• * La deuxième période

    La deuxième période : la période pré-opératoire

     De l'intelligence symbolique ou pré-opératoire

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    1. La genèse des opérations concrètes

     La période de l'intelligence sensorimotrice se termine par un stade de transition entre l'intelligence sensorimotrice, sans langage, sans représentation, sans concepts, et l'intelligence représentative.

    Cette forme d'intelligence, qui ne peut s'organiser que directement sur les objets, domine encore mais l'image mentale apparaît dans la conduite différée, dans la recherche de l'objet après ses déplacements invisibles, dans l'invention de moyens nouveaux pour atteindre un but par combinaison mentale.

    Ce message à l'intelligence représentative, qui débute vers l'âge de 2 ans en moyenne, s'effectue par des transformations lentes et successives.

    Ce que l'enfant a acquis se conserve et continue à se développer mais se réélabore également sur le plan représentatif en repassant par les mêmes étapes.

    L'enfant reconstruit l'objet, l'espace, le temps, les catégories logiques de classes et de relations au plan de la représentation.

    Cette longue reconstruction s'étant de l'âge de 2 ans à l'âge de 11 - 12 ans environ.

    Cette réélaboration représentative s'opère en 2 étapes :

    • de 2 à 7 ans environ domine la représentation symbolique. L'enfant voit mentalement ce qu'il évoque. Son esprit est le siège d'images, représentants imagés des objets vus, des situations vécues. L'égocentrisme intellectuel est la forme dominante que prend la pensée de l'enfant au cours de cette étape.
    • de 7 à 11 - 12 ans, lorsque la réversibilité est acquise, les opérations de classification et de sériation s'élaborent. La conservation de la substance, du poids et du volume se constituent. C'est ainsi que l'enfant peut penser de façon plus mobile la réalité concrète. L'intelligence n'opère en effet que sur le concret, sans la possibilité d'envisager des hypothèses.

    2. La période pré-opératoire

    Vers l'âge de 2 ans, l'enfant entre donc dans une phase d'intelligence pré-opératoire que Piaget a subdivisée en un stade pré-conceptuel, de 2 à 4 ans environ, et un stade intuitif, de 4 à 7 ans environ.

    La période pré-opératoire débute avec l'apparition de la représentation symbolique qui consiste à élaborer en pensée des images à partir des objets vus, des mouvements du monde réel, des situations vécues, mais pas immédiatement présents aux sens.

    Cette période s'achève par la pensée intuitive don t les caractéristiques essentielles sont la concentration de l'enfant sur l'apparence des choses et l'absence de raisonnement logique.

    3. La représentation symbolique

    Avant le stade pré-opératoire, l'enfant ne pense pas encore de façon vraiment symbolique : il réagit à des stimuli concrets et actuels.

    L'enfant n'atteint le stade de la représentation symbolique que lorsqu'il pense à tel objet ou telle situation sans l'avoir vu ou entendu, lorsqu'il s'imagine un objet sans le voir.

    Dès l'instant où elle utilise des symboles pour représenter des objets, des lieux, des personnes, des situations, la pensée de l'enfant peut évoquer un objet absent, une situation actuelle se produisant ailleurs.

    Le développement symbolique trouve son origine dans l'imitation. La capacité évocatrice, c'est la fonction symbolique ou sémiotique. Quant aux moyens, ce sont le langage, l'imitation différée, l'image mentale, le dessin, le jeu symbolique.

    C'est par imitation différée que s'effectue le passage de l'intelligence sensorimotrice à l'intelligence représentative. L'imitation s'intériorise, les images s'élaborent et deviennent les substituts intériorisés des objets donnés à la perception. Le signifiant est alors dissocié du signifié et la pensée représentative s'élabore.

    Le représentation symbolique se différencie donc de l'intelligence sensorimotrice en étant plus profonde et plus souple ; elle n'est pas liée aux buts concrets de l'action ; elle permet à l'enfant d'étendre ses considérations au sujet de diverses propriétés (taille, quantité) au-delà de lui-même et des objets observés ou manipulés régulièrement.

    La représentation symbolique est finalement codifiée et socialisée en ce sens que l'enfant parvient à traduire ses pensées dans des formes communicables à d'autres personnes.

    Ainsi, l'imitation tout à fait intériorisée prend la forme d'une image mentale, d'une représentation symbolique qui fournit à la pensée un champ d'application illimité.

    4. La pensée intuitive

    Entre 2 et 5 ans environ, l'enfant acquiert le langage et construit un système d'images. Système de signes, le langage ne permet à l'enfant d'évoquer que des réalités particulières. Le mot n'a pas encore la valeur d'un concept. Il évoque une réalité particulière ou son correspondant imagé. L'enfant est enfermé dans la particularité ; il ne sait pas penser la généralité. L'égocentrisme intellectuel culmine au cours de cette première étape.

    La pensée de l'enfant est égocentrique dans la mesure où elle peut considérer que quelque chose ait une existence propre, indépendante de la vie même de l'enfant.

    La pensée essentiellement imagée se fonde sur un système de relations entre la chose et son correspondant imagé que le langage ne peut encore exprimer. Cette pensée peut s'observer dans le jeu symbolique où l'enfant transforme le réel au gré de ses besoins et désirs du moment.

    Cette pensée dominée par le symbolisme particulier, personnel et incommunicable, n'est donc pas une pensée socialisée.

    Adualisme (confusion entre le moi et le non-moi, entre le subjectif et l'objectif), magie, animisme (les corps seraient vivants, conscients), finalisme (tout objet a nécessairement une fonction ou une utilité) et artificialisme (tout est fabriqué ou se fabrique) sont autant de démarches qui déterminent le contenu de la pensée enfantine.

    Une évolution s'opère peu à peu entre 4 et 7 ans : l'enfant accède à plus de généralité. l'intuition, sorte d'action effectuée en pensée et vue mentalement, devient une pensée imagée plus raffinée car elle porte à présent sur des configurations d'ensemble plus larges et non plus sur de simples collections syncrétiques symbolisées par des exemplaires-types.

    Arrivé à une sorte de point de rupture avec la réversibilité logique, un renversement va s'opérer. Cette fois, l'image va être subordonnée aux opérations. C'est le renversement qui s'effectue par la mise en place des structures des opérations concrètes. 

    5. Le passage de l'intuition à l'opération

    L'enfant qui dénombre dix perles et découvre qu'elles sont toujours dix, même si on en change l'ordre, expérimente en réalité sur ses propres actions d'ordonner et de dénombrer, et non pas sur les perles qui lui servent d'instruments.

    Lorsqu'un examinateur lui présente deux boulettes identiques de pâte à modeler et qu'il en écrase l'une des deux, l'enfant de 5 à 6 ans nie que la quantité de pâte reste la même. Vers 7 - 8 ans, au contraire, l'enfant affirme que la substance est conservée et explique que l'étendue compense l'épaisseur.

    Lorsqu'on demande à l'enfant d'expliquer ce qui s'est passé, il répond soit qu'on n'a rien enlevé ni ajouté (= identité), soit qu'on peut redonner à la forme obtenue sa forme initiale (= réversibilité).

    On constate donc :

    • que la pensée se détache de la perception momentanée ;
    • qu'elle corrige l'intuition perceptive ;
    • qu'elle établit des relations objectives qui permettent aux notions de conservation et d'invariance d'apparaître.

    Le passage de l'intuition à l'opération comporte trois moments solidaires :

    A. L'abstraction réfléchissante

    Premier moment de ce passage, l'abstraction réfléchissante tire son information de l'action de l'enfant sur les objets.

    L'abstraction simple consiste à extraire, à partir des objets eux-mêmes, des propriétés de plus en plus générales.

    L'abstraction réfléchissante porte sur les actions que l'enfant exerce sur les objets afin de dégager certaines coordinations entre des actions comme réunir, sérier, ordonner.

    Lorsqu'un enfant effectue une sériation de hauteurs différentes, on dira qu'il y a abstraction simple lorsqu'il ne considère que les différences e hauteurs ; on dira qu'il y a abstraction réfléchissante lorsqu'il ordonne les hauteurs dans un ordre croissant ou décroissant pour composer une série qui comprend toutes les hauteurs-objets.

    L'élaboration mentale coordonne les actions en un système d'ensemble opérationnel.

    B. La coordination structurante

    Le deuxième moment du passage de l'intuition à l'opération résulte des coordinations précédentes.

    La coordination structurante vise effectivement à embrasser la totalité du système de relations et arrive à sa fermeture, de sorte que toutes les relations sont connues, prévisibles et reliées entre elles à l'intérieur d'un système logique clos.

    Ainsi, l'enfant qui insère un bâtonnet dans une série déjà constituée, prévoit, en fonction de la hauteur du premier et du dernier bâtonnet de la série, si le bâtonnet à intercaler doit être placé à l'intérieur de la série, devant le premier élément de la série ou après le dernier élément de la série. 

    C. L'assimilation autorégulatrice

    Le troisième moment intervient quand l'assimilation généralisatrice et intégrative se fait autorégulatrice.

    L'enfant devient capable d'anticiper "en pensée" le résultat des diverses organisations des éléments de la situation. S'il pense se tromper, il peut "revenir en arrière" - c'est la rétroaction - et imaginer, suite à une nouvelle organisation des éléments de réponse correcte.

    A partir des actions exécutées sur la plasticine, l'enfant parvient à tenir compte que des modifications (galette, saucisson, boule) pour les mettre en correspondance et élaborer un système où les actions se compensent et s'équilibrent. C'est la réversibilité.

    Synthèse

    Le stade de l'intelligence symbolique ou pré-opératoire - De 2 à 7 ans

    Il s'agit d'une période préparatoire : toutes les expériences présentent des conduites dont la dominante est leur aspect négatif par rapport aux conduites achevées ou en voie d'achèvement.

    • Absence de conservations.
    • Absence de réversibilité.

    C'est aussi une période d'épanouissement des structures déjà acquises.

    • Exaltation de la pensée symbolique, du jeu et de la fantaisie.

    De 2 à 7 ans : la pensée de l'enfant est dominée par la représentation imagée, de caractère symbolique.

    • La perception a joué un rôle prépondérant dans les deux premières années. Son rôle se maintient mais est pris en relais par la fonction symbolique ou sémiotique, capacité d'évoquer des objets ou situations non perçues actuellement, en se servant de signes ou de symboles (langage, imitation différée, image mentale, dessin, jeu symbolique).

    C'est par l'imitation différée que s'effectue le passage de l'intelligence sensorimotrice à l'intelligence représentative.

    La fonction symbolique permet l'élaboration de la représentation, de la pensée.

    L'enfant voit mentalement ce qu'il évoque : son esprit est le siège d'images, de tableaux particuliers qui sont les représentants imagés des objets vus et des situations vécues.

    L'égocentrisme intellectuel est la forme dominante que prend la pensée de l'enfant au cours de cette période.

    • Élargissement du champ d'activité.
    • L'enfant accède au langage (de 2 à 5 ans) et à la pensée imagée. La pensée non socialisée est dominée par le symbolisme. Elle est incommunicable.
    • Artificialisme.
    • Animisme.
    • Finalisme.
    • Réalisme intellectuel.

    De 5 à 7 ans : période intuitive.

    • L'enfant accède à plus de généralité. Sa pensée porte sur des configurations représentatives à ensembles plus larges.

    L'intuition est une sorte d'action effectuée en pensée et vue mentalement.

    L'intuition est une pensée imagée. Elle utilise le symbolisme représentatif.

     

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