• Titre X - Le présent et le futur de la pédagogie

    Chapitre I : L'échec scolaire - L'école inadaptée

    I. Les échecs scolaires et leurs causes

    1. Depuis plus de 30 ans, les échecs scolaires font partie des problèmes prioritaires de l'enseignement en Belgique. En 1947 déjà, le Professeur Hotyat qui dirigeait l'Institut Supérieur de Pédagogie du Hainaut, a mené une vaste étude à ce sujet.

    Depuis 1979, la faculté des sciences psycho-pédagogiques de l'Université de l'Etat à Mons a effectué des recherches afin de mettre en évidence l'ampleur du retard pédagogique d'une proportion importante de la population wallonne ainsi que les conséquences socio-économiques de ce retard. Elle a aussi tenté d'identifier les causes des échecs scolaires.

    2. Les statistiques officielles ont fait apparaître que les échecs scolaires frappent particulièrement les enfants de certaines classes socio-professionnelles.

    Plusieurs tendances divisent les chercheurs qui tentent d'expliquer les causes des échecs scolaires.

    A côté des cas évidents de débilité, des handicapés physiques et mentaux qui exigent des soins spéciaux, la majorité des échecs scolaires peuvent être attribués à des difficultés linguistiques mais aussi à l'action de l'entourage humain.

    3. Les problèmes de langage ont deux origines : d'une part la dyslexie, d'autre part, l'hétérogénéité de l'intelligence. La dyslexie touche environ 8% des enfants. Elle se décèle par un test simple : une mesure de la lecture. Dans 63% des cas, la dyslexie a une origine héréditaire. Dans 36% des cas, la dyslexie s'explique par ses origines neurologiques. La dyslexie apparaît alors chez les enfants prématurés ou "dysmaturés" suite à des souffrances cérébrales minimales. Elle se manifeste par des troubles du langage parlé ou écrit. 

    4. Tous les individus ont deux formes d'intelligence : une intelligence verbale et une intelligence gnoso-praxique qui repose sur les capacités de l'oeil, de la main et de l'oreille pour maîtriser les objets de l'environnement. Une autre cause des échecs scolaires réside dans le fait que l'école a trop longtemps tablé essentiellement sur l'intelligence verbale. Les enfants qui disposent d'une faible intelligence verbale et d'une forte intelligence gnoso-praxique échouent à l'école. 

    5. Les progrès du langage de l'enfant conditionnent évidemment les autres formes d'activité intellectuelle. Aussi, l'enfant issu d'un foyer défavorisé socialement, culturellement et économiquement, bénéficie généralement d'un capital linguistique plus pauvre et moins organisé qui constitue un sérieux handicap pour aborder les premiers apprentissages. 

    6. Certains esprits conservateurs considèrent les enfants en échec comme simplement dotés d'une intelligence moindre. Écartant cette interprétation empreinte de racisme, nous considérons qu'il y a, parmi les chercheurs :

    • ceux qui attribuent la responsabilité de l'échec scolaire aux handicaps socioculturels dus à l'éducation du milieu de vie ;
    • ceux qui estiment que l'école méconnaît les caractéristiques du langage et de la pensée de ces enfants ;
    • et enfin, ceux qui pensent que l'inadaptation du rythme scolaire est également l'une des causes des échecs.

    II. L'école inadaptée

    1. Comme dans d'autres pays européens, les taux d'échecs les plus élevés sont enregistrés au niveau de la première année primaire. Plusieurs travaux ont étudié ce problème. Si l'école n'st pas capable d'accueillir les enfants, de les éduquer, de les instruire sans l'aide des parents, elle ne remplit pas son rôle. Depuis quelques années, le redoublement de nombreux élèves préoccupe les enseignants. Est-il utile d'obliger les élèves qui ne sont pas arrivés en juin à un niveau arbitrairement prévu, de recommencer toute une année scolaire ?

    2. Depuis quelques décennies, en effet, environ 50 % d'enfants redoublent au moins une fois, certains deux fois, trois voire même quatre fois tout au long de la scolarité primaire. Parmi les élèves qui doublent une fois, la moitié d'entre eux redoublent une seconde fois, et parmi les enfants qui redoublent une seconde fois, la moitié d'entre eux redoublent une troisième fois ! Voilà un bien triste constat, à vrai dire !

    3. Une vieille tradition a conduit des enseignants à croire que le fait de recommencer une classe mène automatiquement l'enfant au succès. L'échec rend-il service à l'enfant si celui-ci redouble une seconde, une troisième fois ? Si certains enfants se dégoûtent de l'école et si les retardés se dégoûtent davantage que les autres, on peut croire que c'est dû au fait qu'ils ont échoué. Si tant d'enfants aboutissent dans l'enseignement spécialisé comme débiles légers, on peut se demander si le redoublement n'a pas augmenté le problème plutôt que de le détruire. Tant que l'on ne peut affirmer avec certitude que l'échec et le redoublement sont sans conséquences néfastes, il y a lieu de les éviter car le risque de placer l'enfant dans une situation traumatisante et inutile est bien trop grand.

    III. Finalités de l'éducation

    1. Les éléments d'histoire de l'éducation décrits dans cet ouvrage ont mis l'accent sur l'importance du facteur historique dans l'explication des faits et des doctrines pédagogiques.

    2. L'examen des idées actuelles en pédagogie, dont nous avons tenté de situer les origines et d'envisager leur transformation possible dans le futur, a probablement mis en évidence la période de mutation profonde que nous traversons actuellement.

    3. Tous les systèmes d'éducation sont basés sur quelques principes qui définissent et justifient les buts à atteindre, en fonction des considérations politiques, religieuses, économiques ou sociales.

    4. Les élèves qui fréquentent actuellement l'enseignement fondamental seront les adultes de demain. Le monde qu'ils connaîtront sera sans doute un monde de plus en plus exigeant sur le plan des qualifications professionnelles vu l'extraordinaire croissance technique que nous connaissons déjà.

    5. Par suite du ralentissement de la consommation et de la croissance économique, il est très probable que le monde de demain verra encore augmenter le temps des loisirs et appellera les hommes à un processus de formation permanente, à une plus large participation à la vie sociale, à la création de biens culturels nouveaux et à la recherche du bien-être sans cesse amélioré.

    6. Le système éducatif belge a son projet éducatif. En précisant les finalités de l'éducation, il décrit également le type d'homme qu'il veut former. Notre système éducatif veut former des hommes capables d'accueillir, assumer et orienter le changement, tolérants à l'insécurité due au changement, disponibles à la confrontation permanente avec le réel et avec autrui. Il veut aussi former des hommes qui sachent prendre des décisions et en assumer les conséquences ; qui puissent accepter des règles de conduite, s'en fixer et les vivre ; qui puissent établir des relations avec autrui en vue d'une action solidaire ; des hommes compétents et efficaces dans leur vie professionnelle, capables aussi de participer à la vie et à la culture de leur société ; des hommes épanouis physiquement et intellectuellement ; compétents, engagés, responsables, créatifs, autonomes, sociables et heureux.

    7. Confrontée à la délicate mission de réaliser ces finalités éducatives, l'école a donc un rôle capital à jouer dans l'acte d'éducation. Depuis longtemps, l'enseignement a été subordonné à l'apprentissage ; la place de l'élève a été revendiquée comme individualité. L'acte d'apprendre se trouve renforcé par la qualité des échanges dans le groupe et avec les maîtres. L'école s'est fixée pour but d'asseoir les fondements du développement optimal de chaque enfant, en tendant vers l'égalisation des chances.    

    8. Tout en assurant les apprentissages de base sans lesquels l'avenir scolaire des enfants serait en péril, l'école fondamentale, ouverte à la vie, veut donner à chacun l'occasion d'exercer le maximum de moyens d'expression et laisser libre cours à l'activité spontanée.

    L'école fondamentale vise à l'épanouissement intellectuel, physique, social, affectif et moral de tous les enfants, veut répondre à leurs besoins et leurs intérêts, quel que soit leur milieu d'origine. Dans ce but, l'école doit créer un climat qui permette aux enfants de s'y sentir à l'aise, de prendre de l'assurance et de poursuivre leur initiation sociale. L'équilibre global de chaque élève doit être le souci permanent de tout éducateur scolaire. pourtant, comme nous l'avons précisé au début de ce chapitre, de nombreuses difficultés sont signalées, des inégalités existent, des chances d'un harmonieux devenir sont perdues. 

    IV. Les objectifs éducatifs en Belgique francophone

    1. En parfaite cohérence avec les finalités de l'action éducative, les objectifs éducatifs généraux sont poursuivis au travers de démarches qui croissent en complexité en fonction de l'évolution du développement mental des enfants. Les objectifs généraux de l'action éducative visent l'acquisition de savoirs, d'habiletés et d'attitudes, compétences en constante interaction qui contribuent au développement intellectuel et général. 

    2. C'est au travers de toutes les activités de l'école fondamentale que se manifestent les attitudes qu'il convient de favoriser pour contribuer à l'épanouissement de la personnalité de chaque enfant. L'acquisition d'habiletés constitue également un aspect important dans le processus éducatif. 

    3. Considérant l'enfant comme un être en croissance, avec ses caractéristiques personnelles, l'école fondamentale l'éduque par un contact permanent avec la vie réelle et en se basant sur les intérêts et les problèmes des enfants, en explorant l'environnement avec son contenu humain et social, scientifique et technique. Elle détermine les apprentissages à réaliser en termes de comportements observables et précis.

    4. Etant donné que la perception des réalités diffère d'un élève à l'autre, que tous les élèves n'apprennent pas de la même façon ni au même rythme, l'école belge doit donc mettre en oeuvre une éducation personnalisée qui assure le développement intégral de chacun et qui associe la qualité des apprentissages, la promotion et le soutien de chaque enfant, ainsi que la remédiation à ses difficultés.

    Chapitre II : Expériences et tentatives visant à diminuer les échecs scolaires à l'étranger 

    I. En Suisse

    1. La Suisse n'a pas de Ministère de l'Education nationale ; chaque canton possède son propre système éducatif. La Suisse comprend donc 26 systèmes scolaires autonomes et quatre langues nationales ! Selon les cantons, les positions sur la démocratisation des études et la sélection scolaire sont diamétralement opposées. Dans la partie francophone du pays, l'entrée dans le secondaire s'effectue à 10, 11 ou 12 ans selon les cantons. 

    2. Si les structures restent très diverses, il existe un certain consensus en matière d'harmonisation des programmes. Depuis quelques années en Suisse romande, il existe une coordination scolaire au niveau des plans d'études.

    Les programmes C I R C E   I (Commission intercantonale de l'enseignement) concernant les quatre premières années de l'enseignement obligatoire sont entrés en vigueur en 1972. Les programmes de C I R C E   II concernant les cinquième et sixième années ont été mis en application vers 1979.

    3. Les objectifs généraux du C I R C E   I ont été déterminés, en 1977, par une nouvelle loi sur l'instruction publique. Au cours des quatre premières années de l'enseignement, l'école doit donner à chaque élève les moyens d'acquérir les meilleures connaissances et susciter chez eux le désir permanent d'apprendre et de se former. Elle doit développer de manière équilibrée la personnalité et la créativité de chacun ; préparer chaque élève à la vie sociale, culturelle, civique, politique et économique du pays. Elle doit tenter de développer chez chacun le respect d'autrui, l'esprit de solidarité et de coopération. Enfin, l'école doit tendre à corriger les inégalités de chance de réussite scolaire des élèves dès les premières années scolaires, notamment par la pratique de l'appui pédagogique.

    4. En ce qui concerne les contenus de l'enseignement, signalons que la Suisse romande s'est engagée dans une vaste réforme de l'enseignement du français qui met surtout en évidence l'expression orale. L'enseignement des mathématiques a été rénové en 1972 et, depuis lors, est en constante évolution. Le plan d'études romand donne priorité au développement du raisonnement logico-mathématique et part du principe que l'école peut contribuer au moins autant à la formation de la pensée qu'à l'acquisition des connaissances. L'enseignement d'une deuxième langue à l'école primaire entre progressivement dans les programmes scolaires. 

    5. Les objectifs généraux du C I R C E   II précisent que l'école doit favoriser une bonne structuration mentale chez l'enfant en développant son raisonnement logique, sa capacité de situer, de classer, d'ordonner, de comprendre et de représenter une situation. Elle doit lui faire connaitre les notions fondamentales : ensembles, relations et structures ; lui procurer un outil intellectuel utilisable dans les situations de la vie courante. Elle doit également développer les pouvoirs d'adaptation et d'invention. 

    6. Parmi les tentatives visant à diminuer les échecs scolaires, le décloisonnement est une expérience intéressante. Le décloisonnement est la possibilité donnée aux enfants de plusieurs classes de choisir activités, local, maîtres et camarades pour mener à bien leurs apprentissages cognitifs et sociaux. Le décloisonnement implique un type de présence aux enfants qui nécessite une attention aux déplacements des élèves, des interventions pédagogiques soutenues à l'égard de chacun et une forme d'évaluation visant une meilleure appropriation des connaissances plutôt qu'à dresser un bilan. Le conseil de classe figure dans le décloisonnement comme une structure indispensable et permanente. Il apparaît comme un moment privilégié pour tous les enfants permettant d'activer les processus de socialisation. La pratique du décloisonnement essaie de privilégier tout particulièrement la socialisation et l'autonomie des enfants, l'apprentissage à l'entraide ainsi que le travail de groupe.

    II. En République Fédérale d'Allemagne

    1. Des réformes ont été amorcées depuis 1960. La plupart de celles-ci sont encore en cours. Elles portent principalement sur les structures, la formation des maîtres, des programmes, des filières d'études et des examens.

    Une question prioritaire au centre des débats sur la politique de l'enseignement concerne le manque de coordination entre les systèmes de l'enseignement et de l'emploi. Un autre point fort discuté, c'est la structure fédéraliste du système éducatif. 

    2. Les objectifs de l'éducation et de l'enseignement figurent encore parmi les points les plus contestés de la discussion sur la politique éducative. On se rend de plus en plus compte que la réforme des objectifs de l'éducation, du contenu de l'enseignement et leur interprétation (réforme du curriculum) ont au moins autant d'importance que la réforme des structures du système d'enseignement.

    3. Déjà en 1964, à l'occasion de la 100ème réunion plénière de la Conférence permanente des ministres de l'éducation des "Länders", divers objectifs furent proposés, entre autres :

    • de relever le niveau général d'instruction des jeunes en augmentant et en améliorant l'éducation scolaire de tout genre ;
    • d'accroître le nombre des jeunes titulaires de diplômes moyens les plus divers ;
    • de donner à chaque individu la formation qui lui permette de rendre au maximum ;
    • de proposer des possibilités de formation qui répondent davantage aux facultés individuelles ;
    • de prendre des mesures qui orientent les élèves vers les filières d'études qui leur conviennent ;
    • d'accroître la perméabilité entre toutes les écoles existantes, par le passage d'une organisation scolaire verticale à une organisation horizontale. 

    4. En 1977, 350 expériences pilotes ont été menées. En voici quelques-unes :

    • un programme visant à expérimenter des méthodes d'enseignement par le jeu (programme d'essai) dans le secteur élémentaire ;
    • des projets concernant des filières de formation à double qualification ;
    • dans le secteur universitaire, des projets d'études par correspondance, de formation de juristes, d'orientation, de réforme du contenu des études, de formation des enseignants et d'accès aux études supérieures.

    5. La recherche pédagogique, psychologique ou sociologique est pratiquée dans le cadre des universités et des écoles supérieures de pédagogie. Il a été créé, entre 1960 et 1970, des instituts d'Etat pour divers secteurs de la recherche pédagogique. On leur doit un grand nombre de publications. Le travail de ces instituts a porté sur les secteurs suivants :

    • recherche fondamentale sur l'aptitude aux études ;
    • analyses accompagnant des expériences scolaires, en particulier des expériences d'écoles polyvalentes ;
    • recherche sur le curriculum ;
    • recherche sur l'intégration sociale, etc... 

    6. L'obligation scolaire dure de la 6ème année jusqu'à la 18ème année, c'est-à-dire 12 ans. Les classes 5 et 6 constituent en général le cycle d'observation et d'orientation, qui a pour mission de faciliter l'orientation de tous les élèves vers les filières d'études qui leur conviennent le mieux. 

    7. La Conférence des ministres a défini les principes pour les règlements des passages de classes. De nouvelles formes d'individualisation du rythme des études ont été expérimentées dans le cadre des écoles polyvalentes, mais aussi dans les "Heuptschulen", les "Realschulen" et les "Gymnasium".

    8. Le principe du maître principal vaut pour la première et la seconde année. A partir de la 3ème année, les écoliers ont de plus en plus affaire à des maîtres spécialisés qui préparent au passage dans le secondaire. Des mesures ont été prises pour une pédagogie différenciée qui favorise la promotion individuelle. 

    9. La "Grundschule" essaie d'offrir à tous les enfants des chances égales devant l'instruction. Les responsables de la politique scolaire et les administrations régionales de l'éducation cherchent depuis longtemps à réduire les effectifs des classes. Les expériences modèles servent à la poursuite des réformes. Les enfants des migrants posent des problèmes particuliers, surtout dans les grandes agglomérations. 

    10. Les classes 5 et 6 des écoles d'enseignement général forment un cycle d'orientation pour tous les élèves en vue de leur avenir scolaire dans le premier cycle secondaire. Ce cycle d'orientation a pour but d'ajourner la décision concernant l'avenir scolaire des élèves jusqu'à la fin de la classe de manière à posséder des éléments d'appréciation plus sûrs. La formule qui s'imposera à l'avenir est celle qui réussira le mieux à résoudre le problème pédagogique majeur, à savoir comment diriger les élèves vers les filières scolaires qui leur conviennent le mieux.

    11. Le "Gymnasium" a beaucoup évolué au cours des dernières décennies : conçu pour une élite et faisant l'objet d'une sélection assez poussée, c'est devenu une école pour élèves issus de toutes les couches de la population et capables d'obtenir la maturité universitaire.

    Les classes terminales du "Gymnasium" ne sont plus subdivisées selon le triptyque traditionnel en lycée classique, lycée de langues modernes et lycée de mathématiques-sciences. Elles sont remplacées par un  système de cours de base et de cours de spécialisation. Le programme se divise en un secteur de matières obligatoires et un secteur de matières à option. La Conférence des recteurs d'université a souligné le risque que comportait une spécialisation trop précoce des élèves et a préconisé une limitation des matières à option au profit d'un large secteur de matières obligatoires.

    12. La réforme de l'enseignement maternel à Klärenthal, en Hesse, se propose de mieux préparer les enfants de 3 à 6 ans à l'école primaire, en leur présentant des activités de maturation enrichissantes basées sur le jeu.

    Alors que les enfants de 3 à 6 ans restent, pour la plupart du temps, groupés et choisissent librement leurs activités, l'éducatrice, qui joue davantage un rôle d'animatrice, suscite des activités particulières de préparation à l'école primaire aux enfants âgés de 5 ans : des jeux éducatifs essentiellement, mais pas de lecture ni d'écriture. 

    13. Une des expériences de réforme de l'enseignement fondamental consista en l'ouverture d'une classe de transition répartie sur deux ans et accessible aux enfants âgés de 5 ans, suivie d'une rénovation progressive dans les quatre années du cycle primaire. Cette expérience fut lancée en 1968 dans 7 écoles primaires de Hesse et poursuivie les années suivantes. En 1975-76, elle concernait déjà 36 écoles. La création de la classe de transition est le résultat d'une action de recherche pratique par des pédagogues des enseignements maternel et primaire travaillant en équipe. C'est grâce à l'enthousiasme et à la pratique quotidienne des enseignants et des enfants que cette réforme a pu se réaliser à la suite de la publication de principes généraux de base par le ministère. Les premiers résultats obtenus, les observations, travaux et nombreuses initiatives ont permis aux scientifiques d'élaborer des données théoriques. L'application de l'enseignement primaire rénové devait ensuite être généralisée.

    14. Une autre expérience a été entreprise dans le land de Hesseà Wiesbaden : il s'agit de la création de la classe de transition au sein de la Diesterwegschule.

    Jusqu'en 1978, l'expérience fit appel à des pédagogues volontaires. Le but de ce travail de recherche expérimentale consistait à offrir aux enfants de 5 ans la possibilité de développer et d'exercer toutes leurs potentialités, et de profiter de cette période pour faciliter leur adaptation à l'école primaire.

    L'expérience visait aussi à donner une égalité de chance à tous ces enfants ; à susciter la maturation de chacun selon ses moyens grâce à des activités éducatives basées sur l'utilisation d'un matériel abondant ; à initier les enfants à la coopération et au travail en groupe ; à réaliser une transition souple entre le jardin d'enfants et le niveau primaire tout en développant leur créativité, leurs initiatives personnelles, leur indépendance et leur prise de responsabilités.

    Cette classe de transition accepte chaque année 500 enfants de 5 ans et l'on compte 2 pédagogues pour 40 à 50 enfants. Les activités qui leur sont proposées sont adaptées à leur niveau et l'individualisation est très poussée.

    Grâce à cette réforme, moins d'enfants doivent être orientés vers l'enseignement spécialisé ; très peu doivent recommencer une année scolaire et il est, de plus, tout à fait possible de faire progresser plus rapidement les enfants surdoués.

    III. Aux Pays-Bas

    1. En cette fin du 20ème siècle, l'enseignement aux Pays-Bas est en pleine évolution. De nombreuses tentatives de démocratisation et de rénovation ont été entreprises. Elles se basent sur la pédagogie de Maria Montessori, sur les recherches pédagogiques de Peter Petersen (1884 - 1952), sur les idées de Célestin Freinet et sur le Plan de Dalton. 

    2. Aux Pays-Bas, la scolarité est obligatoire depuis 1969 seulement. Elle dure 11 ans depuis 1972. Les neuf premières années, de 6 à 15 ans, sont consacrées aux apprentissages dans l'enseignement primaire, à temps plein ; à une année d'orientation suivie, soit de trois années d'enseignement pré-universitaire, soit de trois années d'enseignement professionnel du degré inférieur (M.A.V.O.). Deux années de scolarité obligatoire à temps partiel permettent aux étudiants de 16 et 17 ans de suivre le lycée moderne ou classique, soit l'enseignement professionnel du degré moyen. Selon l'orientation choisie entre 12 et 13 ans, les étudiants peuvent se diriger à 18 ans vers l'université ou l'enseignement professionnel du degré supérieur.

    3. L'enseignement est libre aux Pays-Bas. Les pouvoirs publics - le plus souvent les communes, quelques fois l'Etat - gèrent les écoles publiques. Les écoles privées sont catholiques, protestantes ou neutres. Chaque groupe de la population peut exprimer à sa manière les valeurs spirituelles qu'il juge fondamentales. 

    4. L'enseignement pré-primaire n'est pas obligatoire. Accessible aux enfants de 4 ans au moins, il est très suivi bien qu'il soit payant. Les pouvoirs publics ont préparé un projet de loi qui vise à regrouper les enseignements pré-primaire et primaire afin d'assouplir le passage entre ces deux niveaux d'enseignement, de modifier des dispositions trop strictes et de promouvoir les communautés d'écoles qui permettraient une plus grande cohésion. 

    5. L'enseignement primaire, obligatoire et gratuit, couvre un cycle d'études de 6 ans et doit être dispensé à raison de 1040 heures par an au minimum. Les opinions relatives au but et à la mission de l'enseignement primaire ont beaucoup évolué ces dernières années. Le Gouvernement des Pays-Bas compte réorganiser l'enseignement primaire avec la collaboration volontaire des écoles. Cet effort important de réorganisation repose sur le principe suivant : chaque élève est différent et il est injuste d'imposer un rythme d'apprentissage commun à l'ensemble des enfants d'un même âge et d'imposer à tous les mêmes exigences. En ce qui concerne les échecs scolaires, un tiers des enfants doivent passer plus de six ans à l'école primaire. 

    6. Pour éviter les redoublements, plusieurs essais ont été encouragés et tentés. Ils ont pour principe la mise sur pied d'une école de base qui supprime la transition artificielle entre l'enseignement pré-primaire et primaire en les intégrant et la suppression du système de passage annuel fondé sur l'acquisition d'un programme  de connaissances sanctionné par des examens. Ces essais prévoient d'autres formes de regroupements des élèves : par niveau ou par tranches d'âges ; ils introduisent des nouvelles formes d'apprentissage individualisé et tendent vers une démocratisation plus réelle. Ils font appel à la pratique de la coopération au sein de la classe, parmi l'équipe éducative et avec les parents. Ainsi, les tâches et les responsabilités sont prises en commun. 

    7. Les nombreuses tentatives de rénovation et de démocratisation entreprises aux Pays-Bas pour lutter contre les redoublements et les échecs scolaires, bien que différentes, visent toutes l'individualisation de l'enseignement, un groupement vertical des enfants basé sur l'hétérogénéité des âges, une participation plus active des parents à l'effort d'éducation, et la conception d'un plan général et progressif d'études de 4 à 18 ans sans transitions brutales. Parmi ces tentatives, le "Plan Iéna" a retenu notre attention pour son originalité. 

    8. Peter Petersen est l'inspirateur des écoles du "Plan Iéna". C'est un type d'école où chaque élève, durant toute la période d'obligation scolaire, de 6 à 16 ans, doit arriver à développer ses aptitudes au maximum. L'utilisation fonctionnelle de tous les locaux est importante dans la réalisation de la pédagogie pratiquée dans ce type d'école.

    Les classes, au sol recouvert de tapis pour supprimer le bruit lors des déplacements, possèdent un mobilier très fonctionnel : éviers et tableaux à la hauteur des enfants, étagères avec tiroirs et casiers individuels, tables octogonales ou hexagonales avec tabourets, très pratiques pour les travaux par équipe. Les couloirs sont très larges et comportent différents recoins aménagés pour le travail individuel ou en petits groupes. Un centre de documentation est accessible aux enfants à tout moment de la journée et contient des livres et des revues relatifs à de nombreux domaines.

    9. Quelques principes généraux caractérisent les écoles du "Plan Iéna". L'éducation et l'enseignement répondent aux besoins réels de l'enfant dans des situations réelles de vie : entretien, travail, jeu et célébration. L'enseignement doit stimuler la coopération notamment par le travail en équipe, l'esprit de recherche et l'esprit critique. Les expressions orale et gestuelle particulièrement mises en évidence lors de l'entretien en cercle (kring) : les élèves discutent d'un problème, d'un projet de travail ou de la réalisation d'une fête (viering). Les élèves ne sont orientés vers l'enseignement spécialisé que pour des raisons pathologiques mais jamais pour des questions de retard scolaire.

    10. Le rôle de l'enseignant est d'observer l'élève avant de le diriger, d'expliquer le maniement correct du matériel et, par un climat favorable à l'épanouissement de l'enfant, de susciter l'intérêt et l'effort personnel. Le centre d'intérêt à l'étude est commun à toute l'école. Les maîtres apportent leurs documents personnels et, après les heures de cours, ils collaborent dans la préparation des diverses activités ; ils répartissent les heures où les "stamgroepen" éclatent : groupes de niveaux, cours spéciaux, groupes d'âge ; ils mettent au point le matériel et élaborent des fichiers.  

    11. Comme dans d'autres types d'école, la participation des parents à l'effort d'éducation est importante et très active. Beaucoup de mères ne travaillent pas et, par conséquent, ont du temps libre pour s'occuper des enfants à la maison mais aussi à l'école. Elles peuvent y accéder à condition de respecter le règlement élaboré par les enseignants et les élèves. Il n'est nullement question d'intervenir dans la conduite d'une classe ou dans le choix des projets pédagogiques. Les parents, surtout les mamans, participent bénévolement à l'animation du centre de documentation et, notamment, au classement et à la distribution des livres et des revues. Ils prennent en charge des élèves en difficulté en lecture ou en mathématique (la classe d'adaptation n'existe pas aux Pays-Bas). Ils confectionnent le matériel didactique et accompagnent des classes lors de visites. 

    12. Les enseignants établissent ensemble les tests informels dans les divers apprentissages cognitifs et ils corrigent collectivement les contrôles en essayant d'améliorer l'auto-contrôle. Les évaluations sont faites individuellement ou par groupe de niveau ; les bulletins tiennent compte de l'esprit de coopération.

    Dès le mois de février, les enfants de 12 ans passent tous un examen pédagogique national, élaboré par des enseignants du secondaire et du primaire ainsi que par des inspecteurs. Dans les écoles du "Plan Iéna", le maître prépare, guide et stimule ; c'est l'enfant - avant l'écolier - qui occupe le centre de la classe.

    Chapitre III : Expériences et tentatives visant à diminuer les échecs scolaires en Belgique

    I. Une meilleure liaison entre les niveaux d'enseignement

    1. L'instauration d'un cycle 5 - 8, que nous aurons l'occasion de développer dans l'inventaire des nombreuses innovations pédagogiques, amène l'école fondamentale à opter pour une vraie coresponsabilité de ses enseignants travaillant en équipe. C'est un cycle charnière où l'enfant de cinq ans est conduit à son rythme aux apprentissages de base répartis sur trois ans.

    Grâce aux contacts avec leurs aînés, les enfants de troisième maternelle acquerront une formation psychomotrice, verbale, affective et sociale de qualité. Avec cet équipement sensoriel, moteur et mental, ils pourront aborder avec plus de succès les apprentissages de l'enseignement primaire. 

    2. L'enseignement primaire et l'enseignement secondaire ont souvent été comparés à "deux planètes qui s'ignorent". Le passage de l'un à l'autre est une étape que les enfants ne franchissent pas sans difficultés.

    Dans les établissements qui pratiquent l'enseignement rénové, des mesures ont été prises pour réduire ces difficultés aussi bien au niveau primaire qu'au niveau secondaire.

    Les structures verticales 8 - 12, 8 - 10 et 10 - 12 ou 9 - 11, outre le fait qu'elles mettent l'enfant en contact avec plusieurs enseignants, ont pour principal objectif le développement global de l'élève : esprit de recherche, travail en groupe, esprit d'initiative et sens des responsabilités. 

    3. Certains établissements d'enseignement secondaire tentent de réduire au maximum le nombre de professeurs en première année. L'accueil a été amélioré dans la plupart des établissements afin de permettre aux enfants de s'adapter rapidement aux habitudes de l'école et de mieux connaître leurs futurs professeurs. Certains professeurs s'attachent à prolonger l'esprit de l'enseignement primaire : être proche de l'élève, essayer de le comprendre, accepter son côté enfantin. 

    4. Les structures verticales, sans négliger le savoir, développent davantage les savoir-faire et mettent en oeuvre des méthodes qui permettent à un maximum d'élèves de réussir. 

    5. Certaines écoles rénovées ont adapté leurs cours en fonction du contenu et de la méthodologie des cours de sixième primaire. Un établissement d'enseignement secondaire rénové de l'agglomération bruxelloise a inclus dans l'horaire de première année une activité "Méthodes de travail" comprenant notamment la guidance dans l'organisation du journal de classe et d'un planning de travail, l'initiation au maniement des dictionnaires, l'utilisation de manuels de références et de dictionnaires de traduction. 

    6. Dans le but de favoriser les contacts entre les deux niveaux d'enseignement, des élèves de première année rénovée se rendent dans leur ancienne école primaire et informent leurs condisciples de sixième sur la vie d'une école secondaire. De plus, des enseignants du primaire et du secondaire se rencontrent périodiquement pour confronter leurs méthodes de travail, le contenu de leurs cours et les objectifs poursuivis. 

    7. Le passage de l'enseignement maternel à l'enseignement primaire ainsi que le passage de l'enseignement primaire à l'enseignement secondaire sont deux périodes difficiles. Une meilleure liaison maternel / primaire / secondaire réside principalement dans une meilleure connaissance des programmes des niveaux successifs et dans une collaboration permanente entre les enseignants. 

    8. Afin de faciliter le passage du niveau secondaire au niveau supérieur, la plupart de nos universités belges organisent des visites pour les élèves de l'enseignement secondaire. Des brochures sur les diverses facultés, écoles et instituts de l'Université libre de Bruxelles existent.

    Des études sur la nature, les exigences et les débouchés de l'enseignement universitaire en général ne manquent pas. Les contacts presque réguliers avec l'enseignement secondaire ont amené l'Université Libre de Bruxelles à condenser en un seul ouvrage des renseignements pour les futurs étudiants. Cette brochure, intitulée "Demain étudiant", comporte une foule de renseignements. Il est important que celui qui cherche sa voie s'informe sur les études par la lecture de brochures, de programmes. Il peut interroger des élèves universitaires, en regardant leurs cours, consulter ses professeurs ou un centre psycho-médico-social. Il peut aussi se rendre sur place, dans l'établissement supérieur, et interroger les services d'information. D'autre part, il arrive aussi que les responsables d'établissements d'enseignement secondaire organisent des visites dans des établissements d'enseignement supérieur, même non universitaire.

    La recherche de sa voie implique que l'étudiant puisse s'appuyer sur une information aussi bonne que possible. Il est nécessaire de chercher à rencontrer des personnes engagées dans la carrière envisagée, soit par une démarche personnelle, soit par le moyen des "opérations carrières" organisées dans ce but par diverses organisations comme les associations de parents et les centres psycho-médico-sociaux.

    II. Démocratisation de l'enseignement, égalisation des chances et diminution du nombre d'échecs scolaires

    1. Tous les enfants ne naissent pas avec les mêmes chances. Certains sont déjà handicapés dans la lutte pour la vie. Tous ne bénéficient pas des mêmes simulations. Dès l'entrée à l'école maternelle, des écarts considérables différencient les enfants sur le plan des compétences verbales. La plupart des chercheurs proposent dès lors d'adapter l'école à tous les enfants.

    2. Démocratiser l'enseignement, c'est tendre vers l'égalisation des chances ; c'est accueillir l'enfant tel qu'il est, avec son besoin de s'affirmer. C'est accorder à l'enfant le droit d'être différent. C'est aussi faire progresser chaque enfant dans la voie qui lui est propre, aider chacun à découvrir sa propre culture. C'est encore partir de l'enfant dans son environnement, répondre à ses besoins, à ses intérêts, à ses préoccupations. C'est, enfin, développer au maximum les possibilités individuelles de chacun.

    3. Pour des maîtres avertis, il convient donc de servir le développement de l'enfant d'aujourd'hui tel qu'il devient ; de donner à chacun des chances de réussite en améliorant le rendement scolaire par une diversification des procédures, par une priorité accordée à l'apprentissage, par un appel à tous les pouvoirs de l'apprenti, par une attitude confiante du maître et par un temps d'apprentissage variable en aidant chaque enfant en particulier.

    Les enseignants prendront conscience de l'importance qu'il convient d'accorder à la communication dans la fixation des objectifs et dans l'évaluation formative. Il s'agit également, si l'enseignant veut réellement démocratiser son enseignement, d'amener chaque enfant aussi loin que le permettent les facteurs personnels, bagage héréditaire et développement, ainsi que les conditions extra-scolaires, à savoir l'influence qu'exerce sur lui le milieu socio-culturel.

    4. La démocratisation de l'enseignement sert de base à l'axiologie éducationnelle de cette fin du 20ème siècle. Elle suppose un changement profond des attitudes des enseignants. Leur rôle doit évoluer vers une meilleure écoute de l'enfant et de ses problèmes, vers une personnalisation des apprentissages. En imposant moins, ils se transformeront en guides attentifs. 

    La démocratisation de l'enseignement suppose également un changement dans les méthodes, dans les procédures, afin de personnaliser, d'individualiser les apprentissages ; la suppression du critère d'âge chronologique et des examens traditionnels pour le passage de classe ; la mise en place d'une pédagogie de la réussite, d'une pédagogie de soutien et d'une pédagogie de compensation.

    5. La réforme de l'enseignement, qui a débuté en 1971, devrait en principe aboutir à réduire l'inégalité des chances et tendre vers l'égalisation des chances en suivant le rythme propre à chaque enfant.

    6. Afin de lutter contre les inégalités, deux théories s'affrontent : l'une veut compenser les différences ; l'autre se propose de transformer l'école.

    • La théorie de la compensation tente de réduire la différence qui existe au départ entre les enfants issus de milieux favorisés et ceux sur lesquels pèse le déterminisme social ; elle se propose de consacrer plus de temps et plus de maîtres aux enfants défavorisés.
    • La seconde théorie veut apporter une solution aux difficultés scolaires par le changement de la didactique scolaire qui se base trop souvent sur le langage verbal, sans pratique préalable. 

    7. Avant d'envisager les changements et les innovations pédagogiques intervenus en Belgique, examinons les mesures de lutte contre l'échec déjà en vigueur dans notre école fondamentale de cette fin du 20ème siècle. Une série de mesures administratives et pédagogiques ont été prises depuis quelques années dans notre pays en vue d'éviter le redoublement de classe.

    • Depuis 1970, huit types d'enseignement spécial ont été créés au profit de vingt mille élèves qui ne pouvaient suivre l'enseignement de l'école ordinaire.
    • Depuis 1969, un cours d'adaptation à la langue de l'enseignement tente de créer une compétence verbale suffisante chez les enfants de travailleurs migrants notamment, afin qu'ils puissent aborder plus facilement les apprentissages scolaires.
    • La création des classes d'accueil offre depuis 1976 la possibilité aux élèves âgés de 12 ans de suivre l'enseignement secondaire sans avoir réussi la sixième année primaire.
    • Au cours de l'année scolaire 1978-79, des normes plus favorables ont été accordées aux classes de l'enseignement maternel et primaire en vue de l'engagement d'enseignants supplémentaires pour aider à la scolarisation des enfants de travailleurs migrants.
    • Depuis 1973, des classes d'adaptation permettent de venir en aide aux élèves en difficulté d'études ou victimes de circonstances accidentelles.

    Mais malgré ces mesures administratives et pédagogiques plus favorables, adoptées depuis quelques années, 33% d'échecs existent encore. ces mesures, encore insuffisantes, se rallient à la tendance qui préconise les méthodes de compensation.

    8. Une nouvelle conception du soutien pédagogique s'inscrit dans la prise en compte de chaque enfant tel qu'il est. Cette attitude nécessite évidemment une transformation de l'école traditionnelle. La pratique d'une pédagogie par objectifs, définis en termes de comportements observables, la pratique de l'évaluation continue, avec les ajustements constants des apprentissages aux possibilités des élèves, doivent aboutir à l'individualisation et à la personnalisation de l'action éducative.

    9. La mise en place d'une pédagogie de la réussite postule la nécessité de tenir compte des possibilités de chacun, un meilleur groupement des élèves, une programmation fine des matières et un matériel d'individualisation suffisant.

    10. Le problème des échecs ne se limite pas à l'enseignement fondamental : il se retrouve au niveau du secondaire. Aujourd'hui comme hier, l'échec y demeure. Cependant, il semblerait qu'une tendance à la diminution se dessine. L'évolution des structures de l'enseignement secondaire n'y serait pas étrangère : former à l'autonomie, développer l'esprit critique, l'aptitude au travail personnel, donner un enseignement plus proche de la réalité, etc.

    L'introduction d'unités capitalisables, l'apprentissage de bonne méthodes de travail, la promotion d'une pédagogie de l'effort et une meilleure coordination entre le niveau primaire et le niveau secondaire constituent des solutions valables pour diminuer sensiblement le nombre d'échecs dans l'enseignement secondaire. 

    11. Afin de diminuer le nombre d'échecs scolaires, une collaboration étroite s'avère nécessaire entre les centres psycho-médico-sociaux et les établissements d'enseignement.

    La prévention méritant tous les investissements en temps et en effort, le dépistage visant à détecter les "enfants à risques", la remédiation commune à tous les membres de l'équipe multidisciplinaire, et, enfin, l'évaluation appelant une guidance valable sont les objectifs fondamentaux de cette collaboration.

    L'élève constituant le point de convergence de la collaboration entre l'enseignant, les parents et les agents des C. P. M. S., les institutions (famille, école, C.P.M.S.) n'auront d'impact que dans la mesure où les personnes qui les composent travailleront d'une manière concertée en faveur du seul intéressé : l'enfant.

    En conséquence, les rôles des C.P.M.S. devraient particulièrement consister en l'accompagnement de l'élève et de son entourage au sens large ; en la classification des mécanismes psychologiques et éducatifs, tant auprès des enseignants que des parents ; en soutien de quiconque en éprouve le besoin ; en conseils divers, notamment en ce qui concerne la remédiation et la guidance. 

    12. Afin d'aider au mieux ceux qui vivent dans un monde différent de celui de l'école, ceux qui se croient mal jugés, méprisés, ceux qui ont honte de leur ignorance, de leur origine, ceux qui se taisent, se révoltent, ceux qui ont une expérience différente... il conviendrait :

    • que l'école maternelle ne soit pas sélective ;
    • qu'on y pratique une pédagogie du projet concret, du jeu et de la communication ;
    • que l'on revoie le contenu des programmes trop souvent éloignés de la réalité, du vécu de l'enfant ;
    • que l'on mette en place un meilleur dialogue école - milieu.

    Il est tout aussi opportun que, grâce à une continuité dans la pédagogie du projet, du jeu, de la communication, l'on harmonise mieux le passage maternel - primaire, et qu'enfin, on redéfinisse la lecture, afin d'aborder l'apprentissage de celle-ci dans sa fonction.

    III. Les écoles nouvelles

    1. Même si l'école traditionnelle commence à bouger, il faut savoir qu'il existe des écoles "alternatives" où la manière d'enseigner est foncièrement différente.

    Ces écoles nouvelles ou marginales se basent sur l'idée que l'enseignement doit partir de la richesse et de la personnalité de l'enfant plutôt que sur la répression de sa créativité et sur un apprentissage théorique identique pour tous.

    2. L'objectif général de ces écoles est de former des individus adaptables, responsables, disposés à modeler la société plutôt qu'à la subir.

    Les écoles nouvelles veulent aussi promouvoir une pédagogie du succès par une meilleure connaissance des potentialités de chacun, susciter les échanges et la collaboration par des travaux en groupes, faire acquérir les savoirs essentiels, mais aussi une large gamme de pouvoirs, et enfin, aider les enfants à s'accomplir harmonieusement en tant qu'individus et en tant que membres d'une cellule sociale.

    3. Parmi ces écoles nouvelles, alternatives, l'Ecole Hamaide, située dans l'agglomération bruxelloise, doit son nom à Amélie Hamaide (1888 - 1970) qui fut une fidèle collaboratrice d'Ovide Decroly. Dans cette école on pratique le mi-temps pédagogique. Le matin, les enfants sont répartis par niveau d'âge et travaillent selon leur rythme ; l'après-midi, ils se répartissent dans des ateliers librement choisis dans lesquels les aînés aident souvent les cadets. Toutes les activités à la mesure de l'enfant sont des moyens de progresser dans la voie de l'éducation : travaux personnels, recherches en équipes, conférences, élaboration d'un spectacle. Pour être l'école de la vie par la vie, les enseignants vont le plus souvent à la rencontre de celle-ci car aucune leçon ne peut remplacer le contact avec la réalité. La notion de discipline découle de la vie en commun et de l'autonomie personnelle. Ainsi l'école offre à l'enfant une balance à deux plateaux : l'un portant le travail et l'autre la joie.

    4. L'Ecole des Bruyères, située à Louvain-la-Neuve dans le Brabant wallon, est une école qui s'inspire des techniques de Célestin Freinet. Elle se caractérise notamment par l'éducation par le travail à partir d'un projet élaboré et réalisé par les enfants. Les enseignants y organisent le travail libre : liberté dans le choix du projet, contrainte dans la correction et l'amélioration des textes, puis liberté mieux outillée dans la présentation des réalisations relatives au projet. Une troisième caractéristique de l'Ecole des Bruyères est la pratique de la vie en groupe : conseil de classe, coopérative scolaire, gestion du projet. Une école Freinet n'est pas qu'un centre d'animation culturelle privilégiant le dessin et l'expression libre ; c'est aussi un endroit où les enfants apprennent à lire, à calculer et à écrire convenablement.

    5. L'Ecole Le Verseau, à Bierges, en Brabant wallon également, s'efforce de favoriser la formation, le développement et l'épanouissement de chaque enfant. Pour arriver à cet objectif, les enseignants adoptent des attitudes qui éveillent l'intérêt et suscitent l'enthousiasme. la pratique pédagogique porte qur quatre domaines : l'acquisition de connaissances (le savoir), l'utilisation des connaissances (le savoir-faire), les relations dans le groupe (le savoir-être) et enfin le savoir-créer. Cette école se préoccupe de mettre en place des structures mentales afin que l'élève puisse s'adapter constamment avec la réalité mouvante de la vie. 

    6. L'objectif majeur de l'Ecole Steiner de Bruxelles, est de permettre à l'enfant de se développer harmonieusement au sein de la société humaine. Les différentes activités sont basées sur la volonté et le désir du groupe ; les prises de décision se font au niveau du groupe. Il n'existe pas de carnet de notes, ni de classement ; on ne redouble jamais une classe. le tutorat y est pratiqué constamment. 

    7. Parmi les nombreuses autres écoles nouvelles que nous ne pouvons toutes évoquer, citons enfin l'Ecole Syngelin de Bruxelles dont la philosophie est orientée vers l'accès à la connaissance formelle, vers la discipline. Cette école se détache nettement des autres, en ce sens qu'elle adopte une formation traditionnelle visant à une éducation de type élitiste. 

    IV. Les innovations pédagogiques

    1. Depuis 1968, la rénovation de l'enseignement fondamental en Belgique s'est manifestée par une volonté de remettre en cause l'institution scolaire. Au début, elle se centra davantage sur les contenus de l'enseignement que sur une profonde réflexion quant aux structures et aux méthodes.

    La publication de nouveaux programmes apporta un souffle nouveau en mathématique et en français. En 1973 furent publiés les principes et les objectifs qui devaient guider la réforme de l'école de base, bientôt suivis par la publication d'autres programmes, instructions, directives et recommandations diverses dont les textes indigestes réussirent à renforcer le sentiment d'insécurité continuelle chez bon nombre d'enseignants. Ce ne fut pas le cas pour tous, heureusement ! 

    2. Parce que dans l'école belge d'expression française le plus grand nombre d'échecs se situent à la fin de la première année primaire, et parce que ces retards se rencontrent surtout chez des enfants issus de milieux socio-culturellement pauvres ou de familles affectivement perturbées, la rénovation tant attendue fut axée sur les groupes d'âges de 5 à 8 ans. En 1976 démarra l'expérience dite du "cycle 5 - 8".

    Le "cycle 5 - 8" est une cristallisation des réformes pédagogiques préconisées depuis une cinquantaine d'années : les études sur l'individualisation faites par Dottrens en Suisse ; le travail en groupe de Cousinet en France ; les plans de Winnetka et de Dalton aux Etats-Unis, et le retour à la pédagogie Freinet.

    3. En intégrant dans des groupes hétérogènes d'activités des enfants d'âges différents afin que chacun puisse vivre individuellement et selon son propre rythme ses périodes de maturation et d'acquisition d'attitudes et de connaissances nécessaires à la poursuite de ses apprentissages, les auteurs du projet exigent également une modification dans les attitudes des enseignants et l'instauration d'un esprit face aux enfants et au sein de la communauté éducative. 

    4. Ce projet généreux dans ses intentions poursuit plusieurs objectifs :

    1. Il vise notamment à harmoniser les passages de l'enseignement maternel au primaire en supprimant la rupture pédagogique et se propose de diminuer le nombre d'échecs scolaires. le projet opte également pour une éducation globale qui favorise le dynamisme des comportements. 
    2. La cohabitation d'enfants d'âges différents et de divers niveaux de compétence nécessite la mise en oeuvre de  moyens propres à former et à développer l'enfant.
    3. Cette éducation globale considère l'enfant dans son devenir physique, affectif, moral, social, esthétique et manuel ; elle ne privilégie plus le seul développement intellectuel, mais met en évidence toutes les formes d'expression : verbale, écrite, artistique, graphique, manuelle et corporelle.
    4. Le quatrième objectif du projet est de tendre vers l'individualisation des apprentissages afin de respecter et d'exploiter les virtualités de chaque enfant. Chaque enfant peut, selon son meilleur rythme, vivre pleinement ses périodes de maturation, acquérir et consolider les attitudes et les connaissances utiles à un développement harmonieux.
    5. Enfin, l'organisation du "cycle 5 - 8" veut faire naître et s'affirmer l'autonomie, le sens des responsabilités et la coopération, et créer une véritable communauté éducative.

    5. L'organisation du "cycle 5 - 8" favorise l'éducation linguistique enrichissant les moyens d'expression de soi et de communication ; l'éducation manuelle et artistique ; l'éducation affective et sociale, au sein de la vie de l'école et en tant qu'ouverture sur l'environnement ; l'éducation physique développant le corps, mais englobant tout l'être en formation individuelle et sociale ; et enfin l'éducation mathématique aussi intégrée que possible au développement de l'esprit logique et basée sur des problèmes concrets.

    L'organisation du "cycle 5 - 8"  permet également une approche progressive des sciences de la nature et de la vie, des sciences humaines et de la technologie pratique. Elle favorise enfin l'éducation civique et morale tentant de traduire en comportements les valeurs individuelles et sociales.

    6. L'organisation du "cycle 5 - 8" se fonde sur quelques principes essentiels : une priorité à l'expression et à la communication ; la socialisation et l'individualisation.

    Si l'école désire que les enfants deviennent des êtres ouverts, capables de dialoguer, c'est-à-dire d'écouter, de s'exprimer et de comprendre, il faut leur apprendre à communiquer, en d'autres termes, à se libérer par l'expression de ce que l'on éprouve, de ce que l'on pense et ainsi reconnaître qu'on a besoin de l'autre ; c'est aussi permettre à ce dernier d'en faire autant en l'acceptant, en étant disponible.

    Ces groupes verticaux et, dans une moindre mesure, les groupes horizontaux sont des situations favorables à la socialisation. Au contact des plus grands, les petits constatent que ceux-là ne sont pas nécessairement d'accord entre eux. A leur tour, amenés à se confronter à leurs pairs, ils voient que ce qu'ils croient n'est pas toujours "vérité absolue". De plus, les petits transfèrent entre eux les comportements d'aide et de sollicitation qu'ils ont eu l'occasion de voir pratiquer dans les groupes verticaux. Les grands adoptent également ces attitudes lors d'activités en équipes dans les groupes horizontaux. Les grands adoptent également ces attitudes lors d'activités en équipes dans les groupes horizontaux. Peu à peu s'installe ainsi un esprit de collaboration qui s'accompagne d'une meilleure acceptation des autres.

    Enfin, un autre but recherché est d'améliorer la productivité et l'efficience de tous les élèves. Le "cycle 5 - 8" est le reflet d'un esprit vraiment démocratique car il met tout en oeuvre pour donner à tous les enfants l'occasion de développer leur intelligence. Les principaux atouts de l'individualisation sont un contact plus direct de chaque élève avec le maître, une meilleure connaissance des types d'intelligence et des difficultés rencontrées par certains, le respect des rythmes différenciés d'apprentissage.

    L'enseignant est un animateur ; il ne transmet plus des connaissances mais suscite l'apprentissage et la découverte par l'enfant lui-même. 

    7. Ce qui fait la différence essentielle entre un "cycle 5 - 8" et un degré ou une classe traditionnelle, c'est la diversité des groupements d'enfants :

    1. C'est dans la structure verticale que s'élabore toute la vie et le travail de la classe. il s'agit d'un groupement d'élèves d'âges et de classes différents (troisième maternelle, première et deuxième années primaires) en vue de réaliser un projet commun : recherche en matière d'éveil, dramatisation, travaux de français et de mathématique. En développant les comportements sociaux et en attribuant au facteur affectif toute l'importance qu'il mérite, cette structure développe une véritable éducation socio-affective.
    2. La structure horizontale, c'est le groupe rassemblant des enfants d'un même âge. Les activités en groupe horizontal sont généralement consacrées aux apprentissages cognitifs et surtout à l'acquisition des notions de base en français et en mathématique.

    8. Ces nouvelles structures présentent des avantages évidents.

    • Le groupe vertical favorise la prise de responsabilités. l'aîné est obligé d'assurer ses responsabilités de "grand" vis-à-vis de plus jeunes ;
    • le cadet tente aussi le dépassement de soi par le souci de répondre aux exigences du groupe.
    • La participation réelle de l'enfant à son propre développement est renforcée dans le fait que chacun doit se sentir solidaire des autres.
    • Les différences entre enfants sont mieux acceptées par les enseignants et il y a plus de possibilités de valorisation pour chacun.
    • L'hétérogénéité du groupe nécessite l'abandon d'un enseignement collectif et amène un changement dan les attitudes et les démarches des enseignants.
    • C'est le moyen le plus efficace pour supprimer la rupture pédagogique entre la troisième maternelle et la première année primaire.
    • En groupe horizontal, l'homogénéité du groupe permet la fixation d'une notion acquise, donne l'occasion d'un nouveau départ aux enfants qui ont manqué le début d'un apprentissage et offre la possibilité de combler des lacunes.
    • Enfin, l'homogénéité du groupe facilité aussi le dépassement, c'est-à-dire la possibilité d'aborder une performance plus difficile avec les élèves les plus avancés ou les plus doués.     

    9. Autre forme de groupement d'élèves au sein du "cycle 5 - 8", les ateliers sont organisés en groupes verticaux une ou deux fois par semaine. Ils font appel à la créativité, favorisent l'expression corporelle et verbale, développent l’habileté manuelle et sensibilisent à la protection de la nature. ce type d'organisation suscite la communication et favorise le travail autonome ; de plus, il valorise les enfants qui éprouvent des difficultés dans les branches intellectuelles.

    10. Le "cycle 5 - 8" est une nouvelle organisation du travail scolaire. Elle permet la participation active des enfants réalisant un climat relationnel de communication directe et permanente. Elle développe l'autonomie ds enfants et met tout en oeuvre pour donner à tous les enfants l'occasion de développer leur intelligence. C'est cela la vraie démocratisation.

    Créer, s'exprimer, communiquer, apprendre à coopérer, se socialiser, découvrir par l'approfondissement ses propres intérêts doit conduire l'enfant vers la conquête des moyens qui font "l'éducation permanente".

    Pratiquer le "5 - 8" implique des comportements différents de la part des enfants et des enseignants, une organisation de classe différente, une atmosphère différente, des règles de vie, des relations et des interactions différentes, une approche de la matière différente.

    11. L'expérience du "cycle 5 - 8" a provoqué un mouvement de réflexion et de recherche qui ouvre de nouvelles perspectives de rénovation et de recherche qui ouvre de nouvelles perspectives de rénovation.

    Deux innovations essentielles caractérisent "l'avant 5 - 8". Des classes d'accueil sont organisés pour les enfants de deux ans et demi et de trois ans, non scolarisés, qui perturberaient de ce fait le fonctionnement de la structure verticale du "cycle 3 - 5". Ces petits entreront dans le "cycle 3 - 5" lorsqu'ils seront capables de s'habiller seuls, d'aller aux toilettes seuls, de comprendre et réagir à un ordre verbal, de prendre le matériel nécessaire à l'accomplissement d'une tâche donnée, de participer à un travail de groupe, de communiquer avec l'institutrice et avec  les autres enfants et de maîtriser quelques techniques de base comme la peinture et le collage. 

    12. Le "cycle 3 - 5", c'est l'enseignement maternel pur, avec l'éveil des sens du petit, notamment par les jeux, les chants et l'expression corporelle.l'entraide, l'individualisation des apprentissages au lieu d'un enseignement surtout frontal et la mise en place d'une pédagogie de la réussite grâce à laquelle les erreurs ne sont plus pénalisées.

    Les objectifs principaux qui y sont poursuivis sont l'accroissement de l'autonomie des enfants, la socialisation par l'entraide, l'individualisation des apprentissages au lieu d'un enseignement surtout frontal et la mise en place d'une pédagogie de la réussite grâce à laquelle les erreurs ne sont plus pénalisées.

    Le groupement vertical des enfants de 3 à 5 ans est la seule possibilité d'un début de vraie socialisation : les moments d'échange et de réflexion sur l'action décidée en commun apportent un élargissement de l'expérience individuelle grâce aux apports du groupe ; chacun découvre d'autres points de vue que le sien ; il s'aperçoit que les mots peuvent être employés dans un autre sens que celui qu'il leur donnait.

    C'est le moyen pour l'institutrice de bien connaître ses petits grâce à une observation suivie de près pendant plus ou mois trois ans.

    C'est la patience devant les acquis non installés au stade prévu car tous les enfants progressent à leur rythme. C'est la possibilité pour le cadet de se choisir des modèles autres que des adultes, des enseignants ou des parents.

    C'est l'enrichissement des aînés par les explications à rendre aux plus jeunes.

    Le "cycle 3 - 5" permet de créer un climat favorable où l'enfant peut agir indépendamment et efficacement en vue d'une finalité vraiment démocratique. l'action éducative continuellement ajustée permet à chaque enfant de livrer tout ce qu'il possède en lui. 

    13. Au-delà du "cycle 5 - 8", plusieurs solutions ont été mises en pratique : l'organisation d'un cycle " 8 - 12 " ; l'organisation de cycles "8 - 10" et "10 - 12" ou l'organisation d'un cycle "8 - 11" suivi d'une année de synthèse.

    Quel que soit le choix de la formule, l'objectif général ne change pas : c'est de poursuivre l'éducation globale des élèves.

    L'enseignement doit répondre aux intérêts et aux besoins des enfants. il ne peut se limiter à transmettre des connaissances intellectuelles, mais il doit aussi favoriser le dynamisme des comportements affectifs, manuels et moraux.

    La continuité pédagogique assure le progrès continu et l'éveil de toutes les potentialités.

    Assurer la formation des élèves est un second objectif, tout aussi important. Une formation appropriée aux rythmes des élèves doit donner à chacun ses chances de succès dans l'un ou l'autre domaine. Elle doit réserver une place de choix aux activités d'expression et de communication et renforcer l'équilibre individuel : elle accorde une part de plus en plus grande aux activités cognitives - français et mathématique - sans pour autant négliger les activités d'éveil, artistiques et physiques.

    Le troisième objectif poursuivi par "l'après 5 - 8" est la socialisation par le groupe. les travaux en groupes permettent la personnalisation et la socialisation. Les activités réparties en sous-groupes, conduisent vers l'autonomie et préparent à la vie en société.

    L'enseignement dans "l'après 5 - 8" se fonde sur le respect des individualités et des rythmes différenciés d'apprentissages. deux pôles sont toujours présents : d'une part l'individualisation qui permet une observation de chaque enfant en apprentissage, les activités de remédiation et de dépassement à apporter, et, d'autre part, la socialisation, c'est-à-dire la prise de conscience de la société dans laquelle il vit.

    Cette pédagogie est de plus basée sur des principes d'autoformation conduisant à l'autonomie par l'initiative et la responsabilité. Quelle que soit la formule, "8 - 11" ou "8 - 12", "l'après 5-8" prolonge l'effort entrepris précédemment de manière à conduire l'élève au seuil des années secondaires. Là, l'enseignement rénové devrait lui permettre de poursuivre une éducation personnalisée et socialisée. 

    14. Une Commission de Rénovation de l'Enseignement Fondamental (C.R.E.F.), ressentie comme une nécessité en 1978 et créée en 1980, donne régulièrement des avis sur l'organisation, l'observation, l'animation et l'évaluation de l'expérience du "cycle 5 - 8" dans les trois réseaux de l'enseignement fondamental belge.

    La philosophie éducationnelle que l'on tente de mettre en oeuvre dans quelques écoles devrait inspirer la pédagogie de l'ensemble des établissements du pays.

    L'axiologie d'un renouveau général et profond dépasse de loin le souci d'une meilleure liaison entre les niveaux d'enseignement et le problème délicat des retards scolaires constatés depuis longtemps à la fin de la première année primaire. Son rôle est d'éclairer l'action éducative dès la naissance de l'enfant.

    Depuis le 1er octobre 1986, les travaux de la C.R.E.F. ont été suspendus à la site d'une décision du Ministre de l'Education nationale francophone. les crédits afférents à cette commission ont été mis à la disposition d'un centre de technologies nouvelles !!!

    15. Si les expériences en cours ont été estimées, dans l'ensemble, assez positives par les observateurs et les associations de parents, il faut admettre que leur généralisation a été matériellement impossible au moment d'une crise économique qui s'est développée en 1986.

    Remarquons enfin que l'action de cette Commission de rénovation de l'Enseignement Fondamental ne pouvait se construire sur des bases solides que si elle pouvait prendre aussi en charge l'épineux problème de la formation des enseignants, condition indispensable à toute rénovation solide de l'enseignement fondamental.

    V. La scolarisation des enfants de travailleurs migrants

    1. Les problèmes nombreux posés par la scolarisation des enfants de travailleurs migrants supposent une réflexion approfondie et une recherche de solutions au niveau des deux partenaires de l'action éducative : l'enfant et l'enseignant.

    Les difficultés de l'enfant migrant sont bien connues : des problèmes d'adaptation, l'échec scolaire (70 % des enfants étrangers nés hors de Belgique et 43 % des enfants nés en Belgique ont un an de retard ou plus à la fin des études primaires). De plus, l'enfant migrant manifeste bien souvent des troubles comportementaux réactionnels à cette situation : passivité, inhibition ou, au contraire, instabilité et taux d'agressivité important.

    Les difficultés de l'enseignant, confronté à ces problèmes soulevés par un pourcentage élevé d'enfants migrants dans sa classe, ne sont pas moindres. le manque de préparation à cette situation, l'absence d'informations précises sur les difficultés qu'éprouvent ces enfants notamment dans l'apprentissage du français, et l'absence de moyens techniques et d'outils didactiques mis à leur disposition ne peuvent qu'entraîner, même chez les plus dévoués, un surcroît de fatigue, de tension nerveuse et de sentiments d'échec et d'insatisfaction professionnelle.

    2. Dans de nombreuses familles immigrées, on trouve des enfants qui, au moment de leur départ du pays d'origine, n'ont pas terminé leurs études et leur formation ; d'autres n'ont jamais été scolarisés. A l'arrivée dans le pays d'accueil se pose inévitablement le problème de l'adaptation et de l'intégration.

    L'avenir scolaire des jeunes migrants n'est pas très assuré : même sans avoir achevé les six années primaires, beaucoup d'entre eux sont dirigés vers l'école professionnelle et la quittent dès qu'ils ont quatorze, quinze ans, avec le chômage en perspective.

    Même s'ils ont terminé leurs études, ils sont orientés vers des secteurs de l'industrie qui, traditonnellement, embauchaient des jeunes issus des écoles professionnelles, mais qui sont à présent fortement marqués par des pertes d'emploi, la restructuration et la rationalisation.

    Aux niveaux général et technique de l'enseignement secondaire, si un certain nombre d'immigrés fréquentent le cycle inférieur de l'enseignement traditionnel ou les deux premiers degrés du rénové, peu accèdent cependant au cycle supérieur ou au troisième degré et, par voie de conséquence, à l'université.

    3. L'avenir professionnel des filles immigrées s'annonce souvent précaire parce qu'en général elles sont peu ou pas qualifiées. Elles sont engagées en grand nombre dans des sections traditionnellement réservées aux femmes : couture, cuisine, économie ménagère, qui correspondent à des secteurs en très grande récession ou simplement, vers quatorze ou quinze ans, réabsorbées par la famille. Elles sont souvent amenées à reproduire la position sociale de leurs parents.

    4. Les difficultés dans l'école ont changé de nature : les retards, les blocages, les adaptations de programmes, les orientations vers des cycles d'enseignement les plus courts et les moins exigeants en sont les conséquences les plus évidentes.

    Les problèmes d'identité et de socialisation générale de l'enfant et de l'adolescent constituent les facteurs dominants d'une carrière scolaire qui se traduit par l'échec et l'inachevé. 

    5. Une tendance curieuse et néfaste tend également à "médicaliser" le "syndrome de l'échec". N'ayant pas la possibilité de rattraper les retards, l'école renvoie les enfants vers les centres psychologiques prétextant des troubles de la personnalité. Mais les centres psychologiques et l'enseignement spécial disposent-ils de moyens pour traiter des problèmes avec efficacité ?

    Les enfants marocains et turcs sont regroupés dans certains quartiers et on retrouve ces derniers en grand nombre dans certaines écoles des agglomérations et particulièrement dans les écoles du centre des villes. Il en résulte certaines difficultés à enseigner à des enfants qui n'ont aucun ou pratiquement pas de référentiel par rapport à notre école et à notre culture. 

    6. Enfin, le problème de la seconde génération d'immigrés se pose. Ces jeunes sont déchirés entre deux cultures ; ils essaient de s'adapter, parlent notre langue, renoncent quelquefois à leurs valeurs et à leurs coutumes. Ils acquièrent une "sous-culture", différant très fort de leur culture d'origine. Un jour, tôt ou tard, ils s'en rendront compte. ne seront-ils pas, dès lors, doublement étrangers ? En effet, les jeunes, jusqu'à un certain âge, ne se rendent pas compte de l'existence de cette double culture. Ils ont l'impression de vivre chez eux jusqu'au jour où, à cause des clivages et des barrières souvent infranchissables, ils prennent conscience de leur état d'immigrés. Alors, ils traversent des crises très graves et l'on constate, chez eux, un remaniement profond de leur personnalité.

    7. Les problèmes des enfants migrants dérivent à la fois de l'absence d'aide culturelle de leurs parents vivant dans l'incertitude de leur avenir et comprenant mal l'évolution de leurs enfants ; d'une socialisation incomplète ; d'une dévalorisation personnelle et du milieu familial ; d'une méconnaissance de la langue du pays d'accueil ; et, malheureusement et trop souvent, d'un rejet de leur culture et de leurs coutumes d'origine. A ce sujet, il est indispensable de réhabiliter la culture d'origine et d'essayer d'amener l'école belge à comprendre la différence entre son propre modèle socio-culturel et relationnel et celui des étrangers, à prendre conscience de la richesse de l'autre.

    8. L'école belge n'ignore pas complètement la spécificité culturelle et sociale de l'enfant immigré. Depuis quatre décennies, d'heureuses initiatives ont été prises au niveau des structures scolaires et au niveau de la sensibilisation des enseignants.

    Depuis 1969, un cours d'adaptation à la langue de l'enseignement peut être organisé à raison d'un maximum de trois heures par semaine au profit des apatrides et des élèves de nationalité étrangère, moyennant certaines conditions.

    Depuis 1975 en Belgique francophone, ont été expérimentées des classes d'accueil regroupant des enfants étrangers quel que soit leur âge. Un maître spécialisé leur dispense un cours accéléré dans la langue de l'enseignement. Dès que l'élève possède partiellement la langue, il intègre une classe d'âge.

    Depuis 1976, l'organisation d'écoles de devoirs a été mise sur pied. L'école des devoirs s'adresse particulièrement aux jeunes fréquentant une sixième année primaire ou abordant l'enseignement secondaire et qui éprouvent des difficultés d'apprentissage. Des enseignants s'occupent de ces jeunes après les heures de cours, les aident à effectuer leurs travaux, leur apprennent certaines techniques de travail.

    Signalons encore l'organisation de cours de langue maternelle et de culture donnés par des professeurs étrangers, soit pendant les heures de cours, soit en dehors de ces dernières.

    Malgré ces diverses expériences, il faut constater que les difficultés persistent surtout au niveau de l'apprentissage de la langue française et de la lecture.

    9. Le désir d'encore réduire les retards scolaires de 2 ans et plus chez les enfants marocains et turcs a incité les autorités communales de Bruxelles à entreprendre une action à ce niveau : celle de créer des classes biculturelles en faisant appel à l'aide d'enseignants étrangers travaillant de concert avec des enseignants bruxellois dans une même classe peuplée d'enfants étrangers.

    L'expérience consiste à créer de réelles équipes éducatives travaillant en symbiose, alliant la connaissance des mécanismes d'apprentissage, des structures langagières, des données socio-familiales, économiques , psychologiques et idéologiques, et alliant la sensibilité des deux communautés en présence. Il faut souligner les nombreux bénéfices qui ont été tirés de cette expérience ainsi que la création d'un relais école - famille grâce à la présence de 'instituteur marocain ou turc. 

    10. L'exemple des classes biculturelles annonce la pratique d'une pédagogie interculturelle. Au sein des écoles maternelles et primaires ayant un taux élevé d'inscriptions d'enfants étrangers, il serait bon d'intégrer des enseignants, des puéricultrices, des travailleurs sociaux, éducateurs ou toute personne susceptible de veiller à l'épanouissement de l'enfant, sous réserve de protection de l'emploi du personnel enseignant de nationalité belge.

    L'introduction de personnel éducatif d'origine étrangère au sein des écoles aurait un impact important sur l'intégration des parents étrangers au milieu scolaire.

    Le respect et l'importance accordés à leur langue et à leur culture augmenteraient leur confiance et permettraient de diminuer le sentiment qu'ils éprouvent souvent : celui d'être rejetés de la communauté scolaire.

    11. La mise sur pied d'une formation complémentaire concernant une sensibilisation aux faits sociaux et culturels de l'émigration ainsi qu'une initiation aux techniques d'apprentissage du français - langue étrangère - devrait être accessible aux enseignants confrontés aux problèmes d'enseignement aux enfants migrants.

    Une équipe pluridisciplinaire, composée à la fois de chercheurs, d'animateurs et de praticiens pourrait assurer en partie ce complément de formation des enseignants au sein même ds écoles, en tenant compte des problèmes spécifiques rencontrés par chaque école. 

    Les enseignants concernés devraient disposer d'une banque d'informations comprenant des données relatives aux différentes cultures, matériel didactique, recueil de poèmes, comptines et contes étrangers, matériel audiovisuel pour l'apprentissage du français.

    12. Les années scolaires précédentes, les écoles à taux élevé d'immigrés bénéficiaient de l'aide d'enseignants supplémentaires. Durant l'année scolaire 1985-86, cent cinquante instituteurs en chômage ont été incorporés dans les écoles concernés pour améliorer la scolarisation de ces enfants. Cette mesure a été supprimée pour l'année 1986-87 du fait qu'on ne trouvait plus d'enseignants chômeurs pour renforcer l'encadrement de ces écoles.

    Le premier février 1983, un inspecteur, chargé de mission, a été désigné comme responsable des actions en faveur de la scolarisation des enfants immigrés. Son rôle consistait notamment à

    • aider les enseignants des écoles à haute densité d'élèves immigrés ;
    • collaborer à la mise en place d'expériences interculturelles ;
    • étudier avec les responsables de l'enseignement supérieur les mesures propres à assurer la formation interculturelle des enseignants ;
    • collaborer avec les responsables des services culturels des ambassades et des consulats.

    A la date du 30 septembre 1986, le Ministre de l'Education nationale francophone a décidé de mettre fin à la mission de cet inspecteur ! Cette suppression a inévitablement entraîné d'autres mesures de démantèlement :

    • moratoire de trois ans suspendant les travaux des sous-commissions pédagogiques, chargées de favoriser l'intégration des élèves espagnols et marocains ;
    • quasi dissolution des groupes mixtes impliqués par l'accord culturel belgo-italien du 26 juin 1985.

    Que se passe-t-il depuis le premier septembre 1986 ? Nous n'avons pu que constater une régression dans les mesures prises pour la scolarisation des enfants de travailleurs migrants !

    Chapitre IV : La formation des enseignants

    I. Formation d'enseignants pour aujourd'hui et pour demain

    1. Les enseignants qui seront formés puis recrutés dans les années à venir assumeront la responsabilité de la formation des générations du 21ème siècle. Ces maîtres seront encore en activité dans les premières décennies du 21ème siècle et formeront des jeunes qui, eux-mêmes, seront encore des actifs dans la seconde moitié de ce siècle. De ces évidences, il s'agit de dégager dès à présent les conséquences pratiques pour la formation des professeurs de demain. 

    2. Pour construire la société de demain et y vivre à part entière, tout individu doit disposer de connaissances et de qualifications qui lui permettent de jouer pleinement son rôle. Il importe donc de porter la formation des maîtres à la hauteur des besoins d'aujourd'hui et de demain. faire accéder les jeunes aux qualifications indispensables de demain, tel est le problème qui se pose. Mais ces jeunes, confiés à notre système scolaire, sont aujourd'hui massivement en situation d'échec. 

    3. Ces dernières années ont été marquées par l'immigration de populations d'Afrique du Nord, de Turquie, de Yougoslavie, d'Albanie et d'Europe méridionale dans la plupart des pays d'Europe occidentale. Il nous paraît dès lors indispensable d'envisager la formation initiale et continue des enseignants belges, français, hollandais, allemands, suisses... sous forme de recyclage tendant à la pédagogie interculturelle et à une prise de conscience des problèmes pédagogiques, didactiques, psychologiques et socio-culturels des enfants immigrés. Cette formation devrait leur permettre de préparer les élèves à la vie dans une communauté multiraciale et se réaliser en corrélation avec les mouvements associatifs immigrés. 

    4. Ces nouveaux types de professeurs qu'il s'agit de former pour une réelle compréhension entre tous les individus, devront être des animateurs sociaux accomplissant un travail d'assistance auprès des familles de migrants, en collaboration avec les enseignants étrangers. Par leur formation actuelle, les enseignants belges sont démunis pour enseigner en milieu immigré. Les enseignants de demain devront être capables d'interpréter les problèmes dans une perspective à la fois familiale et scolaire.

    5. La formation des maîtres devrait prendre en compte les jeunes tels qu'ils sont, ainsi que les progrès actuels des connaissances et les perspectives de demain. Pour réaliser l'école de la réussite, assurant à la masse des jeunes l'accès à une qualification qui repose sur une formation générale et professionnelle conforme aux besoins actuels et futurs, la formation des enseignants devrait se montrer plus ambitieuse et prendre un caractère décisif, basée sur une politique à plus long terme. 

    6. Puisque les finalités éducatives sont similaires aux différents niveaux d'enseignement, tous les enseignants devraient bénéficier d'une formation commune, de niveau universitaire, étant entendu que cette solution déboucherait sur une égalisation des titres, des statuts et des traitements, ainsi que sur l'abolition des fausses hiérarchies dues à la diversité de la formation initiale. Quant au contenu de cette nouvelle formation, elle comprendrait une vaste culture générale, des études spécifiques en fonction de l'orientation finale, des techniques d'auto-information ainsi qu'une solide formation psycho-pédagogique intégrée à la formation scientifique. 

    7. Depuis longtemps déjà, certaines autorités politiques ou pédagogiques ont exprimé le souhait que tous les enseignants soient formés dans l'enseignement supérieur, non plus de type court mais de type long, ce qui supposerait pour tous des études d'une durée d'au moins quatre ans. En cette période de crise économique, il est cependant utopique de vouloir concrétiser ce souhait.

    II. La formation initiale

    1. Dans les circonstances présentes, la formation des multiples catégories d'enseignants présente une grande hétérogénéité, à l'image des établissements et institutions qui l'assurent.

    2. Les instituteurs et institutrices maternels sont formés en deux années dans une école normale maternelle après les études secondaires supérieures. Leur formation comprend l'acquisition de techniques d'expression et une préparation à la vie professionnelle dans l'enseignement préscolaire.

    3. La formation des instituteurs et institutrices primaires comprend également deux années d'études dans une école normale primaire ou dans un institut d'enseignement supérieur pédagogique. Elles font suite aux études secondaires supérieures. Cette formation réserve une part importante aux cours de psychologie, de pédagogie, aux techniques d'expression et aux stages d'initiation à la pratique professionnelle. les matières à enseigner ultérieurement font l'objet d'un approfondissement.

    4. Il nous paraît essentiel et urgent que les écoles normales, tant maternelles que primaires, intègrent dans la formation initiale des futurs enseignants quelques heures de sensibilisation à la réalité migrante, aux problèmes linguistiques, sociaux et culturels des enfants migrants. Mais cette sensibilisation suppose au préalable une formation de formateurs ! Il s'agirait surtout de créer chez tous les enseignants un esprit d'ouverture aux cultures étrangères et de les former à une option interculturaliste.

    5. Les professeurs qui se destinent à enseigner au niveau secondaire inférieur portent le titre d'agrégé de l'enseignement secondaire inférieur. Ils ont le choix entre six sections dont les cours obligatoires et à option sont ceux qu'ils envisagent d'enseigner ultérieurement : la langue maternelle, l'histoire et la morale ; les langues modernes ; la physique et la mathématique ; les sciences et la géographie ; l'éducation physique et la biologie ; et enfin la section des arts plastiques. Le cours de méthodologie spéciale est intégré à l'enseignement de ces matières. Des cours de psychologie et de pédagogie ainsi que des stages actifs complètent cette formation.

    6. Pour décrocher le titre d'agrégé de l'enseignement secondaire supérieur, il faut être titulaire d'un diplôme universitaire au niveau de la licence. La préparation à l'agrégation, qui a généralement lieu en même temps que les études universitaires spécifiques, comprend également un stage passif d'une quinzaine de leçons suivies dans les écoles d'enseignement secondaire, une formation théorique et un stage actif. Il convient de remarquer que cette formation peut varier selon les facultés et les universités. Trop rudimentaire, elle a fait récemment l'objet d'une réforme.

    7. Comme on peut le constater, une divergence importante apparaît dans les différentes formations pédagogiques : différences au niveau du contenu scientifique et au niveau de la préparation à la vie professionnelle. La formation de l'enseignant s'amenuise au fur et à mesure que l'on s'élève dans la fausse hiérarchie des fonctions. Bien des aspects pratiques relatifs à l'exercice du métier sont souvent ignorés ou insuffisamment approfondis au cours de la formation initiale. 

    8. L'insertion des jeunes enseignants dans l'institution scolaire doit être repensée. L'enseignement est plongé dans une société en mutation constante. S'il veut rester efficace et garder toute sa crédibilité, il doit être dispensé par des maîtres régulièrement recyclés, capables d’accueillir tout changement. Une bonne formation initiale ne peut donc se concevoir que si elle est donnée dans la perspective d'une formation continue.

    9. Certaines dispositions pourraient être prises pour permettre une amélioration de la formation initiale des enseignants. Pour les maîtres de l'enseignement fondamental, on pourrait envisager une part de formation commune pour les futures institutrices maternelles et pour les futurs instituteurs et institutrices primaires. Ce tronc commun trouverait de préférence sa place au début des études, afin de faciliter les orientations ou reconversions ultérieures. Cette idée mérite d'être prise en considération car l'expérience du cycle 5 - 8 suppose un élargissement des compétences de l'institutrice maternelle et de l'instituteur primaire. 

    10. Une profonde réforme des études s'impose en ce qui concerne la formation des agrégés de l'enseignement secondaire inférieur. Peut-on, en effet, assurer aux futurs enseignants de ce niveau, en deux ans d'études, la maîtrise scientifique et pédagogique de deux ou trois disciplines qu'ils seront amenés à enseigner ? Il s'agirait d'envisager ces études plus souplement, en les organisant selon un système d'unités de valeur correspondant à un cours ou à une séquence de cours. ces unités de valeur devraient être capitalisées par l'étudiant pour obtenir son diplôme. Ce système permettrait aux étudiants de progresser plus ou moins rapidement selon leur rythme personnel, de prendre en compte certaines expériences hors du milieu scolaire telles que stages et weekends d'études, et d'enfin résoudre le problème des passages entre les différents enseignements supérieurs. Certains étudiants pourraient aussi se consacrer davantage aux recherches et aux travaux personnels, ce qui impliquerait une amélioration qualitative de la formation initiale et une meilleure préparation au travail autonome que suppose la formation continuée. 

    11. Enfin, en ce qui concerne plus particulièrement l'enseignement professionnel, il faut regretter que sur dix agrégés de l'enseignement secondaire inférieur, neuf enseignent dans le professionnel alors qu'ils n'y ont que trop rarement été en stage. Il conviendrait que les futurs agrégés soient entraînés à une certaine analyse de la société qu'ils vont rencontrer. 

    III. La formation continue

    1. Une des tâches essentielles de la formation des maîtres est d'apprendre aux futurs enseignants à faire preuve en permanence d'esprit critique dans l'exercice  de leur profession. L'un des objectifs essentiels assignés à toute formation continuée, c'est d'assurer chez chaque enseignant la capacité de se remettre en question. Une perpétuelle remise en question des enseignants est devenue une nécessité pour remplir pleinement et efficacement leur tâche de formation des enfants dans un monde en mutation constante.

    2. L'école normale apporte à chacun un bagage de base, parfois assez maigre aux yeux de certains, juste suffisant pour d'autres, pour entrer dans la pratique de l'enseignement. La pratique quotidienne, à son tour, apporte de nombreux éléments qui permettent aux enseignants de préciser, affiner ou corriger la première formation théorique reçue. 

    3. S'arrêter là, se satisfaire de cet apprentissage un peu au hasard en se laissant guider par l'intuition, n'est plus suffisant de nos jours. La mission des enseignants ne peut plus se concevoir sans une perpétuelle recherche de chacun ni une constante remise en question personnelle, en fonction du développement des nouvelles découvertes dans les domaines de la psychologie, de la pédagogie et de la sociologie notamment. 

    4. Un approfondissement de la formation générale psychologique et pédagogique du personnel enseignant est à privilégier mais ne peut s'envisager qu'au travers d'une démarche strictement scientifique. 

    5. Il nous semble urgent de créer des cycles de formation continue pour venir en aide aux enseignants confrontés avec des classes où le pourcentage d'enfants migrants de toutes nationalités est élevé. Pour remédier aux difficultés que rencontrent ces enseignants dans leur travail, le recyclage, intégré dans leur horaire de cours, devrait porter sur la connaissance des réalités sociales et culturelles étrangères ainsi que sur les méthodes d'apprentissage du français considéré comme langue étrangère. 

    IV. La formation permanente

    1. Pour les éducateurs professionnels, il faudrait envisager une formation initiale rénovée, mais mieux vaudrait peut-être parler de "préparation" car le terme "formation" évoque des idées d'uniformisation peu compatibles avec les mentalités actuelles. Une préparation initiale des éducateurs, maîtres et enseignants de tous niveaux demeure importante et indispensable. le recyclage ou formation permanente est tout aussi nécessaire mais encore loin d'être passée dans les mœurs d'une façon systématique. La nécessité de la formation permanente devra pourtant être considérée comme irremplaçable car l'évolution des connaissances exige des mises au point nombreuses. de plus, la formation permanente est intimement liée à l'apparition des besoins nouveaux, au rythme accéléré des mutations de la vie économique. 

    2. Il s'agit, en fait, d'un processus continu qui devrait permettre aux enseignants, comme à tout individu d'ailleurs, d'atteindre sa pleine capacité dans son travail et sa mission. Ce qui importe le plus, c'est que la formation permanente gagne toutes les sphères de l'enseignement. Il conviendrait dès lors de transformer progressivement la formation initiale du personnel afin que toutes les écoles normales deviennent des institutions d'éducation permanente. 

    3. La participation occasionnelle des enseignants à des journées d'études, à des stages, reposant essentiellement sur la bonne volonté individuelle est absolument insuffisante. seule la formation continue, organisée d'une manière systématique, peut être fructueuse. Les crédits engagés pourraient être utilisés plus intelligemment dans l'organisation régulière de recyclages des maîtres et professeurs.

    V. Formation et information des maîtres dans les domaines de l'audio-visuel et de l'informatique

    1. Depuis vingt ans, un nouveau partenaire s'est imposé dans les écoles : l'audio-visuel. Les partisans de l'audio-visuel invoquent deux arguments essentiels : il faut utiliser les techniques audio-visuelles pour initier les élèves à notre civilisation qui est devenue une civilisation de l'audio-visuel ; il faut aussi les utiliser comme moyens car l'audio-visuel est une aide très utile pour l'enseignant. 

    2. L'audio-visuel a gagné du terrain à l'école : petit à petit, des enseignants sont passés de l'utilisation de documents tout faits à une phase de création. Qui n'est pas encore convaincu de l'intérêt pédagogique de l'audio-visuel et de son pouvoir motivant ? L'audio-visuel est de plus en plus considéré comme un outil de démocratisation des apprentissages car il suscite d'autres types d'expression et de communication qui facilitent la récupération des retards éventuels de langage verbal et une bonne intégration de certains enfants dans la classe. 

    3. Pour valoriser au maximum la pédagogie supportée par les moyens audio-visuels, il y a lieu de remplir trois conditions au moins : la formation des maîtres, leur information et la possibilité de pouvoir disposer d'un matériel adéquat et en bon ordre de marche. Il faut que les enseignants sachent où trouver les documents qu'ils recherchent et pour cela un processus centralisateur doit être mis en place. 

    4. Depuis 1970, une centaine d'écoles belges ont été équipées d'un matériel assez important. L'effort en cours dans les écoles primaires en particulier va de pair avec un désir croissant des instituteurs de s'initier en la matière. Il semblerait que certains établissements soient suréquipés et d'autres sous-équipés. En période de restriction, les gaspillages n'étant plus permis, il conviendrait plutôt d'opter pour un système de prêt, pour le matériel sophistiqué, sur base d'un projet. 

    5. Ce serait certainement une entreprise imprudente que d'introduire l'ordinateur à l'école sans avoir au préalable tiré les conclusions qui s'imposent après l'expérience quelquefois décevante des audio-visuels comme techniques ou comme auxiliaires éducatifs. Un matériel coûteux et souvent déjà démodé a cessé bien souvent d'être utilisé, faute d'avoir pu former suffisamment les maîtres à son utilisation. Aussi, avant même  d'envisager l'acquisition d'un équipement onéreux, il s'agirait d'initier le plus grand nombre d'enseignants de toutes les disciplines à cette technique nouvelle qu'est l'informatique et à son utilisation.  

    6. Il ne peut être question de permettre que deux catégories d'enseignants se créent : d'une part, ceux qui se seraient formés à l'informatique et capables de l'utiliser, et d'autre part, ceux qui ne le seraient pas. Une initiation sérieuse à l'informatique ou tout au moins à son utilisation doit être envisagée dans le cadre de la formation initiale des enseignants. des séminaires de perfectionnement devraient en outre être organisés dans le cadre de la formation continuée. S'il n'en était pas ainsi, les enseignants bien souvent allergiques aux nouveautés, risqueraient de mal percevoir cette nouvelle technique, de la combattre et de la rejeter.

    Chapitre V : Dernier coup d’œil sur l'éducation en Europe

    I. Diversité des structures de l'enseignement dans quelques pays européens

    L'enseignement est entré dans les sphères de préoccupation européenne par le biais de son adéquation à la société et par le biais de l'équivalence progressive des diplômes. En matière de conception d'une politique européenne de l'éducation, le problème qui se pose est celui de la diversité des structures de l'enseignement de chaque pays membre de la Communauté. Cette diversité va en s'accentuant.

    2. Les structures de l'enseignement varient en effet fortement d'un pays à l'autre.

    • En Belgique, nous l'avons vu, c'est le Pacte scolaire qui régit la paix scolaire, équilibre nécessaire au développement et à l'épanouissement de l'enseignement tant libre qu'officiel.
    • En Italie, les relations entre l'enseignement privé et celui de l'Etat ne sont guère harmonieuses.
    • En Irlande, l'enseignement de l'Etat souffre d'être le successeur de l'enseignement organisé jadis par la Grande-Bretagne et destiné, avant l'indépendance, à effacer les caractères spécifiques irlandais. Une multitude d'écoles indépendantes sont nées en réaction, mais aucune législation spécifique ne les régit.
    • En Allemagne fédérale, par réaction au centralisme nazi, chaque "Land" est devenu maître sur son propre territoire en matière d'éducation.
    • Aux Pays-bas, la liberté d'enseignement exclut le monopole de l'Etat. 

    3. Il n'y a pas qu'en Belgique, à la veille de la révision du Pacte scolaire, que le monde de l'enseignement est en ébullition. En France également, on s'interroge, on remet en cause et on transforme. La situation y est cependant très différente, dominée par le ministère de l'Education nationale. A côté de l'enseignement officiel existe un enseignement privé qui rassemble environ 20 % des élèves scolarisés. La loi Debré de 1959 avait tenté d'harmoniser les relations entre ces deux réseaux d'enseignement, mais un large courant subsiste, opposé, non pas à la liberté d'enseignement, mais à la prise en charge par l'Etat d'un réseau d'enseignement confessionnel.

    4. Les socialistes français, conscients du fait que l'école est un gâchis, surtout pour les enfants défavorisés, ne veulent se lancer que très prudemment dans la rénovation pour éviter de déstabiliser toute la machine scolaire. Dans les dernières semaines de 1982, cependant, leur intention d'intégrer l'enseignement privé à l'enseignement public avait suscité une levée de boucliers sans précédent de la part de l'enseignement catholique et des partis d'opposition. Au début de l'année 1983, le "rapport Legrand" prévoyait de révolutionner le collège français, d'inventer un enseignement encore plus rénové et plus démocratique dans lequel il n'y aurait ni classes figées, ni redoublements, mais où chaque élève aurait un tuteur.  

    5. Au même moment sortit un avant-projet de loi réformant l'université et définissant la première mission de l'enseignement supérieur : accueillir davantage d'étudiants. Il s'agit d'un acte de justice sociale, fondé sur le droit des personnes à la formation. il s'agit aussi du souci de donner à la France la richesse culturelle et la pleine valorisation de ses ressources humaines nécessaires à sa juste place dans la compétition mondiale.

    II. Une politique de l'éducation pour l'Europe

    1.En 1976, les ministres de l'éducation réunis au sein du Conseil économique et social de la Communauté européenne ont adopté un programme d'action visant une meilleure formation culturelle et professionnelle des ressortissants des autres états membres de la Communauté européenne et des pays non membres, ainsi que de leurs enfants. Ce programme d'action porte aussi sur l'amélioration de la correspondance entre les systèmes éducatifs en Europe, sur le rassemblement de documents et de statistiques actuelles dans le domaine de l'éducation, sur la coopération dans le domaine de l'enseignement supérieur. Ce programme vise aussi le développement de l'enseignement des langues étrangères et la réalisation d'une égalisation des chances en vue du plein accès à toutes les formes d'enseignement. 

    2. Ce programme d'action mis en application s'est concrétisé par de grandes réalisations. Dans le domaine de la jeunesse, la Communauté européenne s'est essentiellement efforcée de faciliter le passage de l'école à la vie active et de promouvoir l'égalité des chances pour certaines catégories défavorisées. Dans le domaine de l'éducation des enfants des travailleurs migrants, tous les états membres de la Communauté européenne sont obligés d'offrir à ces enfants un enseignement d'accueil gratuit comportant notamment l'enseignement de la langue officielle ou d'une des langues officielles du pays hôte, de promouvoir l'enseignement de la langue maternelle et de la culture d'origine des enfants des ressortissants d'un autre état membre en insérant cet enseignement dans le programme de la scolarité obligatoire. La formation et le perfectionnement des maîtres appelés à dispenser cet enseignement doivent être assurés. 

    3. Les conditions d'accès aux études universitaires doivent être facilitées pour les candidats de tous les pays de la Communauté européenne. Les diplômes universitaires des médecins, dentistes et vétérinaires sont déjà reconnus mutuellement par chacun des Etats membres. 

    4. La Communauté européenne s'est dotée d'une structure d'information, de consultation et de décision qui doit lui permettre de progresser plus rapidement sur la voie d'une politique commune de l'éducation. Mais la naissance d'un enseignement communautaire ne pourra se faire que dans l'exacte diversité de chaque pays et procéder par des objectifs communs fixés au coup par coup et que chacun des états réalisera à sa manière.

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    Lengrand P. - L'éducation permanente - Paris, P.E.C., 1966

    Léon J. - La formation permanente des enseignants - paris, Fleurus, 1973

    Leveugle J. - Initiation à l'éducation permanente - Toulouse, Privat, 1968

    Mialaret Gaëtan - La formation des enseignants - Paris, P.U.F., Que sais-je ? n° 1703, 1977

    Not Louis - Les pédagogies de la connaissance - Toulouse, Privat, 1979

    Piaget Jean - Psychologie et pédagogie - Paris, Denoël-Gontier, 1969

    Pirard F et Pasquay R. - Le problème des aptitudes - Paris, Nathan, 1968

    Planchard Emile - La pédagogie scolaire contemporaine - Bruxelles, 1952

    Plan d'éducation pour l'école fondamentale - Bruxelles, Min. Educ. nationale et Culture française, 512/10 1982

    Richard P. et paquet P. - L'éducation permanente et ses concepts périphériques - Paris, Cujas, 1973

    Schwartz  B. - L'éducation demain - Paris, Aubier-Montaigne, 1973

    Vial J. - La pédagogie. pour qui ? pourquoi ? - Tournai, Casterman, 1977

    Wittner J. - Pour une révolution pédagogique - Paris, Editions universitaires, 1968

    Zazzo Bianka - Un grand passage : de l'école maternelle à l'école élémentaire - Paris, P.U.F., 1978

     


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  • Bibliographie générale

    Ouvrages généraux à consulter pour des recherches plus approfondies

    Assa janine, Clausse Arnould, Debesse Maurice, Léon Antoine, Snyders Georges et Vial Jean

    Histoire de la pédagogie : Tome II du traité des sciences pédagogiques

    Paris, P.U.F., 1971

     

    Collard F.

    Histoire de la pédagogie

    Bruxelles, De Boeck, 1920

     

    Hubert René

    Histoire de la pédagogie

    Paris, P.U.F., 1949

     

    Clausse Arnould

    Introduction à l'histoire de l'éducation

    Bruxelles, De Boeck, 1951

     

    Damseaux Eugène

    Histoire de la pédagogie

    Liège, Dessain, 1915

     

    Palméro J.

    Histoire des institutions et des doctrines pédagogiques par les textes

    Paris, Sudel, 1958

     

    Gal Roger

    Histoire de l'éducation

    Que sais-je ? n° 310

    Paris, P.U.F., 1979

     

    Chateau Jean

    Les grands pédagogues

    Paris, P. U. F., 1972

     

    Guerin M. A. et Vertefeuille P. V.

    Histoire de la pédagogie par les textes

    Montréal, Centre de psychologie et de pédagogie, 1960

     

    Juste Th.

    Essai sur l'instruction publique en Belgique depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours

    Bruxelles, 1844

     

    De Genst

    Histoire de l'éducation physique (2 volumes)

    Bruxelles, De Boeck, 1947-49

     

    Leif J. & Biancheri A.

    Les doctrines pédagogiques par les textes

    Paris, Delagrave, 1966

     

    Grégoire F.

    Les grandes doctrines morales

    Que sais-je ? n° 658

    Paris, P.U.F., 1967

     

    De Vreught J.

    Histoire de l'enseignement élémentaire en Belgique

    Revue des sciences pédagogiques - Cahier VII

    Bruxelles, 1939

     

    Hazan Emile

    Condensés d'écrivains pédagogues : de Socrate à Freinet

    Paris, Nathan, 1956

     

    Jonckheere Tobie

    Fragments d'une histoire de l'éducation

    Bruxelles, A. De Boeck, 1958

     

    Chavardes Maurice

    Les grands maîtres de l'éducation

    Paris, Editions du Sud et Albin Michel, 1966

     

    Compayre G.

    Histoire critique des doctrines de l'éducation en France depuis le 16ème siècle

    Paris, Hachette, 1886

     

    Durkheim Emile

    l'évolution pédagogique en France

    Paris, P.U.F., 1969

     

    Gilbert Roger

    Les idées actuelles en pédagogie

    Ligugé, Le Centurion / Sciences humaines, 1973

     

    Rechet G. et M. F.

    Dictionnaire de la civilisation grecque

    Paris, Larousse, 1968

     

    Paroz Jules

    Histoire universelle de la pédagogie

    Paris, Librairie C. Delagrave, 1883

     

    Reuchlin Maurice

    Psychologie

    Paris, P.U.F., 1979

     

    Deldime Roger et Demoulin R.

    Introduction à la psychopédagogie

    Bruxelles, A. De Boeck, 1975

     

    De Coster Sylvain

    Histoire de la pédagogie 1ère et 2ème partie

    Bruxelles, P.U.B., 1972

     

    Marrou J.

    Histoire de l'éducation dans l'Antiquité

    Paris, Seuil, 1948

     

    Meuris G.

    Institutions et doctrines pédagogiques

    Louvain, Librairie universitaire, 1965

     

    Caceres B.

    Histoire de l'éducation populaire

    Paris, Seuil, 1964

     

    Gabaude J. M.

    La pédagogie contemporaine

    Paris, Privat, 1972

     

    Ulmann Jacques

    La pensée éducative contemporaine

    Paris, P.U.F., 1976

     

    Riboulet L.

    Histoire de la pédagogie

    Lyon - Paris, Librairie catholique Emmanuel Vitte, 1941

     

    Avanzini Guy

    La pédagogie au 20ème siècle

    Paris, Privat, 1975

     

    Chanel Emile

    Textes clés de la pédagogie moderne

    Paris, Le Centurion - Sciences humaines, 1973

     

    Plan d'éducation pour l'éducation fondamentale

    Bruxelles, Ministère de l'Education nationale

    Direction générale de l'Organisation des Etudes - 512/10 - 1982

     

    Leif J. & Rustin G.

    Histoire des institutions scolaires

    Paris, Delagrave, 1954

     

    Rustin G. & Leif J.

    Philosophie de l'éducation

    Paris, Delagrave, 1970

     

    Piaget Jean

    Où va l'éducation ?

    Paris, Denoël-Gonthier, 1972

     

    Prost Antoine

    Histoire de l'enseignement de 1800 à 1967

    Paris, A. Colin, 1968

     

    Prost A. & Natanson J.

    La révolution scolaire

    Paris, Editions ouvrières, 1963

     

    Sous la direction de Guy Avanzini

    Histoire de la pédagogie du 17ème siècle à nos jours

    Toulouse, Privat, 1981

     

    Castiglioni A.

    Histoire de la médecine

    Paris, Payot, 1931

     

    Dumesnil R.

    Histoire illustrée de la médecine

    Paris, Plon, 1935

     

    Devaux P.

    De Thalès à Bergson

    Liège, Sciences et Lettres, 1955

     

    Couderc P.

    L'astrologie

    Paris, P.U.F., 1963

     


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  • Conclusion

    Nous voici arrivés au terme de cette "Introduction à l'histoire de l'éducation", limitée pratiquement à son évolution en Europe occidentale, avec l'une ou l'autre petite incursion aux Etats-Unis et en Union Soviétique.

    Il nous a semblé utile de jeter un coup d’œil en arrière pour nous rendre compte des leçons essentielles qui y sont enfermées.

    I. La liberté de conscience

    1. Chez les Grecs et les Romains nous avons trouvé une culture appropriée à l'homme et à ses besoins, une culture soi-disant humanitaire. mais pour éviter le règne de l'anarchie, l'Etat ne tarda pas à se substituer à l'homme. Celui-ci disparut bientôt dans la soumission absolue à l'Etat. Le citoyen se retrouvait donc dépourvu de toute liberté véritable ou durable.

    2. Le christianisme a dénoncé les vices et les grandes lacunes que contenaient la plupart des systèmes éducatifs païens : l'esclavage de la femme, le meurtre des enfants, la négation des droits de l'homme, l'égoïsme national...

    Le Christ n'a pas aboli la soumission de l'humanité à un principe suprême ; il enseigna l'obéissance absolue au "Créateur du monde" mais il changea les conditions de cette obéissance : il la détacha de l'Etat, l'affranchit de son obligation légale et la rendit individuelle, libre et volontaire. 

    3. Mais l'Etat romain, vaincu par la puissance de la foi chrétienne, offrit son bras à l'Eglise pour avancer ses conquêtes. Le principe païen de l'obéissance obligatoire fut réinstauré pendant tout le Moyen Age.

    la pensée chrétienne, qui imprégna tout le Moyen Age, ordonne la conception de l'Homme par rapport à l'être suprême et à l'idée d'éternité. La chrétienté rentra dans l'immobilité qui caractérise les théocraties anciennes, et s'enferma dans le cercle de fer de la scolastique. 

    4. Avec la Renaissance et la Réforme, la philosophie vint briser les fers de la scolastique et de l'obéissance matérielle, mais le principe de l'obéissance libre et volontaire ne fut pas partout pour autant rétabli.

    Au 18ème siècle, avec les succès des sciences physiques et mathématiques, l'idée la nature vint remplacer l'idée de Dieu. L'Homme fait partie d'une nature qu'il analyse et essaie de comprendre en utilisant les schèmes de la pensée mécaniste et associationniste. 

    5. A partir du 19ème siècle, l'Homme cessa de penser comme l'émanation d'un être transcendant ou d'une nature extérieure. La pensée moderne commence au moment où les concepts fondamentaux de Dieu et de nature sont remplacés par le concept historique du devenir. Le propre d'une morale basée sur l'évolution humaine est de développer la connaissance, de favoriser la création intellectuelle, de rejeter les idées non vérifiées et d'admettre la responsabilité personnelle qui implique les principes éthiques les plus élevés et notamment le principe de liberté.

    Mais la liberté ne s'acquiert qu'au prix d'une difficile éducation. De nos jours, la liberté de conscience est proclamée dans maintes constitutions et plus ou moins respectée. En Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, cette forme de liberté est franchement reconnue et réalisée dans le domaine de l'école. 

    6. En Europe occidentale, les états abusent encore trop souvent de leur autorité. Il faut regretter cela car l'école ne pourra fonctionner normalement que lorsque l'Etat aura renoncé à toute forme de pression sur les consciences.

     

    II. Les leçons de l'histoire de l'éducation

    1. L'histoire nous révèle que les remèdes viennent souvent après les maladies sociales, alors que les idées précèdent toujours de loin les faits. les révolutions pédagogiques suivent ainsi les périodes d'agitation sociale intense. Ce fut le cas des idées de Rousseau, de Pestalozzi, de Froebel, le père de nos "jardins d'enfants", et d'Herbart pour ne nommer que les plus connus. Il faudra attendre le lendemain de la guerre 1914-1918 pour que se mettent en oeuvre les idées de Maria Montessori en Italie, de Célestin Freinet en France, de Ferrière et Claparède en Suisse, d'Hélène Parkhurst et Carlon Washburne aux Etats-Unis et d'Ovide Decroly en Belgique. John Dewey avec ses fondements pratiques de la démocratie et de l'éducation permanente devra attendre la fin de la deuxième guerre mondiale et même les années 1960 avant d'être entendu par la masse alors que Condorcet en avait déjà formulé l'idée dans son rapport sur l'organisation générale de l'enseignement en 1792.

    2. Une éducation toute négative réclamée par Rousseau est quasi impossible à réaliser. Pour élever un enfant, il faut connaître sa nature, ses besoins, ses dispositions et les lois de son développement. Jusqu'à Pestalozzi, l'éducation était routinière. Personne ne songeait à étudier la nature de l'enfant afin de la traiter selon ses besoins.

    De nos jours, c'est un fait acquis en éducation : l'enfant doit être élevé conformément à sa nature. La connaissance de l'enfant et de sa psychologie ont fait de grands progrès et l'on est à présent bien convaincu qu'il convient de développer tout à la fois : la nature physique, les facultés intellectuelles et les facultés morales. 

    3. L'oeuvre actuelle de l'éducation peut être analysée en fonction de quatre facteurs fondamentaux :

    • l'enfant, avec sa personnalité propre en évolution constante, avec ses besoins, son expérience, son caractère, sa sensibilité, ses intentions et ses capacités du moment ;
    • l'environnement, avec ses dimensions, son action, sa richesse, qui contribue au développement intellectuel et général de l'enfant et à l'acquisition d'habiletés ; 
    • l'équipe éducative, pas seulement limitée aux seuls enseignants ; et enfin, 
    • l'école, son ambiance et ses méthodes.

    4. Il est essentiel que l'enfant à éduquer soit accepté tel qu'il est, avec ses dispositions innées, son passé culturel, ses habitudes de penser et d'agir, et avec ses goûts personnels. Son équipement génétique et ses expériences personnelles et sociales influencent le rythme du processus de son développement.

    5. Doté d'un potentiel énergétique personnel qui se manifeste par son besoin d'agir, l'enfant peut se prendre progressivement en charge et devenir l'agent de son éducation, à condition qu'une pédagogie de l'initiative basée sur une liberté d'action bien orientée soit pratiquée, et à condition que l'on sache également attendre le moment opportun pour aborder les apprentissages.

    6. Il est tout aussi important d'éduquer les besoins sociaux d'intégration et de participation au sein du groupe, cellule sociale dynamique où vit et grandit l'enfant, car cette éducation constitue un puissant facteur de sécurisation, de valorisation, d'épanouissement, de libération et d'équilibre. 

    7. L'influence de l'environnement dans l'action éducative est prépondérante. Il contribue à mettre en place les processus de socialisation affective et intellectuelle de l'enfant. En tenant compte des dimensions spatio-temporelles de l'environnement, l'enseignement peut intégrer la dynamique des réalités socio-économiques et socio-culturelles. L'école fondamentale doit donc préparer l'enfant à maîtriser son environnement, à réagir devant les faits nouveaux, à aborder les problèmes de vie qui évoluent constamment.

    8. Si la responsabilité de l'acte pédagogique incombe en premier lieu à l'enseignant, il nous semble indispensable qu'il accepte et partage l'engagement collectif de toute l'équipe éducative qui comprend l'enfant, la famille, les enseignants, les éducateurs et éducatrices de l'école et les membres de l'équipe psycho-médico-sociale. 

    9. Chaque enfant devrait trouver à l'école non seulement un climat chaleureux qui lui permette de se livrer à de nombreuses expériences, d'exercer son esprit critique, d'utiliser ses compétences et d'exploiter ses possibilités, mais aussi des facteurs de valorisation grâce auxquels il prendra conscience de sa personnalité et se développera à son rythme propre.

     

    III. L'évolution de la pédagogie

    1. En caractérisant la société ou le siècle, en décrivant les besoins du moment, avant de détailler les étapes de l'éducation, ses buts et les idées des pédagogues de chaque époque, nous avons tenté de montrer qu'il est indéniable que la pédagogie s'adapte, d'une manière limitée parfois, aux nécessités nouvelles. Mais il convient de rappeler qu'il y a toujours un décalage plus ou moins important entre l'apparition d'un nouveau besoin politique, religieux, technique, économique ou même administratif et la création de la structure éducative correspondante. prenons quelques exemples. 

    2. Au cours de la période communale, nous avons vu que l'enseignement en latin s'était donné pour but la formation de clercs mais que les besoins du commerce renaissant et l'administration publique avaient suscité la création d'écoles commerciales où l'on enseignait la langue vulgaire et le calcul élémentaire.  

    3.Au 16ème  siècle, la création des collèges des Jésuites répondait à un besoin religieux : la lutte contre la Réforme. l'organisation des programmes, les méthodes d'enseignement et la discipline, tout concourait à préparer les élites à défendre la foi catholique.

    4. L'influence des contingences politiques sur les conceptions pédagogiques est également indubitable. Les écoles centrales créées par le gouvernement français à la fin du 18ème siècle, étaient l'émanation de l'esprit révolutionnaire. leur mission consistait à former des citoyens, partisans de l'esprit nouveau.

    Les sciences d'observation acquirent une importance primordiale dans les programmes d'études, au détriment des langues anciennes. Un régime de liberté se substitua au régime de la contrainte.

    5. De  tels principes ne répondaient nullement aux besoins du régime napoléonien et, c'est ainsi que les lycées se substituèrent quelques années plus tard aux écoles centrales. Comme leur but était de former de futurs officiers, l'enseignement des mathématiques très poussé s'appuya sur un régime de discipline militaire. 

    6. A l'époque actuelle, essentiellement dans les pays industrialisés, se sont multipliées les écoles commerciales, industrielles et techniques. Elles préparent les jeunes aux multiples tâches indispensables à la civilisation technologique. 

    7. Ainsi, au travers de quelques exemples, nous pouvons constater que la pédagogie s'adapte non seulement aux besoins nouveaux qui surgissent au cours de l'évolution historique, mais qu'elle se transforme en fonction de la finalité attribuée à l'Homme. Elle est tributaire des conceptions générales. 

    8. Quatre grandes étapes ont marqué l'évolution de la pédagogie générale.

    • La pédagogie scolastique du Moyen-Age se caractérise par le formalisme grammatical ou logique. la lecture des textes, les commentaires puis les discussions formaient la base de l'enseignement.
    • La pédagogie classique se basa sur l'étude des langues anciennes et la lecture des auteurs grecs et latins. Elle n'accorda qu'une valeur secondaire à l'étude des faits.
    • Sous la pression des progrès scientifiques, la pédagogie réaliste se substitua peu à peu à la pédagogie classique en faisant pénétrer l'observation des faits dans les écoles. Du coup, les sciences naturelles prirent de plus en plus d'importance dans les programmes et les pédagogues exigèrent l'application du principe d'intuition à tous les degrés de l'enseignement.
    • La pédagogie contemporaine procède quant à elle de diverses tendances que nous allons préciser.

     

    IV. Les tendances de la pédagogie contemporaine

    1. C'est l'idée du pédocentrisme en germe dans l'oeuvre de J.-J. Rousseau qui caractérise la pédagogie contemporaine. La logique adulte avait présidé à l'élaboration de la pédagogie traditionnelle, dogmatique. Les pédagogues traditionalistes traitaient l'enfant comme un adulte en  miniature alors que la pensée enfantine est essentiellement différente de celle de l'homme. Actuellement, la pédagogie est axée sur la connaissance de l'enfant et s'inspire aussi de sa psychologie. 

    2. La pédagogie contemporaine est scientifique. Science jeune, elle utilise les données de la biologie, de la psychologie et de la sociologie, disciplines plus anciennes. D'autre part, elle emploie également la méthode expérimentale : elle se fonde sur l'observation minutieuse et l'expérimentation rigoureusement contrôlée car elle désire créer les meilleures conditions pour le traitement pédagogique des élèves. 

    3. La pédagogie contemporaine est fonctionnelle, s'inspirant des idées de Claparède, Decroly et Dewey. A l'école primaire, elle est fondée, de nos jours, sur les besoins et les intérêts des enfants.

    4.La pédagogie contemporaine est génétique car elle tente de respecter les moments d'apparition et de disparition des intérêts, mais elle se veut aussi attrayante. C'est pourquoi elle fait appel à l'activité ludique, essentiellement au cours des premières années de l'école primaire, pour l'apprentissage de techniques, comme la lecture, l'orthographe et le  calcul.

    5. Mais à côté d'une éducation attrayante doit aussi exister une éducation de la volonté et il est bon d'habituer le jeune élève à fournir des efforts dès son entrée à l'école primaire et à fixer volontairement son attention. Au nom de la rénovation de l'enseignement, une évaluation continue tend à remplacer les examens qui avaient été supprimés. Très vite, l'évaluation continue est apparue comme un moyen de faciliter le passage de classe. Mais la préparation à l'enseignement supérieur implique des efforts à certains moments de l'année lorsque l'étudiant doit pouvoir dominer l'ensemble des matières enseignées pendant plusieurs mois. dès lors, la mémoire doit être capable d'une telle performance et il convient de l'exercer dès le plus jeune âge. 

    6. La pédagogie contemporaine se veut active, mais par "méthode active" il faut comprendre toute méthode qui exploite un besoin motivant l'action de l'élève, qui exige un travail de la pensée et qui provoque une activité motrice. 

    7. La pédagogie contemporaine tient compte des aptitudes qui diffèrent qualitativement et quantitativement d'un individu à l'autre et selon le sexe et l'âge. Elle est donc différentielle. C'est par l'individualisation que l'école a la possibilité de s'adapter à la diversité des aptitudes. 

    8. La pédagogie contemporaine se veut démocratique. Les réformes pédagogiques ont toujours eu pour but de réadapter les structures scolaires, tout comme les méthodologies, aux changements de la vie intellectuelle. Sous la pression des exigences des techniques modernes et de l'évolution rapide des idées, un effort de démocratisation des études se dessine. Dès lors, le statut de l'école s'en trouve modifié. La pédagogie se veut aussi sociale et solidariste. La vie en société requiert effectivement l'intervention d'une pédagogie solidariste afin d'éduquer le sentiment de sympathie et de développer l'esprit de service. 

    9. Nous avons opté pour une pédagogie naturelle, solidariste et humaniste. Nous défendons l'esprit d'un enseignement qui se met en question et qui compose également avec une pédagogie de l'effort car la pédagogie de l'intérêt, qui demeure vraie dans ses principes, n'incite, à nos yeux, qu'à des besoins souvent trop superficiels et non à des besoins profonds qui devraient en constituer le fondement. Qu'on le veuille ou non, l'avenir d'un pays est lié à la formation de ses élites, un mot qu'hélas beaucoup de gens n'osent plus employer de nos jours. Or, cette formation est étroitement liée à l'apprentissage de l'effort. Et ce ne sont pas des études "en slalom" évitant les difficultés de l'un ou l'autre cours à option qui formeront l'élite indispensable à la prospérité de toute nation. Pour nous, une pédagogie naturelle s'inspire des enseignements de la science, puise ses moyens d'action dans l'environnement de l'enfant et s'adapte au développement physique et psychique de l'être à éduquer. Nous prônons enfin une pédagogie solidariste qui s'efforce à favoriser l'intégration sociale des enfants et à assurer l'harmonie entre générations. 

    10. A nos yeux, la pédagogie de demain devrait atteindre le sens de l'humain. Elle devrait s'astreindre à dépasser le stade de la socialisation afin de permettre à tout individu de se réaliser et d'arriver à l'autonomie de la personne. pour cela, elle doit reposer sur le respect de la personne humaine, sur la tolérance et l'esprit scientifique, sur une conception progressiste de l'univers, avoir une vision du monde aussi large que possible pour permettre et faire naître la fraternité entre les hommes.

    André Beauclercq

    avec la collaboration de

    Jean-Pierre Senelle et Alfred Lauwers

     

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  • Titre IX - L'éducation au 20ème siècle

    Chapitre I : L'éducation en Europe

    I. Introduction

    1. Dès la seconde moitié du 19ème siècle, les courants d'idées devinrent de plus en plus complexes. La réalisation des idées issues de la Révolution française, le progrès technique avec l'avènement du machinisme et ses répercussions économiques telles que la prolétarisation des villes, les découvertes scientifiques et le développement des sciences nouvelles comme la psychologie et la sociologie influencèrent les conceptions philosophiques et pédagogiques.

    2. Les conceptions pédagogiques varièrent en conséquence et il est dès lors difficile d'établir des distinctions catégoriques entre elles car, bien souvent, elles s'interpénétraient et s'influençaient réciproquement.

    3. Les dernières années du 19ème siècle avaient été marquées par des critiques amères de l'école existante. On lui reprochait essentiellement de manquer d'intérêt. Son enseignement trop théorique et uniforme ne réalisait que partiellement son but, se limitant à donner quelques notions et négligeant sa tâche principale, la formation des caractères et des intelligences. Ses méthodes étaient peu attrayantes, son horaire peu rationnel et l'éducation physique insuffisante. Les critiques s'adressaient principalement à la pédagogie et surtout à sa base, la psychologie classique, considérée comme l'oeuvre de quelques psychologues qui se sont observés et ont observé les adultes mais pas les enfants.

    4. A la fin du 19ème siècle se développèrent deux tendances parallèles : le mouvement de l' "éducation nouvelle" et la tendance dite de "pédagogie expérimentale" qui ne s'opposaient pas mais ne se confondaient pas non plus. Elles relevaient de deux attitudes d'esprit : la première relevait d'une attitude philosophique ; la seconde d'une attitude expérimentale, technicienne.

    Les pionniers de l' "éducation nouvelle" furent des médecins, éducateurs par vocation, des "artistes" qui s'appuyaient sur l'intuition et l'impression personnelle et avaient tendance à sous-estimer les techniques d'analyse et de planification. Quant à la tendance "pédagogie expérimentale", elle est née de la psychologie expérimentale et du positivisme. Elle applique la méthode expérimentale à des faits éducatifs.

    II. L'enseignement en France, du début du 20ème siècle à l'avènement de la IVème République

    1. Au début du siècle, la France est le théâtre de luttes entre partisans de l'école laïque et partisans d'un enseignement privé libre. En 1905, le Ministère Combes obtint le vote de la loi de séparation de l'Eglise et de l'Etat, aboutissement logique des lois laïques édictées par la IIIème République. Mais les préoccupations politiques et sociales et le regroupement des adversaires de la laïcité ne permirent pas l'instauration de cette école unique qui restait, pour la plupart des républicains, la seule solution possible pour assurer la paix scolaire dans le respect des diverses croyances.

    2. Les institutions maternelles, créées au 19ème siècle, répondaient à une nécessité sociale. Elles connurent un tel succès qu'elles plongèrent l'administration dans de multiples difficultés de recrutement, de formation d'institutrices spécialisées et de création de locaux.

    Le dévouement, la haute compétence et la persévérance de Pauline Kergomard, une des plus éminentes inspectrices générales, permirent la publication, en 1905, d'instructions à l'usage des écoles maternelles.

    Divers décrets et circulaires ministérielles donnèrent progressivement aux écoles maternelles françaises la physionomie qu'elles connaissent aujourd'hui et permettent de les considérer comme une très belle réussite pédagogique.

    3. En ce qui concerne l'enseignement primaire, la Troisième République lui avait établi des lois organiques. En 1909, une nouvelle loi créa d'une part, des classes de perfectionnement, annexées aux écoles élémentaires publiques et d'autre part, des écoles autonomes de perfectionnement pour les enfants arriérés. En 1923, le programme des écoles primaires fut modifié : il précisa l'emploi du temps, simplifia le contenu et établit une gradation dans la matière. La même année, les enseignants reçurent des instructions pédagogiques précisant les idées directrices et la signification de la réforme en cours.

    4. En 1936, la scolarité fut prolongée jusqu'à 14 ans. Une loi de 1937 rendit le certificat d'études obligatoire pour les élèves qui souhaitaient poursuivre leurs études dans les établissements secondaires. Le baccalauréat devenait le seul diplôme d'aptitude à l'enseignement dans les écoles primaires. Cette même loi créa un enseignement post-scolaire et des classes d'orientation, rattachées à l'enseignement secondaire. Une expérience de réduction des horaires permit d'instituer deux demi-journées hebdomadaires consacrées l'une à l'éducation physique et l'autre aux loisirs dirigés.

    Les réformes de 1936 à 1938 permirent d'assurer utilement la transition entre les premier et second degrés d'enseignement. Les nouveaux programmes et les institutions pédagogiques organisèrent également la classe de fin d'études primaires, sanctionnée par un nouveau certificat d'études.

    5. En plein épanouissement du début du siècle, l'enseignement technique se développa d'une façon souvent anarchique jusqu'à sa réorganisation en 1919 et son rattachement au ministère de l'Education nationale en 1921. Divers centres d'apprentissage, ateliers-écoles, cours professionnels et écoles d'arts et métiers furent ensuite créés.

    6. Lors de l'avènement de la République, il avait été décrété que l'enseignement du peuple serait gratuit mais on se rendit vite compte que ce principe fondamental impliquait aussi la gratuité de tous les niveaux d'enseignement. Diverses lois de 1927 à 1933 étendirent progressivement la gratuité à toutes les classes de l'enseignement secondaire.

    7. Grâce à une réforme, les caractères démocratiques de l'université française s'accentuèrent dès la veille de la Seconde Guerre mondiale. Malgré des moyens financiers insuffisants, son unité se réalisait et son domaine s'étendit. En 1939, les écoles primaires n'étaient toujours pas soutenues convenablement par les finances de l'Etat ; le matériel scolaire en souffrait ou faisait défaut.

    8. Entre 1940 et 1944, l'Etat français édicta une législation éphémère qui préparait le retour à la situation que connaissait la France bien avant l'évènement de la Troisième République. La suppression des écoles normales, l'octroi des subventions importantes aux écoles privées, la violation de la neutralité par l'introduction, heureusement non réalisée, de l'enseignement religieux à l'école publique, l'étouffement de la pensée libre et le reniement des principes républicains de liberté, d'égalité et de fraternité, proclamés en 1789, firent entre autres l'objet de ces lois néfastes.

    9. A la fin de la Deuxième Guerre mondiale, le système scolaire français n'était qu'un compromis juxtaposant des enseignements variés et permettant difficilement le passage entre les diverses branches d'études.

    Un enfant sur cinq environ quittait l'enseignement primaire dès l'âge de 11 ans pour entrer au collège ou au lycée et y suivre l'enseignement secondaire pendant sept ans pour obtenir finalement l'un ou l'autre baccalauréat. L'enseignement technique menait une vie isolée. L'apprentissage ne concernait qu'une faible portion de la jeunesse laborieuse. L'enseignement supérieur comprenait les universités et les grandes écoles. Ces dernières faisaient une concurrence dangereuse aux facultés en ne donnant qu'une formation générale et pas de préparation professionnelle.

    10. Une réorganisation d'ensemble était à prévoir. Il fallait repenser complètement la conception même de l'éducation. Il convenait d'organiser un système culturel différencié en suffisance pour répondre à la diversité des besoins, des capacités, aptitudes et fonctions sociales, mais assez uni pour faciliter l'orientation des jeunes vers les études qui conviendraient le mieux à leur épanouissement. Il était tout aussi opportun de mettre au point des types de culture moderne, scientifique, technique, professionnelle capables de répondre à ces besoins.

    III. L'organisation de l'enseignement en France de la Libération de 1945 à 1960

    1. Dès la libération du territoire français, les projets édifiés par le Gouvernement de Vichy furent pour la plupart abrogés à l'avènement de la Quatrième République. L'augmentation démographique et le retour à la légalité antérieure entraînèrent la construction ou la reconstruction d'écoles maternelles ou primaires.

    2. Les programmes de l'enseignement primaire furent allégés, la gratuité des études secondaires rétablie et le baccalauréat modifié. A côté d'un enseignement classique se développèrent un enseignement moderne et un enseignement technique réorganisé.

    Le but de l'éducation française consista dès lors à distribuer à tous une culture générale indispensable à l'épanouissement de l'homme.

    3. Les écoles normales furent réorganisées : elles devinrent des centres de préparation au baccalauréat et des instituts de formation professionnelle. Les études y duraient 4 ans.

    4. Mais toutes ces modifications furent prises d'urgence et attendaient une réforme plus profonde de l'école française souhaitée depuis longtemps.

    Le projet de J. Zay, qui visait une réforme globale de l'enseignement, tenta de répondre aux mouvements populaires de 1936.

    C'est cependant à la commission composée de Paul Langevain et d'Henri Wallon que l'on doit le projet historique décrivant les voies dans lesquelles l'université devait s'engager pour devenir vraiment démocratique.

    Les études de cette commission inspirèrent tous les projets de réforme ultérieurs. D'un intérêt décisif, les travaux de Langevain et Wallon furent mis en application lors de l'ouverture des "classes nouvelles" dans certains lycées. Leur plan de réforme affirmait le droit pour tous à l'éducation et à la culture. Fondé sur des bases scientifiques, il traduisait les aspirations des pays occidentaux, en bref la prolongation de la scolarité obligatoire, la prise en charge de la formation professionnelle par l'école et la succession de trois cycles d'enseignement.

    5. Les expériences des "classes nouvelles" ont inspiré les projets gouvernementaux 1948, 1949 et 1956. La scolarité fut prolongée jusqu'à 16 ans, les structures des institutions scolaires furent repensées, de même que la formation et le recrutement du personnel enseignant.

    La démocratisation de l'enseignement se remarqua surtout par l'accès de tous les enfants à toutes les formes de la culture et par une ouverture plus grande des méthodes pédagogiques sur le monde moderne.

    6. Au-delà de l'école, c'est l'éducation des adolescents et des adultes que s'efforça d'organiser la République. Cet effort prit le nom de "Culture Populaire". Au début de l'année 1959, conscient de l'urgente nécessité de réformes, le Général de Gaulle instaura des études secondaires en rapport avec la prolongation de la scolarité obligatoire jusqu'à 16 ans.

    Le plan Langevain-Wallon lui servit de texte de référence. L'unité pédagogique autonome du premier cycle secondaire était désormais le Collège d'enseignement secondaire ouvert à tous. Les lycées ne reçurent dorénavant que les élèves orientés à 15 ans vers des études longues.

    7. Parmi les mesures les plus marquantes prises dans le cadre de l'ordonnance de 1959, relative à la prolongation de la scolarité, il faut citer le "tiers temps pédagogique" qui consiste à proposer l'apprentissage des techniques de base le matin, la pratique des disciplines d'éveil, d'initiation esthétique, des sports et activités de plein air l'après-midi.

    Une seconde mesure, la rénovation de l'enseignement de la mathématique, concernait tant le cycle primaire que le cycle secondaire et résultait de l'évolution des théories mathématiques et des plus récentes découvertes en psychologie de l'enfant.

    Le diplôme de fin d'études obligatoires s'obtenait après avoir subi des épreuves contrôlant davantage les aptitudes à la communication orale et écrite, à la compréhension et à l'utilisation des techniques mathématiques, aux activités manuelles et artistiques.

    8. S'inspirant toujours du projet Langevin-Wallon, l'organisation de l'enseignement secondaire, qui comprenait un cycle d'observation et un cycle d'orientation, ne réalisa malheureusement pas le tronc commun qu'il préconisait étant donné la répartition des élèves en trois secteurs différents.

    IV. L'enseignement en France, depuis les évènements de mai 1968

    1. L'année 1967 fut l'année de la prise de conscience, dans le monde, de la distorsion croissante entre les transformations radicales des communautés nationales et les universités figées.

    De toute évidence, l'urgence d'un changement fondamental de l'action éducative apparut. Réaménager les structures ne suffisait plus : programmes et méthodes devaient être repensées totalement pour assurer une éducation démocratique et le progrès des sciences, des techniques et des arts.

    Les tensions se manifestaient principalement au niveau des universités, débordées par la "nouvelle vague" démographique de l'après-guerre et dont l'entrée était trop strictement limitée. Les injustices criantes se remarquaient aussi au niveau des collèges et des lycées où les possibilités d'accueil restaient insuffisantes. Les conceptions contradictoires au sujet des finalités et des moyens d'une université démocratique moderne, la percée des idéologies sociales ou politiques de conservation ou de renouvellement s'affrontèrent et se heurtèrent.

    2. Le colloque d'Amiens en mars 1968 lança un cri d'alarme, alerta l'opinion publique, mobilisa l'université et agit pour accélérer les processus de réforme. La commission sur la formation des maîtres traça le programme des réformes qui servit un peu plus tard de plan directeur à Edgar Faure.

    3. La section de sociologie de Nanterre fut la première à protester contre les pratiques pédagogiques de l'enseignement universitaire ex cathedra. Les maîtres les plus ouverts acceptèrent le débat sur les finalités dl'université, au service de la communauté humaine. Mais, au même moment, des conflits secouèrent les universités des principaux pays. La remise en cause des systèmes établis et de leurs institutions s'étendit de l'université à l'usine et aux champs, recevant ainsi l'adhésion des étudiants et d'une grande partie de leurs maîtres, des jeunes travailleurs et d'une grande partie des cadres.

    4. En novembre 1968, l'Assemblée nationale approuva à la quasi unanimité le projet d'Edgar Faure. Ce projet devenu loi s'inscrivait dans une politique hardie de réforme générale, du niveau maternel à l'université. Cette réforme engageait l'avenir de la France pour 20 ans. L'université française devait être rebâtie sur les principes d'autonomie et de participation, répondant aux besoins réels de la vie moderne : l'élaboration et la transmission des connaissances exactes, le développement de la recherche dans tous les domaines, la formation des hommes.

    Instrument de pointe du progrès scientifique et de la promotion culturelle de la communauté toute entière, l'université devrait dorénavant s'ouvrir à tous ceux qui ont vocation pour les études, les plus avancées, et à tous ceux qui n'ont pas eu l'occasion d'y accéder par des voies directes. L'université se doit, à l'avenir, d'assurer les moyens du meilleur choix des activités professionnelles de chacun et de promouvoir une éducation permanente.

    5. La réforme ne toucha pas que l'université. Tous les domaines, administratifs et pédagogiques, tous les degrés furent concernés, dans les rapports humains et éducatifs des enseignants et des enseignés.

    Aussi apparurent de nouveaux comportements sociaux de coopération, de nouveaux types d'information, de recherche, d'expérimentation et de décision, de nouvelles formes de pensée, un nouveau contenu de la culture alliant la libre créativité à la rigueur scientifique et technique, une  nouvelle forme d'éducation : l'éducation permanente répondant aux exigences de la démocratie et de l'incessante modernisation.

    6. La réforme entra dans les faits à l'école maternelle comme à l'école élémentaire. Dans les trois premières classes, les programmes furent allégés ; les tiers-temps pédagogiques furent mis en place ; l'enseignement de la mathématique connut également une rénovation. En 1975, sans obtenir tout ce qu'elle méritait, l'école maternelle fut nantie de nouveaux moyens et l'école élémentaire dotée de nouveaux objectifs. Les lycées préparent désormais aussi bien au baccalauréat qu'à des brevets de spécialité. 

    7. Malgré le décret de 1978 qui réservait la qualification d'instituteur aux élèves issus des écoles normales, le grand problème qui reste à résoudre est celui de la formation des maîtres.

    8. Il est symptomatique de constater que les problèmes d'éducation évoluèrent parallèlement dans les pays étrangers.

    V. L'éducation en Angleterre

    1. Il est assez évident de constater que pour l'Angleterre, la ressemblance avec la France est frappante au point de vue de l'évolution de l'éducation. C'est aussi le développement économique et le machinisme qui ont libéré des loisirs pour l'homme et permis de retarder de plus en plus l'âge d'entrée dans la vie active. Cependant les progrès de l'éducation sont davantage dus à l'action des institutions locales et privées qu'à celle d l'Etat. Mais au fur et à mesure que les initiatives particulières purent moins supporter les lourdes charges de l'éducation moderne, l'action de l'Etat devint plus importante.

    2. Dès 1899, l'âge de l'obligation scolaire avait été élevé à 12 ans ; en 1918, il fut porté à 14 ans.

    Au sortir d'une guerre très dure, l'Angleterre n'a pas craint de prolonger encore d'un an la scolarité obligatoire, d'entreprendre les constructions scolaires nécessaires et de former dans des "training colleges" spéciaux les maîtres nouveaux dont elle avait besoin.

    3. Malgré un accroissement des bourses d'études, l'enseignement secondaire restait l'apanage de la classe aisée qui, seule, pouvait offrir à ses enfants la fréquentation des célèbres "Public Schools".

    La science ne pénétra dans les universités d'Oxford et de Cambridge qu'après 1850. Depuis 1850 en effet, le contrôle de l'Etat s'exerça davantage sur l'éducation secondaire. Peu à peu les programmes s'organisèrent, faisant place à l'étude des langues vivantes et aux sciences. Des écoles secondaires furent créées pour les enfants des classes moyennes. En 1872, un enseignement féminin s'organisa tandis que le développement des écoles techniques fut favorisé.

    4. Privilège réservé autrefois à quelques élus de la bourgeoisie, l'éducation devint chose exigée de tous. L'âge de la scolarité fut définitivement porté à 15 ans en 1944. Depuis cette date l'enseignement devint obligatoire et gratuit. C'est le résultat de la lente évolution du système scolaire anglais qui comprend deux cycles gratuits : le niveau primaire (de 5 à 11 ans) et le niveau secondaire (de 11 à 15 ans). Une loi interdit de faire travailler les enfants de moins de 12 ans.

    L'entretien des écoles privées et des écoles de comtés dirigées par des autorités locales est dorénavant à charge des pouvoirs publics. L'éducation préscolaire se fait soit dans des "nursery schools", de 2 à 5 ans, soit dans des classes maternelles fréquentées par des bambins de 3 à 5 ans et dépendant d'écoles primaires.

    Quant à l'éducation primaire, elle a lieu dans les "Infants schools", de 5 à 7 ans, et ensuite dans les "Juniors schools", de 7 à 11 ans mais il existe aussi des écoles regroupant les deux systèmes. Les classes composées au maximum de 40 élèves de même force comprennent, grâce à ce "stream system", fort peu d'élèves "redoublant".

    5. Un examen sélectif décide de l'avenir universitaire de l'enfant. Les étudiants jouissent d'une grande liberté de choix dans les programmes des enseignements secondaire et supérieur qui réservent une place très importante aux travaux pratiques, aux enquêtes sociales ainsi qu'à l'éducation physique.

    VI. L'éducation en Allemagne

    1. Comme pour la plupart des autres pays de l'Europe occidentale, la doctrine d'éducation de l'Allemagne s'est développée au Moyen Age. Dans les grandes lignes, on peut dire que l'évolution pédagogique de ce pays est assez proche de celle de la Grande-Bretagne mais le sens de la grandeur nationale y joua un rôle déterminant.

    2. L'école obligatoire, populaire et nationale naquit à la suite des rappels qu'avaient lancés successivement Luther et Fichte, au cours des siècles précédents. Le régime nazi exaspéra ce caractère nationaliste et totalitaire jusqu'à ce qu'il s'effondre en 1945.

    3. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, l'université allemande s'est réorganisée sur la base des principes humanistes tels qu'elle les avait connus à son origine, et dans un esprit d'ouverture aux grands courants internationaux.

    Chapitre II : L'éducation aux Etats-Unis

    I. Introduction

    1. Ce n'est qu'à la fin du 18ème siècle, et d'une façon encore précaire, que se forme l'Etat américain. Comme les Etats-Unis d'Amérique n'avaient aucune tradition pédagogique et qu'ils ignoraient l'emprise des écoles ecclésiastiques, ils adoptèrent les progrès réalisés par l'Europe. Ainsi, ce qui pour les Européens constituait un aboutissement devenait, pour les Etats-Unis naissants, une base de départ. C'est ainsi que la jeune nation américaine opta immédiatement pour un enseignement laïque et gratuit pour le degré primaire. En 1850 ce choix s'étendit également à l'enseignement secondaire.

    2. Très vite adaptés à la technique et à l'industrie, caractéristiques de leur pays, les institutions pédagogiques se soucièrent avant tout de former des techniciens spécialisés et de préparer les enfants aux réalités sociales. Évitant de recommencer l'expérience scolaire européenne, les pédagogues américains optèrent pour une doctrine d'éducation fonctionnelle. 

    3. Grâce à la constitution importante des savants américains dans le domaine de la psycho-pédagogie, les Etats-Unis constituèrent en quelque sorte un immense laboratoire d'expériences pédagogiques.

    Au début du 20ème siècle, deux tentatives en vue d'introduire dans l'enseignement public et privé des méthodes assurant la liberté de l'enfant, le respect de son individualité et un rythme de travail conforme à ses aptitudes obtinrent une juste célébrité : le plan de Dalton et le système de Winnetka. Disposant de puissants moyens financiers, l'école américaine reste, dans tous les domaines, à l'avant-garde de la recherche pédagogique.

    II. Le Plan de Dalton

     * Titre IX - L'éducation au 20ème siècle1. La plus riche des expériences d'éducation active tentées au début de ce siècle fut celle de Miss Helen Parkhurst (1887 - 1973) qui appliqua ses méthodes dans la petite ville de Dalton, de 1911 à 1913, puis à la Chrildren's University School de New-York.

    2. Le principe de cette expérience était la recherche du meilleur rendement possible. Miss Parkhurst estimait que l'efficience de l'enseignement pouvait être augmentée en améliorant le rapport du travail utile à l'énergie dispensée pour l'accomplir. Il s'agissait donc de faciliter le travail de l'écolier.

    3. Le programme prévu pour une année était réparti et subdivisé en unités de travail correspondant au nombre de jours de classe. L'élève signait un contrat de travail, s'engageant à assimiler la matière dans un certain laps de temps, prenant ainsi conscience de sa responsabilité. L'élève organisait librement son travail à l'aide d'une série de fiches, réalisées dans chaque matière selon une progression bien étudiée. Le contrôle s'effectuait à l'aide de tests. En permettant aux élèves de s'entraider et de travailler ensemble, la technique de Miss Parkhurst développait ainsi le sens social des enfants.

    4. Le plan de Dalton a été adapté par un grand nombre d'écoles aux Etats-Unis et en Grande Bretagne. Il semble qu'il n'ait pas obtenu un grand succès en dehors des pays de langue anglaise.

    Adolphe Ferrière, que nous évoquerons dans un prochain chapitre, reprocha notamment au plan de Dalton de conserver les programmes et les manuels scolaires. Jean Piaget estima quant à lui que ce système mettait l'effort individuel exclusivement au service de la simple acquisition des connaissances et de la réceptivité, si bien que la vie collective, constamment menacée par les programmes individuels, ne pouvait jouer son rôle légitime dans la formation de l'esprit. 

    Nous retiendrons surtout que dans le plan de Dalton, c'est l'adulte qui fixe le travail de l'élève selon son estimation des capacités de celui-ci.

    III. Le système de Winnetka

     * Titre IX - L'éducation au 20ème siècle1. Ce sont les inconvénients attribués au plan de Dalton qui amenèrent le pédagogue américain Carleton Washburne à (1889 – 1968) corriger ce dont Miss Helen Parkhurst  avait été l'initiatrice.

    La méthode de Winnetka fut instaurée dans la banlieue de Chicago. Son but était d'aider l'enfant à grandir et à vivre harmonieusement comme un être humain, au point de vue physique et mental.

    2. Comme le plan de Dalton, le système de Winnetka est un exemple parfait de tentative d'individualisation. On y trouve aussi le souci des Américains d'obtenir un rendement déterminé en un temps record.

    Plus scientifiquement établi quant au programme, le système de Winnetka accordait une part importante aux activités créatrices et collectives qui visaient à développer la personnalité de l'enfant, en faisant appel à ses aptitudes spéciales et à ses goûts.

    Le travail de l'écolier était également constitué d'un "minimum essentiel" à acquérir par des procédés d'auto-instruction : connaissance pratique des règles élémentaires de grammaire et d'orthographe, techniques de lecture, calcul et écriture. Ces connaissances et ces techniques étaient déterminées d'après les impératifs de la vie sociale contemporaine et réparties en branches. Par une expérimentation méthodique, ce minimum devait être acquis par un ensemble d'exercices "auto-éducatifs" et de tests de contrôle.

    Dans ce système, il n'y avait donc plus aucune leçon didactique, mais un travail individuel continu. Le droit d'établir soi-même son emploi du temps n'était accordé qu'aux élèves qui avaient mérité cet honneur.

    3. L'avantage essentiel de ces techniques résidait dans le respect du propre rythme de travail de chaque enfant. Le système de Winnetka peut encore nous rendre des services sous des aspects limités : l'emploi des fichiers auto-correctifs par exemple. Le danger du système résidait dans une mécanisation trop poussée mais l'élève établissait lui-même son programme de travail. Il est indéniable que l'effort individuel était accru et sans cesse stimulé par "l'auto-contrôle".

    IV. Le système éducatif actuel

    1. On ne saurait à aucun moment parler d'une organisation nationale de l'enseignement aux Etats-Unis. En effet, cette organisation est laissée aux différents états, aux villes et aux communes. La foi dans la liberté et la démocratie y est accompagnée d'une confiance égale dans l'éducation. C'est aux Etats-Unis que l'instruction est la plus recherchée et que le budget consacré à l'éducation est le plus important. C'est aussi le peuple américain qui, le premier, a réalisé l'enseignement gratuit pour tous.

    2. Les "High Schools" gratuites se sont développées rapidement depuis 1850 ; de 160 en 1870, elles étaient 6000 en 1900. Très vite, l'enseignement moderne et utilitaire qui y était donné contraste avec nos idées de culture désintéressée et avec nos traditions intellectuelles. Le libéralisme des examens et la possibilité de choisir librement les matières parmi les options offertes répondaient aux nécessités de la spécialisation moderne mais s'éloignaient de nos conceptions de la culture générale.

    3. L'enseignement supérieur aux Etats-Unis est resté en grande partie privé et indépendant. A tous les degrés, un effort remarquable a été consenti pour développer la science de l'éducation. Une attitude expérimentale à l'égard de ses problèmes permet d'entrevoir l'avenir avec espoir.

    4. Malgré une décentralisation extrême, un financement privé et des différenciations précoces, le système éducatif américain permet à de nombreux jeunes de 18 à 21 ans l'accès aux études supérieures.

    Les "High Schools" délivrent un certificat d'études secondaires lorsque l'étudiant de 18 ans a achevé de manière satisfaisante le cycle d'études. Les collèges connaissent une grande opulence ; parmi les plus connus : Harvard, Yale, Columbia et Princeton. L'enseignement supérieur, d'une durée de deux ans, conduit au "Bachelor of Arts", au "Master"s degree" et aux "Doctorats". Les universités jouissent d'une grande autonomie au point de vue des programmes, des cours, de la gestion administrative et pédagogique, ainsi que de la nomination des enseignants.

    Chapitre III : L'éducation en U.R.S.S.

    I. De l'état médiéval à l'état moderne

    1. L'U.R.S.S. a offert au monde l'exemple de développement le plus rapide de l'éducation. Jusqu'au 17ème siècle en effet, pas une école n'existait en Russie, même pour la formation des prêtres ! Les seules directives données aux popes lors d'un concile, c'était d'apprendre à lire et à écrire à leurs enfants. Il n'existait qu'une seule académie ecclésiastique à Kiev.

    2. Pierre le Grand tenta un premier effort d'alphabétisation du peuple. Catherine II amplifia son action. En 1802, un Ministère de l'Instruction publique fut créé, mais le système scolaire restait précaire, surveillé par la police et coupé des idées occidentales.

    3. L'intelligence russe ne pouvait se satisfaire d'une telle organisation. C'est ainsi qu'après la chute du tsarisme en 1917, le nouveau régime entreprit de poursuivre activement l'oeuvre de modernisation industrielle entamée au cours des dernières années de l'ancien régime. Il lui donna la forme d'un collectivisme d'Etat et lui fournit une instruction populaire entièrement rénovée et généralisée.

    4. Partis d'une situation particulièrement chaotique, les plans successifs sont parvenus à créer sur tout le territoire de l'U. R. S. S. des écoles pour 31 millions d'élèves, des établissements d'enseignement supérieur pour 600 000 étudiants et un ensemble de 500 000 enseignants. Même pendant la guerre, le budget consacré à l'éducation nationale n'a jamais cessé de croître. La révolution pédagogique répondait à la fois à une nécessité économique et technologique d'une part, à une volonté politique d'autre part. 

    5. L'effort consenti par l'Etat soviétique a d'abord porté sur l'enseignement technique, indispensable au pays qui devait encore s'équiper industriellement pour atteindre le niveau de civilisation moderne. Ensuite, au niveau de l'enseignement supérieur, on créa près de 400 universités et instituts d'Arts et Métiers, plus de 80 instituts agricoles, près de 80 instituts médicaux et plus de 150 instituts supérieurs techniques. Des instituts pédagogiques nombreux furent chargés de la formation et du recyclage permanent des cadres. La lutte contre l'analphabétisme s'intensifia dans le même temps.

    6. Le développement constant de la scolarité obligatoire caractérisa aussi ces premières années du nouveau régime soviétique. Nikita Khroutchev souhaita supprimer les fortes différences qui subsistaient entre intellectuels et manuels.

    Le 21ème Congrès décida de la généralisation de l'école de 8 ans suivie d'un cycle de 3 ans d'éducation polytechnique conduisant à l'acquisition d'un diplôme de culture générale et d'un certificat professionnel. L'un permettait l'accès à l'université, l'autre d'exercer un métier.

    7. Enfin, tous ceux qui en ressentent l'envie ont désormais la possibilité de reprendre une éducation incomplète, soit par le biais d'une école du soir, soit tout au long de la vie adulte.

    II. Méthodes

    1. En ce qui concerne l'esprit et les méthodes, l'enseignement en U.R.S.S. a fortement évolué. C'est avant tout un enseignement de type expérimental. il trouve son origine et sa base sur l'école-communauté de travail. L'étude et l'observation directe des activités économiques servaient de base au travail scolaire. En 1922, cette méthode fut remplacée par la méthode des complexes qui initiait l'enfant à a vie familiale, locale, régionale, nationale et internationale.  

    2. L'enseignement prétendait recourir aux méthodes les plus neuves ainsi qu'à la psychologie, mais les vrais psychologues tout comme les pédagogues nouveaux manquaient en U.R.S.S. plus qu'ailleurs. C'est ainsi que s'expliquent les critiques d'A. S. Makarenko, éducateur pragmatique et théoricien original à l'influence croissante.

    3. Les échecs constatés conduisirent à la réintroduction de la pratique de l'enseignement magistral, collectif, de l'autorité adulte et administrative de l'école. La coéducation, pratiquée de l'école enfantine à l'université, connut une interruption durant la guerre 1940-45. par contre, la liaison de la pédagogie à la formation de l'homme communiste a été conservée.

    III. Les bases actuelles de l'éducation soviétique

    1. En Russie soviétique, ce qui frappe, c'est le souci constant de la pédagogie scientifique.

    L'éducation soviétique se base sur une liaison étroite entre la théorie et la pratique, sur une éducation active de l'indépendance, sur la morale et l'émulation socialistes et sur le souci porté au progrès de tous. Comme l'école américaine, l'école soviétique est polytechnique, fonctionnelle et adaptée au système économico-politique en vigueur. L'école russe met en application quelques principes de l'école nouvelle que nous évoquerons ci-dessous. Elle prétend que tout renseignement doit procéder de l'expérience personnelle et être actif.

    2. En 1958, une réforme particulièrement importante tendit à démocratiser davantage l'organisation existante en rapprochant l'étudiant du travailleur. Elle visait à établir que l'enseignement secondaire complet de la jeunesse se réalise en l'associant à un travail productif, de sorte que tous les jeunes de 16 ans effectuent un travail socialement utile.

    3. Pour les soviétiques, l'école et la vie doivent être étroitement liées : il s'agit de préparer l'enfant, dès l'école, au monde du travail.

    L'école soviétique apparaît à la recherche d'un équilibre entre l'enseignement général, l'enseignement polytechnique et l'enseignement professionnel dans la formation des jeunes. Le souci de modernisation et le caractère pratique d'adaptation au temps présent s'expriment dans les programmes les plus récents.

    IV. Anton Makarenko

     * Titre IX - L'éducation au 20ème siècle1. Éducateur pragmatique, théoricien original à l'influence croissante, Anton Makarenko (1888 - 1939) anima des communautés d'enfants qu'il avait conçues à la fois comme lieux d'éducation et comme unités de production. Les enfants, participant totalement à la gestion qu'impliquent ces dernières, deviennent ainsi responsables et conscients de leurs responsabilités vis-à-vis de la société.

    2. Makarenko considérait la collectivité enfantine non pas comme une préparation ou un moyen, mais comme un cadre de vie authentique, avec ses spécificités et ses finalités propres. Soucieux d'efficacité sociale, Makarenko se montra particulièrement exigeant au sujet de la discipline qu'il voulait stricte et agissant comme système protecteur des droits, des projets et des capacités de chacun à l'intérieur du groupe. Pour lui, les intérêts de la collectivité doivent passer avant ceux de l'individu car celle-ci est précisément au service de l'individu. L'un des soucis de l'éducation c'est de faire en sorte que l'intérêt individuel s'identifie de plus en plus à l'intérêt collectif.

    3. Pour ce pédagogue qui opéra dans des conditions particulièrement tragiques, les modèles constituent le fondement nécessaire de la pédagogie.

    Le but de l'éducation ne peut en aucune façon être formulé sur base des données biologiques ou psychologiques, dans des notions telles que l'adaptation ou l'épanouissement. Le modèle pédagogique est au présent et doit son efficacité pédagogique à sa relation avec le présent vécu. Makarenko estimait que la psychologie peut apporter des moyens appropriés à l'action éducative, mais, si elle permet d'appliquer l'action éducative selon des procédures adaptées aux différentes situations, elle ne peut indiquer l'objectif à atteindre. Selon lui, un but à venir n'existe que dans la mesure où il est vécu dans le présent en même temps que projeté vers le futur.

    4. Dans sa pratique quotidienne, Makarenko ressentit combien l'action directe d'un individu sur l'autre était limitée et peu efficace ; combien il était difficile sinon matériellement impossible de prendre en charge une multiplicité d'enfants. Il n'en conclut cependant pas en faveur de la non-directivité, attribuant à la collectivité le rôle d'exercer l'autorité et l'éducation de l'individu.

    5. La pédagogie de Makarenko a été possible et fructueuse dans un pays où les causes d'hostilité n'avaient pas aussi radicalement disparu qu'il le supposait, malgré la récente révolution. Depuis Makarenko, la psychopédagogie soviétique a consacré une part importante de ses efforts à étudier le rapport entre l'activité originale de l'enfant et l'existence des modèles.

    Chapitre IV : Le mouvement de l'éducation nouvelle

    I. Introduction

    A partir de la seconde moitié du 19ème siècle, la complexité des courants d'idées ne cessa de croître. Les conceptions philosophiques et pédagogiques, telles que le positivisme et la méthode expérimentale, ont été influencées par les découvertes scientifiques, par le développement de sciences nouvelles comme la psychologie et la sociologie, par les progrès techniques, comme le développement du machinisme, et ses répercussions économiques telle que la prolétarisation des villes, et enfin par la réalisation des idées issues de la Révolution française.

    2. Il est assez difficile d'établir des distinctions catégoriques entre ces conceptions philosophiques et pédagogiques car elles s'interpénètrent en s'influencent réciproquement.

    3. A la fin du 19ème siècle se développèrent le mouvement de l' "Education nouvelle" et la tendance dite de la "pédagogie expérimentale". Ces deux tendances ne s'opposent pas et ne se confondent pas. Elles relèvent de deux attitudes d'esprit : une attitude philosophique et une attitude expérimentale, technicienne.

    L' "Education nouvelle" relève de l'attitude philosophique, tandis que la tendance "Pédagogie expérimentale" naquit de la psychologie expérimentale et du positivisme, appliquant la méthode expérimentale à des faits éducatifs.

    II. Généralités à propos du mouvement de l'éducation nouvelle

    1. Depuis de nombreuses années, des pédagogues appartenant aux diverses nations réclamaient une réforme profonde des méthodes d'éducation. Plusieurs de ces pédagogues ont eu le mérite de créer des institutions pédagogiques qui leur permirent de mettre leurs théories en pratique. Vouloir résumer le mouvement des "Ecoles nouvelles" en quelques lignes est une entreprise fort difficile car le risque de déformer la réalité historique est grand. la richesse des idées et des réalisations pratiques de ce mouvement mériteraient un approfondissement que nous ne pouvons développer ici que trop brièvement.

    2. Les pionniers de l' "Education nouvelle" sont des médecins, des éducateurs par vocation, des "artistes" qui s'appuient sur leurs impressions personnelles, leur intuition. Tous ont tendance à sous-estimer les techniques d'analyse et de planification.

    3. Le mouvement "Education nouvelle" représente des recherches et des applications dont le but est de respecter et de servir l'enfant, enfant devenu élève à l'intérieur de l'école, élève qui réclame la sécurité affective ainsi qu'une méthode d'apprentissage tenant progressivement compte de son évolution. Pour les pédagogues de l'"Education nouvelle", l'enfant doit être reconnu et stimulé par une motivation. L'enseignement doit tenir compte de sa maturité, de ses dons, de ses carences et de sa situation dans le groupe de la classe.

    4. Ces novateurs placent donc l'enfant vraiment au centre de l'éducation, exigent que les procédés pédagogiques soient induits des connaissances objectives que la science contemporaine a acquis de la psychologie de l'enfant et réclament le déroulement des programmes éducatifs suivant l'évolution progressive des besoins, des tendances, des fonctions et des aptitudes des enfants. Cette pédagogie nouvelle affirme également la suprématie du travail libre, de l'autonomie de l'individu et du groupe.

    5. L' "Education nouvelle" a éclaté comme un mouvement révolutionnaire, en faveur de l'enfant, au début du siècle, après la Guerre de 1914-1918 plus précisément. Elle a tenu à bâtir l'école à la mesure de l'être à former. Si elle compta des échecs, elle offrit également quelques réussites.

    Avec le progrès de la psychologie de l'enfant, on attendait surtout de voir apparaître une pédagogie sachant faire appel aux "ressorts intérieurs" du sujet éduqué. On confiait donc à l'école la mission de s'adapter à l'évolution génétique de l'être à former, au devenir progressif de son intelligence et de son activité, à ses besoins affectifs et relationnels de chaque âge.

    6. Le but de l' "Education nouvelle" a vraiment été exprimé pour la première fois en France où ce mouvement a trouvé les conditions de sa première réalisation. Depuis Montaigne, il y eut bien sûr d'autres grands fondateurs de la pédagogie moderne, mais les bases de leur doctrine se trouvaient chaque fois inspirées par une philosophie qui dépassait l'individu et sa réalité quotidienne. Si Rousseau et Pestalozzi ont jeté sur l'art de l'éducateur la lumière d'une intuition et d'un dévouement incomparables, ils n'ont cependant pas su offrir au mouvement de l' "Education nouvelle" ce qui devait lui servir de véritable fondement : une étude suivie et objective du sujet à éduquer.

     * Titre IX - L'éducation au 20ème siècle7. En 1746 déjà, Condillac rendit possible une technique éducative qui suivrait les phases successives du développement psychique. Il formula également l'individualisation de l'enseignement basée sur une psychologie génétique et sur l'observation particulière du sujet à traiter, principes déjà chers à Montaigne.

    En posant les conditions d'une nouvelle pédagogie, celle d'une culture génétique et active appuyée sur l'observation de l'individu et tenant compte de ses ressorts affectifs, de ses particularités physiques et mentales, Condillac nous apparaît comme le véritable précurseur de l' "Education nouvelle".

    8. De l'ensemble des idées propres à ce courant, il nous faut encore souligner certaines tendances comme l'importance accordée à l'éducation esthétique, à la créativité, à la formation sociale, au principe de la globalité, à la relation de confiance entre l'enseignant et l'élève.

    9. Ce mouvement de réforme peut être considéré comme une réaction contre un enseignement formel et intellectualiste né sous l'influence des "herbartiens". Les principaux représentants des "Ecoles nouvelles" mirent l'accent sur les aptitudes créatives de l'enfant. Kerschensteiner, comme nous le verrons ci-dessous, souligna l'importance de l'activité manuelle. Avec sa psychologie fonctionnelle, le chef de file des autres pionniers qui accentuèrent le caractère individuel des fonctions psychiques de l'enfant, c'est le psychologue et pédagogue suisse Edouard Claparède. Adolphe Ferrière et Ovide Decroly préconisèrent le respect du fonctionnement psychique individuel de l'enfant en s'adaptant à ses besoins individuels, à ses intérêts.

    10. Ce pédocentrisme a donné naissance à une série de principes importants.

    • Le premier de ces principes, remarquablement illustré par le plan de Dalton et le système de Winettka que nous avons déjà détaillés, consistait à adapter l'enseignement à un rythme de travail individuel.
    • Le second, qui voulait baser l'enseignement sur tout ce qui est perceptible directement et vécu immédiatement, eut pour conséquence la naissance de la tendance appelée "Etude du milieu". Celle-ci permit le développement de diverses formes du globalisme u'illustrent les centres d'intérêts dans les Plans d'études primaires belges de 1936 et 1958.

    11. Dans le cadre des écoles nouvelles, John Dewey occupa également une place très importante ; considérant l'éducation de l'enfant d'un point de vue social, il prôna une école orientée vers la société.

    Outre les œuvres de Madame Montessori et de Célestin Freinet que nous développerons également ci-dessous, il convient aussi de citer celle de Jean Piaget, spécialiste des études de psychologie scientifique, et de Robert Dottrens, rénovateur de l'enseignement primaire genevois, celle d'Alfred Binet qui étudia tout particulièrement la mesure de l'intelligence chez les écoliers, celle de Roger Cousinet, promoteur du travail libre par groupe, et enfin, celle du Docteur Henri Wallon, expérimentateur et psychomotricien éminent. 

    III. Georg Kerschensteiner

     * Titre IX - L'éducation au 20ème siècle1. Né à Munich, Georg Kerschensteiner (1854 - 1932) devint d'abord instituteur en Bavière (1876), professeur de mathématique, conseiller scolaire puis directeur de l'enseignement de la ville de Munich dont il réforma les écoles. Philosophe de l'éducation, Kerschensteiner posa en principe que chaque individu est unique et se développe selon des voies particulières, selon ses relations avec son milieu, ses déterminations génétiques et la forme de son développement physique.

    2. Le travail manuel constituait selon lui un point de départ pour l'éducation : c'était une idée originale parmi celles qui donnèrent naissance à l'école active. Pour aider l'enfant à acquérir les connaissances regroupées dans des programmes réduits, Kerschensteiner recommanda d'utiliser les besoins spontanées de l'enfant et les intérêts qu'il manifeste pour tout ce qui l'entoure.

    3. Kerschensteiner esquissa également des idées qui devaient soutenir plus tard d'autres doctrines psychopédagogiques : la complémentarité du jeu et du travail, l'intérêt du travail en groupes, l'intérêt de la coopération, le développement du sens critique et l'autocorrection qui constituent également des éléments importants de la pédagogie nouvelle.

    4. Kerschensteiner eut le souci d'accorder une place importante à l'acquisition d'une culture générale comme facteur de formation personnelle. Il estimait que la seule culture valable devait être élaborée par l'enfant, reconstruite par lui, avec ses moyens.

    5. Au point de départ des efforts pédagogiques de Georg Kerschensteiner se situe l'axiologie ou philosophie des valeurs. Le but de l'acte éducatif est dès lors d'initier l'enfant à la culture. le contact avec les valeurs constitue le processus dynamique de l'éducation. L'action pédagogique est considérée comme un acte de compréhension et d'amour. l'éducation préconisée par Kerschensteiner s'organise donc autour de la notion des intérêts de l'enfant et de leur évolution. Quant aux bases du développement intellectuel, elles sont physiologiques et sociales. c'est pourquoi Kerschensteiner accordait de l'importance à l'éducation sociale de l'enfant.

    IV. John Dewey

     * Titre IX - L'éducation au 20ème siècle1. Né à Burlington (U.S.A.), John Dewey (1859 - 1952) fit ses études à l'école publique puis à l'Université de Vermont. Il s'intéressa à la philosophie de l'enfant et à sa pédagogie et devint docteur en philosophie. professeur à l'Université du Michigan et du Minnesota puis à celle de Chicago, il fit de nombreux voyages à l'étranger. Son influence personnelle fut ressentie dans le monde entier. ses ouvrages furent traduits en de nombreuses langues. A l'origine de l'orientation pédagogique américaine, John Dewey subit l'influence de Hegel, de l'évolutionnisme, du darwinisme et des doctrines pédagogiques progressistes.

    2. John Dewey compta parmi ceux qui ont le plus marqué la pédagogie contemporaine. Sa doctrine synthétisait le courant de la psychologie empirique et le courant de la sociologie évolutionniste.

    En éducation, il considérait l'expérience est le premier élément. John Dewey voulut organiser l'école en fonction des besoins véritables de la société du moment et de demain. L'homme devait s'instruire en essayant de résoudre les problèmes de son milieu.

    3. "Learning by doing", c'est-à-dire "Apprendre en agissant", telle était la formule de l'école nouvelle préconisée par John Dewey. Celui-ci estimait que l'enfant trouve un réel intérêt à son travail quand il peut résoudre les problèmes qui répondent à ses besoins. L'éducation n'est pas une préparation à la vie mais la vie elle-même.

    4. Dewey préconisait donc une école active, où l'activité des élèves doit précéder, requérir et conditionner l'information délivrée par le maître ; un travail dans la joie, tout en reconnaissant que l'enfant doit trouver autant que possible en lui-même les motivations à ce travail ; et enfin l'acquisition de peu de connaissances, mais bien possédées plutôt que trop de connaissances superficielles.

    5. John Dewey donna lui-même une grande liberté à ses élèves et a choisi avec eux les sujets qui les intéressaient le plus. Au centre de sa pédagogie sont les préoccupations, les besoins et le développement de la personnalité. Les problèmes pédagogiques et psychologiques sont liés et ne peuvent être formulés que si on les examine à l'aide de la psychologie, de la sociologie et de la logique.

    6. Philosophe de l'école active, John Dewey a développé ses idées lors de nombreuses conférences et dans plusieurs ouvrages dont "The School and Society", "The Educational Situation", "The Child and the Curriuclum" et "How we think", traduit par Decroly sous le titre "Comment nous pensons".

    7. Alors que Georg Kerschensteiner était croyant et spiritualiste, John Dewey était positiviste et pragmatiste. Il est remarquable que ces deux pédagogues, issus de deux milieux différents et partis de conceptions théoriques opposées, soient arrivés à des conceptions pratiques identiques en insistant sur la valeur du travail manuel, sur la formation morale et par là même civique.

    Eu égard à l'originalité de ses idées, il nous faut à présent décrire la contribution capitale que Maria Montessori apporta à l'enseignement préscolaire.

    V. Maria Montessori

     * Titre IX - L'éducation au 20ème siècle1. Première petite fille italienne qui fut admise dans une école publique, Maria Montessori (1870 - 1952) fut la première femme italienne à recevoir le titre de docteur en médecine. Devenue professeur à l'Université de Rome en 1898, elle créa dans la même ville une école pour faibles d'esprit : "la casa dei Bambini" (1907).

    Soucieuse de vérifier ses théories sur des enfants arriérés, elle en fit des applications dans une clinique. Les résultats furent tels qu'elle décida d'employer par la suite la même méthode avec des enfants normaux.

    Pendant la guerre 1914-18, elle créa une école normale aux Etats-Unis, puis elle devint inspectrice des écoles italiennes en 1922.

    Après un voyage aux Indes, elle acquit la conviction que tous les enfants se comportent d'une façon semblable mais que seul le milieu marque les différences.

    2. Pour Maria Montessori, le développement de l'enfant n'est ni continu, ni régulier. C'est pourquoi elle avança l'hypothèse des périodes sensibles dont la prise en considération respecterait une sorte de déterminisme imposé par la nature. L'existence de ces périodes au cours desquelles l'enfant serait plus réceptif pourrait aussi expliquer les réactions de défense ainsi que les déformations de caractère. Chaque enfant est à la base de la méthode de Maria Montessori. Par l'observation, l'institutrice doit être apte à en tirer certaines conclusions.

    3. De cette notion de périodes sensibles, Maria Montessori dégagea des conséquences pratiques pour la pédagogie quotidienne. Les programmes ne peuvent être uniformes dans le temps : l'enfant a le choix de ses activités ludiques comme de son travail, dans un monde réel, mis à son échelle mais avec toutes ses contingences et ses implications ; une large place doit être réservée à la créativité, avec les moyens et les matériaux les plus variés ; enfin, l’institutrice doit songer au développement continu des capacités perceptives et motrices de l'enfant. Ces conséquences pratiques sont à la base des grandes orientations de l'école pré-élémentaire française.

    4. Pour la vie en commun et le travail collectif, les enfants doivent découvrir le sens de la solidarité humaine. La liberté et la discipline vont de pair. L'enfant peut organiser son travail en fonction de ses intérêts et de ceux du groupe mais aussi grâce au matériel didactique mis à sa disposition. L'institutrice doit guider et aider les enfants afin de coordonner leur pensée et leur action. Le travail et le jeu sont liés de même que le travail manuel et l'activité mentale. Les exercices qui visent à éduquer les sens occupent une place importante dans la méthode montessorienne. Maria Montessori conçut un matériel éducatif qui devait préparer, par l'exercice, les sens aux sensations, à leurs classifications et au futur développement de l'intelligence.

    5. Réformatrice des jardins d'enfants de son époque, Maria Montessori insista sur le besoin d'activité personnelle de l'enfant. Par l'observation psychosociologique de celui-ci, elle a cherché un matériel adéquat pour les activités d'enfants. La méthode montessorienne se superpose à la méthode froebelienne dont elle est la suite et le judicieux complément.

    6. C'est donc en 1907 que Maria Montessori créa la première école montessorienne, sous l'appellation de "Casa dei bambini" ou "maison des enfants". Cela s'est passé dans un milieu très pauvre et dans un immeuble abritant des familles pauvres. La "casa" était une école où l'on s'occupait du développement physique, moral et intellectuel des enfants de 3 à 6 ans. Elle est à la source de nos jardins d'enfants contemporains. Ces "case" se sont rapidement multipliées en Italie.

    Parmi ses ouvrages, "Pédagogie scientifique" (1909), "La Paix par l'Éducation" (1932), "L'Enfant" (1936) et "Les Étapes de l'Éducation" (1936) sont les plus importants. Ces premiers ouvrages laissent transparaître une tendance naturaliste et socialiste. Par la suite, ce médecin - éducateur s'est affirmée comme une pédagogue catholique.

    7. Le grand mérite de Maria Montessori fut de s'être penchée sur les deux facteurs de l'acte de l'éducation : d'abord l'enfant à élever, ensuite les notions et valeurs à lui inculquer, et d'avoir tenté, par sa méthode, de concilier le second facteur avec le premier.

    Les exercices sensorimoteurs institués par sa méthode, représentent une excellente préparation pour les futurs apprentissages scolaires.

    Les classes qu'elle créa sont à l'origine d'une nouvelle situation pédagogique : l'activité de l'enfant, selon les possibilités à chaque âge, et les nouveaux rapports qui le lient à l'adulte s'y sont représentés comme les deux voies à explorer, pleines de richesses et de promesses pour une pédagogie nouvelle.

    8. Un autre mérite de Maria Montessori fut d'avoir créé un champ pédagogique dans lequel, par une activité progressivement orientée vers un matériel, l'enfant pouvait, suivant son rythme et son âge, s'adapter, sans trop de contrainte, à la vie scolaire. Cependant, il n'est pas certain que la méthode Montessori se soit toujours inspirée d'une vision correcte de l'enfant. En effet, la notion d'éducation perceptive, saine en soi, se dégrade lorsqu'on lui fait subir le traitement analytique qui découle de la psychologie associationniste par laquelle on exerce successivement chaque sens au moyen d'un matériel multiforme, varié et ingénieux mais artificiel.

    9. Maria Montessori a décomposé les diverses fonctions de l'enfant. Elle a prévu des exercices destinés à les développer une à une et pas à pas. Cette éducation nouvelle était libre mais systématique. C'est pourquoi certains pédagogues exprimèrent des réserves quant au matériel qu'ils jugèrent artificiel. Ainsi, Jean Piaget critiqua le principe intuitif sur lequel se base le matériel. Selon ce principe, il faut aller de la sensation à l'idée. Mais cela correspond à une psychologie analytique dépassée. Pour Piaget, ce qui importe c'est l'activité totale, non des analyses sensorielles isolées et statiques mais une construction d'ensemble. John Dewey, quant à lui, insista sur l'aspect artificiel du matériel montessorien qui ne met pas l'enfant devant des difficultés globales réelles comme celles qui se rencontrent dans la vie.

    10. La méthode Montessori s'est propagée dans le monde entier. Dans certains pays, comme les Pays-Bas par exemple, existent des institutions spécifiquement montessoriennes, mais, dans les autres pays, la plupart des techniques et des procédés ont été adaptés.

    VI. Edouard Claparède et l'école fonctionnelle

     * Titre IX - L'éducation au 20ème siècle1. Psychologue et pédagogue suisse, Edouard Claparède (1873 - 1940) fit des études de médecine et devint docteur en 1897. S'étant orienté vers la psychologie, il lança en 1901 l'idée de "l'école sur mesure" selon laquelle la pédagogie devait s'adapter au caractère individuel de l'élève.

    Lorsqu'il découvrit l'oeuvre de l'Allemand Karl Groos, il prit conscience de l'importance des instincts dans la vie mentale. 

    En 1912, Claparède fonda l'Institut Jean-Jacques Rousseau à Genève. C'était une école supérieure de pédagogie qui devait permettre aux éducateurs de se documenter mais surtout de s'initier aux méthodes de l'observation psychologique et de la pédagogie expérimentale.

    La formation dispensée dans cet établissement, mieux connu sous le nom d'Institut des Sciences de l'Education de l'Université de Genève, ne revêtait aucun caractère dogmatique. L'accent était mis sur le travail personnel, la collaboration effective entre les maîtres et les élèves et le contact direct avec les enfants.

    2. Représentant l'école genevoise, Claparède se place dans le courant fonctionnaliste selon lequel les différents types de comportement peuvent être replacés dans la voie générale de l'activité pour mettre en évidence leurs finalités. 

    Claparède a commencé par dénoncer la conception de l'éducation qui conduit à du remplissage de la mémoire mais n'aboutit pas à une formation intellectuelle authentique et qui mène non pas à une véritable éducation mais au dressage.

    L'éducation que Claparède préconisait se fondait sur la connaissance de la psychologie de l'enfant, idée déjà ancienne dont il trouva l'origine chez John Locke, Jean-Jacques Rousseau et Herbart.

    Avec les autres pionniers de l'Ecole nouvelle comme Ferrière et Decroly, Edouard Claparède apparaît, avec sa psychologie fonctionnelle, comme le chef de file de ceux qui accentuèrent le caractère individuel des fonctions psychiques de l'enfant.

    3. C'est d'Amérique, avec William James et surtout John Dewey qu'est venue la "psychologie fonctionnelle". La psychologie que conçoit Claparède est dynamique. Elle recherche, non pas seulement en vertu de quel mécanisme un individu se comporte de telle ou telle manière, mais pourquoi il agit ainsi à ce moment-là. Ainsi, l'activité psychique n'est jamais détachée des conditions de milieu qui l'ont fait naître. Les processus mentaux sont développés en fonction de leur signification biologique de leur rôle et de leur utilité dans la vie. Appliquée à l'enfant, cette méthode nous fait interpréter ses actes en les rapportant aux besoins mêmes qu'ils ont pour but de satisfaire.

    4. Les pédagogues contemporains de Claparède ne voyaient pas la nécessité de donner à l'enseignant une formation scientifique ; le bon sens, le don et la pratique journalière étaient considérés comme suffisants. Claparède réfuta ces trois points de vue traditionnels. le bons sens, le don et la pratique ne sont pas capables, à eux seuls, de résoudre les problèmes qui se posent à l'éducateur. Seule l'expérimentation peut nous révéler, d'une part, quelle est la mentalité de l'enfant sur lequel on veut exercer une action, et d'autre part, quelle est la conséquence de cette action. Seule la méthode scientifique est capable de nous fournir des résultats mûrs et féconds.

    5. Envisagées du point de vue fonctionnel, les lois qui régissent la conduite dépendent des ruptures d'équilibre de l'organisme que nous appelons des besoins. Chaque besoin a la propriété de déclencher les réactions propres à satisfaire l'organisme afin de rétablir l'équilibre rompu. De ces constatations, Claparède a formulé un certain nombre de lois du comportement : la loi de succession génétique, la loi d'exercice "génético-fonctionnel", la loi d'adaptation, la loi d'autonomie et la loi d'individualité.

    D'une manière plus explicite, Claparède affirme que l'activité est toujours motivée par un besoin et qu'elle est fonction de l'écart entre le besoin ressenti et les moyens de les satisfaire. A tout instant, l'enfant agit et organise son activité dans la voie de son plus grand intérêt. Toute conduite simple ou complexe est dictée par un intérêt. C'est par la dialectique "échec - succès" découlant d'essais répétés que s'établissent les conduites réussies. Toute conduite réussie sera répétée jusqu'à passer dans les automatismes.

    6. Pour Claparède, l'intelligence sera définie comme étant la capacité pour l'individu de s'adapter à la vie, de faire face à des situations nouvelles que les seuls comportements innés ou acquis ne permettraient pas de dominer. Dans ce processus, le tâtonnement expérimental est le point de départ de conduites intelligentes que servent le jeu des succès et erreurs d'une part, et celui des réinvestissements d'autre part, capacité d'appliquer à une nouvelle situation un comportement dont l'efficacité a été éprouvée précédemment.

    7. C'est à Edouard Claparède que l'on doit la conception fonctionnelle de l'éducation. L'école doit prendre l'enfant pour centre des programmes et des méthodes scolaires. Le ressort de l'éducation doit être l'intérêt pour la chose qu'il s'agit d'assimiler ou d'exécuter. L'école doit faire aimer le travail. Tout en préservant la période d'enfance, l'éducation doit viser à développer les fonctions intellectuelles et morales. Pour cela, l'école doit mobiliser l'activité de l'enfant, présenter le travail et les branches d'étude sous leur aspect social. Les maîtres doivent devenir des stimulateurs d'intérêts, des éveilleurs de besoins intellectuels et moraux.

    8. A cette conception fonctionnelle de l'éducation se rattache sa conception d'une pédagogie de l'intérêt. Claparède définit l'intérêt comme la personne ou la chose susceptible de satisfaire un besoin pour une personne donnée à un moment donné. Il en déduit qu'il n'y a pas d'intérêts sans besoins. En partant des intérêts spontanés pour créer des intérêts toujours nouveaux, on réalise la condition sine qua non d'une école active.

    L'enfant n'est donc actif que lorsqu'il fait ce qui répond chez lui à un intérêt, lorsqu'il veut résoudre l'état de tension que crée en lui un besoin qui est son besoin, ou lorsqu'il veut trouver une solution à une difficulté qu'il découvre spontanément ou qu'on a su créer en lui.

    9. Traiter chaque enfant selon ses aptitudes est un des idéaux de l'Ecole nouvelle. Claparède considérait la détermination des aptitudes comme fondamentales, que ce soit pour le diagnostic de l'arriération, la sélection des bien doués ou l'organisation d'une "école sur mesure". Définissant l'aptitude comme une disposition innée, naturelle à se développer de préférence dans une direction plutôt que dans une autre, Claparède se situe à la base de l'idéologie de l'innéité du don contre laquelle partirent en guerre les sociologues contemporains et qui peut être imputée aux méfaits de l'intellectualisme.

    VII. Adolphe Ferrière, théoricien de l'école nouvelle

     * Titre IX - L'éducation au 20ème siècle1. Né à Genève dans une famille protestante, Adolphe Ferrière (1879 - 1960) s'était difficilement adapté au régime du collège qu'il fréquentait et s'était dit qu'il ne deviendrait jamais professeur ! Pourtant il se révéla éducateur, en tant que fils aîné d'une famille nombreuse. A l'âge de 14 ans, il fonda un club alpin pour enfants. trois ans plus tard, il présidait une société littéraire de jeunes.

    Après avoir étudié la biologie, il devint instituteur dans les écoles du Docteur Lietz où il enseigna, de 1900 à 1902. Il contribua à la fondation de la première école nouvelle suisse. Professeur à l'Institut Jean-Jacques Rousseau de Genève, il prit, à l'âge de 20 ans, l'initiative de la fondation du Bureau International des "Ecoles nouvelles". En 1921, il provoqua la création de la Ligue Internationale d'Education nouvelle.

    Le grand mérite de Ferrière est d'avoir pu aider à la création d'organismes qui étaient à même de coordonner leurs efforts pour répandre les découvertes faites dans le domaine de la pédagogie. Le 20ème siècle est celui de la révolution pédagogique mondiale. Adolphe Ferrière est le coordinateur et propagandiste des idées de l'Ecole Nouvelle.

    2. Par ses écrits, Adolphe Ferrière fit connaître les réalisations de Georg Kerschensteiner et d'Hermann Lietz notamment. Il essaya de définir les bases qui devaient permettre de réformer l'école. Son oeuvre contribua à dégager l'aspect actif de l'école nouvelle et à faire apparaître les techniques qui devaient permettre d'éduquer l'écolier sans que son autonomie soit atteinte.

    3. C'est Ferrière qui déclara que l'éducation nouvelle n'était que l'éducation fondée sur la psychologie de l'enfant. Il lui fallut un livre entier, "L'Ecole active", pour en donner une définition correcte : l'école n'est active que dans la mesure où elle utilise à des fins éducatives le faisceau d'énergie qui émane de l'enfant. Adolphe Ferrière définit la finalité ultime de l'Ecole nouvelle comme étant l'insertion dans la civilisation. Partisan d'une liberté dirigée, Ferrière estimait que l'Ecole nouvelle était éminemment sociale, fraternelle et communautaire.

    4. L'oeuvre écrite d'Adolphe Ferrière est vaste. Il y a souvent souligné l'idéal de l'école active dont l'élément principal était le travail manuel. Celui-ci devait entraîner une transformation totale du cadre de la classe. Au travail manuel s'ajoutaient les activités sociales et des techniques éducatives qui n'avaient rien de commun avec les méthodes jusqu'à ce jour en usage dans les écoles.

    5. L'oeuvre d'Adolphe Ferrière, c'est d'avoir aidé à la création des organismes susceptibles de coordonner les efforts, de répandre les découvertes dans le domaine pédagogique et d'organiser des rencontres à l'échelle mondiale. C'est à lui que l'on doit l'énumération d'une trentaine de caractéristiques des "Ecoles nouvelles".

    Le mouvement des Ecoles nouvelles accorde la priorité à la formation intellectuelle et morale, à une pédagogie psychologique, à une éducation centrée sur les besoins et les intérêts de l'enfant. Les pédagogues qui représentent ce mouvement voulaient rendre l'enfant heureux et autonome, individualiser ses apprentissages dans un esprit communautaire, bref une éducation sur mesure dans un esprit d'entraide et non de compétition.

    VIII. Le Docteur Ovide Decroly et l'étude du milieu

     * Titre IX - L'éducation au 20ème siècle1. Parmi les pionniers de l'Ecole nouvelle, le Docteur Ovide Decroly (1871 - 1932) mérite une place à part car sa vie et son oeuvre honorent la science en général, la science de l'enfant en particulier.

    Né à Renaix, il fut l'un des plus célèbres pédagogues belges. Il fit ses études secondaires aux athénées de Tournai et de Malines. Il se sentit attiré par les sciences. Il s'orienta vers la médecine et obtint son diplôme de Docteur en médecine à l'Université de Gand. Une bourse de voyage lui permit d'étudier le système nerveux à Paris et à Berlin. Il s'intéressa particulièrement aux problèmes mentaux des enfants anormaux. Sa véritable vocation, c'était l'éducation et surtout l'enseignement.

    2. Ayant pris contact avec les Docteurs Demoor et Hendrickx, il proposa de créer une école pour les jeunes déshérités. Malgré de graves difficultés financières, il fit de sa propre maison un vaste laboratoire où il vécut en contact direct avec les enfants. C'est ainsi que naquit, en 1901, l'Institut des Anormaux.

    En 1903, Ovide Decroly devint inspecteur des classes de l'enseignement spécial de la Ville de Bruxelles, puis professeur aux écoles normales de la même ville.

    Au contact des petits déficients et par l'observation quotidienne de leurs réactions, le Docteur Ovide Decroly fut amené à mettre au point un système et un programme basés sur les "centres d'intérêt", ainsi que sur l'individualisation de l'enseignement au moyen de jeux éducatifs.

    Comme les résultats obtenus étaient particulièrement remarquables, un groupe de médecins enthousiasmés par son travail le supplièrent d'ouvrir une école pour les enfants normaux. En 1907, il créa la première Ecole de l'Ermitage qui fut transférée à Uccle en 1927.

    Decroly participa à la vie scientifique internationale. Il contribua avec Adolphe Ferrière à la formation de la Ligue Internationale de l'Education nouvelle en 1921. Il s'éteignit à Bruxelles en 1932.

    3. S'inspirant des idées d'éducation fonctionnelle de Rousseau, Decroly éprouva, dans son institut d'enseignement spécialisé, sa méthode qui relève d'une pédagogie psychologiquement adaptée aux élèves. Dans cette école on assurait l'interpénétration de la vie familiale et scolaire. Cette méthode fut étendue aux enfants normaux avec certaines modifications dans les classes des écoles primaires de la Ville de Bruxelles  en 1916.

    4. Cette méthode reposait sur la prépondérance de l'intérêt et la progression par centres d'intérêt. C'est aussi la méthode globale pour l'apprentissage de la lecture, les activités d'observation et d'expression. Elle connut un grand succès à l'étranger.

    Après avoir appliqué sa méthode à des enfants normaux d'écoles primaires, il l'appliqua dans une école secondaire où elle fut perfectionnée.

    La méthode globale se base sur le principe que l'enfant voit le tout avant la partie. La méthode des centres d'intérêt repose sur la satisfaction des besoins primordiaux de l'enfant. Cette méthode demande un programme souple, une concentration des branches afin d'éviter la dispersion.

    5. "Libre-exaministe", le Docteur Decroly est donc avant tout un psychologue qui, comme l'avait fait Claparède, s'est appliqué à décrire la perception syncrétique, vision globale non analytique du réel. Il démontra que la vie spirituelle de l'enfant est active, créatrice et basée sur la notion d'intérêt.

    "L'école pour la vie et par la vie" était le principe fondamental de ce pédagogue qui concevait l'éducation comme une globalité et prétendait intégrer les activités physiques, l'éducation morale et les activités intellectuelles au sein de cette globalité.

    Il basa l'éducation intellectuelle sur l'exploitation des centres d'intérêt qui traduisent, selon lui, les besoins fondamentaux des enfants. Le milieu scolaire était organisé comme une société en miniature dans laquelle il instaura le self-government, le travail en équipes et le système des responsabilités. Les méthodes actives qu'il préconisa s'inscrivaient dans un processus qui va de l'observation à l'expression en passant par l'association, phase qui permet de compléter et d'élargir l'observation initiale en la reliant à d'autres.

    6. Par ses travaux, le Docteur Decroly fit également progresser la pratique des tests mentaux. Decroly est un des représentants de la psychologie expérimentale. Pour améliorer nos connaissances de la psychologie des enfants, il utilise le film pour étudier et fixer les étapes successives du développement de l'enfant. cela permit des études comparatives et l'application des tests d'intelligence et d'orientation professionnelle. Le Plan d'Etudes belge de 1936, fortement imprégné des idées "decrolyennes", installe d'importantes réformes éducatives.

    7. Decroly a lutté contre l'enseignement livresque et réceptif. Il a voulu favoriser l'initiative et l'activité personnelle de l'enfant. C'est encore l'esprit du Docteur Decroly que l'on trouve à l'origine des grandes réformes actuelles de l'enseignement primaire. L'influence du père de l'Ecole de l'Ermitage ne s'est pas limitée à la Belgique : elle est actuellement mondiale.

    8. L'oeuvre de Decroly, qui comprend de nombreuses études portant notamment sur les intérêts de l'enfant, l'apprentissage du langage, les jeux éducatifs, la fonction de globalisation, les enfants irréguliers, et la pratique des tests mentaux, a été discutée. Les croyants en ont critiqué les bases positivistes et philosophiques. D'autres ont jugé arbitraire la distinction des quatre besoins fondamentaux qui ont de tout temps orienté l'effort créateur de l'humanité. Mais Decroly, en homme de science, en expérimentateur, a présenté ses méthodes de travail comme des points de départ vers des recherches nouvelles et n'ayant rien d'immuable. 

    IX. Célestin Freinet et les techniques d'expression libre

     * Titre IX - L'éducation au 20ème siècle1. Né à Gars dans les Alpes-Maritimes, Célestin Freinet (1896 - 1966) a été blessé au cours de la Première Guerre mondiale de 1914-18 et en garda des séquelles toute sa vie. Nommé instituteur en 1920 à Bar-sur- le-Loup dans un cours préparatoire pour garçons, Freinet prit rapidement conscience de ses impuissances physiques et professionnelles. Souffrant d'insuffisance respiratoire et refusant la discipline de fer, Freinet décida d'ouvrir les fenêtres et d'aller à la rencontre de la vie, à l'extérieur de sa classe.

    2. En 1928, instituteur à Saint-Paul-de-Vence, Freinet dut subir de violentes attaques en voulant imposer ses conceptions éducatives.

    Après ce conflit avec la municipalité locale, Freinet démissionna et créa sa propre école à Vence. Face aux enfants pleins de vie, ses lectures ne le rassuraient pas du tout ! Il sentait bien que c'était de cette vie qu'il fallait partir. C'est pourquoi son idée-maîtresse fut "La vie se prépare par la vie". Dévastée pendant la Seconde Guerre mondiale, son école fut reconstruite plus tard et enfin reconnue comme école expérimentale.

    3. Freinet a relaté les résultats de ses expériences dans des brochures d'Education nouvelle et populaire et dans plusieurs ouvrages dont "L'Ecole moderne française". Il doubla son action proprement pédagogique d'un effort de propagande assez important.

    4. Depuis 1945, l'école privée de Vence où Freinet avait poursuivi ses expériences, fonctionna comme centre scolaire officiel de la région de Marseille. Elle reçut des instituteurs stagiaires qui venaient s'initier aux méthodes de Freinet. Dès 1925, Freinet avait créé un groupement qui rassembla très vite de nombreux sympathisants : "L'Institut coopératif de l'Ecole moderne". En Belgique, "L'Education populaire", mouvement frère, fut créé en 1938.

    5. L'ambition de Freinet était de rénover l'enseignement primaire public, en y introduisant des méthodes, des techniques exposées par le groupe d'instituteurs réunis en coopérative, et de mettre au point le matériel nécessaire à cette transformation.

    6. Comme tous les pionniers de l' "Education nouvelle", Célestin Freinet fit siennes les critiques formulées à l'égard de l'enseignement traditionnel. Il fit du travail libre le moteur principal de l'activité éducative. Partant de l'étude du milieu local, Freinet puisa dans la vie véritable de l'enfant, dans ses expériences, ses découvertes, les éléments de base de sa formation, de son instruction et de son éducation.

    7. Freinet critiqua les "centres d'intérêt" de Decroly car ceux-ci visaient surtout les acquisitions intellectuelles. Plus proche des intérêts sensibles de l'enfant, de leur mobilité et de leur courte durée, Freinet eut recours à des techniques plus ou moins passagères, liées au contenu de l'expression libre, soit dans le texte libre, soit dans l'expression orale, soit dans des événements vécus individuellement ou socialement. C'est pourquoi il préféra l'expression "complexes d'intérêt".

    En pratiquant l'imprimerie, les éducateurs sont à l'écoute des vrais intérêts dominants. Pour Freinet, il faut avant tout s'intéresser aux enfants, à la vie qui les entoure et à leurs échanges inter-scolaires. L'enfant, se sentant concerné, cherchera, observera, vivra et construira ses connaissances.

    Dans les écoles Freinet, les leçons sont  supprimées mais les programmes sont cependant respectés. L'étude du milieu est vécue ; les enquêtes et les explorations sont regroupées dans un fichier scolaire coopératif dont le volume augmente d'année en année. Pour contrôler les acquisitions, Freinet mit au point un système de plans de travail et des brevets.

    8. Freinet n'était pas pour la liberté totale des enfants. La liberté individuelle de travailler, de se déplacer, de parler ou d'écrire ne peut pas empiéter sur la liberté des autres. Pour obtenir un maximum de liberté, il faut un maximum d'organisation technique. Si celle-ci est bonne, l'ordre et la discipline doivent régner. Le grand problème pédagogique que formula Célestin Freinet est celui de l'organisation du travail et des techniques par lesquelles l'école peut toucher au maximum les enfants afin d'obtenir un maximum d'efficience.

     * Titre IX - L'éducation au 20ème siècle9. En exerçant son métier d'enseignant pendant 20 ans, Freinet est passé de l'empirisme instinctif individuel à l'empirisme expérimental collectif. C'est au contact des problèmes rencontrés qu'il s'est mis en cause, qu'il a mis la pédagogie en question et qu'il a cherché progressivement à travailler autrement. sa méthode est donc celle du tâtonnement expérimental.

    10. Pour Célestin Freinet, le but de l'éducation est la libération intégrale des individus, leur préparation à la vie dans une société régénérée par la solidarité des humains entre eux. Freinet attendait une transformation de la société en appliquant les théories marxistes.

    Les partisans de l' "Education nouvelle" qui n'acceptaient pas les théories de Marx pouvaient néanmoins collaborer avec Freinet puisqu'ils attendaient comme lui un changement de société. 

    11.  C'est par la technique de l'imprimerie que Freinet voulut transformer l'école. Il rejeta les manuels scolaires qui asservissaient les maîtres et les élèves par la forme d'enseignement. La disparition des livres permit l'emploi de la technique nouvelle. L'imprimerie est un moyen d'éducation qui permet à chaque enfant de s'extérioriser et qui permet l’apprentissage de la langue maternelle ; elle donne envie de communiquer, de persévérer.

    12. Célestin Freinet n'était pas un philosophe mais un praticien. Il mit toute sa foi dans le développement de l'école populaire. Pour lui, le monde va vers le socialisme, vers une société qui garantira le mieux l'épanouissement de l'individu. Pour réaliser cet idéal, il proposa de nombreuses techniques mais le souci des grandes valeurs humaines reste continuellement au premier plan de son oeuvre. Il a su à la fois réaliser une synthèse géniale des grandes idées psychologiques contemporaines et la marquer de ses vues originales.

    Freinet est l'un des rares pédagogues praticiens qui assigna à sa pratique une fin non-conformante, dans un système en rupture avec les systèmes traditionnels, en particulier sur le plan des relations. L'essentiel est caractérisé par la libération du langage et de l'expression ainsi que par la notion d'unité de production coopérative.

    X. L'Education nouvelle en Autriche

    1. L'Autriche est la grande vaincue de la Première Guerre mondiale. Le pays étant ruiné, il ne vivra qu'en produisant beaucoup et bien. C'est à l'école que l'on demanda de préparer les artisans du réveil économique, les ouvriers des industries d'exportation à rénover ou à créer et les paysans capables d'exploiter plus rationnellement la terre.

    2. La tâche de l'école est double : elle doit affermir le nouveau régime républicain et devenir elle-même le premier instrument de redressement économique. 

     * Titre IX - L'éducation au 20ème siècle3. Parler de la réforme scolaire en Autriche, c'est surtout parler de la réforme scolaire à Vienne ; c'est aussi rendre hommage au ministre de l'Instruction publique, Otto Glöckel, qui dota la capitale de son pays d'un enseignement public qui fit l'admiration de tous pour la valeur de son organisation et des méthodes nouvelles.

    4. A l'âge de 3 ans, les petits étaient admis dans les "Kindergarten", jardins d'enfants établis avant la guerre par les soins de l'initiative privée. On n'y donnait aucun enseignement suivi mais on y poursuivait l'éducation des petits selon les méthodes de Froebel et de Madame Montessori.

    5. La charte de l'école rénovée (1920) donna des directives dont l'école devait s'inspirer pour devenir un milieu propre à développer la culture générale et à assurer un meilleur choix de l'élite. L'école devait prendre davantage conscience de sa tâche sociale et nationale ; l'organisation scolaire devait être unifiée ; la spécialisation des études devait être le plus possible retardée ; les cycles d'études devaient être réduits à un minimum pour assurer à chacun sa culture professionnelle.

    6. Les écoles viennoises se sont libérées de la tutelle de l'horaire. Toute l'activité scolaire s'exerçait dans la réalité vivante qui change à chaque heure, déroutant les prévisions les plus savantes, obligeant sans cesse les maîtres à rectifier leur enseignement et à conformer leur tâche aux demandes toujours nouvelles des petits. Activité personnelle de l'enfant, enseignement tiré d'un milieu ambiant, concentration des études autour d'un centre d'intérêt, tels étaient les principes de la méthode.

    7. Année après année, la réforme s'est affermie et a progressé. L'école viennoise s'est démocratisée et laïcisée par respect de la personnalité de l'enfant. Elle s'est faite à la mesure de l'enfant et a relevé la dignité de l'instituteur en faisant de lui un éducateur aimé et respecté.

    La réforme scolaire a abouti à l'organisation d'un système d'éducation publique conforme aux données de la science pédagogique contemporaine et adapté à l'idéal social du pays.

    8. Avant la guerre, l'enseignement secondaire autrichien se caractérisait par la multiplicité des établissements divers qui rendait plus compliquée l'orientation des élèves et le passage d'une école à l'autre. Pendant son passage au ministère, Glöckel n'eut pas le temps d'organiser l'école moyenne commune. En 1927, le Parlement national autrichien vota la loi sur l'enseignement secondaire. Cette loi, applicable dans tout le pays, institua des écoles secondaires comportant 8 années d'études, faisant suite à la quatrième année de l'école primaire ; elle sanctionnait aussi l'existence de l'école moyenne commune qu'elle rendait obligatoire.

    XI. Henri Wallon, Jean Piaget et Roger Cousinet

     * Titre IX - L'éducation au 20ème siècle1. Connu, avec Langevain, pour avoir attaché son nom au "Plan de Réforme de l'Enseignement" en France en 1946 et que nous avons déjà évoqué ci-dessus, Henri Wallon (1879 - 1962) a, lui aussi, apporté une contribution importante à la psychologie de l'enfant.

    L'une des idées de Wallon est que l'homme est le produit de deux facteurs de développement inséparables : un facteur biologique lié à la maturation du système nerveux, et un facteur social constitué par les échanges permanents entre l'enfant et son entourage.

     * Titre IX - L'éducation au 20ème siècle2. Il est très difficile de résumer l'oeuvre de Jean Piaget (1896 - 1981) (Voir notre étude "Jean Piaget, cet inconnu célèbre" - Lien URL) et l'immense contribution qu'elle apporte aux développements actuels de la pédagogie vu la multiplicité des domaines qu'elle explore.

    Les vues psychologiques de  Piaget doivent nécessairement aboutir à une mutation pédagogique dans la mesure où deux principes essentiels sont associés : l'importance de l'action dans la genèse de la pensée enfantine et l'importance de l'autonomie éducative dans un cadre socialisant.

    3. On a souvent tenté d'opposer Wallon et Piaget. Si le premier a tenté de dégager les aspects figuratifs de la pensée, le second en a précisé les aspects fonctionnels si bien que nous penchons plutôt pour la complémentarité de leurs vues que pour l'antagonisme de leurs idées.

     * Titre IX - L'éducation au 20ème siècle4. Les conceptions pédagogiques de Roger Cousinet (1880 - 1973) s'inspiraient des idées de Jean-Jacques Rousseau. Auteur d'une "Méthode de travail libre par groupes", Roger Cousinet considérait l'enfance, non comme une transition, mais comme un état, avec ses caractères, sa vie propre et son développement spécifique.

    Son idée de base consistait à substituer à l'autorité enseignante de l'adulte l'activité laborieuse de l'enfant au sein du groupe, le maître n'ayant plus qu'un rôle de conseiller et d'informateur, et les enfants ayant le devoir et les possibilités de rechercher par eux-mêmes l'information avec tous les moyens dont ils disposent.

    Roger Cousinet distinguait deux types d'activités : les activités de création d'une part, et les activités d'acquisition des connaissances d'autre part. Les activités libres devaient être orientées par le souci d'éviter les erreurs. C'est pourquoi il accorda de l'importance à la correction et à l'examen critique. 

    XII. La tendance "Pédagogie expérimentale"

    1. En réaction contre la didactique déductive d'Herbart est né un mouvement qui avait pour but l'observation la plus fidèle possible de la réalité scolaire et de l'action didactique. En Europe occidentale, c'est généralement E. Meumann (1862 - 1917) qui est considéré comme le chef de file des chercheurs. Professeur de philosophie à l'Université de Zurich, il eut comme charge accessoire le cours de pédagogie.

    De 1891 à 1897, il travailla au laboratoire de Wundt à Leipzig où il étudia la psychologie expérimentale, ce qui expliqua sa façon d'envisager les problèmes didactiques et les techniques de recherche qui s'y rattachent. Ses investigations concernaient la croissance physique, le développement du langage, l'origine et la signification des mots et la mesure de la fonction intellectuelle.

    D'autres recherches se rapportaient à la technique de l'apprentissage, à l'influence du rythme des répétitions, à la mémorisation et à l'oubli, aux différences dans l'apprentissage individuel ou en groupe.

    Meumann a voulu donner à la pédagogie une base expérimentale. Son mérite essentiel est d'avoir rompu avec la pédagogie purement philosophique et déductive qui s'appuyait sur des opinions et des expériences subjectives. 

     * Titre IX - L'éducation au 20ème siècle2. Peter Petersen (1884 - 1952) est un philosophe et un pédagogue allemand. Philosophe, il enseigna à l'Université d'Iéna. Il est l'auteur d'un projet de réforme de l'éducation, appelé "Plan d'Iéna" sur lequel il a travaillé toute sa vie. Selon lui, il faut centrer l'enseignement sur le développement de l'enfant et intégrer les apprentissages cognitifs, psychomoteurs et socio-affectifs. La question de la motivation de l'enfant et de sa socialisation sont essentielles. Il convient donc d'alterner travail individualisé et travail de groupe, en respectant le rythme de chaque élève. L'entraide est valorisée dans des "classes verticales". 

    Sa démarche est celle de la "recherche-action" : réflexion théorique, observation des élèves, stratégie pédagogique, puis évaluation des effets. Peter Petersen a joué un rôle important dans l'élaboration de la didactique empirique. Dès 1924, année de sa nomination à l'école universitaire de Iéna, il s'est efforcé d'approfondir empiriquement les processus de l'action didactique.

    3. Parallèlement à ce mouvement en Allemagne, des essais analogues furent tentés en Angleterre. W. H. Winck fut le premier à appliquer la technique des groupes parallèles dans la recherche empirique afin de comparer deux méthodes de travail didactique. 

     * Titre IX - L'éducation au 20ème siècle4. En France, c'est l'oeuvre accomplie par Alfred Binet (1857 - 1911) qu'il convient de citer. Son "Echelle métrique de l'intelligence" exerça une grande influence. Binet n'a pas eu la prétention de faire oeuvre de pédagogue mais s'est efforcé de développer l'esprit d'exactitude et de précision chez les enseignants. Il eut le mérite d'avoir accompli ses recherches psychologiques dans des situations pédagogiques et avec un sens remarquable des relations pédagogiques.

    5. A l'époque où se déclencha ce nouveau courant en Allemagne naquit et se développa aux Etats-Unis un mouvement de recherche tellement vaste qu'on ne peut plus, à l'heure actuelle, en mesurer l'étendue et la diversité.

    J. M. Rice en est considéré comme le chef de file. En 1897, il publia une série d'articles concernant les difficultés orthographiques chez 3300 élèves : c'était un compte-rendu objectif du rendement de l'enseignement de l'orthographe. Ce mouvement essaya de se rendre compte de l'efficience des méthodes d'enseignement. Seule la mesure du produit et de l'effet de l'apprentissage pouvait faire connaître la valeur de cette efficience. Les dates importantes du développement de la science de l'éducation aux Etats-Unis correspondent à celles du développement de la méthode statistique. Des recherches ont également été organisées en rapport avec les problèmes propres à la psychologie éducationnelle tels que les différences individuelles et les processus de l'apprentissage.

    Actuellement, ce courant de recherches empiriques se poursuit dans toute sa force aux Etats-Unis, sous l'influence de l'American Educational Research Association (A. E. R. A.). Le mouvement ascensionnel du budget officiel constitue la meilleure preuve du développement de l'investigation scolaire aux Etats-Unis.

    6. Dans plusieurs pays, la recherche pédagogique joue, depuis 1945, un rôle important dans le contrôle objectif et le progrès de l'enseignement.

    La recherche pédagogique, née vers la fin du 19ème siècle, s'est en fait peu développée pendant 50 ans dans les pays européens.

    Malgré le dédain des autorités et la grande méfiance des maîtres à l'égard des nouveautés, la recherche pédagogique a cependant conquis une place dans quelques programmes universitaires. Depuis la fin de la dernière guerre mondiale, elle trouve très laborieusement une audience plus large dans l'opinion des maîtres.

    Depuis une vingtaine d'années, les chercheurs cessent de s'isoler ; on assiste à la naissance d'une méthodologie de la recherche ; l'orientation des recherches s'effectue en fonction des besoins de la planification scolaire de l'enseignement. 

    Enfin, on tente de plus en plus de faire prendre conscience aux enseignants des systèmes éducatifs pratiqués en dehors de leurs pays.

    Tels sont les traits marquants qui caractérisent les efforts accomplis en pédagogie expérimentale ces dernières années. Dans tous les états de l'U.R.S.S., ainsi que dans les universités, existent des laboratoires qui effectuent des travaux de recherche en profondeur, dans un esprit inspiré par la psychologie de Pavlov.

    7. C'est à l'époque où convergeaient les premiers progrès significatifs de la jeune psychologie scientifique et le besoin accru de personnel instruit pour les entreprises et les services que naquit la recherche pédagogique en Belgique, à la charnière des 19ème et 20ème siècles.

    Les revues de l'époque témoignent de curiosités diverses qui contenaient en germe la plupart des problèmes actuels que connaissent les régions industrielles et les grands centres urbains.

    C'est à Christians que l'on doit d'avoir mis sur pied le premier centre d'orientation professionnelle.

    Les Docteurs Demoor (1867 - 1941) et Decroly (1871 - 1932) commençaient à s'intéresser aux enfants anormaux.

    Jean Demoor, d'abord instituteur, puis docteur en sciences naturelles, physiologiste, professeur à la faculté de médecine de l'Université Libre de Bruxelles dont il devint finalement le recteur, fonda la science de l'éducation sur une observation multiforme : biologique, psychologique, physiologique, pathologique et sociologique.

    Avec Tobie Jonckheere, professeur à la Faculté de Philosophie et Lettres de l'Université libre de Bruxelles, il écrivit en 1915 "La Science de l'Education". Cette oeuvre de synthèse d'études scientifiques poursuivies pendant des années, résultat d'une longue expérience de l'enseignement, ne fut publiée qu'en 1920, après les tragiques événements qui bouleversèrent le monde.

    En 1919, Jean Demoor contribua à fonder, à l'U.L.B., l'Ecole de pédagogie qui devint plus tard la Faculté des Sciences psychologiques et pédagogiques.

    En 1906, le Docteur Ovide Decroly publia des essais et des résultats de ses recherches sur l'application de la méthode "idéo-visuelle" de lecture aux enfants normaux et anormaux.

    Après 1918, divers instituts de pédagogie se créèrent dans les universités : à Bruxelles en 1919, à Louvain en 1923, à Gand en 1927.

    En 1928 s'ouvrit un laboratoire de pédagogie dans la banlieue liégeoise. ce centre de psychologie scolaire œuvra en coopération régulière avec les enseignants et rendit de nombreux services au progrès du travail dans les classes.

    8. Si des recherches de pédagogie expérimentale d'avant 1930 ont trouvé peu d'écho auprès des maîtres peu initiés à ces techniques, par contre, quelques travaux de cette époque gardent une certaine valeur actuelle. C'est le cas de la création de la première batterie analytique pour l'examen individuel de l'intelligence, en français, due au Docteur Vermeylen qui s'en servit pour établir une classification psychologique des formes de la débilité mentale.

    9. Mais l'élan le plus décisif qui fut donné à la recherche éducationnelle en 1935, c'est la publication, par le Professeur Buysse de l'Université de Louvain, d'une véritable méthodologie de l'investigation pédagogique, guide de plusieurs générations de chercheurs. La contribution du professeur Raymond Buysse (1889 - 1976) au développement de la pédagogie expérimentale est très importante.

    Professeur à l'Ecole de pédagogie et de psychologie appliquée à l'éducation, fondée en 1923 auprès de l'Université de Louvain, Buysse a formé un certain nombre de collaborateurs qui l'ont aidé dans une série d'études psycho-pédagogiques et ont poursuivi son oeuvre dans une orientation proche.

    Après la guerre mondiale, Buysse a séjourné en Amérique avec le Docteur Ovide Decroly afin d'y étudier sur place le mouvement des tests. Il se documenta au sujet de la pédagogie expérimentale en Allemagne et en Suisse où Robert Dottrens jouait un rôle important.

    En s'intégrant au mouvement des tests américains et au développement de la pédagogie expérimentale allemande, le professeur Buysse, qui connaissait bien les limites de la méthode de la recherche expérimentale en pédagogie, est considéré comme l'un des représentants les plus importants de la pédagogie expérimentale. 

    10. Diplômé de l' « Ecole normale Charles Buls », Sylvain De Coster exerça de 1927 à 1937 les fonctions d’Instituteur dans une école de la Ville de Bruxelles. Entretemps, il s’était inscrit à l’Université Libre de Bruxelles où, en 1938, il obtint le diplôme de Docteur en Philosophie et Lettres. Professeur de français, puis, Directeur de l' « Ecole normale Charles Buls » à partir de 1945, il fut responsable de la « Direction générale de l’Instruction publique et des Beaux-Arts » de la Ville de Bruxelles. Vice-président de la Ligue dont il était membre depuis 1930, il en devint ensuite Président pendant de nombreuses années de la « Ligue internationale de l’enseignement et de la culture ». Après 1945, Sylvain De Coster, devenu professeur à l'Université libre de Bruxelles puis Directeur du Centre de Sociologie de l'Education, a apporté une importante contribution au progrès de la recherche pédagogique par ses exposés sur la complémentarité et par les applications qu'il en a tirées dans ses travaux.

    L'objectif de la méthode de la complémentarité réside dans la volonté d'expliquer les faits psychologiques et pédagogiques grâce au concours de plusieurs disciplines, telles la psychologie et la sociologie. Par ses recherches, enquêtes et nombreux travaux, le Professeur Sylvain De Coster s'est efforcé de clarifier le caractère complexe des situations éducationnelles dans lesquelles interviennent de multiples facteurs biologiques, psychologiques, scolaires et sociaux.

    En 1970, il publia, avec Fernand Hotyat un ouvrage de synthèse remarquable : "La Sociologie de l'Education".

     * Titre IX - L'éducation au 20ème siècle11. Deux ouvrages de synthèse, dus à la plume de Gilbert De Landsheere, professeur à l'Université de Liège, constituent de véritables manuels de travail qu'utilisent les chercheurs et les étudiants. Abondamment illustrés d'exemples relatifs à la psychologie et à la pédagogie, ils contiennent un relevé des apports récents sur les thèses et les investigations objectives, des exposés techniques, statistiques et méthodologiques concernant les diverses phases de la recherche. Ce sont : "Introduction à la recherche pédagogique" et "Les tests de connaissance".

    12. En Belgique, la recherche en éducation s'est fixée comme objectif, depuis 1972, de mieux connaître l'élève comme enfant ou adulte en état d'apprentissage ; de mieux connaître les éducateurs et l'enseignement ; de mieux connaître les matières à enseigner, les objectifs à poursuivre et les moyens pour les atteindre ; de mieux connaître le fonctionnement du système éducatif ; et enfin de prendre connaissance des solutions apportées par d'autres dans le passé et le présent.

    13. Ainsi, le service didactique expérimental de l'Université libre de Bruxelles s'emploie depuis 1970 à examiner comment se présentent les aptitudes et les attitudes vis-à-vis de la prise d'information personnelle.

    Chapitre V : Les courants non directifs

    I. Le courant de la pédagogie libertaire

    1.Le mouvement"libertaire" est lié à celui de l'Education nouvelle. Il accorde une valeur extrême aux principes énoncés par Jean-jacques Rousseau : faire confiance absolue à la nature de l'enfant ; la laisser se développer spontanément, avec la conviction qu'elle conduira d'elle-même à l'épanouissement de la moralité si aucune influence adulte ne l'entrave ou ne la déforme.

     * Titre IX - L'éducation au 20ème siècle2. Dès 1859, Léon Tolstoï (1828 - 1910) mit ces principes en application dans l'école qu'il avait créée dans son propre domaine.

    Romancier et moraliste russe, Tolstoï a écrit une douzaine d'études pédagogiques dont la plus importante est "L'Ecole de Isnaïa-Poliana" (1862). Dans son oeuvre, Tolstoï a critiqué l'enseignement basé sur l'obéissance et sur l'amour-propre, et commandé par l'ambition. Il proposa une école dominée par le principe de la liberté : liberté pour le maître et pour l'élève. Mais cette liberté totale n'est possible que si l'enseignement est intéressant. Il faut donc susciter l'intérêt des enfants.

     * Titre IX - L'éducation au 20ème siècle3. Parmi les représentants de la pédagogie libertaire, il faut aussi citer une institutrice suédoise, Ellen Key (1849 - 1926) qui apparaît comme le plus fougueux représentant de ce mouvement. Son ouvrage principal s'intitule "Le Siècle de l'Enfant" traduit en français vers 1900. Le but qu'elle assigna à l'éducation était de laisser se former des individualités fortes, conscientes de leur originalité et de leur autonomie, non assujetties aux opinions et traditions reçues, et refusant d'obéir aux instincts de troupeau qui diminuent et contrecarrent le sentiment et le jugement personnels.

    Le livre d'Ellen Key connut un grand succès en Allemagne. Il influença probablement un autre pédagogue allemand : Ludwig Gulitt qui se fit l'apôtre de l'éducation par le sport et la vie libre au grand air. Il développa ses idées dans "Education de la Virilité", son ouvrage principal. Gulitt patronna le mouvement de jeunesse du "Wandervogel" qui se distingue du scoutisme parce qu'il est exclusivement l'oeuvre des jeunes, sans aucune participation des adultes.

    4. L'expérience des "Libres Communautés scolaires de Hambourg", tentée dans cette ville dès 1919, se rattache également au mouvement libertaire. Les idées d'Ellen Key et de Gulitt y furent appliquées. L'avènement de l'hitlérisme lui fut fatal, mais cette expérience n'avait jamais connu un véritable succès.   

    II. Alexandre Sutherland Neill

     * Titre IX - L'éducation au 20ème siècle1. Déplorant, comme tant d'autres pédagogues, la passivité de l'enfant, l'éducation triste, aliénante, contraignante, prélude à une existence plus ennuyeuse encore, Alexandre S. Neill (1883 - 1973), dont l'expérience dans les écoles écossaises de l'Etat l'avait rendu opposé au système de l'enseignement traditionnel, redoutait pour l'enfant les effets de tant d'années de docilité et d'obéissance aveugles qui devaient logiquement amener l'enfant à être conventionnel et à accepter toute autorité.

    2. Neill ne voulait pas se contenter de la révolution pédagogique proposée par l'Ecole nouvelle. C'est ainsi qu'en 1921 il créa une "école de liberté" pour enfants de 5 à 15 ans : l'école Summerhill, à Leiston, dans la région de Londres. Les cours y étaient facultatifs ; il n'y avait ni examens ni diplômes ; personne n'était obligé de travailler sauf s'il s'était engagé à participer à une activité de groupe. Les quelque cinquante élèves participaient à la gestion de l'école.

    3. Tout comme Jean-Jacques Rousseau, Neill croyait en la bonté foncière de l'enfant qui peut se développer aussi complètement que ses capacités naturelles le lui permettent, même laissé en liberté et loin de toute suggestion adulte. S'étant donné pour but d'apporter le bonheur à un petit nombre d'enfants, Neill fit de l'école de Summerhill l'école probablement la plus heureuse du monde.

    4. Publié vers 1959, le livre de A. S. Neil connut dix ans plus tard un grand succès. La conception que Neill se faisait d'une éducation libre et antiautoritaire, à l'opposé de l'école traditionnelle, suscita l'enthousiasme mais aussi de sévères critiques. 

    5. Neill reconnut avoir été inspiré par S. Freud bien qu'il n'ait jamais voulu s'inféoder à aucun dogme. L'expérience de Summerhill préfigure d'une façon très spectaculaire les théories de psychanalystes ou philosophes modernes auxquelles elle donne une partie paradoxalement préliminaire.

    6. Très déçu par le manque d'ouverture dont faisaient preuve même des adultes qui voulaient s'occuper d'éducation nouvelle, A. S. Neill se rendit compte que ses idées ne se généraliseraient jamais car les adultes ont trop peur de perdre leur pouvoir. C'est pourquoi il s'est contenté de créer une école pour rendre des enfants heureux. On ne peut donc pas le considérer comme un théoricien de l'éducation ; son attitude est essentiellement intuitive.

    III. La pédagogie institutionnelle

    1. Depuis le début du siècle, la sociologie et la psychologie luttent âprement pour donner la meilleure explication au sujet des conduites humaines.

    La sociologie a éclairé le fonctionnement des institutions et a contraint l'éducateur à réfléchir sur la validité de ses actes par rapport à ces institutions. L'action éducative, longtemps centrée sur l'individu, cède maintenant le pas à une éducation groupale. La classe ne se présente plus comme une micro-société telle que Durkheim la représentait à l'image de la "grande" société, mais devient un lieu d'échanges entre un maître et des élèves, préparant l'affrontement à une réalité sociale très complexe et diversifiée. Le statut psychologique de l'individu se manifeste à présent comme dépendant, dans une large mesure, des circonstances et du milieu socio-économique.

    Actuellement, on ne peut plus douter de la valeur des conclusions sociologiques : l'école est trop adaptée à la société qui consacre les injustices ; l'école n'est pas assez adaptée à la société parce que les pauvres sont victimes de l'illusion égalitaire. On le voit : c'est l'organisation sociale tout entière qui est en cause. 

    2. A la fin du 18ème siècle, les philosophes ne disposaient que des ressources de leur imagination pour jeter les bases d'un monde meilleur car ils ne pouvaient placer leur confiance en aucune expérience de leur passé. Par contre, les auteurs qui se réclament de la tendance de la pédagogie institutionnelle sont principalement des enseignants chevronnés, des hommes d'idéal déçus dans leurs espérances. Les uns avaient fondé leurs espoirs sur l'idéologie marxiste, les autres sur la doctrine sociale de l'Eglise catholique.

    3. Depuis 1965, non nombre d'ouvrages ont été publiés par Lapassade, Dardelin, Hameline, Croziier et de Peretti. On y trouve les thèmes de la liberté, de l'autogestion et de la réforme scolaire. Ardoino, Vasquez, Oury, Lourau mais surtout Michel Lobrot nous apparaissent comme les auteurs les plus représentatifs du mouvement. Malgré quelques divergences de vue entre eux, ils montrent que les structures sociales, économiques et politiques notamment, conditionnent notre philosophie de l'éducation et surtout le système pédagogique qui en dérive. Ils insistent aussi sur la nécessité d'une réforme au niveau de l'institution. Ils font de l'autogestion le point de départ et le but de toute action éducative car toute action vise l'autonomie optimale des individus éduqués.

    4. Ainsi, la pédagogie institutionnelle a pour but de resserrer les liens qui unissent école et société, de montrer qu'éducation et pédagogie sont en étroite dépendance du politique. C'est un ensemble de techniques, d'organisations, de méthodes de travail, d'institutions internes, nées du mouvement de classes actives.

    La pédagogie institutionnelle place enfants et adultes dans des situations nouvelles et variées qui requièrent de chacun un engagement personnel, de l'initiative, de l'action et de la continuité.

    D'un point de vue statistique, Aïda Vasquez et Fernand Oury la définissent comme étant "la somme des moyens employés pour assurer les activités et les échanges de tous ordres dans et hors de la classe". D'un point de vue dynamique, ils la définissent comme "un courant de transformation du travail à l'intérieur de l'école". 

    5. La pédagogie institutionnelle trouve un vivifiant soutien logistique dans certains courants politiques révolutionnaires. Cette option pédagogique n'est répercutée par aucun parti politique. Les hommes qui y adhèrent ont bien souvent des idéaux opposés.

    La pédagogie institutionnelle nourrit de plus hautes ambitions que celle d'être une autre Ecole nouvelle.

    En analysant les ouvrages de Michel Lobrot, "Changer l'Ecole", d'Aïda Vasquez et Fernand Oury "Vers une pédagogie institutionnelle", on pourrait croire que ce mouvement réclame avant tout une bonne connaissance du statut psychosociologique des élèves en classe afin de mieux les diriger. Mais sur ce dernier point, les interprétations vont en sens divers et l'essentiel du problème tourne autour du concept de "non-directivité". C'est pourquoi il nous semble opportun d'examiner à présent l'oeuvre du psychologue américain Carl R. Rogers.

    IV. La pédagogie non-directive de Carl Rogers

    1. Maria Montessori nous a montré que l'enfant désire, de lui-même, apprendre et s'élever, et que le rôle de l'adulte consiste surtout à lui apporter une aide. Cela impliquait, pour commencer, la liberté de l'élève, conçue selon l'âge de celui-ci. C'était là une première forme de "pédagogie non directive".

     * Titre IX - L'éducation au 20ème siècle2. Carl R. Rogers, né à Chicago en 1902, représentant de l'orientation non directive de la pédagogie contemporaine, demanda aux maîtres, non plus de communiquer un enseignement extérieur à l'élève, mais de "créer un climat pédagogique, semblable au climat thérapeutique, un climat d'acceptation inconditionnelle".

    Le système thérapeutique du psychologue Rogers se base totalement sur sa conception de l'être humain ; l'homme est libre et n'a aucun compte à rendre à d'autres personnes mais il est responsable de ses actes. 

    3. La pédagogie de Rogers est une pédagogie centrée sur l'élève. Elle s'élabora à partir des constatations amères sur l'indigence de la créativité américaine et au départ des observations qu'il avait effectuées en s'occupant de psychothérapie d'enfants délinquants.

    Renouant avec la pédagogie de l'intérêt, Rogers préconise le contact avec les problèmes réellement vécus. La motivation doit partir de l'élève, avide de découvrir et de résoudre des problèmes. De nombreux éléments de son environnement constituent de véritables défis à son intelligence.

    Rogers insiste également sur la nécessité d'une réelle authenticité de l'enseignant, d'une acceptation et d'une compréhension réciproque du maître et des étudiants, ainsi que la disponibilité du maître qui propose, n'impose rien, ni modèle, ni objectif. Les élèves ne sont ni jugés, ni évalués.

    4. Pour Rogers, les apprentissages menaçant la personnalité sont dangereux. C'est pourquoi il suggéra aux enseignants d'installer au sein de leur classe un climat de confiance et la recherche du développement des relations.

    Dans la pédagogie rogérienne, l'accent est surtout mis sur la priorité à donner aux attitudes plutôt qu'à l'acquisition de connaissances. Le professeur est à la disposition de l'étudiant.

    Rogers estime que les apprentissages sont plus faciles lorsque l'élève peut prendre une part importante de responsabilité. Lorsque l'apprentissage est volontaire, il est plus valable, plus durable.

    5. Considérant la plupart des connaissances que l'on enseigne aujourd'hui seront périmées dans vingt ans, Carl Rogers fixe comme but à l'éducation d'aider l'individu à apprendre à apprendre, ce qui est probablement le meilleur moyen de permettre aux jeunes de progresser dans la vie en augmentant leurs connaissances et en continuant d'élargir leur vie intellectuelle et affective. Le monde évoluant constamment, il s'agit donc de permettre aux élèves de s'exprimer, de les préparer au changement. 

    V. Kurt Lewin, père de la dynamique de groupe

     * Titre IX - L'éducation au 20ème siècle1. Si la psychanalyse et la sociologie se rencontrent lorsqu'elles étudient les rapports qui unissent l'homme à ses différents milieux de vie, la sociologie envisage cependant seule les rapports groupaux.

    Kurt Lewin (1890 - 1947), prussien d'origine, directeur du "Research Center for group Dynamics" au Massachusetts Institute of Technology, fut, aux Etats-Unis, le promoteur de cette étude.

    2. Lewin, psychologue, étudia les comportements agressifs dans des clubs d'enfants et organisa des groupes assez semblables avec des types de direction variable. 

    Les expériences et les recherches poursuivies par Lewin et ses collaborateurs permirent d'apprécier l'influence des différents types d'animateurs sur l'atmosphère des groupes ainsi que les réactions de leurs membres.

    3. L'application d'un modèle dynamique aux relations entre personnes a contribué au développement d'une psychologie sociale expérimentale. C'est Lewin, le père de la "dynamique des groupes", qui mit en évidence cette force de distorsion qui se manifeste tant à l'intérieur d'un groupe que chaque fois que des groupes antagonistes se trouvent en présence. Par les prises de conscience qu'il permet et les directions d'actions qu'il suggère, le transfert de cette dynamique peut modifier utilement la situation initiale. 

    4. Depuis Kurt Lewin, la méthode a été progressivement affinée. Il est devenu courant d'opérer une distinction entre groupe d'étude, groupe de travail et groupe de diagnostic, en fonction de l'objectif fixé au point de départ.

    Facilitée par l'insuffisance des théories élaborées, la dynamique de groupe a envahi de très nombreux domaines dont l'enseignement et l'éducation. Par les données de la dynamique des groupes, l'enseignant, mis en présence des réactions collectives au sein de sa classe, peut conserver tout son sang-froid et éclairer les situations en reformulant les désirs exprimés en commun. 

    VI. La déscolarisation

    1. Lorsqu'on observe l'évolution de la société humaine, on constate bien souvent qu'une société à structure simple se contente de l'éducation naturelle. Par contre, lorsque son organisation croît en complexité, l'école instituée devient un élément indispensable au maintien et au développement de la civilisation. Il faut aussi remarquer qu'une fois atteint un certain niveau de complexité et de développement, il arrive que l'école devienne un obstacle paradoxal au progrès. Certains souhaitent alors la disparition de l'école étatique et veulent combattre le principe du monopole et de l'organisation bureaucratique des tâches. Certains désirent aussi le retour à la spontanéité de la transmission des connaissances et des habiletés.  

    2. Tels sont les souhaits de certains auteurs révolutionnaires qui critiquent aussi les institutions présentes et aspirant à une radicale transformation des mœurs sociales et scolaires. C'est ainsi que nous apparaît le mouvement de la déscolarisation.

    Les objectifs de l'Ecole nouvelle et de la pédagogie institutionnelle sont largement dépassés. Avec la déscolarisation, nous sommes loin du désir d'évolution de l'acte pédagogique cher à Georges Snyders. Le but de la déscolarisation est de faire "exploser" l'école et non plus de la transformer. Mais, comme nous allons le voir chez Ivan Illich, le sens de déscolarisation s'étend jusqu'à déscolariser toute la société !

    Les partisans de la déscolarisation, dont Ivan Illich et Didier Piveteau sont les principaux auteurs, offrent l'avantage de proposer les éléments d'une reconstruction. Mais il n'est pas certain que celle-ci réponde d'une manière cohérente aux problèmes posés par le courant des sociologues. 

    VII. Ivan Illich

     * Titre IX - L'éducation au 20ème siècle1. Né en Autriche en 1926, dans une famille yougoslave d'origine juive mais convertie au catholicisme, Ivan Illich devint prêtre et exerça à New-York. Vice-recteur de l'Université catholique de San Juan de Porto-Rico, il fonda par la suite une université libre d'un type nouveau à Cuernavaca au Mexique. S'inspirant des idées de Jean-Jacques Rousseau, il considère que la société est aliénante et que ses structures doivent être réduites à leur plus simple expression. 

    2. Illich a une connaissance approfondie des sociétés américaines et latino-américaines, ce qui lui a permis de mettre en évidence les vicissitudes du système économique et social en place dans ces pays. Déjà si évident dans les pays industrialisés, l'échec de l'école se révèle encore plus flagrant dans les pays où les modèles scolaires des nations développées ont été appliquées tels quels. Le savoir transmis par l'école s'avère le plus souvent inutilisable par les étudiants car il est le fruit de la civilisation occidentale. Dès lors, l'école n'a pour seul effet que de couper de la nation les étudiants qui arrivent à s'instruire assez longtemps pour échapper à la vocation agricole.

    En effet, au lieu d'aider tous ceux qui vivent autour d'eux, les étudiants doués rêvent, grâce au savoir acquis, d'accéder à des fonctions gratifiantes, à des emplois administratifs ou de s'expatrier loin de ces lieux de misère. 

    3. Vouloir déscolariser une nation qui s'ouvre à peine à l'école peut nous paraître une entreprise démente. C'est cependant l'objectif que s'est fixé Illich, le prophète de la déscolarisation dans le Tiers Monde. Le réquisitoire prononcé par Ivan Illich contre l'enseignement capitaliste transporté en Amérique latine est sans appel. Au lieu de la promotion collective espérée, c'est à la naissance d'une nouvelle société féodale qu'on a assisté. En faisant de la réussite scolaire le garant de l'utilité sociale, le système condamne tous ceux qui n'arrivent pas à décrocher un diplôme, barre la route à d'autres modalités de succès et culpabilise ceux qui échouent. Les peuples en voie de développement ont été amenés à croire à la promotion par l'école. Dès lors, ils ne comprennent plus que le chemin du progrès peut passer par une éducation populaire moins formelle, moins intellectuelle et moins sélective. 

    4. Illich considère l'école comme un fardeau, comme une institution que l'on n'ose détruire mais qui représente pourtant le plus dangereux ennemi de l'éducation démocratique. En effet, l'instruction obligatoire a éteint chez beaucoup d'individus le désir d'apprendre, et le désir de gravir aussi haut que possible les échelons de la hiérarchie scolaire n'aboutit pas à créer plus d'égalité dans la société.

    5. Dans les solutions concrètes qu'il préconise, Illich estime que la révolution éducative doit être guidée par des principes simples. Pour lui, il importe en premier lieu de libérer l'accès aux objets éducatifs qui sont actuellement le monopole de quelques personnes ou institutions. Il faut ensuite garantir le droit d'enseigner ou d'exercer ses talents à la demande, développer la créativité populaire en libérant les ressources critiques et créatrices des gens. Enfin, il importe aussi de libérer l'individu de l'obligation de modeler ses désirs selon les possibilités que lui offrent les professions établies. 

    6. Illich pense que chaque individu devrait pouvoir bénéficier d'une période d'éducation librement choisie au cours de son existence, aux frais du trésor public par un système de cartes de crédit. Il préconise un échange de compétences entre deux individus ayant atteint le même développement. L'appariement de partenaires égaux devrait procurer des bénéfices incomparables. Illich s'oppose à l'éducation faite uniquement par des éducateurs professionnels. 

    7. L'ardeur destructrice d'Ivan Illich apparaît parfois comme peu scientifique. Toutes les solutions qu'il préconise méritent d'être examinées, surtout si elles ressortissent à l'ordre social concret. Cependant il est assez difficile d'adhérer à l'ensemble de ses objectifs révolutionnaires et il est certes plus facile de mettre en pratique le système proposé par Illich dans un pays qui ne possède pas l'infrastructure scolaire suffisante. La déscolarisation de la société ferait inévitablement s'effacer les distinctions entre l'économie, l'éducation et la politique sur lesquelles repose la stabilité du monde actuel et de chaque nation.

    VIII. Didier Piveteau et la déscolarisation dans les pays développés

    1. Didier Piveteau est convaincu que l'école a eu son temps. Il n'en éprouve d'ailleurs aucune peine et souhaite même la mort de l'école pour que vive l'éducation ! Au-delà d'une réforme scolaire se dessine la réforme de la société qu'il n'oublie pas car les deux sont inséparables. 

    2. Quelles solutions concrètes propose-t-il ? L'éducation de demain exige une répartition des ressources pédagogiques. Piveteau propose le remplacement de la notion d'obligation scolaire par la notion de capital culturel mis à la disposition de chacun par la société et qu'il pourra utiliser au mieux de ses intérêts. Il met ainsi davantage l'accent sur le droit à l'éducation. 

    3. Selon Piveteau, à la déscolarisation correspond l'idée d'une sorte d'éducation permanente. Comme on le sait, si le principe de l'éducation permanente est généralement bien admis chez les enseignants, les réalisations restent pour l'instant à un stade embryonnaire et ses modalités soulèvent encore beaucoup de problèmes.

    4. Dans l'esprit des révolutionnaires comme Ivan Illich, Didier Piveteau et leurs disciples, les transformations de l'école ne sont pas séparables d'une profonde mutation de la société.

    5. La déscolarisation dans les pays industrialisés nous apparaît comme un mouvement qui rassemble d'innombrables pédagogues que l'école a déçus et qui prennent conscience qu'ils ont surtout manqué d'audace pour la transformer. La déscolarisation peut aussi être considérée comme un mythe propre à redonner foi et espérance en l'éducation.

    Chapitre VI :  Autres directions nouvelles

    I. L'enseignement audio-visuel

    1. La technologie est au monde moderne ce que la leçon de choses puis les sciences étaient au monde d'hier. Hier, l'enfant vivait au contact direct de la nature. La pédagogie rationaliste et scientiste estimait nécessaire de l'aider à mieux observer, tant pour comprendre la nature que pour développer sa logique et son raisonnement.

    De nos jours, la nature a reculé devant les applications techniques de la science. L'enfant voit aujourd'hui davantage les automobiles, les téléviseurs, les magnétoscopes, les appareils audio-visuels et il semble logique de lui en faire comprendre la construction et les principes scientifiques à la base de leur fabrication, en d'autres termes, leur technologie. 

    2. Les moyens audio-visuels sont des procédés modernes d'enseignement. Les messages qu'ils dispensent s'adressent à l'ouïe ou à la vue, ou aux deux sens simultanément. Ils postulent l'emploi d'appareils spéciaux de diffusion.

    Depuis un demi-siècle environ et, dans les meilleurs cas, on trouve dans les écoles au moins un appareil de projection fixe, un électrophone, un appareil de radio, un magnétophone et un appareil de télévision. Le cinématographe et l'épiscope sont plus rarement employés. Le magnétoscope a aussi fait son entrée à l'école. 

    3. Une organisation spéciale de la classe s'est imposée en vue de percevoir les messages valablement. Quand les moyens sont utilisés en mettant l'accent sur leur aspect matériel, on les désigne généralement sous l'appellation de "techniques audio-visuelles". Par contre, quand on veut insister sur leur valeur intrinsèque relative, face à l'homme qui les emploie efficacement et intelligemment, on utilise plutôt le vocable "auxiliaires audio-visuels".

    4. Le premier rôle de l'audio-visuel, et sans doute aussi le plus répandu, fut d'enrichir l'environnement pédagogique. L'école moderne, devant enseigner davantage et plus rapidement, devait disposer d'un enseignement hautement efficace et motivant. Mais une exploitation suffisante et efficace ne découle pas automatiquement d'une fourniture d'appareils. Encore faut-il mettre en parallèle l'affectation d'un personnel formé et responsable. Or, la formation des maîtres en ce domaine a, hélas, souvent été totalement négligée. 

    5. Moyens de diffusion, d'information, d'expression, de communication et d'interaction sociale, les audio-visuels sont un fait de civilisation en face duquel l'école actuelle peut refuser d'y recourir ou, au contraire, leur accorder une certaine considération. Leurs implications psychologiques et sociologiques sont incontestables. De nombreux auteurs et pédagogues ont pris position ; le pour et le contre sont à présent bien connus.

    6. Jean Piaget estimait que les moyens audio-visuels ne peuvent pas contribuer à la formation intellectuelle parce qu'ils ne demandent pas à l'enfant de manipuler, mais seulement de contempler le reflet de la réalité concrète. Heureusement, l'idée de ramener l'audio-visuel à sa seule fonction d'illustration a très rapidement évolué et les moyens tendent à devenir des outils d'expression personnelle, de communication et d'apprentissage actif.

    7. Comme d'autres auteurs, nous pensons que les moyens audio-visuels doivent être intégrés au processus d'enseignement, le rendre dynamique, faire apparaître de nouvelles possibilités et, par conséquent, de nouveaux problèmes. Il est temps de considérer l'audio-visuel comme un nouveau mode d'expression et de communication susceptible d'activer chez les élèves des potentialités laissées incultes par la communication verbale. Il est dès lors indispensable de mettre en place une véritable politique d' "alphabétisation audio-visuelle" des élèves et des maîtres, c'est-à-dire une politique d'initiation à la compréhension et à l'expression audio-visuelle. 

    8. Dans le courant psycho-pédagogique actuel, l'inclusion des moyens audio-visuels est indispensable parce qu'elle permet de démocratiser, d'individualiser l'enseignement, de faciliter les apprentissages, d'adapter la forme de communication au type d'enseignement, d'introduire un nouveau type d'information et de moderniser l'école en y introduisant les média sous leur forme didactique. La communication audio-visuelle est en effet étroitement liée à l'individualisation de l'enseignement, qu'elle soit intégrée à l' "auto-instruction", à l'apprentissage ou au travail autonome.

    II. L'enseignement programmé

    1. Toute l'histoire de la pensée pédagogique, dans le domaine des apprentissages scolaires, est dominée par le souci de présenter les notions d'une manière très progressive. Le principe de l'enseignement programmé repose sur deux idées essentielles :

    • La première de ces idées, c'est de présenter les matières à apprendre selon une progression stricte, en augmentant aussi peu que possible la difficulté d'une question à l'autre. Cette progression est naturellement orientée très logiquement vers un but déterminé. Elle s'effectue par petites étapes préalablement déterminées par une étude sur la manière la plus adéquate de présenter la matière à enseigner.
    • La seconde de ces idées, c'est de respecter les rythmes d'acquisition individuels, différents d'un enfant à un autre. Ce rythme de progression dans l'exercice est donné par l'élève lui-même.

    2. L'enseignement programmé se définit donc comme un ensemble de techniques didactiques dont le but est d'approcher l'efficacité optimale du processus d'apprentissage par l'analyse et le contrôle de chacune de ses phases et en mettant en oeuvre des principes et des moyens éprouvés expérimentalement.

     * Titre IX - L'éducation au 20ème siècle3. La base fondamentale de l'enseignement programmé est la psychologie des comportements à laquelle se rattache le nom du psychologue B. F. Skinner qui a consacré l'essentiel de ses travaux à l'étude de l'apprentissage. Il a notamment montré qu'un comportement peut être appris si l'on prend la peine de bien utiliser le renforcement de la bonne réponse.

    4. Un cours programmé n'est pas un livre comme les autres. Il se présente, au contraire, comme une série de séquences qui comportent chaque fois un élément d'information suivi d'une question.

    Skinner minimisait les chances de mauvaise réponse : l'élève ne peut répondre que par un mot, un nombre ou même une phrase, et cette bonne réponse est renforcée par la connaissance immédiate du résultat. Le programme skinnérien est du type linéaire. Par contre, dans la programmation ramifiée, à choix multiples, de Norman Crowder, on accepte que l'élève se trompe et on lui offre la possibilité de faire un détour dans son apprentissage, en recevant un complément d'information qui l'amène à réduire la difficulté et à continuer sa progression. 

    5. L'expression "enseignement programmé" serait incorrecte. Le terme français qui prévaut, c'est "machines à enseigner". Celles-ci ne sont en fait que des supports pratiques dont le programme, contenu qu'elles présentent, est l'élément essentiel.

    6. Les techniques de la programmation offrent des possibilités innombrables. Cependant, les élèves ont une manière d'appréhender la connaissance qui n'est pas forcément conforme à ces modèles. Il faut donc être attentif au contexte de l'emploi de l'enseignement programmé.

     * Titre IX - L'éducation au 20ème siècle7. A l'origine des machines à enseigner se raccroche le nom de Carleton Washburne qui tenta de réaliser une arithmétique programmée. Les principes dont il s'inspira sont assez semblables à ceux que posa Skinner.

    Freinet et ses collaborateurs ont recueilli l'héritage de Washburne en adaptant l'arithmétique programmée qu'ils présentèrent sous forme de fiches d'information, d'exercice et de contrôle. La Coopérative Freinet a programmé, sous la forme de bandes et de boîtes enseignantes, diverses séquences de l'enseignement du français et de la mathématique. Mais leur confection ne fait apparemment pas suite à une stricte expérimentation.

    8. Bien que la boîte enseignante fut une idée ingénieuse, des machines plus perfectionnées se développèrent aux environs de 1960 : des machines pour programmes linéaires, pour programmes ramifiés, des machines dites "cybernétiques", proches des ordinateurs, et des machines collectives qui posaient une question à toute une classe mais équipées de dispositifs pour les réponses individuelles.

    9. Ces machines ne connurent pas le succès escompté car elles s'avérèrent moins efficaces qu'un manuel programmé, et très onéreuses. Un bel avenir semble en revanche promis aux ordinateurs.

    La révolution technologique qu'a connue notre monde depuis 1945 conditionne la percée prodigieuse de l'informatique et de l'ordinateur dans notre société..

    III. L'ordinateur à l'école pour une science nouvelle.

    1. Depuis plusieurs années en effet, on parle de plus en plus d'informatique, d'ordinateurs, de logiciels, mots nouveaux pour une science nouvelle. L'informatique, troisième révolution depuis l'invention de l'écriture et de l'imprimerie, est la science du traitement rationnel, par ordinateur, de l'information envisagée comme support des connaissances humaines et des communications dans des domaines variés.

    2. Pour être opérationnelle, l'informatique requiert, d'une part, un support matériel, l'ordinateur, et, d'autre part, un support logique : les programmes que l'ordinateur peut comprendre et exécuter. L'interaction du matériel et des programmes permet d'enregistrer des données codées, de les soumettre à un traitement déterminé, de donner des résultats que l'homme peut ensuite exploiter.

    3. Né aux Etats-Unis en 1946, l'ordinateur n'est qu'une machine dépendant de l'homme pour ses programmes. Il le libère de tâches fastidieuses par sa puissance de calcul. L'enseignement assisté par ordinateur n'est pas chose nouvelle. Dès 1920, aux Etats-Unis, on a créé des machines à tester les connaissances, des machines permettant d'exploiter au maximum les mécanismes de l'apprentissage afin que l'élève apprenne le plus efficacement possible. Depuis cette époque, la recherche pédagogique se préoccupe du sujet.

    4. De plusieurs années déjà, l'enseignement assisté par ordinateur a commencé à faire parler de lui dans la vie scolaire quotidienne :

    • Le système PLATO est utilisé aux Etats-Unis, au Canada, en Allemagne, en France, aux Pays-Bas, en Grande-Bretagne et,, enfin, en Belgique, à l'Université Libre de Bruxelles depuis 1978. Il trouve ses origines dans les travaux de Skinner sur l'apprentissage et dans les premières machines à enseigner.
    • Les systèmes de mini- et micro-ordinateurs aux langages divers (BASIC, PILOTE, ...) sont des appareils autonomes, d'un prix plus abordable que les terminaux PLATO mais de qualité inférieure.
    • Le langage LOGO a été imaginé par le mathématicien informaticien Saymour Papert en se référant à Jean Piaget. Ce langage semble offrir des possibilités plus directes de créativité et de formation.

    5. L'ordinateur peut rendre des services à l'enseignant en tant qu'outil pédagogique. C'est un fait incontestable. Cependant, l'introduction de l'informatique à l'école ne peut se faire que sous certaines conditions. Une bonne attitude consiste à se préparer à l'utiliser de façon constructive et efficace. L'informatique doit passer par une information et une initiation des enseignants. 

    6. Trois champs opérationnels s'offrent à l'informatique au sein de l'école : la gestion administrative, l'introduction de cours d'informatique dans les programmes de l'enseignement secondaire, et enfin, le champ de la pédagogie et de la méthodologie.

    L'ordinateur peut en effet être un moyen efficace de gérer les écoles et un moyen d'enseignement aux avantages multiples. Il permet également d'initier la jeunesse à l'informatique qui conditionnera toute sa vie future.

    Mais il est bien entendu hors de question de faire de l'ordinateur l'unique moyen pédagogique. Il ne doit être qu'un appoint qui libère l'enseignant de démarches élémentaires ou fastidieuses et lui accorde davantage de temps à consacrer à la réflexion pédagogique et à la découverte de données nouvelles.

    7. L'ordinateur favorise la construction de programmes de niveaux variables que pourraient envisager des groupes de professeurs réunis par discipline. Il oblige l'enseignant à définir clairement ses objectifs et le conduit à découper et à ordonner les matières à enseigner ou à faire apprendre. De nombreuses difficultés nées d'une mauvaise évaluation du prérequis peuvent être contournées grâce à l'ordinateur qui laisse aussi plus de place à la réflexion puisqu'on lui confie toutes les opérations fastidieuses.

    8. L'enseignement assisté par ordinateur doit permettre l'individualisation des apprentissages en respectant le rythme d'acquisition propre à chaque élève. Il ouvre de larges perspectives en ce qui concerne les apprentissages par recherche personnelle, les rattrapages pour élèves en difficulté ou plus lents, la facilité des tests de contrôle, le recensement de certains types d'erreurs. Il faut également signaler les qualités pédagogiques de l'ordinateur dans la relation avec l'élève : la machine reste calme et parfaitement objective ! Par le climat ludique qui s'installe entre l'enfant et l'ordinateur qui lui répond, la motivation de l'élève pour l'apprentissage va croître considérablement.

    9. L'ordinateur doit permettre une évaluation précise et continue des connaissances acquises, favoriser l'initiation à l'informatique dont la généralisation dans notre société constitue sans doute une mutation sociale et un bouleversement technologique plus importants encore que l'avènement du machinisme et la révolution industrielle du 19ème siècle.

    Mais si l'ordinateur se révèle un excellent outil de travail, il n'est pas décidé à remplacer le maître mais à l'aider. Par une modification des données, il doit permettre une rapide actualisation des matières, avantage impossible avec les manuels imprimés.

    10. Alors que l'informatique s'est introduite assez facilement dans tous les domaines de la vie économique, scientifique, politique, culturelle et sociale, sa percée dans le domaine de l'éducation reste relativement lente et timide pour des raisons financières. Mais cette lenteur peut aussi être attribuée à la résistance naturelle ds enseignants au changement et à l’innovation pédagogique.

    Chapitre VII : Des luttes scolaires à l'enseignement obligatoire en Belgique (1830 - 1914)

    I. Le cadre général

    1. L'origine du problème de la "Question scolaire" en Belgique remonte au 18ème siècle, à l'époque du "despotisme éclairé" au cours de laquelle apparurent et se précisèrent la notion de communauté civile et l'idée que l'Etat doit dispenser la culture.

    Afin d'assurer son développement et sa prospérité, l'Etat a besoin de citoyens instruits et compétents. Et comme l'école forme les citoyens, il était logique que l'Etat intervienne dans l'enseignement, jusque-là monopole exclusif de l'Eglise catholique.

    En 1772, Marie-Thérèse d'Autriche avait fait reprendre les collèges des Jésuites par l'Etat, lorsque la Compagnie de Jésus fut supprimée. De plus, le monopole de l'Etat en matière scolaire s'était affirmé sous le régime napoléonien puis sous le régime hollandais.

    2. La Révolution de 1830 marqua une nette réaction à l'égard de cette politique. En effet, le peuple belge qui, à cette époque, était largement catholique, concevait mal que l'Etat se charge de l'éducation quand on sait que celui-ci doit se cantonner dans une prudente neutralité idéologique et que les catholiques n'envisagent qu'une éducation qui s'appuie sur une éthique.

    L'enseignement en Belgique a toujours été au centre des conflits entre la conception religieuse et la conception civile de l'organisation de la société.

    3. Comme il existait quand même des partisans de la primauté de l'enseignement de l'Etat, le problème des rapports entre autorité civile et autorité religieuse se posa. Un compromis devait être trouvé. C'est au niveau de la Constitution belge de 1831 qu'il s'est traduit. En effet, l'article 17 proclame :

    • la liberté de l'enseignement, c'est-à-dire la liberté pour chacun d'enseigner ;
    • le droit absolu du père de famille de choisir, pour ses enfants, l'école qu'il préfère ;
    • l'absence de monopole de l'Etat en matière d'enseignement ;
    • la compétence exclusive du législateur pour fixer les critères d'octroi de subventions aux écoles non organisées par les pouvoirs publics.

    L'article 17 de la Constitution organisait ainsi la libre concurrence en matière d'enseignement.

    4. En l'absence de lois-cadres, on assista à une anarchie relative pendant quelques années. Une multitude de réseaux scolaires se créèrent et se développèrent :

    • des écoles organisées par les pouvoirs locaux ou par l'Etat ;
    • des écoles privées organisées par les ordres religieux ;
    • des écoles privées organisées par l'épiscopat ;
    • des écoles privées laïques ;
    • des écoles purement privées et, enfin,
    • des écoles publiques, de type "pluraliste" contrôlées par le clergé.

    II. Les luttes politiques et scolaires

    1. Face au problème de la généralisation et de l'obligation de l'enseignement, des contradictions se manifestaient au sein même des partis politiques, catholiques et libéraux.

    L'idée de l'obligation scolaire, considérée comme moyen d'émancipation sociale, fit lentement son chemin, en particulier dans les milieux de la "gauche libérale" qui devint plus tard socialiste.

    2. Avec la condamnation des "libertés modernes" par le Pape Grégoire XVI (renouvelée par le Pape Pie IX en 1864) et avec la condamnation de la Franc-maçonnerie par l'épiscopat belge en 1837, on assiste à une scission progressive entre deux courants de pensée : un courant clérical et réactionnaire chez les catholiques, et, par opposition, chez les libéraux, un courant anticlérical, devenant de plus en plus antireligieux et libre-penseur. L'alternance des partis politiques au pouvoir détermina la politique à l'égard de l'enseignement.

    III. Les lois organiques de l'enseignement primaire

    1. La première loi organique de l'enseignement primaire, dite "Loi Nothomb", fut promulguée en 1842. Chaque commune devait dès lors entretenir au moins une école primaire publique ou adopter une école confessionnelle et l'enseignement de la religion devenait obligatoire. La généralisation de l'enseignement prévue par le premier volet de cette loi donnait un avantage certain aux libéraux. Le second point de cette loi était une concession aux catholiques. Ceux-ci ne voyaient pas la nécessité de développer un réseau d'écoles paroissiales important puisque les écoles "officielles" pouvaient les satisfaire.

    2. Au début, les libéraux et les catholiques étaient unis mais bientôt des divergences réapparurent. Dès lors, les lois organiques de l'enseignement allaient se succéder : l'une accentuant la prépondérance de l'Etat, l'autre augmentant celle de l'autorité privée ; l'une écartant la religion des cours obligatoires, l'autre l'y intégrant !

    3. En 1864, les libéraux créèrent la Ligue de l'Enseignement dont le but consiste à lutter pour la promotion de l'école publique, pour la laïcisation de l'école publique, pour l'obligation scolaire, pour l'élargissement des programmes, pour l'introduction de méthodes nouvelles et actives et pour le développement de nouveaux types d'enseignement jusque-là négligés : l'enseignement pour les filles, l'enseignement professionnel, technique et artistique essentiellement.

    4. Précédemment rattachée au Ministère de l'Intérieur, l'Instruction publique devint un ministère autonome en 1878.

    5. En 1847 déjà, le parti libéral avait inscrit à son programme la création d'un enseignement public indépendant des autorités religieuses. 

    Au fil des années, la doctrine de la laïcité se précisa et en 1879, la loi Van Humbeek organisa l'enseignement primaire selon les principes laïques chers aux libéraux. Elle consacrait la primauté de l'école publique, rendait obligatoire l'enseignement de la morale et facultatif celui de la religion, et plaçait les écoles dans une indépendance totale vis-à-vis des autorités religieuses. Cette loi centralisatrice et laïque ("loi de malheur" pour les catholiques) imposait une école primaire neutre et laïque par commune. L'enseignement religieux n'était donné que sur demande expresse des parents et en dehors des heures de classe. 

    6. Cette loi déclencha une véritable guerre scolaire. Elle imposa, au niveau du monde politique belge, des critères de distinction entre la "gauche" et la "droite". A la défense du principe de la laïcité, d'une école unique, accessible à tous, respectueuse des convictions de chacun et qui apprend aux enfants issus de milieux différents à vivre ensemble et à se respecter, s'opposait la défense de l'école libre catholique qui dispense une éducation donnant aux enfants les certitudes qu'apportent la révélation et la foi chrétiennes. Les catholiques abandonnèrent le principe du fondement religieux de l'enseignement public lorsque l'enseignement de l'Etat fut reconnu neutre. 

    7. Les catholiques tentèrent d'empêcher le développement de l'école officielle, tandis que pour la gauche libérale et socialiste, il s'agissait de dénier à l'école libre le droit à toute subvention, et de faire bénéficier l'école publique, l'école de tous, d'un statut privilégié.

    8. En 1884, les catholiques ayant accédé pour 30 ans au pouvoir, réussirent à faire voter la troisième loi organique : la loi Jacobs. Celle-ci dépouilla l'Etat de son monopole scolaire. Les communes retrouvèrent une large autonomie et purent adopter des écoles libres. Les catholiques profitèrent de l'occasion pour obtenir des subsides de plus en plus importants pour les écoles libres. 

    En 1894, ils obtinrent des subventions de l'Etat en faveur des écoles adoptables. En 1895, des subsides pour l'enseignement normal libre furent obtenus par la loi Schollaert, quatrième loi organique qui renforça aussi le caractère confessionnel de l'enseignement et rendait le cours de religion obligatoire sauf si le père de famille exprimait un avis contraire. En 1895 encore, l'enseignement des sciences naturelles et de la seconde langue nationale furent introduits dans les écoles primaires.   

    9. A la fin de ce 19ème siècle, la Belgique comptait environ 25% d'illettrés. C'est la raison pour laquelle les politiciens de gauche continuaient la lutte pour l'obligation scolaire. Il fallut attendre 1914 pour que l'obligation scolaire fut décidée : grâce au vote de la loi Poullet, l'instruction primaire devenait obligatoire jusqu'à l'âge de 14 ans ; le quatrième degré fut créé. Il ne s'agissait pas d'une obligation de fréquenter une école, mais bien de recevoir une instruction élémentaire conforme aux programmes officiels et sous le contrôle de l'Inspection scolaire.

    10. Cette cinquième loi organique imposait dorénavant aux membres du personnel enseignant d'être belges, porteurs d'un diplôme d'école normale belge ou du jury central. Elle instaura la gratuité pour tous les enfants, organisa l'inspection médicale scolaire et la prise en charge par l'Etat des traitements des instituteurs.

    Mais en raison des évènements historiques de 1914 - 1918, la loi ne sortit ses effets qu'en 1919. En 1930, des subventions furent obtenues en faveur de l'enseignement universitaire ; en 1933, pour l'enseignement technique. 

    Et ainsi, de compromis en compromis, la subsidiation de l'enseignement libre s'étendit dans des proportions de plus en plus larges jusqu'en 1950, tandis que socialistes et libéraux s'efforçaient d'obtenir des compensations.

    IV. La situation de l'enseignement secondaire

    1. Depuis 1830, l'enseignement secondaire public était aux mains des communes. Il était dispensé dans des athénées ou collèges, subsidiés par l'Etat. Une liberté relative en ce qui concerne l'application des programmes permit à certains établissements de réaliser des expériences nouvelles. 

    2. Dès 1830 par exemple, on créa à l'Athénée de Bruxelles, une section professionnelle aux côtés de la section des humanités classiques. En fait cette section professionnelle correspondait aux humanités modernes. 

    3. L'enseignement secondaire libre, confessionnel ou laïque, jouissait d'une liberté totale, même en matière de programmes. Le fait qu'aucune condition de diplôme n'était requise pour entrer à l'université explique ce laxisme en matière de programmes.

    4. Il faudra attendre 1850 pour que la première loi organisant l'enseignement secondaire soit promulguée. On compte alors dix athénées royaux et cinquante écoles moyennes. En 1881, lorsque parut la seconde loi organique, vingt et un athénées, cent écoles moyennes pour garçons voisinaient avec cinquante écoles moyennes pour filles.

    5. C'est de 1850 que date la création d'un Conseil de perfectionnement de l'enseignement moyen. L'année suivante vit la création des deux sections parallèles de l'athénée : les humanités classiques et la section professionnelle qui devint celle des humanités modernes en 1887.

    En 1851, le nouveau programme prévit pour les écoles moyennes un enseignement de type court avec ses finalités propres. Les humanités se développèrent parallèlement à un enseignement purement technique qui avait débuté dans le courant du 19ème siècle avec l'avènement de l'industrialisation.

    L'enseignement secondaire libre se développa parallèlement, en dehors de toutes contraintes légales, accordant plus d'importance ou de prestige à la formation classique.

    6. L'enseignement secondaire pour jeunes filles était quasi inexistant pendant la première moitié du 19ème siècle. Seul un enseignement assuré par certaines congrégations avait pour but de former de futures recrues pour les ordres religieux ou de futures maîtresses de maison et des mères de famille chrétiennes.

    V. Isabelle Gatti de Gamond et l'éducation des filles

     * Titre IX - L'éducation au 20ème siècle1. Née à Paris en 1839 d'un père artiste peintre et d'une mère inspectrice générale des écoles gardiennes, des écoles primaires de filles et des établissements formant des institutrices, Isabelle Gatti de Gamond fut obligée de travailler. Elle créa, en 1862, une revue intitulée "L'Education de la femme". Elle y proclama la nécessité de créer un enseignement féminin plus poussé que celui qui était dispensé jusqu'alors.

    2. En 1864, le Collège échevinal de la Ville de Bruxelles créa le premier enseignement secondaire pour jeunes filles dont la direction fut confiée à Isabelle Gatti de Gamond. Cet établissement, ouvert aux jeunes filles de la classe aisée, offrait un enseignement moral, scientifique et professionnel en rapport avec les besoins de l'époque. Les cours de gymnastique et de danse, favorisaient leur développement physique. Les matinées étaient consacrées aux études scientifiques, tandis que les après-midis étaient employées aux travaux manuels et aux arts d'agrément. Aucune tâche à domicile n'était prévue.

    3. L'école comptait trois cours : l'élémentaire, le secondaire et le supérieur. Chacun de ces cours formait un enseignement complet et préparait à un cycle supérieur. Une classe maternelle accueillait les fillettes de 5 à 8 ans.

    En directrice attentive, Isabelle Gatti de Gamond assistait, dans les différentes sections, à des séances de révisions auxquelles les mères étaient invitées à assister. Ce furent essentiellement les enfants de la bourgeoisie et des milieux intellectuels libéraux qui fréquentaient cette institution.

    4. Les réalisations d'Isabelle Gatti de Gamond répondaient à une nécessité réelle et furent accueillies avec enthousiasme par les esprits voués à la liberté et au progrès. Sans entrer dans les détails des diverses polémiques, il faut cependant signaler des résistances et des persécutions provenant de mentalités réactionnaires qui dominaient la Belgique de la seconde moitié du 19ème siècle.   

    5. Isabelle Gatti de Gamond exigeait beaucoup de son personnel et de ses élèves. Elle demandait aux élèves une conduite modèle, une très bonne tenue, une grande assiduité à l'étude pour créer une véritable école modèle.

    Persuadée que la femme avait droit à la même instruction que l'homme, et soucieuse des programmes, elle s'intéressa aux méthodes d'enseignement et accorda une importance à l'apprentissage des langues étrangères.

    Le succès de son établissement fut tel que non seulement il fut dédoublé à Bruxelles mais que des écoles similaires se multiplièrent en Belgique.

    6. En vue de la formation d'un personnel compétent, l'Etat belge fut amené à créer une première école pour régentes à Liège en 1879. La Ville de Bruxelles dota l'année suivante l'école d'Isabelle Gatti de Gamond d'une section destinée à former les régentes, professeurs de l'enseignement moyen. L'école dirigée par Mademoiselle Gatti de Gamond présentait pour la Ville de Bruxelles une charge financière telle que l'école fut reprise par l'Etat belge.

    7. En ayant créé l'enseignement moyen pour jeunes filles, Isabelle Gatti de Gamond leur ouvrait la porte de l'enseignement supérieur.

    En 1891, elle créa une section d'humanités gréco-latines, qui achevait le parcours complet d'une formation féminine, égale en principe à celle réservée jusque-là aux femmes. 

    En 1899, elle abandonna la direction de l'école mais sa mise à la retraite ne signifia pourtant pas l'inactivité. Depuis 1892, une section supérieure, créée dans cet établissement, préparait les jeunes filles au Jury Central, en vue de leur admission à l'université.

    VI. La situation de l'enseignement universitaire

    1. En 1830, trois universités d'Etat existaient en Belgique : à Gand, à Liège et à Louvain. Par souci d'économie, certaines facultés furent supprimées après la Révolution. Profitant de la liberté de l'enseignement, l'épiscopat belge créa une université catholique à Malines. Sous l'impulsion des libéraux et de la Franc-maçonnerie, l'avocat Théodore Verhaegen fonda l'Université Libre de Bruxelles.

    2. En présence de ces réactions, l'Etat vota la première loi sur l'enseignement supérieur. A Gand et à Liège furent maintenues les deux universités d'Etat, de création hollandaise. L'Université de Louvain ayant été supprimée, celle de Malines en profita en 1934, pour occuper les lieux et prétendit ainsi se rattacher à l'ancienne.

    3. Après de nombreuses hésitations au sujet des conditions d'accès à l'université, une loi de 1890 exigea la possession du certificat d'humanités complètes pour l'inscription en première candidature.

    La loi de 1929 créa pour certaines disciplines la licence comme diplôme terminal. Auparavant, c'était le doctorat qui couronnait les études.

    Chapitre VIII : L'enseignement en Belgique depuis 1914

    I. Vers une fin des guerres scolaires

    1. Après 1918, l'enseignement libre catholique progressa de façon constante. Sur l'échiquier politique on assista à une radicalisation des positions. La gauche laïque réclamait pour l'Etat le monopole de l'enseignement, tandis que la droite catholique insistait sur l'extension des subsides à tous les niveaux de l'enseignement. En 1920, on introduisit dans l'enseignement primaire un cours d'éducation morale et civique, destiné à tous les élèves. En plus de ce cours existait le cours de religion dont pouvaient être dispensés les élèves dont les parents en exprimaient formellement le désir.

    2. En 1950, une majorité sociale chrétienne homogène, parvenue au pouvoir, soutint les initiatives de son Ministre de l'Instruction publique, Pierre Harmel. Celui-ci étendit le régime des subsides à tous les secteurs de l'enseignement libre et arrêta l'expansion de l'enseignement de l'Etat. Il donna surtout l'impression de vouloir placer les écoles officielles sous le contrôle de l'enseignement libre. La réaction de l'opposition fut particulièrement vive sur ce point.

    3. En 1954, la gauche victorieuse succéda à la droite qui avait effectivement passé trente ans au pouvoir. Le nouveau gouvernement, libéral-socialiste, présidé par Achille Van Acker, annonça une politique de promotion de l'enseignement officiel et de contrôle des subsides accordés à l'enseignement libre. 

    Votée en juillet 1955, la loi Collard tempéra les mesures prises en faveur des écoles confessionnelles et fixa les règles de création des établissements d'enseignement normal, moyen et technique de l'Etat, d'agréation et de subventions des établissements d'enseignement créés par les provinces, les communes et les personnes privées. 

    4. Au cours de l'année 1958, les trois partis politiques traditionnels de la Belgique, catholique, libéral et socialiste, aboutirent  à un accord, après que le parti social chrétien eut proposé la recherche d'une solution négociée à la question scolaire. Cet accord, connu sous l'appellation de "Pacte scolaire", était un accord de fait qui traduisait un compromis financier et doctrinal.

    5. La loi du 29 mai 1959 reprit les principales dispositions du "Pacte scolaire". Elle oblige tous les établissements scolaires officiels, des niveaux primaire et secondaire, d'offrir le choix entre un cours de religion et un cours de morale "non confessionnelle". Elle accorde à l'Etat le droit de créer des écoles de tous niveaux là où le besoin s'en fait sentir, afin d'assurer la liberté de choix du père de famille. Aux catholiques, elle accorde une satisfaction d'ordre financier : la généralisation des subsides pour l'enseignement libre, et, en particulier, l'octroi de subventions de traitements au personnel enseignant. Sur le plan politique, ce fut l'apaisement mais cette rivalité est fort onéreuse pour le budget de l'Etat belge chaque année depuis cet accord. 

    6. La loi du 11 juillet 1973, revoyant certaines dispositions du "Pacte scolaire", marqua une nouvelle étape dans la politique de concessions à l'enseignement catholique. Par le "Pacte scolaire", l'enseignement libre ou catholique bénéficie des mêmes subsides que ceux que l'Etat alloue à ses propres réseaux d'enseignement. Mais il faut savoir que l'enseignement catholique bénéficie, en plus, de ressources propres qui lui permettent un service meilleur que celui de l'Etat. Et, par la présence de professeurs catholiques, il s'infiltre dans l'enseignement public, sans oublier le contrôle qu'exerce en plus tout gouvernement à majorité catholique.

    II. L'espoir d'une solution ?

    1. Les laïcs ont tenté de définir une école qui réponde aux critères de démocratie, de liberté, de responsabilité, de participation, base de leurs conceptions philosophiques : c'est l'école pluraliste. Celle-ci regrouperait tous les enfants, hommes et femmes provenant de tous les horizons sociaux, intellectuels ou philosophiques, afin de permettre la confrontation des idées et des opinions dans le respect de la personne de chacun. L'école pluraliste qui, par les échanges qu'elle devrait susciter, conduirait l'enfant à reconnaître et accepter la personnalité d'autrui, implique une prise de position, un engagement démocratique qui place la personne humaine au centre de ses préoccupations et se fixe comme objectif le libre épanouissement de chacun. L'esprit critique, la liberté d'expression, la solidarité et la connaissance en sont les caractéristiques essentielles.

    2. La loi du 14 juillet 1975 autorise les pouvoirs publics à créer des écoles pluralistes mais ses arrêtés d'exécution se font attendre. De plus, la disparition éventuelle du réseau spécifiquement catholique inquiète ses pouvoirs organisateurs. Les arguments avancés par leurs dirigeants sont d'une mauvaise foi évidente car la charte de l'école pluraliste, établie en 1973 par la Ligue de l'Enseignement et de l'Education permanente, prévoit de façon explicite que cette école de type nouveau devrait avoir son projet éducatif et sa philosophie propre, qui tiennent compte du pluralisme des conceptions de vie.

    III. L'aspect linguistique

    1. Avant la Première Guerre mondiale, l'enseignement se donnait dans la langue maternelle. Mais étant donné l'existence de minorités francophones en Flandre dans les classes aisées, l'enseignement se faisait partiellement en français dans les athénées flamands et à l'Université de Gand. 

    2. Sous l'occupation allemande, une université flamande fut ouverte à Gand en 1916. De 1914 à 1918, les quatre universités traditionnelles de Liège, Gand, Bruxelles et Louvain restèrent fermées. En 1930, la flamandisation de l'Université de Gand fut effective et totale.

    3. Une loi de 1932 établit l'unilinguisme régional dans l'enseignement primaire et secondaire. Pour pouvoir être reconnu, l'enseignement devait dès lors se donner dans la langue de la région. Quelques rares écoles libres francophones, tant laïques que confessionnelles, s'étaient maintenues en Flandre. Les diplômes qu'elles délivrèrent n'étant pas reconnus, il importait pour les élèves qui en sortaient de se présenter devant un jury d'homologation. 

    4. Une loi de 1963 règle encore toujours la question du régime linguistique dans l'enseignement ainsi que celle de l'étude de la seconde langue. Elle précise la responsabilité du directeur d'école et les modalités de contrôle en matière linguistique. En 1968, l'unilinguisme régional fut étendu à l'enseignement supérieur. C'est ainsi que la section française de l'Université catholique de Louvain dut déménager en Wallonie ! Elle s'est établie à Louvain-la-Neuve, près de Wavre.

    IV. L'effort de démocratisation

    1. Par démocratisation de l'enseignement, il faut comprendre l'ensemble des efforts que la société a consentis dans le but de permettre à chaque individu de tirer le meilleur profit des moyens d'instruction, quels que soient ses aptitudes, son milieu d'origine et sa condition sociale.

    2. Jusqu'à la période contemporaine, la culture intellectuelle était réservée aux privilégiés. Au 19ème siècle, sous l'influence des impératifs économiques et industriels, une instruction élémentaire fut donnée aux déshérités. Elle comprenait l'apprentissage de la lecture, de l'écriture et du calcul.

    3. En Belgique, un premier pas dans le sens de la démocratisation s'est accompli par la généralisation de l'enseignement primaire, réalisée après la mise en application de la loi sur l'obligation scolaire de 1914. Plusieurs tentatives ont été réalisées en vue de faciliter l'accès des enfants issus de milieux non favorisés aux études toujours plus poussées. Les mesures financières et sociales varient des prêts ou des allocations à la gratuité des études. La démocratisation s'est considérablement intensifiée depuis la Seconde Guerre mondiale.

    4. La véritable démocratisation de l'enseignement implique que le système éducationnel soit organisé de telle façon qu'il puisse offrir à tout individu les moyens nécessaires au développement optimal de ses aptitudes. Le système éducatif doit permettre d'éviter les déterminations prématurées. Une formation générale de base, large et solide, doit être envisagée pour tous.

    5. Au lieu d'être sélective, l'école doit réaliser une orientation progressive. Etant donné le handicap linguistique dont souffrent certains enfants, le rôle compensatoire de l'école doit s'exercer dès le tout jeune âge. Les compensations indispensables à une conception saine de la démocratie et de la justice devraient jouer à partir des écoles pré-gardiennes qu'il faudrait multiplier, sinon à partir des écoles maternelles dont la fréquentation devrait être généralisée. Il importe donc de supprimer les orientations prématurées en évitant les ségrégations scolaires actuelles.

    6. Il convient aussi de développer au maximum le sens social qu'exige de l'individu notre société démocratique. Se plaçant sous le signe de la solidarité, l'école démocratique se doit de favoriser la collaboration entre tous les hommes et de rejeter toutes les formes de ségrégations et de distinctions basées sur l'appartenance sociale, le sexe, la race, la philosophie ou la religion. La véritable école démocratique est une école unique qui regroupe tous les enfants dans un climat de liberté et de désir réel de promotion humaine.

    7. L'idée d'une école démocratique passe par l'organisation de la liberté individuelle qui implique le droit pour chacun d'être lui-même et la liberté d'expression sous toutes ses formes.

    Les objectifs d'une véritable démocratisation de l'enseignement doivent se traduire dans une réforme profonde des structures scolaires, des programmes, des méthodes et de l'organisation générale.

    8. L'éducation permanente est dès à présent envisagée comme la suite logique de l'école démocratique. Il importe donc que celle-ci prépare les hommes à accueillir le progrès, éveille leur curiosité, développe leur esprit critique ainsi que leur désir de savoir et de comprendre.

    V. L'effort de rénovation

    1. L'histoire de la pédagogie belge au 20ème siècle peut se limiter à quelques dates qui en marquent les étapes. La première de ces dates, c'est l'année 1922, au cours de laquelle un programme-type fut arrêté pour les écoles primaires communales. Il visait  à préparer le plus complètement les enfants à leur destinée d'homme et de citoyen. Il faut rappeler que l'école primaire de cette époque trouvait en elle-même sa raison d'être. Ce nouveau programme venait judicieusement compléter la loi de 1914 relative à l'instruction obligatoire et constituait ainsi un premier pas dans le sens d'une réelle rénovation de l'école élémentaire.

    2. Si l'année 1936 vit la création de l'orientation scolaire, point de départ des centres psycho-médico-sociaux, elle est aussi marquée par la publication d'un "Plan d'Etudes" et d'instructions pédagogiques. Les pédagogues le considèrent aujourd'hui comme l'origine de la première grande innovation de l'enseignement fondamental. En fait, les idées généreuses, novatrices et révolutionnaires pour l'époque, ne sortirent de l'ombre qu'au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Le Plan de 1936 fut loin de connaître une application généralisée. L'emploi d'une nouvelle méthode d'apprentissage de la lecture n'empêcha pas la pratique d'une pédagogie très "herbartienne".

    3. L'année 1948 marque le début de l'introduction progressive du régime de la mixité dans les établissements officiels ; les sections de l'enseignement secondaire se multiplient depuis la création de la section "latin-sciences" dans l'enseignement secondaire en 1947. Dans certains athénées ou écoles moyennes se créent également des sections techniques.

    4. Instaurés en 1945, les centres psycho-médico-sociaux se développent. Leurs observations apportent des données dont il faudra tenir compte à l'avenir. Une loi de 1947 permit aux élèves de changer de section au cours des trois premières années de l'enseignement secondaire, sans compromettre la validité du certificat de fin d'études.

    5. Dès 1950, des expériences ont été tentées dans le sens d'une réforme de l'enseignement moyen. L'efficacité du dossier scolaire, du conseil de classe, des travaux dirigés et des activités complémentaires ayant été confirmée, leur généralisation fut décidée parmi les classes inférieures de l'enseignement moyen en 1956.

    6. Au cours de cette même année naquit l'expérience des cycles d'observation et d'orientation. L'intention était de rapprocher le contenu des formations latine, moderne et technique et de fonder l'orientation des élèves non sur base de leurs échecs mais de leurs réussites. C'est aussi la première fois qu'apparut l'idée de réaliser un "tronc commun" de branches enseignées à tous les élèves en même temps, bien que séparés à certains moments selon les options choisies.

    7. Jusqu'en 1969 s'accumulèrent des éléments qui devaient inciter le ministre de 'Education nationale à faire débuter l'expérience de l'enseignement rénové, c'est-à-dire l'application des idées de l'école nouvelle dans l'enseignement secondaire. Il convient de préciser ici que les idées nouvelles étaient appliquées parfois depuis longtemps dans des écoles privées du niveau primaire et gardien (maternel).

    8. Pendant ce temps, au niveau primaire, les grands principes de la pédagogie fonctionnelle furent remis sur le métier. L'observation du milieu redevenait la base du développement intellectuel et social. Un nouveau Plan d'Etudes parut en 1957, conservant intégralement l'esprit, les principes et les méthodes préconisées par celui de 1936. Il avait toutefois le mérite de se préoccuper d'aider les instituteurs à les mettre en pratique.

    9. De 1958 à 1967, les autorités pédagogiques s'efforcèrent de rénover la pédagogie de la langue maternelle, de la mathématique et des sciences naturelles ; elles mirent surtout l'accent sur le rendement et la productivité scolaire. Des études furent entreprises sur l'évaluation du travail de l'école et à propos du calendrier scolaire. 

    10. On peut donc affirmer qu'entre 1945 et 1970, de grands efforts ont été accomplis pour donner à l'école élémentaire belge un renouveau que de nombreux pays étrangers envient à juste titre. Cependant, l'histoire de la pédagogie étant une perpétuelle remise en question des mêmes problèmes, il ne faut pas s'étonner que 1971 fut l'année d'un nouveau départ avec la parution des "Directives pour une rénovation de l'enseignement fondamental" ! 

    VI. La rénovation de l'enseignement fondamental

    1. Bien que le terme n'ait pas encore été admis officiellement au niveau de l'administration, l'enseignement fondamental comprend l'école primaire et l'école maternelle, appelée autrefois "gardienne". Dans une note de 1970, le Ministre de l'Education nationale demandait notamment à l'administration d'envisager une révision profonde du contenu de l'enseignement avec le souci d'éliminer les notions superflues ; de renforcer l'éducation physique et les activités de groupe ; d'assouplir le titulariat ; d'observer les enfants en vue d'un dépistage rapide des insuffisances ; et enfin, de compenser d'une manière systématique et précoce les retards socio-culturels. La connaissance du milieu et l'activité de l'enfant devaient rester les deux points d'appui du plan d'études en vigueur.

    2. En juin 1971, le Ministre estima que les conclusions provisoires des travaux des commissions chargées de ces investigations devaient être soumises à la réflexion des pouvoirs organisateurs, des enseignants et des parents. Ses "Directives pour une rénovation de l'enseignement fondamental" furent rédigées en trois parties : la nouvelle axiologie d'une éducation, déterminée par des changements rapides dans les faits sociaux, économiques et scientifiques ; une nouvelle définition des finalités de l'enseignement en fonction de ces changements ; et enfin, des considérations concrètes sur les structures, les programmes et les méthodes.

    3. Entre 1971 et 1973, une série d'écoles, répondant à certaines conditions, s'engagèrent volontairement dans une première application des directives ministérielles. En 1973, l'inspection tira les premières conclusions, prudentes et mitigées, souhaita de nombreux amendements et des mesures rapides pour envisager la généralisation de l'engagement dans la voie de la rénovation.

    4. Malgré l'enthousiasme des instituteurs, malgré les idées, les conseils et les suggestions nécessaires à la relance de leur action éducative, les circulaires ministérielles restaient bien insuffisantes en ce qui concerne l'application de ces idées nouvelles. Aussi, le manque de formation profonde a bien souvent conduit les enseignants à confondre rénovation et utilisation de nouvelles techniques.

    En quatre années, la rénovation généreusement pensée en 1971 avait vécu, mais tout n'était pourtant pas retourné au néant. En effet, l'étude de la mathématique dite "moderne" constitua l'objet principal de la plupart des activités de recyclage des enseignants. 

    5. Depuis 1968, la volonté de remettre en cause l'institution scolaire se centra essentiellement sur les contenus d'enseignement, au détriment d'une profonde réflexion sur les structures et les méthodes. En 1973 parut une publication rassemblant les principes et les objectifs de l'action éducative, guide qui devait inspirer le travail quotidien des instituteurs. Ce guide fut rapidement suivi de toute une série de programmes, de brochures, productions bien souvent très denses et peu accessibles aux maîtres continuellement insécurisés. Dans les principes de l'action éducative, l'école fondamentale se doit de préparer les enfants à accueillir et à orienter le changement. Dans ses objectifs, elle devrait développer des comportements, des habiletés, exprimés trop souvent dans un langage déroutant qui dépasse les soucis et les exigences de la réalité scolaire quotidienne.

    6. Il a fallu attendre l'année 1983 pour que les auteurs de cette publication la remanient. C'est ensuite le "Plan d'éducation pour l'éducation fondamentale" qui a défini la philosophie et servi de guide pour l'action pédagogique quotidienne.

    7. Trois exigences permettraient une certaine continuité de la réforme de l'enseignement fondamental : le temps scolaire reconsidéré devrait permettre à chaque enfant de parcourir le cycle scolaire à son propre rythme d'apprentissage ; une deuxième exigence consisterait en une rationalisation des écoles aboutissant à leur gestion par un seul pouvoir public ; enfin, une réforme des mentalités pourrait rendre l'école moins intellectualiste.

    VII. La rénovation de l'enseignement secondaire

    1. Pour avoir accès à la première année d'un des types d'enseignement secondaire, l'élève doit avoir achevé avec fruit la sixième année de l'enseignement primaire ou être porteur du certificat d'études primaires. Quatre types d'enseignement secondaire s'offrent  à lui : les humanités anciennes ou modernes ; l'enseignement rénové ; l'enseignement technique et artistique ; et enfin, l'enseignement professionnel. 

    2. L'enseignement secondaire a fortement évolué ces trente dernières années dans ses programmes comme dans ses méthodes. Les réformes partielles successives avaient heureusement des buts communs : retarder les choix irréversibles dans les études, ménager des passages entre les diverses formes d'enseignement secondaire, veiller à une meilleure connaissance des élèves et à mieux les encadrer, adapter l'enseignement aux données actuelles par la création de sections nouvelles. 

    3. Après les premières expériences de rénovation, la loi du 17 juillet 1971, relative à la structure générale et à l'organisation de l'enseignement secondaire, créa l'enseignement secondaire rénové. Enthousiasmes, triomphes, erreurs et retours en arrière alternèrent tandis que l'enseignement rénové s'étendait progressivement aux établissements de l'Etat, des provinces, des communes et dans l'enseignement libre. 

    4. Une loi de juin 1975 accorda un statut d'égalité totale entre trois formes d'enseignement secondaire : les humanités, le technique et l'artistique. Un seul certificat, celui de l'enseignement secondaire supérieur, sanctionne ces différentes formes d'études. 

    5. Un arrêté royal de juillet 1975 utilise les termes de "Type I" et "Type II" pour désigner respectivement le "rénové" et le "traditionnel". Cet arrêté présentant les moyens d'une intégration structurelle du traditionnel dans le rénové, mettait fin à la période expérimentale, donnait un caractère réglementaire au rénové pour sa stabilisation et son développement. 

    6. Dans l'enseignement rénové, les préoccupations pédagogiques portent essentiellement et successivement sur l'observation, l'orientation et la détermination. Les structures sont donc conçues pour faciliter les orientations, le perfectionnement, la spécialisation et pour préparer les élèves à une profession ou à des études ultérieures. 

    7. L'enseignement secondaire rénové comporte donc six années d'études réparties sur trois cycles de deux années chacun : le degré ou cycle d'observation constitue un laps de temps au cours duquel les professeurs observent les élèves et décèlent leurs aptitudes et leurs faiblesses. Ils en tiennent compte pour orienter ensuite l'écolier vers ce qui lui conviendra le mieux à partir du cycle suivant. Le degré d'orientation exige de l'élève une première décision. Il permet de choisir entre quatre formes d'enseignement secondaire : général, technique artistique et professionnel, selon ses aptitudes et sa personnalité. L'avis du conseil de classe est précieux. Il est chargé d'évaluer la formation des élèves et de prononcer leur passage dans l'année supérieure. Dernier degré de deux ans de l'enseignement rénové, le degré de détermination assure une spécialisation qui n'est pas contradictoire avec la nécessaire polyvalence exigée par la vie professionnelle. ce troisième cycle peut être de transition ou de qualification. Ici encore l'avis du conseil de classe intervient. 

    8. Les orientations professionnelles ne permettent pas l'accès aux études supérieures mais assurent une qualification professionnelle déterminée. Les élèves, qui se seront entre temps dirigés vers un enseignement général de transition parce que leurs aptitudes intellectuelles sont suffisantes pour assimiler une majorité de cours généraux, auront accès aux études supérieures. 

    9. L'enseignement général prépare en effet aux études supérieures mais ne débouche pas sur une profession. Au contraire, l'enseignement professionnel ne prépare qu'à un métier et non à la poursuite d'autres études. Les enseignements technique et artistique préparent aux études supérieures ou à l'entrée dans la vie active. 

    10. L'enseignement rénové s'est régulièrement étendu à presque tous les établissements secondaires. Il est généralisé dans l'enseignement de l'Etat depuis 1976. Au niveau communal, seules Bruxelles et Liège sont généralement restées fidèles à l'enseignement traditionnel. Quant au réseau catholique, il a opté globalement pour le rénové dans la partie francophone du pays, alors que seulement un dixième des écoles l'a adopté en Flandre. 

    11. Pendant de nombreuses années, les hauts responsables de l'éducation nationale ont favorisé la rénovation de l'enseignement secondaire. Il est vrai qu'il fallait lui donner un nouveau souffle. La rénovation se donna pour principes d faire de l'école un milieu de vie accueillant et de permettre à chaque étudiant d'aller aussi loin qu'il le veut et qu'il le peut. Elle prônait l'initiative, l'expression, la recherche personnelle et le contrôle permanent des connaissances.

    Pendant plus de quinze ans, le rénové a été sujet à de violentes critiques :

    • il favorisait le  laxisme ;
    • l'orthographe des jeunes est devenu catastrophique ;
    • il ne développait plus le sens de l'effort chez les étudiants ; 
    • sous prétexte d'individualisation, il nivelait par le bas.

    12. A la fin du 20ème siècle, l'enseignement de type I (rénové) existe toujours mais les notations chiffrées et les examens sont revenus en force ; le travail de groupe a été abandonné ; les programmes d'histoire et de français ont été revus, notamment dans le sens de la norme : davantage de syntaxe, d'orthographe, de grammaire et de chronologie.

    Des circulaires ministérielles ont supprimé progressivement les rattrapages, abandonné les conseils de classe, diminué le nombre d'options et augmenté les normes.

    Le confort pédagogique instauré par le rénové a été réduit en miettes. Il est vrai que la crise socio-économique ne s'est pas révélée un contexte favorable à la poursuite d'une politique scolaire plus coûteuse, mais nous pouvons nous demander si ce contexte n'a pas servi de prétexte aux adeptes d'une école élitiste.

    VIII. La rénovation de l'enseignement professionnel

    1. L'enseignement professionnel est mal connu, non seulement du public qui ignore l'éventail des sections proposées mais aussi des professeurs de l'enseignement général. Quelque vingt pour cent d'adolescents fréquentent l'école professionnelle et préfèrent un enseignement où les activités manuelles occupent une place prépondérante. 

    2. Pendant longtemps, l'enseignement professionnel était vraiment considéré comme le parent pauvre de l'Education nationale, comme une sorte d'enseignement au rabais. Il y a quelques années, quand l'idée de la prolongation de la scolarité obligatoire a germé dans les esprits, les responsables politiques et pédagogique ont exigé, en accord avec les associations de parents, que cette prolongation s'accompagne d'une réforme de l'enseignement professionnel. 

    3. La prolongation des études telle quelle aurait contraint les adolescents de l'enseignement professionnel à vivre plus longtemps dans une école qu'ils ne songeaient qu'à quitter. Il s'avérait donc urgent de développer des stratégies pédagogiques et affectives pour amener ces adolescents à un stade de qualification réclamé par le monde patronal. c'est donc en ce sens que s'est développée la réforme introduite expérimentalement dans plusieurs écoles des trois réseaux depuis 1978 et qui a eu ensuite tendance à se généraliser.

    4. Les objectifs poursuivis par cette réforme sont multiples. Il s'agit d'abord de faire prendre conscience aux élèves d'une même classe qu'ils sont tous confrontés avec des problèmes analogues, de leur faire acquérir une conscience sociale et collective. Tous les métiers choisis devraient ensuite bénéficier, au sein d'une même école, d'une même dignité culturelle. L'apprentissage devrait refléter les contraintes et les difficultés, les bons côtés, les conditions d'embauche, l'environnement professionnel, le salaire futur, de sorte que l'élève puisse faire la liaison entre le monde du travail et le milieu scolaire. L'école professionnelle devrait enfin créer les conditions pour que les élèves puissent se construire une personnalité solide d'adulte responsable.

    5. Pour tenter d'atteindre ces objectifs, les enseignants mettent en place une pédagogie du projet basée sur l'interdisciplinarité qui décloisonne les cours. Cette pédagogie conduit à des réalisations concrètes auxquelles participent élèves et enseignants. Ceux-ci ont également recours aux classes-ateliers ainsi qu'à l'enseignement mutuel grâce auquel un élève plus âgé vient en aide à un plus jeune. Les enseignants sont aidés dans leur tâche par des psychologues et des assistants sociaux qui agissent au niveau des réunions de classe, au niveau des groupes de créativité ou au cours de permanences qui favorisent les relations et les contacts entre élèves et enseignants.

    6. La réforme en cours devrait favoriser et accroître le nombre de contacts entre l'école et les entreprises. L'enseignement professionnel devrait ainsi s'adapter aux nouvelles aptitudes réclamées par les entreprises. Celles-ci réclament des ouvriers capables de réagir à des situations nouvelles et pouvant prendre des initiatives. la complexité de certains équipements exige aussi une plus grande qualification du personnel ouvrier. L'organisation de stages pour les élèves et le travail en équipe pour les enseignants devraient permettre une ouverture sur la vie, la formation de la personnalité des jeunes et plus uniquement celle d'une main-d'oeuvre.  

    IX. Les structures de l'enseignement supérieur

    1. Pour avoir accès aux études supérieures, l'étudiant doit avoir réussi un enseignement secondaire complet : les humanités, le rénové ou le technique.

    Si ces études supérieures sont de type long, la réussite d'un examen de maturité est un second préalable. Pour certaines études supérieures, un examen d'entrée ou d'admission est parfois imposé aux candidats.

    2. Jadis, l'enseignement supérieur comprenait l'enseignement universitaire et l'enseignement non-universitaire. Depuis, les composants du volet non-universitaire, artistique et pédagogique notamment, ont été placés sur le même pied que le volet universitaire.

    3. En ce qui concerne l'université, sa structure présente habituellement trois cycles dans chaque faculté.

    Le premier cycle, appelé "candidature", peut s'étaler sur une période d'une à trois années. Le second cycle, appelé "licence", s'étale sur deux à quatre années. le troisième cycle ou "doctorat", mène à la recherche ou à l'enseignement supérieur. C'est un cycle de post-formation ou d'études complémentaires.

    L'éventail des possibilités, au sein de certaines facultés, est tel qu'il est difficile d'entrer dans tous les détails, d'autant que l'orientation vers certaines spécialisations a parfois lieu en cours de cycle.

    4. Certaines universités présentent des choix d'études bien particuliers : droit ; philosophie et lettres ; agronomie, chimie, physique ; sciences mathématiques, biologiques, nucléaires, géologiques et minéralogiques, zoologiques et botaniques ; sciences appliquées ; sciences économiques, politiques et sociales ; médecine ; psychologie et sciences de l'éducation. L'Université catholique de Louvain propose en outre une faculté de théologie et de droit canon. 

    5. Le diplôme de licencié peut être complété par des épreuves d'agrégation qui donnent le droit à l'agrégé d'enseigner dans les établissements d'enseignement secondaire et dans l'enseignement supérieur de type court.

    6. L'enseignement supérieur non-universitaire offre des possibilités d'études dans le domaine pédagogique : instituteur, institutrice, agrégé de l'enseignement secondaire inférieur ; dans le domaine économique : sciences commerciales, administratives, juridiques ; informatique et tourisme ; dans le domaine artistique : architecture, urbanisme, arts du spectacle et techniques de diffusion ; esthétique, décoration, photographie, publicité, arts plastiques, graphiques et décoratifs... ; dans le domaine social ; dans le domaine paramédical et dans le domaine technique.

    L'enseignement supérieur non-universitaire opère une distinction entre les études de type court (2 à 3 ans) et les études de type long (4 à 5 ans). 

    X. Vers la communautarisation de l'enseignement

    1. La révision constitutionnelle de 1970 a instauré deux "Conseils culturels", rebaptisés "Conseils de Communauté" en 1980. Mais les Communautés sont restées longtemps sans avoir leur mot à dire en matière d'enseignement. Elles ont été compétentes mais à l'exclusion des matières les plus importantes : les diplômes et certificats, les normes de population scolaire, l'obligation scolaire, le pacte scolaire, les structures de l'enseignement, les traitements du personnel enseignant.

    Près de 90% des matières sont longtemps restées de la compétence du gouvernement central du pays. Il ne restait aux Communautés qu'à déterminer les programmes et le nombre de jours d'école et de congé !

    Jusqu'en décembre 1981, cette disposition constitutionnelle n'a guère eu de conséquences puisque le ministre de l'Education nationale était à la foi ministre de tutelle et ministre communautaire de l'enseignement ainsi que pouvoir organisateur de l'enseignement de l'Etat. Ce régime - pacifique - n'existe plus depuis l'application de la loi du 8.8.1980 (article 6) concernant les réformes institutionnelles, à savoir que personne ne peut plus être à la fois membre d'un exécutif et membre d'un gouvernement national.

    2. L'enseignement de l'Etat, en particulier, souffre d'une centralisation excessive qui l'empêche de s'adapter harmonieusement aux réalités régionales et sous-régionales.

    Toute idée de décentralisation et d'autonomie financière et pédagogique est liée à celle de la participation de tous aux décisions à prendre. Mais si tous les partis semblent favorables à une décentralisation de l'enseignement, la participation réclamée par les parents depuis très longtemps se heurte à l'opposition de nombreux enseignants et pouvoirs organisateurs. 

    3. Les deux Ministres de l'Education nationale émettent des avis divergents. Du côté néerlandophone, le ministre est favorable à l'installation d'un conseil autonome tandis que, du côté francophone, il est opposé à cette solution.

    Quant au Premier Ministre, il rappelle que l'organisation de l'enseignement de l'Etat relève de la compétence du gouvernement national, mais que chaque communauté peut toutefois donner une forme spécifique à cette gestion autonome.

    4. Le problème de la communautarisation de l'enseignement a amené la plupart des partis politiques belges à prendre position en la matière. Tous les partis concernés se sont situés diversement selon qu'ils interprétaient l'article 59 bis de la Constitution d'une façon maximaliste ou minimaliste.

    Le clivage linguistique, combiné avec le démarquage habituel entre le réseau "libre confessionnel" et le réseau "officiel laïc", entre également en ligne de compte, sans négliger l'impact de l'incidence budgétaire.

    C'est ainsi que, du côté néerlandophone, tous les partis politiques ont revendiqué un enseignement communautarisé alors que du côté francophone, le parti social-chrétien s'est montré résolument opposé à une communautarisation réclamée principalement par les milieux socialistes et une partie de la communauté éducative libre-subventionnée.

    5. Les Communautés sont devenues compétentes le jour où l'article 59 bis de la Constitution a été révisé. Depuis lors, les matières les plus importantes (cf. n° 1. ci-dessus) ne relèvent plus de la compétence du pouvoir central mais leur ont été transférées.

    La communautarisation de l'enseignement belge était souhaitable car l'école et la culture forment un tout indissociable. Comme la culture était du ressort des Communautés, il était logique que l'enseignement le devienne aussi. 

    Lien URL avec le Titre X : "Le présent et le futur de la pédagogie"

     

    Bibliographie partielle du Titre IX

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    Snyders Georges - Où vont les pédagogies non-directives ? - Autorité du maître et liberté des élèves - paris, P.U.F., 1973

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    Vasquez A. & Oury F. - De la pédagogie coopérative à la pédagogie institutionnelle - Paris, Maspero, 1967

     

    Ministère de l'Instruction publique : Loi du 29 mai 1959 - Moniteur belge du 19 juin 1959

    Ministère de l'Education nationale : Loi du 11 juillet 1973 - Moniteur belge 1973

    La communautarisation de l'enseignement - Dossier synthèse n° 1 - Bruxelles Ligue de l'Enseignement et de l'Education permanente, 1982

    Semaines d'information et de perfectionnement pédagogique - Bruxelles, Ministère de l'Education nationale et de la Culture française :

    • 1964 : L'école primaire, dans la perspective de la liaison enseignement primaire - enseignement secondaire
    • 1966 : L'école efficiente
    • 1967 : La formation et le développement intellectuels
    • 1968 : Dix années de pédagogie : essai de synthèse
    • 1969 : Le rendement, la productivité
    • 1970 : Vers un nouveau calendrier scolaire
    • 1971 : De l'école maternelle à l'enseignement secondaire rénové
    • 1972 : La rénovation de l'enseignement fondamental
    • 1973 : L'enfant à la conquête de son environnement

     


    17 commentaires
  • Titre VIII - L'éducation au 19ème siècle

    Chapitre I : La Révolution française

    I. Les débuts d'une ère nouvelle

    1. En confiant au peuple le soin de se gouverner lui-même, la Révolution devait le préparer à employer justement l'autorité. Elle fit de tous les hommes des citoyens ayant les mêmes droits et elle donna aux couches ignorantes une valeur politique, puissante par leur masse. En renonçant à l'influence religieuse et en ne faisant dépendre l'individu que de sa conscience et de son intelligence, elle transforma les écoles pour mieux transformer les esprits.

    2. La Révolution voulut rendre l'homme fort et puissant afin de doter l'armée de soldats vaillants. Dans tous les projets de loi, la gymnastique fut remise en honneur car le but de l'éducation était de former des corps sains et robustes, des cœurs sincères et courageux, des esprits éclairés et solides. Les jeux gymnastiques (les courses, les luttes et la natation), les marches et le maniement des armes devaient développer le sentiment de la justice.

    3. La Révolution considéra l'instruction comme un droit et un devoir donnant à tous les grandes libertés. De plus, l'instruction devait favoriser le progrès en faisant du peuple des hommes éclairés, ouverts à la science et aptes à s'élever rapidement.

    Pour pouvoir instruire le peuple, elle ordonna la création d'écoles à travers toute la France avec obligation pour les parents ou tuteurs d'y envoyer leurs enfants. Cette organisation comprenait des écoles primaires dans chaque canton, des écoles centrales dans chaque département, une école centrale et une école polytechnique. Malheureusement, l'ignorance était trop grande et les agitations politiques trop violentes pour permettre à l'instruction de faire de rapides progrès.

    4. Essentiellement bourgeoise, la Révolution française marqua en quelque sorte une cassure et déchaîna des forces que l'Ancien Régime avait pu contenir dans la rigidité de ses cadres.

    A partir du 19ème siècle, des changements importants se sont manifestés, allant en s'amplifiant et en s'accélérant sous l'effet de la première Révolution industrielle.

    5. Le 19ème siècle s'efforça de résoudre les grands problèmes que pose l'effondrement du monde traditionnel. Le libéralisme contribua largement à détacher l'homme de la dépendance médiévale et absolutiste et à lui remettre la libre disposition de lui-même.

    Deux grandes idées ont sapé les conceptions culturelles liées au conservatisme et au fixisme traditionnels : l'idée de solidarité sociale née de la réaction contre l'individualisme des droits naturels et l'idée de développement, d'adaptation, de relativité fondée sur les sciences de la nature et confirmées par les changements intervenus.

    A la méthode du Siècle des Lumières, essentiellement déductive et constructive, se substitua une méthode inductive et expérimentale.

    6. On considère généralement le 19ème siècle comme un siècle de transition. Mais, en ce qui concerne la conception que les hommes se font de l'éducation, il est à l'origine d'une ère nouvelle.

    Depuis la révolution chrétienne du 1er siècle, l'école avait un caractère confessionnel et l'essentiel de sa mission était le maintien de l'autorité de l'Eglise. Au lendemain de la Révolution française et malgré le retour de la monarchie puis l'avènement de l'Empire, l'idéal des assemblées révolutionnaires tendit à se réaliser. En sécularisant l'école, la IIIème République lui assigna des buts temporels et affirma l'autonomie de l'Etat.

    II. La pédagogie moderne trouve sa voie

    1. Sur le plan pédagogique, le 19ème siècle vit les idées de Jean-Jacques Rousseau trouver leurs applications pratiques. La psychologie de l'enfant fut étudiée d'une manière scientifique et l'éducation se libéra de la fantaisie des pédagogues pour devenir un art rationnel relevant des lois induites de l'expérience.

    2. Avec Talleyrand, Condorcet, Danou et Lakanal notamment, on assiste à un bouillonnement des idées, à la rédaction de nombreux plans, projets de lois et lois sur l'organisation de l'enseignement.

    3. La plupart des grands principes de l'enseignement primaire furent réalisés soit définitivement, soit temporairement. Avec la fin du monopole de l'Eglise, la politique de l'enseignement passa aux mains de l'Etat qui multiplia les écoles primaires.

    L'idée d'obligation scolaire et de gratuité scolaire furent mises en application mais rapidement abandonnées.

    Tandis que les prêtres continuèrent à enseigner, la liberté d'enseignement fut proclamée mais le niveau primaire fut placé sous le contrôle de l'Etat.

    Avec la tentative de créer une école normale à Paris en 1795, se concrétisa l'idée de la nécessité de la formation des maîtres.  

    III. Le rôle de l'instruction et de l'éducation

    1. La caractéristique de l'éducation au milieu du 19ème siècle, c'est la croissance continue de son contenu culturel et humain.

    Le 19ème siècle voit d'une part le rétablissement de toutes les disciplines exigées par l'évolution humaine et, d'autre part, l'extension constante du bénéfice de la culture à des zones de plus en plus larges de l'humanité. Ces deux idées ont guidé l'évolution de cette époque que l'on peut qualifier d'époque de transition, vers un régime pas encore parfaitement réalisé.

    2. Le 19ème siècle est le siècle du progrès, du travail, de la science. Celle-ci est devenue un besoin, un droit. Toutes les classes de la société, séduites par l'espoir de la fortune et des honneurs, récompense du travail intellectuel ou du travail matériel basé sur la science, réclament une instruction variée et profonde. Une émulation féconde s'est emparée de tous les esprits. Les travailleurs souhaitent que leurs enfants puissent s'instruire.

    IV. Le rôle de l'école

    1. C'est donc de la Révolution française que date l'idée d'un enseignement conçu comme un droit pour tous les êtres sans exception et comme un devoir pour l'Etat. Les écoles se sont multipliées et leur action s'est étendue partout. Les théories philosophiques du siècle précédent répandues dans le peuple ont augmenté les devoirs et la responsabilité de ceux qui les dirigeaient.

    2. Le 19ème siècle a été appelé le siècle du doute. Le doute a affaibli le sentiment religieux ; il a altéré la famille, la société et l'Etat. Il en a compromis la base : le respect de l'autorité. Intérêt personnel et égoïsme tendaient à dominer l'individu. C'est pourquoi les professeurs durent faire mieux que d'instruire : ils devaient veiller à élever les enfants, à leur donner une éducation morale.

    3. Le rôle de l'école dans le progrès matériel et moral ainsi que son influence sur les jeunes générations ont obligé l'Etat à s'intéresser directement à l'instruction et d'en prendre la direction. Au siècle précédent, les parlementaires avaient réclamé la centralisation de l'instruction dans les mains de l'Etat. Cette centralisation est à présent réalisée. C'est ainsi que presque tous les pays de l'Europe du 19ème siècle ont un enseignement parfaitement organisé, entretenu et surveillé.

    4. L'instruction, service officiel, a été mise à la portée de tous. Le plus souvent elle était obligatoire et gratuite. Les états ont compris que leur devoir consistait à améliorer la condition du peuple. Malgré l'opposition de parents condamnant leurs enfants à un travail précoce, ils ont aussi organisé l'instruction de filles qui purent ainsi recevoir un enseignement en rapport avec leur mission.

    5. Tandis que dans la première moitié du siècle les pouvoirs civils et religieux avaient uni leurs efforts pour imposer à l'école une direction confessionnelle, dans la seconde période, ils tendaient à se séparer. S'immisçant dans la question scolaire, la politique avait soumis l'instruction à des fluctuations très regrettables : au nom de la liberté garantie à chacun et de l'absence de religion positive de l'Etat, les uns réclamaient l'enseignement public neutre, n'admettant qu'un enseignement moral indépendant des systèmes philosophiques et religieux, tandis que d'autres voulaient lui conserver son caractère traditionnel. Mais l'école avait besoin de calme, les professeurs de sécurité et leur progrès commun n'était possible qu'à cette condition.

    6. Grâce à la liberté, des écoles confessionnelles ainsi que d'autres rationalistes se sont élevées à côté de l'action gouvernementale. Grâce à la concurrence ces deux types d'écoles s'amélioraient. Les croyants comme les sceptiques s'efforcèrent d'imprimer à l'éducation une direction conforme à leurs opinions. Toutes les forces sociales, religieuses et philosophiques tendaient ainsi au même but : la liberté de l'enseignement.

    V. Evolution de la pédagogie

    1. La pédagogie du 19ème siècle mit à profit toutes les sciences et en particulier la psychologie et la physiologie pour favoriser l'action de l'école. Auparavant, les professeurs enseignaient d'après les usages et l'instituteur ne disposait pratiquement d'aucune méthode. Tous communiquaient des connaissances mais ne formaient nullement les enfants.

    2. Au 19ème siècle, la pédagogie devint la science par excellence. Le mobilier, le bâtiment scolaire, l'instituteur et les méthodes, tout assura à l'élève la santé du corps et de l'esprit. Les parents s'intéressèrent aux méthodes et aux programmes. C'est essentiellement grâce à leur participation que l'éducation physique fut introduite dans l'école.

    3. Si le début du 19ème siècle avait été marqué par un retour aux lettres classiques, tout en accordant aux sciences une place en rapport avec leur importance, progressivement un équilibre s'établit.

    Les progrès réalisés dans toutes les branches des sciences humaines rendant impossibles des études générales approfondies, il devint nécessaire de spécifier et de créer des enseignements séparés, humanités et sciences, afin de permettre d'atteindre le plus haut degré de perfection dans la voie où chacun se dirige.

    Le but dominant de l'éducation moderne étant devenu utilitaire, on demanda à l'école de préparer rapidement des esprits pratiques et sérieux, de former une société qui acquît et conservât la supériorité matérielle. Pour cela, les sciences étaient les études par excellence. L'école se devait donc de vulgariser les sciences et de les fortifier.

    L'enseignement primaire comportait des branches qui devaient former le jugement et instruire pour la vie pratique. L'histoire s'attachait à la portée des évènements plus qu'aux évènements eux-mêmes ; la géographie accordait la primauté aux richesses naturelles, industrielles et commerciales, à la situation morale et politique des peuples. Le programme comprenait également des notions de sciences naturelles et des leçons de choses, de la gymnastique, de la musique, et parfois des travaux manuels.

    4. Au nom de la nature et des besoins de l'individu, l'éducation moderne réclama une préparation plus complète de l'enfant, une culture réelle et active, des instruments naturels et un enseignement mutuel que les révolutionnaires avaient déjà voulu organiser et que Basedow avait même réalisé. Cet enseignement mutuel avait pour but de donner le premier maniement des outils généraux, d'exercer spécialement l’œil et la main, de rendre ainsi l'apprentissage plus rapide, de préparer l'enfant à la vie d'ouvrier tout en délassant son esprit par une occupation matérielle.

    5. Les partisans des études utilitaires voulurent abandonner tout ce qui touche aux lettres anciennes et y substituer les langues modernes. Pour eux, le latin et le grec devenus accessoires, devaient céder la priorité au français, à l'allemand et à l'anglais devenus indispensables. les utilitaristes rencontrèrent cependant une vive opposition de la part des lettrés et de ceux qui se proposaient un but plus élevé : la haute culture intellectuelle et morale que permettent les langues classiques.

    L'enseignement moyen devant assurer la culture générale, fondement de toute éducation, on abandonna donc tout ce qui touchait aux lettres anciennes et on y substitua les langues modernes : français, allemand et anglais. Les chefs-d'oeuvre de la littérature moderne (Dante, Racine, Shakespeare, Goethe) donnèrent des connaissances plus utiles qu'Homère et Virgile.

    L'utilité amena même le développement de l'enseignement du travail manuel et la création d'écoles professionnelles initiant les jeunes à ce qu'ils devaient connaître pour la profession spéciale à laquelle ils se destinaient.

    6. L'instruction permit à l'intelligence de s'élever progressivement des faits concrets et particuliers aux lois abstraites et générales. Au point de vue de la discipline, les châtiments furent défendus. La nécessité sociale de préparer un homme libre, soumis aux lois non par la force mais par la volonté, a obligé l'école à s'adresser à la raison. 

    Chapitre II : La situation de l'enseignement en France

    I. Les buts et les méthodes

    1. Le but de l'instruction était de faire profiter l'homme des avantages assurés par la République, mais aussi d'élever son intelligence et sa raison. Dans toutes les connaissances, la méthode est primordiale : il faut analyser les idées, les décomposer en leurs éléments et soumettre ceux-ci au raisonnement. Pour chaque science, il faut élaborer des tableaux permettant de revoir rapidement l'ensemble étudié et de synthétiser les connaissances.

    2. Les méthodes se sont perfectionnées grâce à l'analyse plus exacte du travail intellectuel, de la nature et des besoins de l'homme. L'observation personnelle de l'élève a remplacé l'étude par le livre ou la connaissance donnée d'autorité par le maître. Elle permit à l'intelligence de s'élever progressivement des faits concrets et particuliers aux lois abstraites et générales.

    Pour l'enseignement primaire, le point de départ est l'intuition qui permet de passer des idées sensibles aux idées abstraites. L'enseignement primaire devait non seulement donner quelques connaissances mais on lui demanda également de former des hommes capables d'observer, de penser, de réfléchir et raisonner pour les  préparer aux études moyennes.

    3. L'instruction populaire comprenait trois cycles. Au programme figurait la lecture, l'écriture et la grammaire élémentaire, l'arithmétique et le système métrique, la géographie industrielle et agricole, la gymnastique et des notions d'éducation sociale et politique.

    II. Les écoles et les niveaux d'enseignement

    1. La situation faite aux écoles était plus que difficile. C'était particulièrement vrai pour l'enseignement moyen chargé de préparer les études universitaires et d'assurer la culture générale fondement de toute éducation. Le volume de son programme n'a cessé d'augmenter tandis que les heures affectées à chaque branche ont diminué et que l'on demandait toujours plus de connaissances. Son organisation ne pouvait qu'être provisoire car elle était dans une période de transition.

    2. Les sciences mathématiques, utilitaires - les plus propices à former la raison - naturelles, morales et politiques - propres à améliorer les lois - constituaient la base des études secondaires. La langue française, enseignée à tous, devait faciliter la connaissance des lois et, ainsi, consolider l'unité de la République.

    3. L'enseignement supérieur embrassait les sciences mathématiques, morales et politiques, leurs applications aux arts, la grammaire et les lettres, notamment les modèles antiques. Pour préparer les maîtres, on créa l'école normale qui eut pour professeurs les hommes les plus éminents en tous genres. Malheureusement, cet établissement ne donna pas les résultats espérés car, d'une part, les élèves étaient trop nombreux, d’autre part, les cours étaient de trop courte durée. Malgré tout, le maître d'école vit sa condition relevée. Déjà appelé "instituteur" depuis le 18ème siècle, il reçut un traitement en rapport avec l'utilité et la difficulté de ses fonctions ainsi qu'un logement.

    III. La discipline

    1. Au 18ème siècle, la discipline avait conservé les moyens correctifs des temps précédents et s'était bornée à en atténuer la rigueur, mais au 19ème siècle elle y a renoncé presque partout. La dignité de l'homme plus respectée a amené le respect de la dignité de l'enfant. La nécessité sociale de préparer des hommes libres, soumis aux lois par leur volonté, a obligé l'école à s'adresser à la raison et au sentiment du devoir.

    2. Le 19ème siècle a amélioré la condition des membres du personnel enseignant et a adouci celle des élèves. La transformation de l'éducation, résultant du progrès général et des modifications profondes de l'existence ne fit que s'accentuer. 

    IV. Le vote des grands principes de notre école

    1. Les nombreux projets avaient conduit la République en 1795 sans que rien de stable eût été organisé. Les générations auxquelles on réservait l'instruction complète, établissant l'indépendance absolue de l'individu, furent privées de tout. Mais toutes les idées n'ont pas été perdues car le 19ème siècle a repris celles qui étaient bonnes. Ainsi, mûries par le temps et adoucies par la raison, elles ont pénétré progressivement l'éducation.

    2. Jusqu'en 1830, les premiers principes de la religion et les éléments des sciences humaines constituaient le programme des écoles primaires qui étaient payantes. Il fallut attendre la loi Guizot (1833) pour avoir une réelle organisation générale. Cette loi accordait la gratuité aux enfants des familles peu aisées et arrêtait un nouveau programme pour les écoles primaires. De plus, cette loi rendait obligatoire l'organisation de classes normales près des lycées pour la préparation des futurs maîtres. Pour propager les bonnes méthodes, le ministre de Louis-Philippe envoyait des circulaires aux instituteurs et créait le "Moniteur Général de l'Instruction Primaire".

    3. Duruy (1867) a instauré de nouveaux programmes dans lesquels les différentes branches étaient présentées dans un ordre plus rationnel. de plus, ces programmes avaient une tendance pratique en particulier dans les sciences : l'application et l'expérimentation devaient accompagner l'enseignement théorique. Duruy s'est élevé contre l'enseignement qui se contente de remplir la mémoire des enfants de faits ; il a insisté pour que les maîtres apprennent aux élèves à réfléchir et à penser.

    4. La loi Ferry (1884) a rendu l'enseignement laïque, gratuit et obligatoire. Elle a porté au programme, outre les branches ordinaires, la morale, l'éducation civique, les travaux manuels et la gymnastique. Ferry voulait que l'école soit autre chose qu'une fabrique de connaissances, que l'éducateur forme le cœur et ennoblisse le caractère autant qu'il élève l'intelligence.

    5. Si l'instruction du peuple était à présent assurée, il ne faut pas oublier ceux qui ont combattu pour elle en des circonstances moins favorables. Nous rendrons ci-après un hommage particulier à la Suisse pour la part immense qu'elle a prise dans cette rénovation intellectuelle. C'est en Suisse en effet que Pestalozzi, Fellenberg, Naville et Girard ont consacré à cette noble cause leur vie et leurs talents, entraînant par leur exemple les esprits généreux de l'Europe entière.

    Chapitre III : Un disciple de Jean-Jacques Rousseau : Pestalozzi

    I. Sa vie et son oeuvre

     * Titre VIII - L'éducation au 19ème siècleJohann Heinrich (Jean-Henri) Pestalozzi naquit à Zurich en 1746. Orphelin à 6 ans, sa sensibilité en fut fortement augmentée et influença plus tard cet homme qui eut plus de cœur et de générosité que de caractère.

    Sa préoccupation essentielle fut, tout au long de sa vie, d'améliorer la situation du peuple, de lui offrir aussi bien une douceur matérielle que des jouissances intellectuelles. Il se fit agriculteur et ouvrit à Neuhof une ferme-école pour enfants pauvres ou abandonnés (1769 - 1780). 

    A la suite de l'occupation militaire des cantons suisses par les armées révolutionnaires françaises, il rassembla dans l'orphelinat de Stanz tous les enfants abandonnés et y fit des essais d'éducation. En se servant des enfants les plus âgés et les plus intelligents, il découvrit l'enseignement mutuel (1798 - 1799). Il enseigna ensuite à l'école de Burgdorf avant d'en devenir le directeur. Cet institut d'éducation comprenait une école élémentaire et un collège (1799 - 1804).

    Il connut sa période de célébrité à l'école d'Yverdon qui reçut la visite de nombreux éducateurs étrangers tels Herbart et Froebel.

    Pestalozzi avait un grand idéal : assurer le bonheur des autres. C'est pour cela qu'il faisait preuve d'abnégation et oubliait la valeur réelle des choses. On profita de lui. Ce fut la cause de ses échecs. Les jalousies et les incompréhensions amenèrent la fermeture de l'Institut d'Yverdon en 1824. Découragé, Pestalozzi mourut à Brugg en 1827, âgé de 81 ans.

    Les écrits de Pestalozzi ont tous été publiés en allemand. Généralement mal écrits, peu précis et peu clairs, on retiendra principalement une suite de pensées sur la morale et la religion, renfermant en germes tout son édifice pédagogique :

    • "Soirées d'un solitaire" (1780).
    • Dans "Léonard et Gertrude" (1781), il expose ce que doit être la méthode dans l'éducation élémentaire.
    • "Comment Gertrude instruit ses enfants" est l'exposé de ses principes et de ses méthodes. C'est un recueil de 14 lettres adressées à un libraire de Zurich mais le titre de l'oeuvre ne répond nullement au contenu.
    • Les "Livres élémentaires" (1801 - 1803) renferment les notions relatives à l'enseignement de la lecture et donnent une connaissance intuitive des rapports de mesure et des rapports numériques.
    • "Le Livre des Mères" (1803) est une étude du corps de l'homme.
    • Quant au "Chant du Cygne" (1826), il peut être considéré comme son testament pédagogique.

    II. Ses idées au sujet des buts de l'éducation

    1. L'éducateur n'imposera pas son but, ni ses idées à l'enfant ; il développera les dispositions naturelles de ses élèves.

    2. Il ne proposera pas un but uniforme puisque la société présente de multiples différences.

    3. L'éducation sera complète : elle embrassera à la fois le développement physique, intellectuel, moral et même professionnel.

    III. Ses conceptions pédagogiques et ses principes

    1. Pestalozzi ramène la pédagogie à la connaissance de la nature et l'éducation à l'application de lois découvertes. Le développement de la nature humaine doit être complet, se faire de manière insensible et progressive, être harmonique dans ses parties, cœur, esprit et talent.

    2. Pour lui, le talent naît des aptitudes intellectuelles combinées avec les forces physiques : l'enfant observe, cherche à comprendre, imite et invente.

    3. Le meilleur moyen de développement est l'exercice agréable et facile, approprié à ses forces et à ses besoins ; l'exercice difficile et pénible n'est pas fécond car il affaiblit. La tâche de l'éducateur consiste donc à trouver, pour les diverses facultés, les exercices les plus propices à les développer.

    4. Pour assurer à la société idéale, naturelle, simple et saine qui doit remplacer la société corrompue, contemporaine de Pestalozzi, il faut préparer le citoyen. Le milieu éducatif par excellence, c'est la famille.

    5. Pestalozzi voulait adapter l'enseignement aux lois du psychisme enfantin. En ce sens, il compléta l'oeuvre de Rousseau en prolongeant la théorie par la pratique.

    6. Il accorda une importance primordiale à l'intuition, fondement de l'instruction, base absolue de toute connaissance. Les moyens intuitifs prédomineront jusqu'au moment où l'intelligence sera assez forte pour s'élever sans effort aux notions abstraites.

    7. Pestalozzi a voulu réaliser systématiquement l'élaboration des idées. Cette systématisation l'a conduit à établir une véritable mécanisation de l'enseignement. C'est la méthode "organo-génétique" qui fait appel à l'activité, à l'intuition et aux procédés attrayants.

    8. Pour Pestalozzi, l'éducateur doit développer les facultés d'après leur ordre de succession naturelle sans forcer l'enfant. Dans chaque branche, il faut procéder du simple au complexe et progresser lentement et graduellement en suivant le développement de l'enfant. Il faut systématiser chaque point pour que l'enfant le possède complètement et en dispose librement. L'éducateur doit développer et accroître les forces de l'intelligence enfantine. Il faut lier le pouvoir au savoir, le savoir faire aux connaissances. Au lieu d'imposer le travail, l'éducateur laissera l'enfant libre et le gagnera par la diversité et l'attrait.

    IV. Son programme pour l'enseignement élémentaire

    1. L'étude de la langue comprend la prononciation à laquelle se rattache le chant, le vocabulaire et la langue proprement dite qui sert à exprimer ses pensées. L'enseignement de la langue se fera par l'observation et l'intuition. La première institutrice de l'enfant sera sa mère.

    2. L'étude de la forme comprend les mesures et la géométrie d'une part, le dessin et l'écriture d'autre part. Cet enseignement avait un double but : connaître les formes et les représenter. Pour parvenir à la connaissance parfaite, il faut s'habituer à évaluer les longueurs, puis à les mesurer et à les comparer et, enfin, à les représenter.

    3. Pestalozzi considérait l'étude du nombre et le calcul comme la branche la plus favorable à "ouvrir" l'esprit. L'effort obtenu par l'exercice du raisonnement était le but principal, les connaissances acquises n'étaient que secondaires. Sa démarche partait de l'intuition, à l'aide des doigts, de pierres ou de bâtonnets, passait par le tableau des unités pour arriver à l'abstraction et se terminait par le calcul chiffré.

    4. Pestalozzi critiqua l'emploi abusif du livre. Il demandait une préparation à la vie réelle par des connaissances pratiques comprenant le développement des aptitudes physiques à l'aide d'exercices rationnels. 

    5. L'école doit continuer l'action de la famille sans distinction de croyances diverses de religions.

    6. Dans le domaine des disciplines d'éveil, Pestalozzi préférait parler d'abord de la commune avant de passer à l'histoire proprement dite. En géographie, les élèves prenaient des croquis et construisaient des reliefs du lieu natal avant de passer à l'étude des cartes. Les sciences naturelles étaient enseignées par des méthodes actives : observation, description et classes-promenades. En gymnastique, les jeux, les exercices militaires, les travaux manuels et, notamment, le jardinage assuraient le développement physique.

    V. Pestalozzi et Rousseau

    1. A la culture superficielle et mécanique du 18ème siècle, Pestalozzi a substitué une éducation en harmonie avec les besoins et les lois de la nature humaine. Il eut le mérite de mettre en pratique effectivement les idées que Rousseau s'était seulement contenté d'exprimer.

    2. Comme Rousseau, il alliait le travail manuel à l'étude, redoutait la multiplicité des livres, prôna un enseignement par les choses et croyait en la bonté de l'enfant. il s'inspira de la nature, alors que Rousseau demandait de la suivre, et accepta tous les moyens rationnels. Tandis que Rousseau n'envisageait qu'une éducation privilégiée, Pestalozzi appela à l'éducation tout le peuple.

    3. L'oeuvre de Pestalozzi a été primordiale. Certes c'était un homme trop bon, manquant de caractère, confronté à de nombreux échecs, mais ce but et ce souci de rendre l'éducation pus humaine et plus agréable ont meublé toute sa vie.

    4. Pestalozzi s'est intéressé à la psychologie de l'enfant. Sans aucun doute il a commis des erreurs à propos de sa conception de l'intuition, mais il persévéra et la plupart de ses principes sont encore appliqués de nos jours : la nécessité de tenir compte de l'évolution naturelle de l'enfant pour faire progresser ses connaissances, les méthodes actives qui font appel à l'observation, à l'expression, à l'imagination, à l'expérimentation, à la manipulation, à l'imitation.

    5. A la fin de sa vie, Pestalozzi s'est rendu compte que l'éducation sensible et intuitive devait nécessairement être complétée par une éducation du jugement et du raisonnement.

    6. Après Rousseau, Basedow et les philanthropes, Pestalozzi tient le premier rang parmi ceux qui ont contribué à fonder l'école contemporaine. Il fut le plus influent de tous les pédagogues modernes.

    7. Pensant que la rénovation de l'éducation apporterait une solution à la question sociale, Pestalozzi voulut remédier à l'ignorance et à la misère du peuple. Il a voulu l'école universelle, gratuite et laïque, accessible à tous les enfants, riches ou pauvres.

    8. Pestalozzi a formé d'illustres disciples comme le Père Girard, directeur des écoles de Fribourg, et Froebel, le créateur des jardins d'enfants. Ce fut surtout en Allemagne que l'influence de Pestalozzi fut primordiale. Herbart assura d'ailleurs que Pestalozzi avait posé les bases de toute la pédagogie ultérieure.

    Chapitre IV : Le développement de l'éducation à l'étranger

    I. L'évolution de l'éducation en Europe et aux Etats-Unis

    1. Une évolution parallèle des problèmes de l'éducation peut être constatée dans les pays étrangers. Tous les états de l'Europe ont participé au mouvement en faveur des écoles. L'enseignement supérieur et l'enseignement moyen ont attiré plus tôt l'attention des pouvoirs publics et même davantage que l'enseignement primaire. Mais en général, c'est par les soins dont l'enseignement primaire est entouré, que l'on peut apprécier les progrès de l'instruction publique. Nous nous limiterons à caractériser brièvement les mesures prises en faveur des écoles populaires.

    2. Pour l'Angleterre, la ressemblance est frappante avec l'évolution de l'éducation en France. C'est également le développement économique et le machinisme qui ont libéré des loisirs pour l'homme et permis de retarder de plus en plus l'âge d'entrée dans la vie active. Les progrès de l'éducation en Angleterre sont davantage dus à l'action des institutions locales et privées qu'à celles de l'Etat. Celle-ci devint de plus en plus importante, au fur et à mesure que l'initiative particulière put moins supporter les lourdes charges de l'éducation moderne.

    L'enseignement secondaire quant à lui restait l'apanage de la classe aisée qui pouvait offrir à ses enfants la fréquentation des célèbres "Public Schools".

    Le développement scientifique s'est longtemps fait hors des écoles et des universités. Ce n'est qu'après 1850 que la science pénétra à Oxford et Cambridge. C'est au cours de la seconde moitié du siècle que le contrôle de l'Etat tendit à s'exercer davantage sur l'éducation secondaire. En 1872, l'enseignement féminin était organisé.

    Nous analyserons ci-dessous, au chapitre VII, l'oeuvre du philosophe anglais Spencer dont les idées pédagogiques sont assez remarquables.

    3. A aucun moment, aux Etats-Unis, on ne peut parler d'une organisation nationale de l'enseignement car cette organisation est laissée aux différents états, aux communes et aux villes. Le pouvoir central ne s'est réservé qu'un droit de surveillance. C'est le peuple américain qui a réalisé le premier l'enseignement gratuit pour tous : l'enseignement primaire dès 1830, l'enseignement secondaire vers 1850. Dans la plupart des écoles organisées par les communes, l'éducation n'était pas confessionnelle mais, bien que l'enseignement dogmatique y était strictement interdit, l'école était profondément religieuse : presque partout, les leçons commençaient et se terminaient par la lecture de la Bible, la prière et le chant de cantiques religieux ! L'enseignement supérieur est resté en grande partie privé et indépendant, mais à tous les degrés de l'enseignement, un effort remarquable a permis de développer la science de l'éducation et une attitude expérimentale à l'égard de ses problèmes.

    4. En Hollande, une loi de 1806 attribuait à l'Etat toute autorité sur les écoles même privées. Elle interdisait l'emploi du mode mutuel. Les écoles étaient indépendantes de toute confession particulière. C'était la première application de la séparation de l'église et de l'école. Cette loi a régi la Hollande jusqu'en 1848, année où fut reconnue la liberté d'enseignement, ce qui permit la création d'écoles confessionnelles.

    5. En Autriche, l'instruction obligatoire était établie depuis Marie-Thérèse. Une loi de 1883 imposait l'établissement d'une école primaire gratuite, non confessionnelle et généralement mixte, dans toute portion de territoire d'une lieue de rayon habitée par au moins 40 enfants en âge d'école. Ceux-ci devaient suivre les cours de 6 à 14 ans et un examen constatait leurs capacités.

    L'Autriche a aussi organisé des écoles primaires supérieures à huit classes, non mixtes, des cours complémentaires obligatoires pour les apprentis, de nombreux jardins d'enfants et des cours normaux pour la formation des enseignants. La liberté d'enseignement y permit la création d'écoles privées mais, tout comme dans les écoles publiques, les instituteurs devaient être diplômés, suivre le programme et se soumettre à l'inspection. Les écoles normales préparaient les membres du corps enseignant qui ne recevaient leur diplôme qu'après deux ans de stage.

    6. Régie par une loi de 1882, la Suède a établi des écoles préparatoires, des écoles primaires inférieures et supérieures. Mais dans les régions peu peuplées existent des écoles ambulantes dont l'instituteur est nommé pour deux ou trois districts. L'instruction y est gratuite, obligatoire et la fréquentation ne peut être retardée au-delà de 9 ans. Le travail manuel vient s'ajouter aux branches habituelles et y acquiert une importance particulière. Une mention spéciale doit être faite pour le professeur Ling (1776 - 1839), fondateur de l'Institut central de gymnastique de Stockholm, qui s'efforça de donner à cette branche une base scientifique et rationnelle en faisant reposer tous les exercices sur l'étude de l'anatomie et de la physiologie.

    7. La Norvège, où l'obligation est fixée à l'âge de 7 ans, a une organisation analogue à celle de la Suède. La situation est la même au Danemark : on y trouve des écoles ambulantes dont l'instituteur est nommé pour deux ou trois districts. Le Danemark est un des premiers pays où le travail manuel a reçu une organisation particulière.

    8. En Espagne, l'obligation scolaire date de 1857, mais la situation politique du pays a souvent paralysé la loi, et la grande majorité de la population est illettrée. Depuis 1886, l'Etat a pris à sa charge le paiement des dépenses relatives au personnel et au matériel des écoles primaires, à l'inspection, aux écoles normales. Ces mesures témoignent de l'intérêt qu'inspiraient l'instruction publique et le corps enseignant. 

    9. Le Portugal a également pris des mesures libérales en faveur de l'éducation populaire. Les lois réorganisatrices de 1878 et 1880 ont établi l'instruction obligatoire de 6 à 12 ans avec des examens finals, gratuite avec contrainte pour les municipalités de fournir livres et vêtements aux indigents. Des écoles normales préparent les instituteurs pour les écoles élémentaires et les écoles complémentaires. Depuis 1882, des jardins d’enfants ont également été institués.

    10. En Italie, l'école primaire est organisée par les lois de 1859 et 1877. Elle est gratuite et obligatoire de six à neuf ans pour l'école primaire inférieure. Le manque d'instituteurs pour diriger les écoles primaires a rendu cette obligation illusoire dans beaucoup de communes. Les écoles primaires supérieures étaient obligatoires dans les communes de plus de 4000 habitants. Il existait des écoles normales nationales et d'autres dépendaient des provinces, mais le corps enseignant primaire souffrait notamment du grand nombre de membres non diplômés ou munis de brevets obtenus sans préparation convenable.

    11. La Suisse avait laissé aux autorités cantonales le soin de fixer la législation scolaire. C'est pourquoi des règlements très différents apparurent d'un canton à l'autre. Cependant l'article 27 de la Constitution fédérale trace quelques mots sur les principes de l'organisation scolaire : une instruction suffisante, obligatoire, gratuite dans les écoles publiques, dirigée exclusivement par l'autorité civile. Ces écoles publiques devaient être accessibles à toutes les opinions religieuses et respecter la liberté de conscience et de croyance. L'enseignement de la gymnastique était placé sous la surveillance du département militaire fédéral à titre d'enseignement préparatoire au service militaire.

    II. Emile Durkheim, sociologue

     * Titre VIII - L'éducation au 19ème siècle1. Sociologue français né à Epinal en 1858, Emile Durkheim, agrégé de philosophie, fut professeur de pédagogie et de sciences sociales à Bordeaux en 1887 puis à la Sorbonne en 1902. En 1913, ce poste devint la chaire de sociologie. Fondateur de la revue "L'Année sociologique" en 1896, il anima l'Ecole française de sociologie.

    En ce qui concerne notre point de vue - l'histoire de l'éducation - nous retenons que nous lui devons :

    • "L'Evolution pédagogique en France", un ouvrage datant de 1938,
    • "L'éducation morale" qui faisait partie intégrante de son séminaire de 1902-1903 dispensé à la Sorbonne auprès des étudiants en sociologie, cours qu'il avait déjà prononcé à Bordeaux dans les années 1898 à 1900,
    • ainsi que "Education et Sociologie" réédité en 1977.

    2. Parmi les idées essentielles d'Emile Durkheim, nous avons retenu que l'autorité joue un grand rôle et l'effort doit être pénible pour nous dépasser ; que l'éducateur doit avoir une grande autorité morale basée sur la confiance et le respect ; que l'éducation varie dans le temps et l'espace puisque chaque société se fait un certain idéal de l'homme et de ce qu'il doit être tant au point de vue physique qu'au point de vue intellectuel. Il insista tout particulièrement sur l'importance du rôle joué par la société. Pour lui, la sociologie doit être à la base de la pédagogie : comme les sociétés changent, les modèles pédagogiques doivent s'adapter à ces changements.   

    3. Emile Durkheim accordant une grande importance à l'histoire et à l'éducation, croit que c'est seulement en étudiant le passé avec soin que nous pouvons arriver à anticiper l'avenir et à comprendre le passé. Mieux encore, Durkheim estimait qu'une histoire de l'enseignement était la meilleure des écoles pédagogiques.

    4. Durkheim soutenait qu'il fallait initier la jeunesse aux mœurs, genres de vie du groupe dont ils seraient un jour les membres agissant. L'éducation doit préparer à l'intégration au groupe. Les systèmes pédagogiques doivent répondre aux exigences du milieu.

    5. Les recherches historiques et sociologiques doivent concourir à résoudre les problèmes pédagogiques. Durkheim souhaite développer le sentiment de discipline, d'attachement aux groupes sociaux. Pour ce sociologue, l'éducation doit être rationaliste, laïque et morale. Il estimait qu'enseigner la morale, ce n'est pas la prêcher ni l'inculquer, c'est l'appliquer.

    III. William James

     * Titre VIII - L'éducation au 19ème siècle1. Né en Amérique à New-York, en 1842, William James fit des études en France et en Allemagne. Docteur en médecine, au courant des travaux de physiologie et de psychologie de son temps, il essaya de faire de la psychologie une science naturelle positive. Il fonda le pragmatisme et espérait que celui-ci bouleverserait la science. La vérification expérimentale tournée vers l'action et la croyance vitale, la satisfaction des besoins profonds de l'être humain sont deux caractéristiques du pragmatisme. William James fut professeur à l'Université de Harvard : psychologie, physiologie et philosophie. Ce fut un grand philosophe américain. Son oeuvre pédagogique essentielle est intitulée "Causeries pédagogiques".

    2. En ce qui concerne ses conceptions philosophiques et pédagogiques, James est empiriste et pragmatiste. Il est l'un des premiers psychologues qui expérimente. Pour lui, éduquer c'est l'art d'organiser les ressources de l'enfant, en les adaptant aux circonstances variables de sa vie physique, sentimentale et intellectuelle. Il demanda aux pédagogues de tenir compte des renseignements apportés par la psychologie générale qu'il considérait comme une science.

    3. Il demanda à l'éducateur d'être l'homme de bon sens. Cette méthode pédagogique doit être d'accord avec la psychologie. Les énonciations d'idées constituent le point de départ de toute activité de l'esprit. Ces associations sont liées à l'expérimentation individuelle. Le pédagogue doit stimuler et orienter ces associations vers des systèmes plus élaborés. Il doit essayer de créer de bonnes réactions, c'est-à-dire de bonnes habitudes. Le devoir de l'éducateur est de munir ses élèves d'un ensemble d'habitudes les plus utiles dans la vie.

    L'éducateur doit organiser les ressources de l'enfant en les adaptant aux circonstances variables de sa vie physique, intellectuelle et sentimentale. William James accordait beaucoup d'importance à l'éducation de la volonté et du caractère. Il suggérait de faire appel à l'amour-propre de l'enfant et à son désir de lutte.

    4. James fut donc un représentant important de la psychologie expérimentale qui allait peu à peu se substituer à la psychologie descriptive et statique du 19ème siècle. Avec James, après Rousseau et Pestalozzi, la pédagogie est définitivement liée au développement scientifique de la psychologie. Après lui, les psychologues expérimentateurs et les praticiens de l'éducation n'ont cessé d'éclairer la pédagogie de leurs informations. C'est ainsi que le mouvement de l'école nouvelle s'établit au début du 20ème siècle sur des bases scientifiques.

    Chapitre V : L'enseignement mutuel

    Pendant que Pestalozzi jetait en Suisse et en Allemagne les bases d'une culture rationnelle des facultés et d'un enseignement soumis aux lois qui président leur développement, André Bell (1753 - 1832) et Joseph Lancaster (1778 - 1838) organisaient l'un, en Angleterre, et l'autre, en Amérique, l'enseignement dit "mutuel".

    Ce procédé avait déjà été appliqué, du moins en principe, par Madame de Maintenon, par J. B. de La Salle et plus récemment par Pestalozzi. ceux-ci avaient eu recours à des élèves avancés pour favoriser leurs voisins, mais la classe entière restait soumise à l'instituteur qui donnait lui-même la leçon.

    I. Andrew Bell

    1. Lors d'un séjour aux Indes, André Bell, ayant vu des enfants apprendre à écrire sous la surveillance d'un condisciple plus âgé, s'imagina d'appliquer ce procédé en prenant pour aide un enfant de huit ans. pendant plusieurs années, il continua cet essai et, revenu à Londres, il publia deux livres avec les instructions à suivre pour appliquer l'enseignement dit "mutuel".

    2. Les élèves sont répartis en plusieurs groupes, placés sous la direction immédiate des plus avancés, appelés moniteurs, qui leur apprennent à lire, à écrire et à calculer. il est certain qu'un moniteur ne peut remplacer un maître mais quel bienfait, dans un pays où il y a beaucoup d'enfants et peu d'instituteurs, qu'une méthode permette à un seul maître d'instruire des centaines d'enfants !

    II. Joseph Lancaster 

     * Titre VIII - L'éducation au 19ème siècle1. Instituteur, Joseph Lancaster (1778 - 1838) a consacré sa vie à l'enseignement de l'enfant pauvre. Ayant établi dans un faubourg de Londres une école destinée aux classes nécessiteuses et n'ayant qu'un adjoint, il se fit aider par les élèves les plus avancés.

    2. Mais le seul avantage de l'enseignement mutuel était de diminuer les frais. Pour le reste, il ne présentait que des inconvénients car il était illusoire d'en attendre plus d'instruction et plus d'éducation morale. Le moniteur initiait les élèves à la pratique de la lecture,  de l'écriture et de l'orthographe ; il donnait des notions grammaticales et géographiques ; mais il ne cultivait pas les facultés, ce que l'école primaire doit s'efforcer de faire. c'est pourquoi tout ce qui exige de l'intelligence et de la méthode doit être réservé au maître.

    Le mode mutuel pouvait rendre des services dans les grandes villes, il y a plus de cent ans, alors qu'on demandait peu et que les instituteurs faisaient défaut. Impuissant à répondre aux exigences modernes, il connut cependant un réel succès de 1800 à 1830 car les disciples de Lancaster furent aussi ardents que leur maître pour le propager dans toute l'Europe.

    Actuellement, il a complètement disparu comme mode exclusif, mais combiné avec les modes simultané et individuel, il rend de réels services là où l'instituteur se voit confier une population considérable ou une classe à plusieurs divisions.

    III. Le Père Girard

     * Titre VIII - L'éducation au 19ème siècle1. Grégoire Girard, de son nom complet Jean-Baptiste Melchior Gaspard Balthazar Girard, et surnommé le "Père Girardnatif de Fribourg (1765 - 1850) pédagogue suisse. Il a participé au projet de l'éducation publique en Suisse sous Napoléon. Il a aussi développé des théories sur l'éducation physique, il était un grand admirateur de Jahn. Il fut attaché aux écoles primaires de cette ville, puis fut nommé préfet des écoles françaises. Grâce à l'introduction de l'enseignement mutuel habilement combiné avec l'enseignement du maître, la ville de Fribourg devint très célèbre.

    2. Malheureusement, le Grand Conseil décida d'interdire l'enseignement mutuel et le Père Girard se retira alors au couvent de Lucerne. Il publia les ouvrages suivants : "Projet d'éducation pour toute l'Helvétie", "De l'enseignement régulier de la langue maternelle" ; ces deux ouvrages eurent une grande influence sur l'enseignement du français et, en particulier, de la grammaire.

    3. Il voulait surtout rendre l'enfant meilleur. Moraliser plutôt qu'instruire, tel était le but de tout l'enseignement. L'éducation morale proposait particulièrement la culture de la volonté. Ayant formé le jugement par les nombreux exercices intellectuels, il faisait appel à la connaissance et à la conscience et recourait notamment aux récompenses et aux punitions.

    4. Il prônait un enseignement progressif et pratique d'une part, limité aux connaissances nécessaires à l'enfant et d'autre part, basé sur des règles peu nombreuses, établies par des exemples et retenues par beaucoup d'exercices. Il le voulait aussi harmonique dans ses différentes parties : syntaxe, conjugaison, vocabulaire et rédaction. Il fondait son plus grand espoir dans l'action de la mère, la première institutrice de l'enfant. 

    Chapitre VI : L'école allemande

    Pestalozzi, dont nous avons évoqué ci-dessus la vie et développé les principes, est considéré comme le piédestal de la pédagogie aux temps actuels, mais tout particulièrement de la pédagogie allemande. En passant à l'Allemagne, nous entrons sur la terre classique de la pédagogie.

    Les guerres de Napoléon Ier avaient fait sentir à l'Allemagne sa faiblesse et l'incohérence de ses institutions politiques. Elles avaient aussi réveillé en elle le sentiment national et le besoin d'une régénération.

    On se souviendra que le "discours à la nation allemande" de Fichte dirigea ce mouvement vers la recherche d'une éducation nationale. Selon ce philosophe, Pestalozzi était l'homme de la Providence pour opérer le relèvement désiré. Des hommes d'état et des pédagogues étaient venus à Yverdon pour y étudier la méthode nouvelle. Des écoles normales furent fondées, la fréquentation des écoles primaires devint obligatoire et la vocation de l'instituteur fut considérablement améliorée. L'esprit de rénovation se propagea très vite, renouvela et transforma l'école primaire. 

    I. Frédéric Froebel et les jardins d'enfants

     * Titre VIII - L'éducation au 19ème siècle1. Le 19ème siècle a organisé d'une manière régulière et sur une échelle importante l'éducation publique des petits enfants. Auparavant, c'était surtout la charité ou l'initiative privée qui avaient créé et organisé les établissements qui étaient des dépôts où on se bornait à surveiller les enfants.

    2. Friedrich Fröbel (1782 - 1852) apprit les sciences mathématiques, physiques et économiques à l'Université de Iéna. A la mort de son père, il entra comme instituteur dans une maison d'éducation à Francfort où il appliqua la méthode de Pestalozzi. En 1817, il fonda une première institution et, en 1826, il publia un premier livre : "L'Education de l'Homme". En 1837, il ouvrit à Blankenburg le premier "Kindergarten" (jardin d'enfants) dans lequel l'enfant fait connaissance avec la nature et peut satisfaire son grand besoin d'activité et sa curiosité.         

    3. Son but était de développer l'enfant d'après les lois de la nature. Il réglait ses amusements en même temps qu'il s'efforçait de lui apprendre à penser et à développer toutes ses facultés intellectuelles. De plus, il voulait décharger les classes ouvrières d'un devoir qu'elles ne pouvaient accomplir : assurer à l'enfant la santé du corps et le développement des facultés.

    4. Frédéric Froebel préconisait une éducation intuitive par le jeu puisque le jeu développe les facultés d'observation et d'association ; c'est un véritable travail intellectuel et il fortifie le corps. Les jeux ont en vue l'éducation complète et harmonique. En les graduant, Froebel se proposait d'initier l'enfant d'une manière concrète à la connaissance des lois qui régissent l'univers. Afin d'animer le travail, les exercices étaient accompagnés de chants mélodieux.

    5. Pour appliquer sa loi d'activité, Froebel avait conçu tout un matériel éducatif : les dons. Il s'agissait de solides géométriques qui se prêtaient à une foule de combinaisons et de constructions diverses.

     * Titre VIII - L'éducation au 19ème siècle

    Les dons sont à l'origine de nos jeux éducatifs modernes. Bien que ces formes fussent fort abstraites pour les petits enfants, Froebel y voyait le moyen d'aider les fonctions de l'enfant à s'exercer.    

    6. La pédagogie de Froebel est donc essentiellement consacrée aux tout petits. Pour Coménius, l'école maternelle ne constituait pas une communauté d'enfants, mais l'éducation que donnait la mère à l'enfant. Pour le créateur des premiers "Kindergarten", il s'agit au contraire d'une école au sens propre du mot. Le terme "Kindergarten" peut être compris de deux façons : au sens figuré, ce sont des écoles où les enfants doivent être cultivés comme des fleurs ; au sens propre, ce sont des écoles dans lesquelles il faut nécessairement un jardin ! 

    7. Bien que les jardins d'enfants ne devaient remplacer la famille qu'en cas de nécessité, la situation sociale était telle qu'ils se sont propagés rapidement dans l'Europe occidentale. Des jardins d'enfants et des écoles normales froebeliennes furent créées en Belgique, aux Pays-bas, en Angleterre et même en Amérique. En Italie, la doctoresse Maria Montessori, que nous évoquerons au titre suivant, ouvrit sa célèbre "Casa dei Bambini" en 1907. En Belgique, le premier jardin d'enfants fut une école privée, ouverte à Ixelles (dans l'agglomération bruxelloise) en 1857. La première école normale Froebel fut créée à Mons en 1910. A Bruxelles, l'école normale pour institutrices froebeliennes fut créée en 1913.

    II. Pauline Kergomard

     * Titre VIII - L'éducation au 19ème siècle1. Née à Bordeaux en 1838, issue d'une famille d'enseignants protestants, Pauline Kergomard passa sa jeunesse dans la pension pour jeunes filles de sa tante et devint institutrice.

    En 1879, chargée d'inspecter les salles d'asile, elle reçut pour mission de préparer leur remplacement par une nouvelle institution : "l'école maternelle" qui reçut ce nom en 1881 et prit peu à peu le visage que nous lui connaissons aujourd'hui. Fondatrice des écoles maternelles françaises, Pauline Kergomard fut le premier membre féminin du Conseil supérieur de l'Instruction publique.

    Elle réussit à faire améliorer l'action éducative en obtenant des locaux convenables, du mobilier adéquat et à spécialiser les institutrices qui exerceraient dans les écoles maternelles. C'est sous son impulsion que s'ouvrit à Paris en 1912 un cours normal d'éducation maternelle.

    3. En matière de pédagogie maternelle, il fallait tout créer pour substituer à la discipline contraignante et aux fastidieux exercices de mémoire des salles d'asile, une éducation qui tienne compte des besoins des enfants et de leurs possibilités, qui favorise l'activité, l'observation libre et l'exercice de jugement.

    4. Pauline Kergomard préconisa ce qui était déjà une école active, bien avant Ferrière et Dewey, pédagogues du 20ème siècle (voir Titre IX). C'est par l'activité et le jeu que l'enfant constituera son capital d'observations et de connaissances. C'est ainsi que Pauline Kergomard insista fort sur la nécessité de mettre à la disposition des enfants un matériel de jeux. Elle émit cependant quelques réserves sur l'utilisation trop systématique d'un matériel éducatif d'allure géométrique, préconisé par Fröbel.

    5. Pauline Kergomard a dû combattre "l'école garderie" et "l'école primaire en réduction". Si la différence entre nos classes maternelles actuelles et les salles d'asile est énorme, si Pauline Kergomard accordait une importance primordiale au bien-être physique, intellectuel et moral des petits, il a fallu des apports importants dans le domaine de la psychologie et de la pédagogie pour adapter la vie au jardin d'enfants aux besoins psychologiques des petits.

    III. Jean Frédéric Herbart

     * Titre VIII - L'éducation au 19ème siècle1. Philosophe allemand, élève de Fichte à l'Université de Iéna, Johann Friedrich Herbart (1776 - 1841) fut précepteur en Suisse et y connut Pestalozzi. Il enseigna les mathématiques en Allemagne puis devint professeur de philosophie à l'Université de Göttingen après avoir défendu une thèse de pédagogie.

    Herbart enseigna la philosophie et la pédagogie à l'Université de Koenigsberg pendant près de 25 ans. Il y créa le premier séminaire pédagogique pour initier les futurs professeurs à l'enseignement pratique.

    2. Son principal ouvrage est la "Pédagogie Générale". Il a approfondi toutes les études : philosophie, mathématiques et musique. Sa pédagogie fut la première tentative systématique, en Allemagne, pour élever la doctrine de l'éducation au rang d'une science exacte, en la fondant notamment sur l'expérimentation.

    3. Pour Herbart, la formation du caractère doit être le but final de l'éducation : la valeur d'un homme ne se mesure pas à son savoir mais à son vouloir. Mais l'instruction est le fondement unique de l'éducation tout entière. Pour Herbart, il faut construire l'esprit de l'enfant. Les connaissances qu'on lui donne doivent constituer les éléments qui nourriront son esprit en croissance. Ces connaissances, liées les unes aux autres, systématisées, édifieront son esprit. Ainsi, toute éducation procède d'un enseignement qui doit être structuré.

    4. Il nous a paru intéressant d'exposer brièvement les bases psychologiques de sa pédagogie. Celle-ci est d'abord empirique : l'esprit se crée progressivement grâce aux idées apportées par les perceptions sensibles. Les connaissances acquises par l'esprit sont organisées en séries psychologiques dont les éléments sont logiquement reliés entre eux. L'esprit incorpore toute idée nouvelle à la série psychologique correspondante.

    Pour réussir en éducation, il faut éveiller l'intérêt de l'enfant pour les notions à connaître. Herbart est le premier qui s'appliqua à l'étude psychologique de l'intérêt et de l'attention, comme fondements de la pédagogie. Ses théories ont connu beaucoup de succès dans les pays germaniques et anglo-saxons. Si elles sont aujourd'hui dépassées, elles fournissent cependant des indications utiles.

    5. Le but suprême de l'éducation étant la formation de volontés libres, Herbart proposa de développer la multiplicité des intérêts comme seul moyen d'y arriver. Sans renoncer à l'attention volontaire, Herbart donnait la préférence à l'attention spontanée que l'enseignement doit tendre à susciter. Dès lors il accorda une grande importance à l'intuition et rejoignait ainsi les idées de Pestalozzi.

    6. Pour arriver aux idées en partant des réalités, Herbart se servait donc de l'intuition, de l'analyse, de la synthèse, de l'induction, de la déduction, de la comparaison, de l'abstraction et de la généralisation. Pour Herbart, il y a quatre étapes dans tout enseignement : la clarté, l'association, le système, la méthode.

    Les disciples d'Herbart ont remplacé ces termes par d'autres plus compréhensibles : l'intuition, la comparaison, la systématisation et l'application. Ces étapes, observées dans toute leçon, en garantissent la réussite ! Ce plan rigide permettait de ne pas s'égarer et avait le mérite de placer les généralisations, les règles, les classifications à la suite de l'observation alors qu'elles avaient jusque là toujours été placées au début de l'étude !

    7. Herbart fut le premier à systématiser la pédagogie et à la baser sur une psychologie. Sa foi en l'éducation et en la puissance de l'instruction a fortement influencé de nombreux éducateurs. Il a appris à enseigner. La leçon structurée est "herbartienne". Toute la pédagogie dite "traditionnelle" est imprégnée de ses principes.

    8. Herbart réclama pour les maîtres une instruction étendue et une connaissance approfondie de la pédagogie car l'éducation devait être individuelle et adaptée au caractère de chaque enfant. Il appréciait beaucoup les maîtres qui savaient profiter d'un évènement scolaire en vue d'un but utile. Pour maintenir l'ordre, les maîtres devaient user d'abord de leurs qualités physiques (maintien, voix), puis de réprimandes et de punitions et, au besoin, de châtiments corporels.

    9. En fixant à l'éducation un but élevé, Herbart a fortement influencé les maîtres des 19ème et 20ème siècles. Sa pédagogie scientifique donnait à ses procédés de culture intellectuelle et morale des bases rigoureusement conformes à la marche de l'esprit. Mais cette conception intellectualiste de la psychologie est périmée. La pensée "herbartienne"est aujourd'hui dépassée, mais elle constitue un moment important de l'évolution pédagogique.

    IV. Friedrich Jahn et l'éducation physique

     * Titre VIII - L'éducation au 19ème siècle1. Le 19ème siècle, à ses débuts, a vu naître une conception de l'éducation physique dont l'action ne marqua pas seulement l'histoire de la gymnastique, mais celle de l'Allemagne et, par contrecoup, celle du monde.

    Les idées philanthropiques et patriotiques ont contribué à l'essor des théories gymnastiques. En fait, le "Turnen" de Friedrich Ludwig Jahn (178 - 1852) a été préparé par Kant et Fichte.

    2. Kant accordait de l'importance aux jeux qui permettaient aux enfants de découvrir le monde. Selon ce philosophe, l'éducation apprend à l'enfant à se discipliner et ainsi le forme pour la société. Pour Fichte, l'éducation devait être vouée au service de la morale et de la communauté. Cette définition s'inspirait des idées de Pestalozzi que Fichte admirait beaucoup.

    Pestalozzi voulait former le peuple non par une éducation proprement populaire mais par une éducation nationale. A l'encontre des méthodes de Pestalozzi, Fichte préconisait l'éducation de l'enfant hors de son contexte familial.

    3. Dans la communauté où cette éducation était donnée, l'éducation physique fut marquée d'une autre originalité que Jahn ne se lassa pas de développer : elle était une condition essentielle de l'éducation morale et patriotique. Jahn a souvent été appelé Turnvater Jahn, soit le « père de la gymnastique », pour ses apports à ce sport. Cette gymnastique agit certes sur le plan physique mais aussi au niveau du sentiment national. Ainsi, la gymnastique n'était plus seulement, comme chez Guts Muths, la condition de la santé, c'était une sorte d'hygiène morale. La gymnastique est devenue l'indispensable instrument d'une action morale dont la première démarche était d'assurer l'existence d'une communauté nationale.

    4. Jahn voulut rétablir l'harmonie corps-esprit. Il subit l'influence de l'école philanthropiniste mais qui fut dépassée par le but patriotique. L'idéologie de Jahn était un système d'éducation nationale gravitant autour de la gymnastique. Celle-ci avait pour objectif de préparer la revanche en restaurant la virilité du peuple allemand et le sentiment national d'une manière bien précise. Le "Turnen" représente la virilité, l'éducation collective qui vise à réimprégner l’individu dans la culture de son pays. Elle développe la solidarité et le sentiment national. Le mouvement du Turnverein qu'il a fondé a eu une influence intellectuelle sur la genèse du nazisme ! La gymnastique que préconisait Jahn était humaine, s'adressant au corps et à l'esprit. Elle était patriotique car elle tenait compte des besoins et des caractères de la nation. Jahn se différenciait encore des précurseurs de Guts Muths en s'adressant cette fois à la classe populaire. Les cours de gymnastique étaient ouverts gratuitement à tous, jeunes ou vieux, pauvres ou riches.

    5. La méthode de Jahn comprenait des exercices gymniques groupés suivant leurs caractéristiques, des jeux et de grands rassemblements de gymnastique. Jahn préconisa enfin des randonnées pédestres qui sont à l'origine des auberges de jeunesse. Pour chaque séance d'application, Jahn prévoyait une série d'exercices destinés à préparer l'élève, à le rendre apte à cette application. Ce qui importait surtout pour Jahn, c'était l'habileté pratique, l'endurance. Il se désintéressa des difficultés acrobatiques que ses successeurs imaginèrent, confondant buts et moyens.

    7. Parmi ses successeurs, Ernst Eiselen (1791 - 1848) se révéla le technicien du système de Jahn. Quant à Adolf Spiess (1810 - 1858), il se préoccupa d'introduire un système applicable à l'école. Il fut le pédagogue de la méthode allemande.

    V. Adolf Spiess et l'éducation physique

     * Titre VIII - L'éducation au 19ème siècle1. Adolf Spiess adapta la gymnastique allemande au milieu scolaire. Il pensait que l'éducation physique comportait non seulement les exercices aux appareils qui occupaient alors la première place, mais aussi le perfectionnement des mouvements qui se présentent le plus fréquemment dans la vie. Pour les fillettes, Spiess a conçu une gymnastique adaptée, où les préliminaires ont la plus grande part.

    2. Spiess a établi des progressions d'exercices s'enchaînant sans solution de continuité entre les différents âges, de telle sorte qu'il soit possible d'attribuer à chaque âge des exercices accessibles à la majorité des élèves. Il a cherché à épuiser pour chaque série tous les mouvements possibles.

    3. L'abondance de la matière l'a obligé à écrire quatre volumes, oeuvre monumentale certes, mais trop importante pour présenter véritablement un caractère pratique. 

    4. Il a étudié la possibilité de faire travailler simultanément un grand nombre d'enfants et a créé notamment des agrès spécialement conçus, permettant une exécution collective.

    5. Spiess peut donc être considéré comme le créateur de la gymnastique scolaire allemande et en particulier de celle des fillettes. Son oeuvre a été continuée par Maul à Bâle. 

    Chapitre VII : L'éducation en Angleterre

    I. La situation de l'enseignement

    1. En Angleterre, l'Etat avait pour principe de ne pas s'occuper directement de l'éducation et de laisser à l'initiative privée le soin d'organiser l'enseignement et de répondre à tous les besoins dans ce domaine.

    Si l'instruction supérieure et moyenne étaient fortement établies depuis longtemps, nous pouvons remarquer qu'avant le 19ème siècle, les écoles élémentaires, par contre, étaient rares et insuffisantes.

    2. A la suite du mouvement créé par le mode mutuel, deux grandes associations fondèrent plusieurs écoles et contribuèrent à améliorer les méthodes et à répandre les publications classiques.

    3. L'instruction était obligatoire mais pas la fréquentation d'une école. Nul enfant de moins de 14 ans ne pouvait être admis dans un atelier s'il n'avait obtenu des inspecteurs un certificat attestant une instruction suffisante.

    4. L'Ecosse fut dotée d'écoles dès le 17ème siècle. Cette situation subsiste sans grandes modifications jusqu'en 1872 quand fut promulguée une "Loi d'éducation" qui remplaça les écoles paroissiales par les écoles publiques.

    5. Tandis qu'en Angleterre et en Ecosse l'Etat n'intervenait nullement dans l’enseignement supérieur et moyen, en Irlande par contre il a organisé les universités. Cependant aucune législation n'a établi un système uniforme d'éducation élémentaire ni imposé l'obligation comme dans les autres parties du Royaume-Uni.

    6. Le système sur lequel reposent les principes de la pédagogie anglaise a pour but l'idée d'évolution. Continuant la philosophie empirique de John Locke et l'associationnisme de David Hume, l'école anglaise du 19ème siècle aboutit à un large naturalisme qui présente certains analogies avec les grands systèmes allemands.

    7. Les progrès remarquables et l'organisation pratique imprimée aux écoles de ce siècle sont dus à des circonstances diverses, à des hommes d'initiative et aux philosophes Stuart Mill, Herbert Spencer et Alexander Bain dont les ouvrages méritent d'être placés parmi les plus remarquables de la littérature pédagogique.

    II. Herbert Spencer

     * Titre VIII - L'éducation au 19ème siècle1. Né à Derby en 1820 et mort à Brighton en 1903, Herbert Spencer fut d'abord ingénieur puis se décida pour une carrière littéraire et philosophique. Ses idées concernant l'éducation ont été consignées dans l'ouvrage "De l'Education intellectuelle, morale et physique".

    2. Spencer est le représentant principal de la philosophie évolutionniste. Sa théorie de l'éducation se situe donc dans cette perspective. La science nous permet de prendre conscience du sens de l'évolution psychologique de l'humanité et de son organisation sociale. Comme Rousseau et Pestalozzi, Herbert Spencer défend l'idée que l'éducation doit se conformer à la marche naturelle de l'évolution mentale.

    3. Pour Spencer, le but de l'éducation est de préparer l'homme à la vie complète. C'est l'utilité qui fixe le choix et l'ordre des branches : la physiologie et l'hygiène, les mathématiques, la géométrie, la physique, la chimie, l'astronomie, la géologie et la biologie ; la physiologie et la psychologie ; l'histoire, les arts, la peinture et la musique. Les moments de loisirs doivent être réservés aux lettres et à l'éducation du goût qui s'acquiert par une longue initiation favorisant des aptitudes naturelles.

    4. Sur le plan méthodologique, Spencer conseille de procéder du simple au composé, de progresser de l'indéfini au défini, des notions vagues aux connaissances exactes, du concret à l'abstrait. Il souhaite également que les pédagogues accordent l'éducation de l'enfant avec celle de l'humanité, qu'ils procèdent de l'empirique au rationnel, qu'ils amènent l'enfant à exécuter des activités spontanées lui permettant de découvrir le plus possible par lui-même. Enfin, la matière doit toujours être présentée d'une manière attrayante.

    5. En ce qui concerne l'éducation intellectuelle, Spencer estime que toute notion vient des sens ; c'est pourquoi il préconise de renoncer à l'enseignement dogmatique pour faire appel à l'intelligence de l'enfant, de suivre le développement naturel de l'enfant et de multiplier les leçons de choses. Le savoir le plus utile est la science, mais Spencer vise moins l'accumulation des connaissances que le développement des facultés au contact des faits scientifiques. C'est pourquoi il préconise le développement de l'observation renonçant à l'étude de mémoire et à l'enseignement par règles.

    6. Dans le domaine moral, il suggère d'habituer les enfants à se gouverner eux-mêmes. Ce n'est pas par l'avalanche de conseils qu'on améliore l'enfant, mais c'est en lui faisant acquérir de bonnes habitudes. L'éducation physique prendra pour guide la nature. Spencer qui ne croit pas à la bonté morale de l'enfant, croit à son infaillibilité physique et laisse à la nature le soin de l'éducation corporelle. L'exercice corporel est nécessaire, mais il préfère le jeu libre à la gymnastique rigide et excessive qui enlève l'agrément et le bonheur.

    7. La formation du citoyen incombe principalement à l'enseignement historique. L'histoire est, non pas le récit des batailles, mais l'étude des phénomènes de progrès social.

    8. Spencer apparaît donc comme un théoricien de l'éducation. Il a senti les besoins d'une société de plus en plus souvent soumise aux sciences et aux techniques. On lui reproche d'être trop étroitement utilitaire, de négliger l'éducation du cœur, de la volonté et de l'imagination, ce qu'on ne peut nier. Mais il ne faut pas oublier qu'il écrit au moment où des préjugés tenaces - car ils n'ont pas encore disparu - s'opposent à l'admission des humanités modernes au sein de l'enseignement traditionnel.

    Par son prestige, Spencer a permis la vulgarisation d'idées déjà défendues par ses devanciers Locke et Rousseau.        

    Chapitre VIII : L'éducation des femmes

    I. Les défenseurs de l'éducation des femmes

    1. Sous la pression croissante des idées, la femme mieux comprise comme être intelligent et sensible, élevée pour l'importance du rôle qu'elle remplit dans la société, préparée pur une vie indépendante, reçut enfin un enseignement en rapport avec sa dignité et sa mission.

    2. Le 19ème siècle a été plus juste pour la femme que les siècles précédents. Il réclama pour la jeune fille une instruction qui lui permît de cultiver ses facultés, de s'assurer une existence indépendante et de mieux remplir ses devoirs envers la société. En tant que première institutrice de ses enfants, la femme devait être initiée aux moyens de remplir sa mission. En tant que femme de ménage, elle devait être initiée à l'éducation morale, à la science pratique de la dépense et de l'épargne. L'instruction primaire a été rendue obligatoire et gratuite. L'enseignement moyen a été organisé ; à côté des écoles privées se sont ouvertes des écoles officielles.

    3. L'enseignement professionnel initia la jeune fille aux travaux du ménage et à l'économie domestique.

    4. Dans plusieurs états, les jeunes filles eurent accès aux études supérieures.

    5. Madame Germaine de Stael (1766 - 1817), Madame Guizot, née Pauline de Meulan (1773 - 1827), Madame de Rémusat (1780 - 1821) et Madame Albertine Necker de Saussure (1766 - 1841) prouvèrent, par leurs œuvres remarquables, que la supériorité intellectuelle n'était pas le privilège de l'homme. Peu d'écrivains ont défendu la cause de l'instruction des femmes avec autant de zèle et d'éloquence que l'illustre évêque d'Orléans, Mgr Félix Dupanloup (1802 - 1878), qui s'inspira de Fénelon mais qui dépeignit avec plus de force les suites de l'ignorance pour la femme et la famille.

    II. Félix Dupanloup

     * Titre VIII - L'éducation au 19ème siècle1. Professeur à la Sorbonne, membre du Conseil supérieur de l'Instruction publique, évêque d'Orléans, élu à l'Académie française, député de l'Assemblée nationale et puis sénateur, Mgr Félix Dupanloup fut partout un orateur brillant, un défenseur de l'Eglise en matière d'enseignement, un propagateur de la haute éducation intellectuelle.

    2. Comme écrivain pédagogique, il a laissé "De l'Education", "De la haute Education intellectuelle", "La femme studieuse" et "Lettres sur l'éducation des filles et sur les Etudes qui conviennent dans le Monde". Dans ces deux derniers ouvrages, Mgr Dupanloup a mis en évidence la nécessité de l'instruction de la femme.

    3. La jeune fille doit s'instruire afin que le vide de l'intelligence ne soit pas cause d'erreurs et n'entraîne la ruine morale. Elle doit s'instruire afin qu'elle trouve plus tard en elle les moyens de résister et de s'élever, et que, mère, elle puisse inculquer à ses enfants la nécessité de s'instruire eux aussi et de cultiver leur esprit et leurs facultés. La femme doit s'élever pour que son action sur son environnement soit plus bienfaisante.

    4. Mgr Félix Dupanloup considère l'éducation comme étant l'oeuvre du maître et le travail de l'élève, culture de la part du premier et exercices de la part du second. L'éducation est surtout une action créatrice : elle doit former les facultés. L'instituteur doit posséder une autorité réelle qui lui donne le droit de tout en bannissant les punitions corporelles. Il doit être bon, affectueux et dévoué. Il doit multiplier les encouragements et respecter l'élève. De plus, il doit connaître parfaitement les sciences relatives à sa profession et avoir le talent de les communiquer.

    5. Mgr Dupanloup préfère le foyer domestique pour la première éducation car aucune influence ne peut suppléer l'action maternelle. Il recommande une éducation physique ni trop dure, ni trop molle ; une éducation intellectuelle visant "peu, mais bien" ; une éducation morale et religieuse éveillant la sensibilité et comportant l'amour du bien.

    6. Il distingue quatre moyens d'éducation nécessaires et inséparables : l'hygiène, l'instruction, la discipline, la religion. A tout âge, il faut respecter l'intelligence en ne donnant que ce qu'elle peut apprendre et comprendre ; il faut respecter la volonté car c'est par la liberté, et non la contrainte, que l'on amènera les enfants au travail.

    Chapitre IX : La Belgique au 19ème siècle

    I. Sous le régime français

    1. Les troubles politiques de la fin du 18ème siècle avaient empêché la réalisation des ordonnances impériales de Marie-Thérèse d'Autriche qui régna de 1740 à 1780. A la fin du 18ème siècle, notre population souffrait d'un analphabétisme presque général.

    2. L'occupation française (1797 - 1814) n'a guère été favorable à notre organisation scolaire. Les conditions d'existence étaient difficiles. Beaucoup de communes étaient sans ressources et laissaient leurs écoles à l'abandon. Des locaux de fortune, des granges et des ateliers servaient de refuge à des enfants placés sous la conduite de maîtres nullement préparés à exercer cette difficile profession.

    3. L'enseignement primaire était en souffrance : les maîtres n'avaient ni instruction, ni méthodes. L'enseignement n'existait qu'en apparence. En réalité, il était à peu près nul. Dans les grands centres industriels, l'utilisation d'une main-d'oeuvre à bon marché, les enfants, avait pour conséquence une fréquentation scolaire presque nulle.

    4. Sous le régime napoléonien, la Belgique, dont la destinée, était donc liée à celle de la France, profita de la loi de 1802 réorganisant l'enseignement primaire et secondaire, ainsi que de la loi de 1808 relative à la création de l'université.

    5. L'université, nationale, dirigée par un grand-maître, était subdivisée en académies. Une académie, dans ce système, était un ressort territorial dirigé par un recteur et un conseil académique. Chaque académie comprenait des facultés et écoles spéciales, des lycées remplaçant les écoles centrales dès 1802, des collèges ou écoles secondaires et, enfin, des écoles primaires. Il faut remarquer que les écoles normales n'existaient plus et que la formation des maîtres se faisait dans les classes normales dépendant des lycées et des écoles secondaires.

    6. Le régime napoléonien conduisit à l'établissement progressif d'un monopole d'Etat aboutissant en 1806 - 1808 à la création de l'Université Impériale. On assista donc à la mise en place d'une structure unitaire et centralisée des pouvoirs ; le gouvernement dirigeait l'enseignement et nommait les instituteurs ; l'Etat accordait des subventions à certaines écoles (la plupart étaient payantes) et choisissait les manuels.

    7. Ce fut aussi la fin de la liberté de l'enseignement : en consacrant la neutralité religieuse de l'école, l'Etat obligeait l'instituteur à préparer les enfants à l'exercice de toutes les vertus sociales et chrétiennes.

    II. Sous le régime hollandais

    1. La Belgique et la Hollande furent réunies de 1815 à 1830, au sein du royaume des Pays-Bas, dirigé par Guillaume 1er. Les écoles belges passèrent ainsi sous le régime de la loi hollandaise de 1806, basée sur des maximes peut-être sages mais dont l'application fut abusive en Belgique.

    2. L'enseignement primaire, public et privé était placé sous l'autorité et la surveillance de l'Etat. Le gouvernement s'occupait de la création et de l'inspection des écoles. Cependant les communes et les particuliers pouvaient, avec l'autorisation du gouvernement, ériger des établissements primaires.

    3. Afin d'assurer la composition d'un corps enseignant capable, le gouvernement créa en 1817 l'école normale de Lierre. L'inspection assurait l'exécution des règlements ; les instituteurs étaient soumis à des épreuves annuelles et des stages de perfectionnement étaient imposés aux maîtres ne donnant pas entière satisfaction.

    4. De plus, les sociétés d'instituteurs, les conférences et les bibliothèques propageaient les méthodes et les bons livres. Les écoles étaient ouvertes à tous les enfants jusqu'à l'âge de 14 ans mais la fréquentation n'était pas obligatoire.

    5. L'application en Belgique de cette législation hollandaise s'inspirait non seulement de la tradition républicaine française mais aussi de la tradition protestante. C'est pourquoi l'instruction publique régie par l'Etat se caractérisait aussi par son anticléricalisme. En 1824, des mesures furent prises contre les associations religieuses vouées à l'enseignement. En 1825, les écoles des congrégations qui s'étaient maintenues jusque-là furent supprimées. Depuis la même année, il fut interdit d'aller faire des études à l'étranger pour éviter notamment que les élèves n'aillent suivre l'enseignement dans les écoles catholiques françaises.

    6. Appelées salles d'asile, les premières écoles gardiennes apparurent timidement dans quelques grandes villes pour assurer la garde des enfants dont la mère travaillait à la suite de l'avènement du machinisme notamment.

    7. Les collèges communaux et les athénées devaient répandre le goût et les lumières dans toutes les classes de la société ; pour cela, des cours publics et gratuits furent annexés.

    8. Quant à l'enseignement supérieur, réorganisé, il comprenait pour la partie sud du Royaume des Pays-Bas, trois universités : Louvain, Liège et Gand renfermant chacune quatre facultés : philosophie, théologie, droit, médecine. Les cours devaient être donnés en latin à moins qu'il n'y eût impossibilité par la nature des branches. Pour les branches techniques, la Belgique avait alors des écoles du génie et des mines, des écoles d'hydrographie.

    9. Le gouvernement des Pays-Bas avait fait beaucoup pour l'amélioration morale et intellectuelle du peuple belge, mais il commettait de nombreux abus : il limitait les droits des communes et des particuliers ; il imposait la connaissance du hollandais à l'obtention de tous les postes, les livres choisis étaient presque tous protestants.

    A côté des efforts consentis en faveur d'un enseignement public et neutre, dont la qualité s'améliora incontestablement, il faut noter que l'autoritarisme de l'Etat amena des réactions en Belgique, tant dans les milieux catholiques que libéraux.

    Après la Révolution de 1830, le principe de la liberté totale de l'enseignement fut accepté et marqua un recul par le fait que le nouvel Etat abandonna une partie de ses prérogatives. 

    Lien URL avec le Titre IX : "L'éducation au 20ème siècle"

    Bibliographie partielle du Titre VIII

    Abato A. - L'enseignement secondaire des jeunes filles en Europe, Paris, 1934

    Burniaux J. - L'éducation  des filles - Paris, Editions universitaires, 1965

    Chevallier P., Grosperrin B. et Maillet J. - L'enseignement français de la révolution à nos jours - La Haye, Mouton, 1968

    Compayré Gabriel - Pestalozzi et l'éducation élémentaire - Paris, Delaplane, 1907

    Compayré Gabriel - Froebel et les jardins d'enfants - Paris, Delaplane, 1912

    Compayré Gabriel - Herbart et l'éducation par l'instruction - Paris, Delaplane, 1890

    Hazan E. - Condensés des écrivains pédagogiques - Paris, Nathan, 1956

    Kergomard Pauline - L'éducation maternelle dans les écoles - Paris, Nathan, 1938

    Legrand Fabienne G. - L'éducation physique aux 19ème et 20ème siècles - Tomes I & II - Paris, Colin, 1970

    Madame Destrée-Vander Molen - La méthode Froebel - Bruxelles, Lebègue et Cie, 1912

    Malche A. - Vie de Pestalozzi - Lauzanne, Payot, 1946    

    Meylan L. - Henri Pestalozzi - in "Les Grands pédagogues" (Jean Duchâteau) - Paris, P.U.F., 1972

    Meylan L. - Actualités de Pestalozzi - Paris, Scarabée, 1961

    Prost A. - Histoire de l'enseignement en France (1800 - 1967) - Paris, A. Colin, 1968

    Pinloche - Pestalozzi et l'éducation populaire moderne - Paris, Hachette, 1923

    Sluys Alexis - L'enseignement en Belgique sous le régime français - Bruxelles, P. Weissenbruck, 1898

    Sluys Alexis - L'instruction publique en Belgique sous le régime néerlandais (1815 - 1830) - Bruxelles, P. Weissenbruck, 1898

    Spencer Herbert - De l'éducation intellectuelle, morale et physique - 6ème édition, Paris, Alcan, 1885, 

    Ulmann - De la gymnastique aux sports modernes - Paris, P.U.F., 1975

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     


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