• * Les questions formulées par les enfants

    Les questions formulées par les enfants

    Introduction

    Les enfants sont particulièrement curieux des êtres et des choses.

    On considère généralement ce besoin d'observer comme un besoin physiologiques.

    L'évolution rapide du langage de l'enfant lui permet d'explorer davantage son environnement immédiat et d'établir le contact verbal avec les adultes qui l'entourent.

    Entre 2 et 3 ans, au cours de la période de la pré-phrase, l'enfant s'informe du nom de toute chose.  C'est l'époque du « premier âge questionneur» avec la fameuse question

    « ça, c’est quoi ? .... et ça ? »

    qui correspond à un élargissement de son champ expérimental, au besoin d'extension de son vocabulaire, à son désir de s’orienter et de s'organiser dans le monde matériel qu'il explore.

    Pour l'enfant, le nom objectivise l'objet.

    Le mot paraît d'ailleurs désigner une sorte de « prototype » ni généralisé, ni individualisé : l'enfant dit chaque fois « le » chat et non « un » chat.

    Entre 2 et 3 ans, l'enfant porte un intérêt croissant pour le langage de l'adulte.  Il apprécie les histoires qu'on lui raconte et découvre le dialogue avec l'adulte et utilise de façon pertinente des questions qui expriment son désir intense de connaître :

    « où ? »   « quand ? »   « comment ? »

    Vers l’âge de 3 ans débute le « deuxième âge questionneur ».

    L'enfant ne cherche plus tant à connaître le nom des choses mais plutôt leur raison d'être.  C'est l’âge du

    « pourquoi ? »

    A l'origine, le « pourquoi ? » exprime une protestation de l’enfant à une contrainte :

    • Mange ta soupe !
    • Pourquoi ?

    Selon Piaget et bien d'autres auteurs, la question « pourquoi ? » n'a pas du tout une orientation causale mais bien finaliste.

    En effet, l'enfant ne peut pas encore saisir une explication objective.  Ce qui l'intéresse, c'est le rapport qui peut exister entre l'objet de sa question et ses besoins, ses désirs ou ses craintes :

    • L'enveloppe, c'est pourquoi ?
    • C'est pour envoyer une lettre !

    Le « pourquoi ? » équivaut donc à  « à quoi ça sert ? », « à quoi est-ce bon ? ».

    Avant 5 - 6 ans, la motivation psychologique sert souvent d'explication causale aux phénomènes physiques.

    Finalité, animisme, magie en sont les types les plus fréquents.

    Entre 5 et 7 ans,, les formes puériles de la précausalité s'atténuent : l'explication fait place aux influences physiques mais des facteurs d'ordre psychologique subsistent encore au départ de l'action.  Les explications artificialistes prédominent jusqu'à 7 - 8 ans.  Avant cet âge, l'enfant n'accède pas à la notion de hasard : puisque tous les phénomènes sont voulus, ils peuvent être motivés.

    Peu à peu, l'enfant sort de lui-même pour aller vers une rupture de son égocentrisme.

    Les premières manifestations se traduisent par de l'étonnement.

    Elles aboutissent à se poser des questions sur le réel.

    Les « pourquoi ? » se posent par le fait que l'enfant est ému de découvrir un univers qui n'est pas semblable à l'univers familial.

    L'enfant pose des questions souvent énervantes sur les particularités que l'adulte considère comme des accidents :

    • Pourquoi j'ai de plus grandes oreilles que Marc ?
    • Pourquoi y a-t-il trois Woluwé ?
    • Pourquoi un « h » ça ressemble à un « k » ?

    Il faut être attentif au sens du « pourquoi ? » de l'enfant :

    • Pourquoi y a-t-il un directeur dans cette école ?

    C'est un « pourquoi » de finalité ou de motivation.

    • Pourquoi la pile ne fonctionne pas ?

    C'est un « pourquoi » de causalité.

    • Pourquoi met-on une majuscule aux noms propres ?

    C'est un « pourquoi » de justification.

    Par ses questions, l'enfant sort de lui-même.

    C'est une rupture de l'égocentrisme et une possibilité de progrès.

    Poussé à mieux le comprendre, l'enfant est ainsi amené à agir sur son environnement.

    Petit à petit disparaissent sa faible capacité d'attention et l'étroitesse du champ de sa pensée.

    L'insuffisance de sa construction du temps, de l'espace et de la causalité lui fait émettre des hypothèses sans encore se préoccuper de leur vérification.

    Selon Jean Piaget, la précausalité dont témoignent les questions et principalement les « pourquoi » enfantins, entre 3 et 7 ans, est l'une des attaches les plus solides entre l'animisme et le reste de la pensée de l'enfant.

    En effet, la précausalité suppose une indifférenciation entre le psychique et le physique telle que la véritable cause d’un phénomène n'est jamais à chercher dans le « comment » de sa réalisation physique mais dans l'intention qui est à son point de départ.

    Mais ces intentions sont aussi bien d'ordre artificialiste que d'ordre animiste.  Or l'enfant commence par voir partout des intentions.  Secondairement il s'occupe de les classer en intentions des choses elles-mêmes (animisme) et intentions des fabricateurs des choses (artificialisme) :

    • Qui est-ce qui fait marcher la bille ? (en parlant d'une bille sur une pente)

    C'est à l'intention de la bille que l'enfant pense.

    • Pourquoi il y a une lune ?

    C'est à l'intention des fabricateurs d'astres que pense l'enfant.

    La curiosité spontanée de l'enfant se porte sur l'origine de toutes choses.

    Entre 3 et 7 ans, l'enfant demande comment ont commencé les astres, les cieux, les nuages, le vent, les montagnes, les rivières et les mers, les matières premières, la terre, l'univers.

    Selon Jean Piaget toujours, la succession des intérêts paraît être la suivante :

    • intérêt pour la naissance
    • intérêt pour l'origine de la race
    • intérêt pour l'origine des choses en général

    Après avoir longuement traité du questionnement de l'enfant et de ses interprétations animistes, artificialistes, ... dans l'ouvrage « La représentation du monde chez l'enfant », Piaget a proposé un classement des questions posées par les enfants.

    Selon le psychologue genevois, l'enfant peut être à la recherche

    • de l'intention :
      • Pourquoi tu chauffes l'eau ?
      • Pourquoi faut-il se brosser les dents ?
    • de la loi, du règlement qui justifie :
      • Pourquoi je grandis ?
    • d'une définition :
      • C'est quoi un polygone ?
      • Qu'est-ce qu'un mirage ?
    • d'un classement :
      • Pourquoi écrit-on charrue, charrette, chariot
      • Pourquoi « content » et « heureux » c'est la même chose ?
    • de faits réels du présent, du passé, du futur

    1. Faits et événements

    • Pourquoi il y a la guerre dans ce pays ?
    • Pourquoi qu'on enterre les morts ?

    2. Notion de temps

    • Pourquoi aujourd'hui c'est pas demain ?
    • Pourquoi demain ? (dans le cas d'une promesse faite)

    3. Notion de lieu

    • Pourquoi à la maison ? (dans une situation où l'enfant désire quelque chose dans l'immédiat et que l'adulte le fait attendre)

    4. Modalité

    • Pourquoi ne sont-ils pas habillés comme nous ? (dans le cas où l'enfant découvre un film relatant une autre époque)
    • de relations causales objectives

    a) Domaine de la physique

    • Pourquoi un bateau flotte ?

    b) Domaine de la botanique

    • Pourquoi les plantes poussent-elles ?

    c) Domaine de la zoologie

    • Pourquoi la vache donne-t-elle du lait ?

    d) Domaine de l'anatomie

    • Pourquoi je ressemble à ma sœur ?

    e) Domaine des phénomènes naturels

    • Pourquoi l'éclair ? le tonnerre ?

    f) Domaine des fabrications

    • Pourquoi on ne mange pas la pâte ?
    • des intentions humaines
    • Dis, Maman. pourquoi tu te fâches sur Papa ?
    • Pourquoi tu me donnes un bonbon ?

     (Un enfant recevant une récompense ou une forme d'encouragement essaie de situer l'intention de l'adulte)

    • des règles sociales, scolaires et des usages
    • Pourquoi il faut de l'argent ?
    • Pourquoi l'agent de police peut me punir ?
    • Pourquoi faut-il traverser quand le feu est vert ?
    • Pourquoi je dois aller à l'école ?
    • de justifications dans le domaine du calcul
    • Pourquoi ça ne « tombe » pas juste ?
    • Pourquoi 2 X 3 c'est (pas) la même chose que 3 X 2 ?
    • d'explications relatives à la naissance
    • Où tu m'as trouvée, Maman ? (3 ans ½)
    • Où j'étais quand tu étais petite fille ? (5 ans)
    • Où le Docteur trouve les enfants ? (7 ans)

    Conclusion

    Il faut permettre de trouver une réponse à toutes les questions de l'enfant.

    Les « où » « Quand ? » « Comment ? » sont des questions intéressantes pour les activités d'éveil et l'éveil scientifique en particulier, de même que les « Pourquoi ? » tournés vers une causalité mécanique.

    Le questionnement inhérent à l'observation même est le signe de l'éveil de l'enfant au monde.

    La relation de l'être humain à un objet naît parce qu'il y a contact sensible avec l'objet, doublé d’un questionnement, d'un étonnement, qui vont engendrer des activités de recherche et de réponse.

    Faut-il le rappeler ? Le but de notre enseignement est, avant l'acquisition de connaissances et de savoir-faire, l'éveil de la curiosité intellectuelle, l'éveil de l'enfant au monde, à la réalité extérieure à lui-même.

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