc. Ces ébauches dans la direction de la définition en compréhension de classes d'équivalence trouvent leur parallèle dans les progrès d'une définition par extension : sans être encore capable de fabriquer des classes homogènes auxquelles tous les objets appartiennent, l'enfant commence à entasser les objets qui vont ensemble pour les regrouper.

    Entre 4 et 7 ans, l'enfant développe des conduites classificatoires qui se rapprochent de plus en plus des systèmes à critères "objectifs": il articule un ensemble d'objets en petites collections juxtaposées, disjointes, mais pour l'instant sans articuler les critères.

    Vers 8 ans, l'enfant est apte à construire les classifications hiérarchiques. il est capable de dire de plusieurs façons si A est inclus dans B. Mais il est toujours bon de s'assurer de la relation effective entre A et B car on constate que la forme logique est encore dépendante du contenu. Le propre de l'inclusion sera de constituer un emboîtement en extension en plus d'une différenciation en compréhension.

    Par ailleurs, avec un certain décalage, l'enfant devient progressivement capable d'établir des systèmes multiplicatifs de classes en considérant simultanément des qualités indépendantes des objets.

    Il devient capable de représenter concrètement et d'exprimer de plusieurs façons des classes d'objets

    • à la fois carrés et rouges
    • rouges mais pas carrés
    • carrés mais pas rouges
    • ni rouges ni carrés

    Les classifications emboîtées ou hiérarchisées posent le problème particulier du réglage du "tous" et du "quelques". mais ces problèmes sont cependant maîtrisés par l'enfant vers 9 - 10 ans en moyenne. Vers 6 ans et demi environ, certains parviennent à construire une matrice à double entrée. la prise de conscience de l'intersection ne se fait que beaucoup plus tard. La mise en correspondance terme à terme est la structure multiplicative la plus élémentaire procédant de la sériation. ce n'est que lorsqu'il atteint le niveau opératoire que l'enfant peut construire une double ou triple sériation.

    Si l'enfant d'âge scolaire groupe les objets selon leurs équivalences (classifications), il peut aussi grouper selon leurs différences ordonnées (relations asymétriques ou sériations).

    En se centrant plutôt sur les différences entre objets que sur leurs ressemblances, le sujet établit des relations. dans certains cas, il pourra ordonner un ensemble d'objets selon une relation considérée :

    • sérier des baguettes, des bâtonnets dans l'ordre croissant ou décroisant ;
    • ordonner des objets du moins vert au plus vert ;

    ou selon plusieurs relations : 

    • ordonner des feuilles en ordre croissant et simultanément des moins vertes aux plus vertes.

    L'enfant peut à présent dénombrer, compter, ranger, arranger des objets.

    A partir de 7 ans, l'enfant comprend la double transitivité "montante" et "descendante" à savoir que tout élément X d'une série compris entre A et N est à la fois plus grand que ceux qui le précèdent et plus petit que ceux qui le suivent (réversibilité de l'ordre).

    L'enfant devient capable d'effectuer spontanément des sériations simples et multiplicatives vers l'âge de 7 - 8 ans. ce niveau d'achèvement est cependant précédé par des conduites plus primitives, consistant, pour les plus jeunes sujets jusqu'à 4 - 5 ans, à établir des couples d'un petit et d'un grand élément, mais sans tentative de sériation, puis à l'établissement de séries partielles : petites séries sans coordination entre elles. Après une phase intermédiaire, l'enfant réussit une sériation correcte grâce à des tâtonnements successifs, le niveau de réussite spontanée est finalement atteint.

    A un niveau légèrement différent, les fonctions, les géométries et les opérations qui en relèvent apparaissent bien comme des opérations de type logico-mathématique. Mais elles procèdent tout autant de la physique de l'objet lui-même pour ce qui est de la géométrie et de la causalité des phénomènes physiques pour ce qui est des fonctions.

    Lorsqu'on dispose de deux ensembles contenant le même nombre d'éléments, il paraît évident que cette équivalence numérique soit indépendante des arrangements spatiaux des objets. Par ailleurs, il semble assez simple d'établir une telle correspondance "biunivoque" entre deux ensembles puisqu’il suffit de faire correspondre à chaque élément du premier ensemble un élément du second. or on constate que ni l'établissement d'une telle égalité numérique, ni son indépendance de la disposition spatiale ne sont évidentes avant l'âge de 5 - 7 ans.

    Les plus jeunes enfants ne différencient pas l'espace occupé par les éléments d'un ensemble et leur nombre. Ils ne réussissent pas à établir la correspondance numérique par des actions appropriées.

    Les enfants d'un niveau intermédiaire parviennent pourtant à établir la correspondance numérique de départ, mais dès que l'on modifie la disposition spatiale des objets, cette égalité disparaît et l'enfant n'est même plus certain de pouvoir rétablir l'égalité en réarrangeant les objets comme ils étaient avant ! Ce n'est qu'au stade final que la correspondance entre chaque terme et l'équivalence numérique deviennent durables et indépendantes de la perception directe, condition nécessaire à cette nouvelle notion d'invariance qui s'établit.

    A propos des correspondances biunivoques, l'application bijective devient possible au stade intermédiaire déjà, mais, une fois établie, elle n'est pas résistante aux modifications de l'arrangement spatial.

    L'enfant sait donc établir une application ou une fonction mais celles-ci ne sont pas encore intégrées à une structure d'ensemble. De ce fait, elles ne sont ni invariantes ni réversibles. C'est pourquoi les enfants n'admettent pas l'équivalence numérique lors des déplacements des objets et ne sont pas capables de prévoir le rétablissement de l'équivalence de départ.

    L'enfant devient aussi capable de composer des transformations successives mais sans pouvoir les coordonner en structure d'ensemble. 

    Conclusion :

    Les opérations de classification, de sériation et les correspondances biunivoques se construisent parallèlement et aboutissent toutes à un premier niveau d'équilibre vers l'âge de 7 - 8 ans.

    15. Le développement de la notion de nombre 

    Les premières manifestations du nombre s'observent de la façon la plus évidente dans les correspondances biunivoques.

    Le nombre, selon Piaget, est une synthèse à partir des inclusions de classes et des relations d'ordre.

    Le propre d'un ensemble numérique ou dénombrable est de faire abstraction des qualités des termes individuels de sorte qu'ils deviennent tous équivalents.

    Confronté à une collection quelconque d'objets, le sujet finit donc par faire abstraction de toutes les propriétés particulières des objets, sauf leur existence.

    C'est lorsque les constructions logiques, classifications, sériations... se sont mises en place que simultanément se construisent les quantités extensives ou métriques.

    Avant 7 ans, l'enfant ne parvient pas à une notion opératoire du nombre. S'il apprend verbalement la suite des nombres, il n'accède pas à la conservation des ensembles numériques. Il ne suffit pas de savoir compter verbalement pour que l'on puisse parler de nombre. Compter 1, 2, 3, 4 billes chez un petit enfant ne sert qu'à individualiser ces éléments. La notion de nombre implique toute une organisation originale d'opérations. 

    Exemple : le nombre 3 implique une série d'inclusions : 1 est inclus dans 2 ; 2 est inclus dans 3.

    Il suppose aussi une série d'unités. C'est la synthèse de ces deux structures, inclusion des ensembles par réunion des unités qui fait du nombre une structure nouvelle à laquelle on peut appliquer des opérations qui sont réversibles.

    C'est parce qu'il représente une structuration nouvelle relativement complexe des groupements logiques impliquant la conservation et la réversibilité que le nombre ne peut apparaître avant la mise en place des structures opératoires.

    Le nombre entier apparaît donc comme une synthèse opératoire des articulations par ordination ou par inclusions successives et les dépassant par ses propriétés beaucoup plus générales.

    Les expériences relatives à la correspondance biunivoque montrent bien que le nombre n'apparaît pas dès que les opérations de classification et de sériation sont bien en place. Selon Piaget, ces opérations évoluent synchroniquement et en interdépendance étroite. Il semble, en effet, qu'à partir des structures initiales il puisse y avoir abstraction réfléchissante des liaisons d'emboîtement et d'ordre à des fins multiples avec échanges collatéraux variables entre les trois structures fondamentales de classes, relations et nombres.

    Ce n'est donc qu'après 7 ans que l'enfant parvient à l'idée opératoire du nombre, en s'appuyant sur les deux structures opératoires qui se constituent en même temps : les structures logiques de classification et de sériation. Ces deux structures conduisent à la constitution de la série des nombres entiers.

    Si le nombre est une synthèse de la sériation et de l'inclusion d'objets d'emblée discontinue pour aboutir à la suite des nombres, cela suppose le découpage arbitraire du contenu (unité)et l'itération de l'unité jusqu'à épuisement.

    Cette période est donc marquée par la construction partielle de l'espace euclidien à partir de l'espace topologique de la période précédente. Il a fallu pour cela que l'espace soit structuré, assoupli, c'est-à-dire que le sujet distingue des objets immobiles d'un espace occupé par des objets mobiles. 

    16. La construction et la représentation de l'espace

    Avant d'évoquer la représentation de l'espace, il convient de signaler que l'enfant construit, au niveau de l'action pratique et directe, un espace dont l'organisation est achevée à la fin du stade sensorimoteur. Il dispose donc, à partir de ce niveau, d'une connaissance pratique qui lui permet de faire des détours, de composer des déplacements possibles. Sa capacité de représentation se limite pourtant aux déplacements eux-mêmes et non à une représentation de l'espace en tant que tel. Les recherches de Piaget montrent que les enfants de 4 - 5 ans ne peuvent pas encore se représenter un espace connu ( leur école, le quartier, le trajet parcouru...) bien qu'ils soient parfaitement capables de s'y déplacer, de composer et varier les déplacements. En considérant la représentation spatiale on constate que les premières propriétés que l'enfant conserve et respecte sont d'ordre topologique.

    Si l'espace topologique (rapports de voisinage, de séparation) ignore la distinction entre contenant et contenu, l'espace euclidien les différencie, c'est ce qui marque les progrès de l'enfant.

    L'espace euclidien suppose deux opérations qualitatives aboutissant à l'élaboration des distances et des déplacements. La droite euclidienne implique la conservation des longueurs qui est acquise avec les constructions des mécanismes opératoires. A ce stade, les surfaces et les volumes se conservent également de façon qualitative.

    C'est lorsque la notion de mesure est acquise, c'est-à-dire que les opérations qualitatives de partition des intervalles entre les points immobiles et de déplacement sont synthétisés que la droite euclidienne s'intègre à la métrique euclidienne de l'espace.

    Les enfants deviennent peu à peu capables de reconstituer des ordres spatiaux simples. mais ils ne disposent pas encore de la réversibilité opératoire qui les rend incapables, pour le moment, de reconstruire de telles suites en ordre inverse, ou encore d'imaginer ce qui se passe avec elles lorsqu'on les cache des mains et leur fait subir une rotation d'un demi-tour ou d'un tour entier. L'ensemble de ces conduites ne s'achève, par conséquent, qu'au niveau des opérations concrètes.

    La mesure des surfaces et des volumes n'est donc, à la fin des opérations concrètes que la mesure de longueurs à 2 ou 3 dimensions.

    L'enfant va pouvoir construire des systèmes de coordonnées (critère fondamental de l'espace euclidien). Il est maintenant capable de relier des objets (contenus mobiles) en référence avec des contenants (système de coordonnées immobiles) qui permet leur repérage. l'enfant utilise naturellement les verticales et les horizontales de l'espace mais il est incapable de relier entre eux deux systèmes de références et de coordonnées autrement que par tâtonnements.

    Les enfants de la deuxième période des opérations concrètes peuvent coordonner plusieurs points de vue possibles de différents observateurs inspectant un même objet, ou tenir compte des déformations (apparentes) d'un objet qui subit un changement de position. L'enfant construit un espace projectif.

    L'enfant devient capable de se représenter les sections d'un corps solide ou le "développement" des surfaces d'un corps. ces résultats, parallèles au développement du dessin enfantin, ne renseignent pas seulement sur le développement de l'espace. A un niveau plus général, ils indiquent que l'enfant se décentre de son point de vue propre et personnel (égocentrisme intellectuel), pour coordonner différents points de vue possibles.

    Durant la même période s'achève le développement des opérations de mesure par la constitution d'une métrique consistant à définir arbitrairement une unité de mesure, puis à la reporter ou à l'itérer par un mouvement approprié sur l'objet à mesurer.

    La coordination des points de vue sur le plan de la représentation et la structuration métrique sur le plan des opérations s'achèvent par l'établissement d'un espace euclidien et par la généralisation de la mesure aux systèmes de coordonnées naturelles (horizontale et verticale), arbitraires et de référence (coordonnées naturelles dans le paysage, route, ruisseaux, ...) ainsi que par la représentation des groupes de déplacements, la mesure appliquée aux volumes...

    Dans la mesure où ces développements s'appuient sur des considérations essentiellement qualitatives, ils s'achèvent déjà au deuxième niveau des opérations concrètes, tandis qu'il faut attendre le stade des opérations formelles pour les quantifications généralisées, les notions relatives au "continu" et au "point".

    17. Le développement de la notion de temps

    Les principales opérations temporelles consistent soit à sérier les évènements selon leur ordre de succession, soit à découper des intervalles de temps et à les emboîter les uns dans les autres, soit à mesurer, c'est-à-dire choisir une unité de temps, une durée et à la reporter sur les autres. La mesure du temps comme celle de l'espace synthétise la partition et le déplacement.

    La construction des notions et des opérations relatives aux phénomènes qui se déroulent dans le temps se présente grosso modo comme parallèle à la construction de l'espace.

    Après une première période d'indifférenciation, où l'enfant est non seulement incapable de sérier des évènements successifs qui se sont déroulés dans le temps, mais surtout ne comprend pas, dans l'essentiel, de quel problème il s'agit, il devient peu à peu capable de sérier des évènements ou les différentes phases d'un processus représenté par des images des états successifs, et de dissocier la durée de l'espace parcouru et de la vitesse des mobiles.

    Il serait pourtant abusif de prétendre que l'enfant n'a aucune notion du temps au niveau préparatoire : à la fin du stade sensorimoteur, l'enfant devient tout à fait capable d'ordonner ses actions successives dans le temps pour arriver à un but particulier.

    Les multiples notions relatives à l'ordination des évènements, la comparaison d'intervalles temporels, la simultanéité, la succession et la synchronicité des évènements, ne sont cependant pas encore reliés en une structure d'ensemble, ce qui empêche évidemment l'enfant de les coordonner ou de les composer de façon appropriée. ce n'est qu'au cours d'un troisième niveau de développement, à peu près contemporain de la deuxième période des opérations concrètes, que l'enfant devient réellement capable de coordonner et de composer les évènements temporels. 

    Ainsi, l'enfant série deux ensembles de dessins en tenant simultanément compte des ordres croissant et décroissant.

    De même, l'enfant  devient capable de comprendre qu'on peut dissocier la durée de l'espace, de la vitesse ou du travail accompli, et qu'on peut établir des relations entre ces variables qui permettent la constitution d'un système compensatoire et composable (longue durée + petite vitesse correspond qualitativement à grande vitesse + durée brève par rapport à l'espace parcouru).

    L'enfant devient également conscient que le déroulement du temps est strictement indépendant de l'activité propre déployée pendant une certaine durée, ce qui indique que l'enfant dissocie la durée "psychologique" du temps "physique".

    L'enfant est capable de construire un ordre de succession temporelle entre évènements (ou entre états caractérisés par des évènements respectivement simultanés), d'emboîter les durées les unes dans les autres en fonction de cet ordre, de concevoir des simultanéités à titre de succession ou de durées nulles et d'égaliser des durées synchrones en fonction de la simultanéité des évènements entre lesquels elles se déroulent.

    La difficulté particulière que pose l'établissement d'une métrique du temps repose sur le fait que l'enfant ne dispose pas d'invariants temporels et qu'il est, par conséquent, incapable de se construire une unité arbitraire sans référer à autre chose. Il se servira donc de la vitesse (considérée comme uniforme) comme invariant, et dans le cas de mesures de temps non synchrones l'unité de temps devient alors l'espace parcouru à une certaine vitesse.

    La mesure du temps s’explique aisément en correspondance exacte avec la constitution du nombre. L'itération de l'unité de durée résulte de la fusion opératoire du groupement de l'emboîtement des durées avec celui de la sériation des successions.

    L'enfant n'élabore pas seulement une métrique du temps mais du même coup, il subordonne les phénomènes temporels à sa pensée opératoire réversible. 

    18. La notion de vitesse

    Ce n'est que vers 7 - 8 ans que l'enfant est apte à reproduire par gestes sur une bande de papier, le mouvement de dépassement en tenant compte du trajet et en conservant la vitesse. Apprécier un dépassement repose sur une opération de plus ou moins grande vitesse. La reproduction des mouvements de rattrapement et de semi-rattrapement ne peut se faire que vers 9, 10 11 ans.

    Quant aux anticipations, elles suivent toujours la reproduction. Elles ne sont réussies que par 75 % des enfants vers 10 - 11 ans. ce n'est que plus tard que se constitue une véritable métrique de la vitesse. A cette période, elle demeure un produit qualitatif, c'est-à-dire que le même espace parcouru en un temps moins long équivaut à une plus grande vitesse. mais l'enfant est incapable de calculer ce qui se passe, si le temps est plus long pour un parcours plus long, car il est inapte à utiliser les proportions.

    19. La notion de hasard

    Avec la mise en place des structures opératoires, l'enfant devient capable de différencier ce qui est déductible de ce qui ne l'est pas. La notion de hasard va donc se construire par opposition aux opérations.

    Au cours de cette période, l'enfant est apte à trier ce qui est fortuit de ce qui ne l'est pas mais il demeure incapable de composition relative à l'ensemble du champ de dispersion ; il est incapable d'anticipation.

    20. Conclusions

    En examinant la période opératoire concrète, il apparaît que la période pré-opératoire est plutôt définie négativement, par l'absence de conservations, de réversibilité ; par l'absence de classification, de sériations... et positivement par l'exaltation de la pensée symbolique, du jeu et de la fantaisie.

    La période de l'intelligence symbolique ou pré-opératoire est apparue comme une période de préparation tout en étant une période d'épanouissement des structures déjà acquises. la dominante ds conduites est leur aspect négatif par rapport aux conduites achevées ou en voie d'achèvement.

    L'intelligence sensorimotrice, quant à elle, ne cesse pas de se développer. Appelée "intelligence pratique"ou "intelligence des situations" selon les auteurs, elle poursuit une ligne de développement que l'on a tendance à négliger depuis les travaux de Piaget.

    Bien des acquisitions sont à mettre au compte de l'intelligence pratique notamment en ce qui concerne la résolution des problèmes.

    La dialectique de l'action et de l'intelligence présente des voies et des formes complexes de développement et d'interaction qu'il ne faut pas négliger si l'on veut cerner le réel psychologique de près.

    Entre 7 - 8 ans et 11 - 12 ans, les progrès de l'enfant sont considérables dans tous les domaines. Il a perdu une bonne part de son égocentrisme. Affectivement, il commence à avoir de la volonté.

    La reconstruction des structures du niveau sensorimoteur au plan de la représentation a demandé une période de temps infiniment plus longue, en même temps qu'elles apparaissent infiniment plus complexe.

    L'image mentale est assouplie. L'enfant est capable d'évoquer des objets au repos mais aussi en mouvements. Il est même capable d'anticipation. L'image est nécessaire pour la représentation des états, mais elle est insuffisante pour la compréhension des transformations.

    L'intelligence opératoire concrète consiste donc à classer, sérier, dénombrer les objets et leurs propriétés dans le contexte d'une relation directe de l'enfant à l'objet concret et sans la possibilité de raisonner sur de simples hypothèses.

    C'est dès l'âge de 7 ans que les opérations infra-logiques et logico-mathématiques, ainsi que les aspects figuratifs et opératifs de la pensée, peuvent être dissociés.

    Les actions de l'enfant sont devenues des opérations, actions exécutables en pensée et réversibles. 

    Mentalement, il assimile en des synthèses cohérentes, les relations entre les objets au-delà de leur simple aspect figuratif.

    Capable de conservation et de réversibilité, sa pensée prend le pas sur ses perceptions. L'enfant est devenu apte à opérer sur des données concrètes mais il ne peut spéculer verbalement sur des données totalement intériorisées. cela tient à l'incomplétude des structures logiques. L'enfant tâtonne, n'est pas encore en mesure de dépasser la contradiction du réel. Ce n'est que par une restructuration de sa pensée qu'il parviendra à ce dépassement. 

    Synthèse du stade de l'intelligence opératoire concrète - De 7 à 11 - 12 ans

    Mise en place des structures des opérations concrètes qui vont permettre à l'enfant de penser de façon plus mobile la réalité concrète.

    Dès l'âge de 7 ans apparaissent :

    • les opérations infra-logiques (qui concernent les conservations physiques et la constitution de l’espace),
    • les opérations logico-mathématiques (qui portent sur les ressemblances - classes et relations symétriques - , sur les différences - relations symétriques - ou les deux à la fois - entre objets, nombres)
    • les aspects figuratifs de la pensée (perception, image mentale, imitation)  et
    • les aspects opératifs de la pensée (transformations ; tout ce qui modifie l'objet ; de l'action aux opérations) peuvent être dissociées.

    Les opérations se coordonnent en une structure d'ensemble. Puisque l'enfant fait intervenir la réversibilité, c'est qu'un système est déjà organisé :

    • opération directe (la transformation)
    • opération inverse (son retour)
    • opération identique (transformation nulle).

    * Grâce à la réversibilité acquise, la pensée devient plus mobile. Les opérations de classification et de sériation s'élaborent.

    * Les invariants se constituent avec des décalages horizontaux :

    • vers 7 ans : conservation des longueurs

    Prérequis à la conservation opératoire des longueurs : 

    - la notion de distance doit être acquise ;

    - le recours à un système de référence.

    Elle suppose la constitution de l'espace comme cadre contenant les objets où se conservent les distances.

    • vers 7 ans : conservation des surfaces.
    • vers 7 - 8 ans : conservation de la substance.
    • vers 8 - 9 ans : conservation du poids.
    • Entre 10 et 12 ans : conservation du volume.

    La conservation des volumes spatiaux :

    • De 7 à 8 - 9 ans : mise en relation de 2 dimensions en ajustant ensuite la troisième, sans mesure.
    • Vers 8 - 9 ans : début de mesure par décomposition et recomposition au moyen de cubes-unités.
    • Vers 11 - 12 ans : découverte de la relation mathématique entre les surfaces et le volume.

    Les conservations numériques :

    • Vers 4 - 5 ans : notion d'équivalence purement optique, figurale ! Correspondance linéaire !
    • Vers 5 - 6 ans : correspondance terme à terme, intuitive, fondée sur une équivalence de la longueur.
    • Vers 7 ans : l'enfant accède à une conservation de type opératoire. Elle repose sur la constitution d'un invariant : l'équivalence.

     

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